L’homme primitif ne s’est pas toujours rendu compte du lien entre le coït et la grossesse. Néanmoins, les efforts de l’humanité pour dissocier coït et procréation sont déjà anciens, et le catalogue des divers moyens contraceptifs utilisés, sinon testés, au cours de l’histoire est impressionnant, allant des formules magiques aux spermicides, en passant par le yoga, les recommandations posturales ou diététiques, diverses sortes de “barrières”…

Dans son introduction à l’histoire de La contraception, W.R. Robertson dit : “La contraception et la fertilité ont préoccupé l’humanité depuis ses débuts”. Ce sont les deux faces d’un même problème : d’une part les avantages de la fertilité et d’autre part les inconvénients d’une progéniture non désirée. 

Que ce soient les amulettes, la magie, les boissons mystérieuses, l’invocation des dieux, aucune arme n’est restée inutilisée pour avoir ou ne pas avoir d’enfants. Il faut aussi bien réaliser que la fonction réelle de l’acte sexuel dans la reproduction est restée longtemps méconnue.

Ce n’est qu’après avoir compris que le sperme était nécessaire qu’on a pu disposer de certains éléments pour influencer la fertilité dans un sens positif ou négatif.

A partir de ce moment-là, la grossesse a pu être évitée en remplissant le vagin par des objets les plus divers. 

En ancienne Egypte, on utilisait à cette fin des excréments de crocodiles.

Les reproductions d’Egypte nous montrent que la parité pouvait y être raisonnablement contrôlée : les femmes ne sont jamais accompagnées que de quelques enfants. On sait aussi que Cléopatre devait avoir une méthode contraceptive relativement efficace ; elle n’accoucha que de 4 enfants. Peut être a-t-elle fait usage du conseil d’Aristote dans son Historia animalium : recouvrir le col d’huile de cèdre, d’une pommade contenant du plomb ou d’une gomme arabique aromatique imbibée d’huile d’olive.

Les Grecs devaient certainement discuter de médecine et de ses relations avec la grossesse. La richesse de la généalogie de la mythologie grecque offre à cet égard suffisamment de références.

Le médecin Soranus marque le début d’une nouvelle période importante en faisant nettement la distinction entre la contraception et l’avortement qui est parfois nécessaire lorsque la mère est réellement en danger. Ses méthodes contraceptives post-coïtales sont basées sur des mouvements corporels brusques. Avant le coït, il préconise l’application d’huile ou de miel sur le col avec de la résine de cèdre ou d’un mélange d’huile de myrte et de cire avec ou sans sels de plomb. Il donne la préférence à un pessaire de laine rempli d’écorces de pin, de vin, de fruits de grenade pulvérisés, de noix de galle, de pulpe de figues et de carbonate de soude.

Hippocrate a également traité de contraception. C’est lui qui a fait clairement allusion au coït interrompu. 

Partant de la constatation que les femmes obèses sont souvent infertiles, il en arrive à conseiller la prise de poids comme méthode contraceptive.

Le Moyen Âge ne fait guère progresser les connaissances sur la grossesse. On utilise toujours les méthodes de Soranus.

C’est surtout Rhazes qui insiste sur le fait que pour éviter la grossesse, il faut bloquer l’entrée de l’utérus. 

Pour cela, il préconise des substances telles que des sels, des feuilles de bouleau… Il faut remarquer qu’il conseille également l’utilisation de membranes animales qui peuvent faire office de préservatif vaginal.

Avicenne (980-1037) résume dans son canon monumental toutes les méthodes connues jusqu’alors, y compris la méthode qui n’est que rarement préconisée et qui consiste à appliquer avant le coït de l’huile douce sur le pénis.

Le silence relatif qui prévaut durant et après le Moyen Âge sur le chapitre “contraception” est en grande partie influencé par l’attitude du clergé. Durant ces siècles, certaines modifications sociales se produisent.

Parmi celles-ci, la modification de l’image de la femme : elle perd son statut d’objet exclusivement de plaisir.

Une série de découvertes anatomiques balisent la route des découvertes des méthodes contraceptives d’aujourd’hui. La constatation la plus importante est la description par Antoni van Leeuwenhoek de l’existence dans le sperme de “petits animaux”. Reinier de Graaf découvre le follicule chez la femme, Rudolph von Koelleker démontre que les spermatozoïdes proviennent des testicules et Carl Ernst von Baert démontre la présence d’ovules chez les mammifères.   

Mais nous sommes déjà en 1827 ! La contraception n’a guère fait de progrès jusqu’à cette époque.

On dit de Casanova (1725-1798) qu’il fut le premier à découvrir le “diaphragme”. Il utilisa un demi-citron qu’il introduisit dans le vagin contre le col.

Le moyen était très efficace : il combinait une barrière mécanique à un acide hautement spermicide.

Le mouvement de l’économiste britannique Thomas Robert Malthus est le plus connu. Son livre “An Essay on the Principle of Population” en 1798 plaide pour la nécessité de réprimer la croissance de la population. Sur le plan politique, ses vues ont eu de grandes conséquences.

Son point de vue, ainsi que celui de beaucoup d’autres, montrait la nécessité de juguler le nombre d’enfants (il prévoyait que la population de l’espèce humaine dépasserait un jour sa capacité à se nourrir).

Cependant les méthodes pour y parvenir restaient aussi peu utiles qu’auparavant.

Outre les problèmes de la surpopulation, la prise de conscience de la femme a également joué un grand rôle dans le besoin d’une contraception.

Les méthodes contraceptives dont on dispose à ce moment-là sont le préservatif et l’amélioration de l’obturation cervicale, le diaphragme. Cela ne veut cependant pas dire que ces moyens sont à la disposition de chacune !

L’avortement, en plus des moyens décrits ci-dessus, est aussi pratiqué au fil des siècles comme méthode pour limiter les naissances. On préconise de multiples techniques : elles vont de la potion inoffensive à des interventions relativement lourdes sur le vagin et le col. Plusieurs d’entre elles, parmi lesquelles les secousses occupaient la première place, ont persisté jusqu’à nos jours.

Depuis des temps immémoriaux, on appliquait également le coït interrompu comme méthode contraceptive.

Que la nature dispose d’un certain nombre de substances naturelles qui exercent une influence sur la descendance n’est pas tellement étrange.

On sait qu’en Australie lorsque les moutons mangent un type de trèfle particulier, le nombre d’agneaux diminue de la norme habituelle (80 %) à 10 %.

En Chine, les ouvriers masculins qui travaillent dans les champs de coton ont une fertilité inférieure à la normale.

Ce n’est qu’à partir du moment où l’évolution hormonale du cycle fut plus ou moins connue que l’on a pu appliquer de nouvelles méthodes. Les premières méthodes alors utilisées ont été basées sur l’évitement du coït pendant la période fertile.

A ce même moment germa l’idée qu’une intervention sur “le grand jeu des hormones” pourrait également offrir des possibilités pour réguler la fertilité. Bien avant 1930, des groupes de chercheurs sont parvenus à obtenir un état anovulatoire chez le lapin. 

L’histoire moderne de la contraception est étroitement liée aux grandes découvertes chimiques. Un progrès majeur fut accompli lorsqu’on découvrit la structure chimique stéroïdienne des différentes hormones de la procréation. Cette découverte ainsi que la compréhension de l’équilibre dans lequel se trouve le système endocrine de par l’existence de boucles de “rétrocontrôle” a mené à la découverte de méthodes hormonales efficaces pour influencer la conception de manière positive et négative. On a d’abord utilisé la progestérone comme hormone contraceptive mais on a rapidement recherché des mimétiques hormonaux qui agissaient de façon plus spécifique et qui ne partageaient pas certains inconvénients des hormones originales.

C’est surtout aux Etats-Unis que les études ont été réalisées.

On s’accorde pour reconnaître à Gregory Pincus, chercheur au Worcester Foundation for Experimental Biology (Massachusetts) et consultant des laboratoires Searl, le mérite d’avoir proposé l’utilisation des progestatifs à des fins contraceptives. 

Le composé choisi fut le noréthynodrel, premier progestatif synthétique pour lequel un brevet avait été déposé, par les Laboratoires Searl en 1953. Les essais furent entrepris à partir de 1955. Le noréthynodrel était prescrit durant 21 jours à la dose de 10 mg.

L’efficacité sur l’inhibition de l’ovulation fut spectaculaire. Bientôt, on découvrit la présence d’un contaminant de nature estrogénique, le mestranol, dans une proportion d’environ 1,5 % du produit administré. Les tentatives pour purifier le progestatif s’étant soldées par un moins bon contrôle du cycle et par quelques grossesses, il fut donc décidé de réintroduire le “contaminant” à la dose de 150 µg par comprimé : la première pilule “combinée” était née. Elle fut mise sur le marché américain en 1960, sous le nom d’Enovid ®.

Les années suivantes furent marquées par la mise au point de diverses autres combinaisons estroprogestatives. D’une part avec de nouveaux estrogènes, essentiellement l’éthinylestradiol, dont le mestranol est un précurseur. D’autre part avec de nouveaux progestatifs, dérivés de la noréthistérone ou de la progestérone.  

Breveté en 1964, le norgestrel fut le premier progestatif entièrement obtenu par chimie de synthèse.

Dès 1961, des cas de thrombose étaient signalés. Ces alertes, ainsi que les inquiétudes largement médiatisées sur les risques “à long terme” de produits naturellement destinés à une prescription durable, devaient susciter la mise en route de quelques grandes études épidémiologiques prospectives, celles du Royal College of General Practitioners et de l’Oxford Family Planning Association au Royaume Uni, et celle de Walnut Creek aux USA.

A partir de 1970, furent publiés d’une part l’analyse des notifications spontanées transmises aux grandes administrations sanitaires, d’autre part les premiers résultats des études prospectives. A ce moment, le bilan global que l’on faisait des risques et bénéfices des anticonceptionnels oraux était à peu près le suivant :

– Les pilules estroprogestatives sont un moyen de contraception extrêmement efficace : à la condition d’une observance correcte, l’efficacité contraceptive est quasiment de 100 %.

– Il n’y a aucune certitude sur le risque cancérigène, et les modèles animaux (chienne Beagle !…) ne sont pas fiables.

– Le risque cardio-vasculaire est augmenté chez les utilisatrices :

. phlébite, embolie pulmonaire ou cérébrale,

. infarctus du myocarde,

. hémorragie cérébrale,

. hypertension artérielle.

– Les pilules anticonceptionnelles peuvent provoquer des effets secondaires moins graves, mais plus fréquents et parfois plus gênants :

. effets cutanés : chloasma, hyperpilosité, acné, séborrhée…,

. effets neuropsychiatriques : céphalées, migraines, dépression, modification de la libido…,

. sensation de tension des seins.

A partir de ce moment, l’effort de la recherche clinique devait se faire dans trois directions principales :

– études des mécanismes pouvant expliquer les complications de la contraception orale,

– poursuite des investigations épidémiologiques, avec essai de quantification et identification des utilisatrices à risque,

– mise au point de produits contraceptifs mieux tolérés mais conservant la même efficacité anticonceptionnelle.

Au début, tous les contraceptifs oraux étaient donc fortement dosés. Quasi tous les mécanismes possibles à visée contraceptive ont été mis à profit mais l’influence métabolique sur l’organisme féminin n’était tout de même pas acceptable à long terme. La première réaction a consisté simplement à diminuer les doses jusqu’à ce que l’on remarque que certains effets étaient plutôt liés à la substance elle-même qu’à la quantité administrée. 

Ceci a mené au développement d’une nouvelle génération de substances progestatives comme composant de la pilule.

En approfondissant les recherches, on a développé des substances de 3ème génération. C’est ainsi que la substance active d’un certain nombre de contraceptifs hormonaux modernes est le désogestrel, un produit chimique provenant d’une substance naturelle. Il va de soi que cette approche amena l’apparition de produits plus spécifiques. C’est ainsi que le désogestrel se caractérise par une activité fortement progestative avec très peu d’action androgénique; d’autre part, les effets sur les paramètres métaboliques sont minimes. 

A côté de cela, le développement des préparations injectables a continué son chemin.

On abandonne de plus en plus les anciennes substances au profit des nouvelles et même de nouvelles voies d’administration. Le développement d’un anneau vaginal qui délivre p. ex. du désogestrel et d’un implant biologiquement dégradable en sont des exemples.

L’abstinence périodique semble être devenue obsolète.

Le stérilet s’est fait une place comme méthode contraceptive dans une très grande partie du monde.

La forme a été sujette à beaucoup plus de discussions que le dispositif lui-même comme p. ex. au cuivre. Un des modèles les plus connus est le Multiload, un DIU contenant du cuivre, qui se prête facilement à des variations anatomiques.

Les méthodes qui se basent sur une barrière mécanique temporaire entre le sperme et l’ovule, qu’elles soient ou non combinées à des crèmes spermicides se sont peu modifiées.

Le préservatif, initialement considéré comme moyen fiable, a acquis une place de choix sous l’influence des IST qui se sont répandues.

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