1. Introduction :
Le déclenchement du travail est l’induction artificielle des contractions utérines avant leur survenue spontanée dans le but d’obtenir un accouchement par les voies naturelles chez une femme qui n’était pas jusque là en travail. (J.LANSAC).
Il est réalisé soit pour des indications maternelles et/ou fœtales afin de diminuer la morbidité et la mortalité périnatale (sans augmenter la morbidité maternelle), soit pour des raisons de convenance (à la demande de la patiente).
Dans toutes ces situations, l’évaluation des “conditions locales” ou autrement dit de l’ “état du col” est nécessaire, afin de décider quand et comment déclencher le travail.
La décision du déclenchement relève donc de la compétence de l’obstétricien.
La sage-femme peut participer uniquement au choix du mode de déclenchement.
2. Conditions du déclenchement :
La vérification de la date de début de grossesse est nécessaire.
Après informations claires, écrites ou orales, sur les indications, risques et modalités de déclenchement, il s’agit d’obtenir l’acceptation de la patiente.
Le pronostic pour un accouchement par voie basse doit être favorable.
L’équipe médicale (obstétricien, anesthésiste et pédiatre suivant les cas…) doit être disponible.
L’appréciation des caractéristiques physiques du col utérin par le toucher vaginal est primordiale pour déterminer les possibilités de déclenchement. Certains scores tels que celui de Bishop ou celui de Friedman peuvent être utilisés afin de décider de la nécessité d’une maturation cervicale avant le déclenchement.
Pour le score de Bishop, il s’agit de noter chaque item de 0 à 3 et d’en faire la somme par la suite ; plus le score est élevé, plus les conditions d’accouchement sont favorables.
La maturation est acquise si le score est supérieur à 6.
Le déclenchement sur col défavorable (score de Bishop inférieur à 3) est sujet à un nombre d’échecs important et aboutit à :
– un travail long,
– une augmentation du taux de césarienne (hypertonie, anomalies du RCF…),
– une augmentation du taux de complications maternelles et fœtales.
La consultation d’anesthésie doit être faite et le bilan biologique préopératoire vérifié.
Il faut vérifier l’absence de contre-indications materno-foetales et obstétricales.
Avant la mise en route du déclenchement : il faut s’assurer que le RCF est normal.
Le déclenchement artificiel du travail, quelle que soit la méthode, doit être réalisé à proximité d’un bloc opératoire (éventuelle césarienne).
Les conditions de déclenchement doivent respecter le protocole du service.
3. Indications du déclenchement artificiel du travail :
Il existe deux types de déclenchement artificiel du travail : le déclenchement d’indication médicale et le déclenchement d’opportunité ou de convenance. Quelles que soient les indications de déclenchement, il est nécessaire de respecter les protocoles du service.
1) Déclenchement d’indication médicale :
a) Fœtales :
– Dépassement de terme (> 41 SA) ;
– Diabète mal équilibré ;
– RCIU avec arrêt de croissance (après 34 SA) ;
– Cholestase gravidique sévère ;
– Isoimmunisation ;
– Grossesses gémellaires ;
– Pathologies fœtales nécessitant une prise en charge pédiatrique spécifique (hernie diaphragmatique).
b) Materno-fœtales :
– Prééclampsie sévère après 34 SA ou modérée après 37 SA ;
– Hématome rétroplacentaire (HRP) en cours, ou antécédent d’HRP (déclenchement après 37 SA) ;
– Rupture prématurée des membranes (RPM) après 34-35 SA, supérieure à 12 heures ;
– Antécédent d’accouchement rapide (inférieur à 2 heures) pour une patiente éloignée de la maternité.
c) Maternelles :
– Pathologie maternelle aggravée par la grossesse (ex : cardiopathie) ou nécessitant un traitement urgent incompatible avec la grossesse (ex : cancer).
2) Déclenchement d’opportunité ou de convenance :
Il s’agit du déclenchement artificiel du travail en l’absence de pathologie maternelle ou fœtale le justifiant.
Un déclenchement pour une indication non médicale ne peut être programmé que si la grossesse était normale, que les conditions locales sont satisfaisantes.
L’indication ne peut ressortir que d’une décision conjointe de l’accoucheur et de la femme.
Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), il ne peut être envisagé que si les conditions suivantes sont réunies :
– utérus non cicatriciel,
– à partir de 39 SA,
– col favorable : score de Bishop ≥ 7,
– accord de la patiente et information des modalités et des risques potentiels.
4. Contre-indications :
1) Absolues :
– Contre-indication à la voie basse : bassin chirurgical ou traumatique, obstacle prævia, disproportion fœtopelvienne, surdistension utérine, présentation transverse, grossesse triple (et plus) ;
– Antécédent de lésions périnéales sévères, prolapsus traité ;
– Utérus pluri-cicatriciel, ou unicicatriciel (corporéal, ou cause itérative) ;
– Conditions locales défavorables : nécessité d’une maturation cervicale avant le déclenchement ;
– Prostaglandines locales contre-indiquées en cas de RPM (risque infectieux) ;
– Contre-indications aux produits utilisés (antécédents connus d’hypersensibilité à ces produits).
2) Relatives :
– Utérus cicatriciel ;
– Grossesse gémellaire ;
– Présentation du siège ;
– Amniotomie interdite si présentation haute et mobile (risque de procidence du cordon) ;
– Prostaglandines locales : à utiliser avec prudence en cas de glaucome, d’asthme ou d’antécédents d’asthme, de troubles rénaux et/ou hépatiques graves.
5. Déclenchement si conditions cervicales favorables (Bishop > 6) :
1) Perfusion d’ocytociques et amniotomie :
– L’ocytocine de synthèse ou oxytocine (Syntocinon ®) est identique à l’ocytocine naturelle.
– En cas d’utilisation dans le cadre du déclenchement, l’amniotomie doit être réalisée dès que :
. contractions régulières utérines toutes les 3 à 4 minutes,
. col ouvert,
. présentation appliquée.
– Modalités de réalisation :
La dynamique utérine induite par une perfusion d’ocytociques étant généralement plus douloureuse, une anesthésie péridurale doit être volontiers proposée à la patiente.
– Exemple de protocole :
Perfusion intraveineuse de Syntocinon ® : 5 UI diluées dans 500 cm3 de sérum glucosé isotonique,
Débit réglé par une pompe péristaltique :
. Débit initial : 2,5 mUI/min (5 gttes/min) durant 20 minutes,
. Puis augmenter de 1 mUI (2 gttes) / 15 à 30 min jusqu’à l’obtention d’une contraction toutes les 3 minutes,
. Efficacité jugée sur l’effacement du col puis sa dilatation (1 cm/h).
2) Prostaglandines :
L’action ocytocique des prostaglandines peut être utilisée pour déclencher le travail lorsque le col est favorable.
– Dinoprostone :
. PREPIDIL INTRACERVICAL 0,5 mg ® : 0,5 mg dans le canal cervical ;
. PROPESS 10 mg ® : 10 mg dans le vagin ;
. PROSTINE E2 ® : gel à 1 ou 2 mg dans le cul de sac ;
– Misoprostol (CYTOTEC ®) (Pas d’AMM) : retiré du marché le 01/03/2018…
3) Antiprogestatifs :
Elles sont utilisées pour le déclenchement artificiel du travail sur fœtus mort ou interruption médicale de grossesse.
– RU 486 (mifépristone, MIFEGYNE cp 200 mg ® [B/3]).
6. Déclenchement si conditions cervicales défavorables :
1) Moyens mécaniques :
a) Bougies et laminaires : ne sont plus utilisées actuellement pour déclencher le travail à terme.
b) Décollement du pôle inférieur de l’œuf (ou décollement par balayage circulaire des membranes (stripping)) :
Cette méthode consiste à introduire un doigt au niveau du col et d’y effectuer une rotation afin de décoller les membranes du segment inférieur de l’utérus.
Le fait de décoller les membranes du col permet de stimuler le début du travail, donc de diminuer les risques de déclenchement. L’intervention peut toutefois se révéler douloureuse. Le décollement des membranes entraîne la libération des prostaglandines naturelles, lesquelles ramollissent le col et déclenchent les contractions utérines. La femme doit être informée de l’inconfort et des effets indésirables transitoires (faibles contractions et légers saignements). Procéder au décollement des membranes juste avant d’effectuer un déclenchement augmente les chances d’accouchement spontané, diminue le délai entre le déclenchement et l’accouchement.
La répétition du décollement des membranes sur plusieurs jours permet d’améliorer son efficacité.
Aucune hausse de la colonisation aux streptocoques de groupe B n’a été associée au décollement des membranes.
c) Rupture artificielle des membranes (amniotomie) :
L’amniotomie peut seule suffire à déclencher le travail. Actuellement, cette technique est associée à une perfusion d’ocytocine afin de potentialiser mutuellement leurs effets.
d) Sonde à ballonnet (sonde de Foley) :
C’est le seul moyen mécanique encore retenu par certains auteurs.
Elle entraîne un décollement des membranes, une dilatation du col par des pressions mécaniques et une libération des prostaglandines endogènes.
Pour provoquer la maturation cervicale (à un terme supérieur à 24 SA), on introduit une sonde de Foley numéro 18 stérile dans le canal intracervical jusqu’à ce qu’elle dépasse l’orifice interne et on gonfle ensuite le ballonnet au moyen de 30 à 60 ml d’eau.
On laisse alors la sonde en place jusqu’à ce qu’elle soit spontanément expulsée au cours des 24 heures suivantes. (elle tombera d’elle-même lorsque le col atteindra une dilatation d’environ 2 ou 3 cm).
Certains font en sorte d’exercer une légère traction sur la sonde en l’attachant à l’intérieur de la jambe avec un ruban adhésif ou réalisent une injection extra-amniotique d’une solution saline par la sonde.
Une contre-indication absolue à la sonde de Foley est l’insertion basse du placenta. Les contre-indications relatives sont le saignement ante-partum, la rupture des membranes et la cervicite.
Les complications sont essentiellement une RPM, une rupture sur utérus cicatriciel, les infections génitales.
Aucun essai randomisé n’a encore été consacré à l’usage de la sonde de Foley, spécifiquement dans le cas des parturientes avec un antécédent de césarienne.
Les études complémentaires sont nombreuses, elles confirment l’efficacité relative de la sonde de Foley dont l’intérêt principal semble résider dans son faible coût.
2) Moyens naturels :
Certaines méthodes naturelles, montrant une efficacité variable, peuvent également contribuer à faciliter le déclenchement du travail :
– Avoir des relations sexuelles et stimuler les mamelons ;
– Ostéopathie, acupuncture, homéopathie, physiothérapie et aromathérapie.
Leur utilisation entraîne des coûts et la preuve de leur efficacité n’a pas été clairement établie…
3) Moyens médicamenteux : les prostaglandines.
Ces substances ont une action ocytocique, mais aussi une action de maturation du col ; en effet, elles agissent sur la structure du tissu conjonctif et provoquent une modification du métabolisme des protéoglycanes, ce qui aboutit à un assouplissement du col.
Le temps séparant l’application des prostaglandines et l’administration d’ocytocine est de 6 heures.
Les produits utilisés :
a) Dinoprostone (PgE2) :
– PREPIDIL INTRACERVICAL 0,5 mg ® : 0,5 mg dans le canal cervical si le score de Bishop est ≤ 3. Nombre : jusqu’à deux applications (durée entre les deux : 12 h) ;
– PROPESS 10 mg ® : 10 mg dans le vagin sous forme d’un tampon dont l’ avantage est de suspendre son action pharmacologique lors du retrait ;
– PROSTINE E2 ® : gel à 1 ou 2 mg dans le cul de sac postérieur du vagin. Nombre : jusqu’à trois applications (durée entre deux applications : 6 h). La première application est en général de 1 mg pour les multipares et de 2 mg pour les primipares.
⇒ le col est modifié dans 70 % des cas dans les 5 heures qui suivent l’application du produit.
b) Misoprostol (PgE1) (CYTOTEC ®) (pas d’AMM) : retiré du marché le 01/03/2018…
7. Principes de surveillance d’un travail déclenché :
Quelle que soit la voie utilisée, la patiente est hospitalisée pendant la durée de la maturation.
30 minutes d’enregistrement cardio-tocographique sont nécessaires avant l’application des prostaglandines et une pose d’une voie veineuse peut être envisagée.
Il est impératif de surveiller la patiente (cardiotocographie) durant les deux heures qui suivent la mise en place des prostaglandines du fait des risques d’hypertonie ou d’hypercinésie utérine, puis de réaliser un monitorage fœtal intermittent jusqu’au début du travail.
Le score de Bishop sera réévalué régulièrement en fonction de la dynamique utérine et du ressenti de la patiente.
8. Conclusion :
Lorsque les conditions locales sont favorables, la perfusion de Syntocinon et la RAPDE représentent les méthodes de choix.
Lorsque les conditions sont défavorables, les prostaglandines par voie locale sont actuellement les plus utilisées.
► Dinoprostone (Uniq. Hospit.) (Ocytociques → Prostaglandines : Déclenchement du travail)
● Mécanisme d’action :
Par voie intracervicale, la dinoprostone induit une maturation cervicale chez des patientes présentant des conditions cervicales défavorables à une induction du travail par méthode standard. Son mode d’action n’est pas totalement élucidé. Toutefois, les études cliniques montrent que la dinoprostone entraîne des modifications hémodynamiques du tissu cervical, conduisant à sa maturation. La dinoprostone, de par l’action pharmacologique de la PGE2 sur le muscle lisse, peut induire des contractions utérines. Enfin, l’action pharmacologique de la dinoprostone peut également induire des vomissements et de la diarrhée.
Par voie intraveineuse, la dinoprostone, de par l’action de la prostaglandine E2 sur le muscle lisse, peut induire des contractions utérines. La prostaglandine E2 chez l’animal a des propriétés ocytociques telles qu’elle permet d’entraîner l’évacuation utérine. Son effet sur les muscles lisses du tractus intestinal pourrait être la cause des vomissements et des diarrhées observés lors de l’utilisation du produit.
● Cas d’usage :
Par voie intracervicale ou vaginale, la dinoprostone est utilisée dans la prise en charge de dilatations du col.
● Par voie intraveineuse, la dinoprostone est utilisée dans la prise en charge de :
– inductions du travail,
– interruptions thérapeutiques de grossesse,
– évacuations d’une môle hydatiforme,
– évacuations de l’utérus en cas d’avortement incomplet.
► Misoprostol (Utérotoniques → Prostaglandines : interruption de grossesse)
● Mécanisme d’action :
Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1.
En gynécologie, aux doses recommandées, le misoprostol entraîne des contractions des fibres musculaires lisses du myomètre et un relâchement du col utérin. Les propriétés utérotoniques du misoprostol devraient faciliter l’ouverture du col utérin et l’expulsion de débris intra-utérins.
Aux doses recommandées, le misoprostol ne devrait pas entraîner d’effet indésirable cardiaque, hépatique ou rénal.
● Cas d’usage :
Le misoprostol est utilisé dans la prise en charge de :
– ulcères gastriques ou duodénaux,
– lésions gastroduodénales induites par les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens),
– interruptions médicales de grossesses,
– interruptions chirurgicales de grossesse.
► Mifépristone (Interruption de grossesse → Antiprogestatif)
● Mécanisme d’action :
La mifépristone est un stéroïde de synthèse à action antiprogestative par compétition avec la progestérone au niveau de ses récepteurs.
A des doses allant de 3 à 10 mg/kg par voie orale, elle inhibe l’action de la progestérone endogène ou exogène chez différentes espèces animales (rat, souris, lapin). Cette action se manifeste par une interruption de la gestation chez le rongeur.
Chez la femme, à des doses supérieures ou égales à 1 mg/kg, la mifépristone antagonise les effets endométriaux et myométriaux de la progestérone.
Pendant la grossesse, elle sensibilise le myomètre aux contractions induites par les prostaglandines.
Au cours du premier trimestre, elle permet la dilatation et l’ouverture du col utérin. Des données cliniques ont démontré que la mifépristone facilite la dilatation cervicale mais on ne dispose pas de résultats à long terme indiquant que cet effet permet de réduire le taux de complications observées précocement ou tardivement dans le cadre du processus de dilatation.
● Cas d’usage :
La mifépristone est utilisée dans la prise en charge de :
– inductions du travail en cas de mort fœtale in utero,
– interruptions thérapeutiques de grossesse,
– préparations du col à l’interruption de grossesse.
PROSTAGLANDINES | ||
---|---|---|
DINOPROSTONE (Usage Hospitalier ++) | PREPIDIL INTRACERVICAL 0,5 mg ® | Gel intra-cerv Ser/2,5 ml |
PROPESS 10 mg ® | Système diffusion vaginale 5 Sach | |
PROSTINE E2 1 mg/3 g ® | Gel vaginal Ser préremplie/3 g | |
PROSTINE E2 2 mg/3 g ® | Gel vaginal Ser préremplie/2,5 ml | |
MISOPROSTOL | GYMISO 200 µg ® | Cp B/2 |
MISOONE 400 µg ® | Cp Plq PVC/Alu/1 | |
Arrêt de commercialisation (01/03/2018) |
|
| ||
ANTIPROGESTATIF | ||
---|---|---|
MIFEPRISTONE | MIFEGYNE 200 mg ® | Cp Plq/3 |