1. Définition :

L’avortement spontané est l’expulsion, avant terme, d’un fœtus non viable.

Il survient de lui-même en dehors de toute tentative volontaire, locale ou générale.

La période pendant laquelle on peut avorter va de la fécondation à la viabilité (28 SA).

Il existe 2 types d’avortements spontanés :

– avortements précoces : survenant au 1er trimestre (jusqu’à 12 SA),

– avortements tardifs : c’est l’expulsion d’un fœtus au 2ème trimestre (entre 12 et 28 SA).

La maladie abortive désigne 3 avortements consécutifs au moins, sans grossesse à terme intercalée.

NB : Les avortements spontanés tardifs doivent faire rechercher une cause même s’ils ne se répètent pas.

Nb : l’OMS définit désormais l’avortement comme l’expulsion hors de l’organisme maternel d’un embryon de moins de 500 g et de moins de 22 SA (ceci est valable uniquement pour les pays développés) :

– avortement précoce : avant 12 SA.

– avortement tardif : entre 12 et 22 SA.

* Cas particulier des avortements à répétition (appelés aussi maladie abortive) :

On parle de maladie abortive quand il s’agit de 3 avortements spontanés successifs survenant au premier trimestre de la grossesse et avant 24 SA, sans grossesse intercalaire menée à terme.

(Sources : ASRM : American Society for Reproductive Medicine et ESHRE : European Society of Human Reproduction and Embryology).

L’incidence est d’environ 1 à 2 % des couples fertiles. 

Les étiologies sont multiples, cependant dans 50 % des cas, aucune cause n’est retrouvée.

Le bilan étiologique doit être d’emblée exhaustif +++.

2. Fréquence :

Elle est difficile à apprécier, notamment en raison de l’existence d’avortements infracliniques.

Le taux apparent global des avortements et de 100 à 150/1.000 grossesses.

3. Etiologies :

1) Causes ovulaires :

– Aberrations chromosomiques : leur fréquence est d’autant plus élevée que l’avortement est plus précoce, pouvant atteindre 70 % des cas avant la 6ème semaine.

Elles sont dans la grande majorité des cas dues à une anomalie de la méiose, sans risque de récidive, mais cependant favorisées par l’âge maternel (avancé) et le vieillissement des gamètes (asynchronisme entre ovulation et fécondation).

On distingue 2 types d’anomalie :

. anomalies de nombre : les plus fréquentes (96 %) : le plus souvent accidentelles ; sont en cause : trisomies (13, 16, 21…), triploïdie, monosomie X, tétraploïdie…

. anomalies de structure : plus rares (4 %) : translocations, chromosomes en anneau, mosaïques.

Le caryotype parental s’impose si l’œuf est porteur d’une anomalie chromosomique de structure ; si 2 avortements successifs sont porteurs du même type d’anomalie.

– malformations fœtales,

– anomalies funiculaires : insertion vélamenteuse, artère ombilicale unique, agénésie,

– hématome décidual basal : lié à des accidents vasculaires locaux,

– rupture prématurée des membranes,

– défaut d’implantation (grossesse interstitielle ou prævia).

2) Causes maternelles :

a) Locales :

– malformations utérines (hypoplasie, unicorne, bicorne, cloisonné),

– fibromes sous-muqueux, responsables d'”effet stérilet”,

– BCI (congénitale ou traumatique),

– synéchies utérines,

– rétroversions utérines fixées.

b) Générales :

Toute maladie maternelle grave peut-être cause d’avortement :

– HTA sévère, cardiopathie, allo-immunisation rhésus grave, anémie, insuffisance rénale,

– maladies de la coagulation (dosage ATIII),

– dénutrition sévère, avitaminose, néoplasie profonde, maladie psychique…

– infections :

. maladies fébriles maternelles : toute fièvre maternelle peut-être cause d’avortement, les tissus embryonnaires non thermorégulés étant très sensibles à l’hyperthermie,

. infections ovulaires : de nombreux agents infectieux sont susceptibles de provoquer un avortement spontané, soit par voie locale (vagin, endomètre), soit par voie hématogène.

La relation de cause à effet est souvent difficile à mettre en évidence.

Elle sera suspectée devant un syndrome grippal, des adénopathies, une éruption cutanée, une infection urinaire, une vulvovaginite, et confirmée par les prélèvements bactériologiques, les sérodiagnostics, l’étude cytobactériologique avec mise en culture du produit d’expulsion (organes, placenta, cordon).

Agent en cause :

= bactériens : Listeria monocytogenes, Chlamydia trachomatis (avortements à répétition), mycoplasma hominis, ureaplasma, tréponème, germes banals (E. coli, streptocoque, staphylocoque),

= viraux : rubéole, CMV, parvovirus B19, grippe, herpès, varicelle, rougeole,

= parasitaires : toxoplasmose, paludisme.

– causes endocriniennes : il est classique de rechercher des perturbations hormonales chez une femme qui présente des avortements spontanés à répétition :

. insuffisance lutéale : intéressant les avortements spontanés du 1er trimestre, elle est secondaire à une insuffisance primitive du corps jaune : sécrétion insuffisante de progestérone et d’estradiol malgré un œuf normal avec sécrétion adéquate d’hCG. Sont en cause toutes perturbations à l’origine d’une dysovulation :

= sécrétion insuffisante de FSH, pic LH déficient +++,

= SOPK (une hypersécrétion de LH en phase folliculaire s’accompagne d’un taux important d’infertilité et d’avortements ; le taux élevé de LH entrainerait une maturation prématurée de l’ovocyte avec reprise de la première division méiotique avant l’ovulation, l’ovocyte aura vieilli avant la fécondation),

= hyperandrogénie (surrénale ou ovarienne),

= hyperprolactinémie,

= dysthyroïdie (hypothyroïdie ++),

= cause iatrogène, tumorale,

. insuffisance ovarienne (périménopause) : l’altération de la réserve ovarienne est une cause pouvant expliquer un certain nombre de pertes fœtales, y compris répétées, en particulier chez les patientes les plus âgées. L’évaluation ovarienne doit faire partie du bilan.

. autres endocrinopathies : souvent intriqués avec l’insuffisance lutéale :

= hypothyroïdie (dosage T3, T4, TSH) ⇒ opothérapie substitutive,

= hyperandrogénie (dosage testostérone, D4-A, SDHA) ⇒ freinateurs : dexaméthasone 0,5 mg, un comprimé le soir.

= diabète : cause diversement appréciée, on en effectuera la recherche, surtout en cas d’avortement tardif.

– causes immunologiques : évoquées devant la répétition des avortements précoces sans étiologie évidente :

. incompatibilité FM : la grossesse peut être considérée comme une greffe semi-allogénique, dont la tolérance s’explique par la reconnaissance maternelle des antigènes trophoblastiques ⇒ production de facteurs de tolérance, spécifiques des antigènes paternels ou non spécifiques.

Ces facteurs de tolérance mal connus  sont nécessaires à la survie de la grossesse.

Le traitement, après bilan immunologique, est en cours d’évaluation et repose sur l’immunothérapie (désensibilisation de la mère aux lymphocytes du mari).

. maladies auto-immunes : LED, SAPL, autres maladies auto-immunes.

Le bilan comporte la recherche d’anticorps antiphospholipides, d’anticorps anti-DNA, un bilan de thrombophilie.

Le traitement basé sur la corticothérapie est également en cours d’évaluation.

– autres causes :

. traumatiques : cause rare et contestée,

. conditions socio-économiques, tabagisme, 

. prise de certains toxiques (cocaïne, alcool),

. conflits psychologiques.

3) Cause masculine :

– Fragmentation de l’ADN spermatique.

– La présence d’agglutinats au spermogramme serait une source d’avortements aussi bien précoces que tardifs à répétition…

4) Enfin les causes inexpliquées :

Elles représentent encore 20 % des cas.

Etiologie des avortements précoces à répétition :

Facteurs CausauxDescription

Causes génétiques

(héritées des parents ou spontanées…)

– Anomalies chromosomiques dans l’embryon (duplications, délétions, translocations).

– Mutations génétiques, par exemple :

. Mutation du gène MTHFR (méthylène-tétrahydrofolate réductase) : ce gène code une enzyme impliquée dans le métabolisme de l’acide folique. Les mutations de ce gène peuvent altérer la fonction de l’enzyme et affecter le métabolisme de l’acide folique, ce qui a été associé à un risque accru d’avortements répétés.

. Mutations des gènes de la coagulation sanguine (thrombophilie héréditaire) : certaines mutations génétiques peuvent affecter les gènes impliqués dans la coagulation sanguine, tels que les mutations du facteur V Leiden, du facteur II (prothrombine) ou du facteur XIII. Ces mutations peuvent augmenter le risque de thromboses et de complications obstétricales, y compris des avortements à répétition.

Causes hormonales

– Faible taux de progestérone : la progestérone joue un rôle essentiel dans le maintien d’une grossesse. Un déficit en progestérone peut entraîner un défaut de développement de la muqueuse utérine, rendant difficile l’implantation et la survie de l’embryon.

– Déséquilibre hormonal : un déséquilibre hormonal tel qu’un excès d’androgènes ou un dysfonctionnement de la thyroïde peuvent entraîner des fausses couches récurrentes.

Causes mécaniques (utérines)

– Fibromes sous-muqueux (“effet stérilet”).

– Polypes utérins.

– Synéchies.

– Malformations utérines.

Causes infectieuses

– Infections sexuellement transmissibles : telles que la chlamydiose et la gonorrhée, mais aussi les infections à mycoplasmes pouvant provoquer une inflammation chronique de l’utérus et des trompes.

Causes immunologiques *

– Incompatibilité immunologique entre la mère et le fœtus (rejet allo-immun) : dans certains cas, le système immunitaire de la femme peut réagir contre l’embryon, le considérant comme un corps étranger et déclenchant une réponse immunitaire excessive. Cela peut entraîner des lésions au niveau du placenta ou des membranes fœtales, compromettant la croissance et le développement de l’embryon, et pouvant conduire à des fausses couches récurrentes.

– Syndrome des antiphospholipides (SAPL) : il s’agit d’un trouble auto-immun dans lequel le système immunitaire produit des anticorps (appelés anticorps antiphospholipides) qui peuvent provoquer la formation de caillots sanguins, entraînant une mauvaise circulation sanguine vers l’utérus et augmentant le risque de fausses couches (on l’appelle également : thrombophilie acquise).

– Autres troubles auto-immuns :

. Hypothyroïdie auto-immune, thyroïdite de Hashimoto : le système immunitaire attaque la thyroïde et l’empêche souvent de produire des quantités suffisantes d’hormones thyroïdiennes. Ces hormones sont liées au cycle ovarien et à l’implantation de l’embryon.

. La maladie cœliaque : une maladie auto-immune dont les symptômes les plus courants sont des douleurs musculo-squelettiques chroniques, des maux de tête et une fatigue physique et mentale.

– Réponse inflammatoire dans l’utérus : une réponse inflammatoire chronique dans l’utérus peut entraîner des dommages au niveau de l’endomètre, perturbant l’implantation de l’embryon et augmentant le risque de fausses couches.

Causes générales

– Diabète.

– Hypertension.

Causes liées au mode de vie

– Tabagisme.

– Consommation excessive d’alcool.

– Usage de drogues illicites (cocaïne, héroïne ou la marijuana).

– Obésité (probablement en raison de déséquilibres hormonaux et de problèmes vasculaires).

– Mauvaise alimentation (une alimentation déséquilibrée et une carence en certains nutriments essentiels).

Age maternel avancé– Risque accru de fausses couches après 35 ans (cela est principalement dû à la qualité réduite des ovules et à une plus grande probabilité d’anomalies chromosomiques).
Cause paternelle (sperme)

– Fragmentation de l’ADN.

– Présence d’agglutinats (+++) dans le sperme.

* Il convient de noter que les causes immunologiques sont complexes et peuvent nécessiter des évaluations approfondies par des spécialistes en immunologie ou en médecine de la reproduction.

Des tests spécifiques, tels que les tests d’anticorps antiphospholipides, peuvent être nécessaires pour le diagnostic.

Le traitement des facteurs immunologiques peut inclure l’utilisation d’agents immunomodulateurs ou d’anticoagulants pour améliorer les chances de maintenir une grossesse.

Etiologie des avortements tardifs :

– causes mécaniques : malformations utérines, fibromes surtout sous-muqueux, hypoplasie utérine, BCI,

– mort fœtale par malformation : d’origine chromosomique, infectieuse ou inconnue,

– causes infectieuses,

. primitives : listériose, autres septicémies,

. secondaires à la RPM,

– causes immunologiques : les syndromes lupiques et apparentés, dont la nosologie est encore floue (ils nécessitent la prise en charge par un interniste),

– maladies générales.

Causes des avortements spontanés

avortements spontanés
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Recherche étiologique des ABRTS à répétition :

• Bilan infectieux

• Bilan anatomique : utérus, trompes, endomètre

• Bilan hormonal

• Bilan auto-immunité : SAPL, thrombophilie

• Bilan spermatique : spermogramme (agglutinats), fragmentation de l’ADN

• Recherche d’anomalies chromosomiques parentales

• Bilan général : diabète, thyroïde

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