1. Définition – généralités :
Les estroprogestatifs associent un estrogène et un progestatif de synthèse.
1) Estrogène :
Il s’agit le plus souvent d’un estrogène de synthèse, l’éthinylestradiol (EE), dérivé artificiel de l’estradiol, principal estrogène sécrété par l’ovaire auquel un radical éthinyl a été ajouté.
– L’éthinylestradiol confère au produit un effet estrogénique puissant permettant au stéroïde d’échapper à la dégradation digestive au prix d’une surcharge hépatique, le foie scindant le radical éthinyl de l’estradiol proprement dit qui est ensuite dégradé par cet organe par hydroxylation, comme l’hormone naturelle. Le point essentiel est l’induction enzymatique importante créée par cette transformation biochimique source d’effets secondaires doses dépendants : synthèse de triglycérides, de facteurs de coagulation, d’angiotensinogène, de protéines de liaison des stéroïdes hépatiques (SHBG : sex-hormone binding globulin, TBG : thyroxine binding globulin, CBG : cortisol binding globulin).
Les doses d’éthinylestradiol utilisées vont de 40 à 15 μg/jour avec des effets secondaires diminués mais non abolis par les doses plus faibles.
– De nouveaux contraceptifs utilisant des estrogènes naturels, le valérate d’estradiol (Qlaira ®), le 17β-estradiol (Zoely ®) ou l’estetrol (E4) sont commercialisés.
Le valérate d’estradiol est une forme estérifiée de l’estradiol naturel.
L’estetrol (E4) est un estrogène naturel synthétisé par le foie du fœtus pendant la grossesse.
Il faut tenir compte des effets de ces différentes molécules sur le métabolisme du cholestérol, des glucides, mais aussi sur les facteurs thromboemboliques.
2) Progestatifs de synthèse :
Ils appartiennent à deux grandes familles :
– Les dérivés de la testostérone, norgonane à 19 atomes de carbone (ex. le lévonorgestrel) et norestrane à 18 atomes de carbone (ex. la noréthistérone), ou les dérivés de la progestérone et de la 17-alpha-hydroxyprogesterone, prégnane (ex. acétate de chlormadinone) ;
– Les dérivés du norgestrel : désogestrel, norgestimate ou gestodène. Ces derniers stéroïdes sont plus fortement antigonadotropes, pouvant être utilisés à doses plus faibles, ce qui contribue à la diminution de la dose totale de stéroïde et accroît la tolérance métabolique ;
– enfin, un nouveau progestatif, apparenté à la spironolactone (antialdostérone), la drospirénone, est proposé dans trois spécialités. La drospirénone est dérivée de la 17-alpha-spironolactone.
Il y a de nouveaux progestatifs qui n’en sont pas :
– La norelgestromine comprise dans le patch contraceptif est un précurseur (comme le norgestimate) du norgestrel et est donc androgénique.
– L’étonorgestrel (implant ou anneau contraceptif) est un métabolite dérivé du désogestrel très peu androgénique obtenu à partir du norgestrel (qui, lui, est androgénique).
Il est encore moins androgénique que le désogestrel et par la même potentiellement intéressant.
– Le diénogest est un nouveau progestatif très antigonadotrope (le plus puissant actuellement), le dienogest qui permet d’utiliser pour la première fois un sel d’estradiol puisque l’effet contraceptif est obtenu par le progestatif.
– Les dérivés non norstéroïdes prégnanes : acétate de chlormadinone, acétate de cyprotérone.
2. Différents modes d’administration :
1) Estroprogestatifs par voie orale (pilule) : Cf chapitre spécial
2) Estroprogestatifs par voie percutanée (patchs) : Cf chapitre spécial
3) Estroprogestatifs par voie vaginale (anneaux) : Cf chapitre spécial
3. Mode d’action des estroprogestatifs :
Les estroprogestatifs, qu’ils soient pris par voie orale, percutanée ou vaginale, agissent à trois niveaux :
– sur l’axe hypothalamo-hypophysaire en bloquant la libération des gonadotrophines hypophysaires. Ils suppriment le pic de LH d’où l’absence d’ovulation. C’est le rôle essentiel du progestatif et on admet que 50 μg d’EE bloquent également le pic ovulatoire de LH. En dessous, c’est le rôle de l’association (et principalement du progestatif) qui assure l’efficacité ;
– action locale :
. les estrogènes associés aux progestatifs entraînent une atrophie de l’endomètre, le rendant impropre à la nidation,
. et modifient la glaire cervicale qui devient épaisse empêchant l’ascension des spermatozoïdes.
Au total, trois niveaux d’action : un central, l’axe hypothalamo-hypophysaire ; deux locaux, la muqueuse utérine et la glaire cervicale.
4. Efficacité :
L’efficacité des pilules est bonne (IP = 0,15 à 0,45 %).
Les patchs ou anneaux vaginaux ont le même mode d’action que les estroprogestatifs per os et leur efficacité est équivalente (IP = 0,72 pour le patch et 0,6 pour l’anneau vaginal).
On peut penser qu’en pratique les taux de grossesse seront plus faibles du fait du moindre risque d’oubli, en particulier avec l’anneau qui se change toutes les 3 semaines. Le fait qu’ils comportent un progestatif de 3ème génération, ainsi que leur non remboursement par l’Assurance maladie, n’en fait pas une contraception de première intention.
5. Avantages :
Ils sont souvent passés sous silence pourtant ils sont réels ; il s’agit de :
– la correction des anomalies menstruelles (dysménorrhée),
– la diminution de l’incidence des ménorragies et des infections utéro-annexielles (2 fois moins),
– la diminution des interventions pour kyste de l’ovaire, bien que des kystes fonctionnels puissent se voir sous estroprogestatifs faiblement dosés en estrogènes,
– la baisse des interventions pour pathologie bénigne du sein (4 fois moins),
– la protection contre le risque des cancers de l’ovaire, de l’endomètre, colorectal (2 fois moins) ; mais en revanche au prix d’une majoration du risque de cancer du col de l’utérus,
– la baisse des GEU de 90 %,
– le maintien de la densité osseuse,
– il y a peut-être une diminution du risque de fibrome,
– enfin, il faut souligner l’avantage incontestable d’une médecine préventive liée aux examens gynécologiques fréquents auxquels se soumettent les femmes sous contraceptifs.
Au total, les femmes qui utilisent les EP auraient même sur le long terme une baisse de la mortalité par rapport aux non utilisatrices.
6. Inconvénients :
Dans les EP, les estrogènes sont responsables de la plupart des effets secondaires, mais les progestatifs aussi peuvent être responsables de certains troubles.
Ces effets secondaires sont multiples, mais peu fréquents (5 %), surtout observés avec les composés fortement dosés.
1) Troubles métaboliques :
Les troubles métaboliques comportent :
– les troubles de la glycorégulation avec hyperinsulinisme et mauvaise tolérance aux hydrates de carbone responsables d’une tendance à l’hyperglycémie : les estrogènes, mais aussi les progestatifs, peuvent être en cause ;
– l’augmentation des triglycérides et du cholestérol est liée à l’effet hépatique de l’éthinylestradiol. Il est dose-dépendant et patiente-dépendant.
En l’absence de tabagisme, le rôle athérogène des estroprogestatifs avec les dosages actuels semble minime s’il existe et semble être l’exclusivité de sujets génétiquement à risque : familles d’hypercholestérolémiques ou d’hyperlipidémies mixtes, diabétiques ;
– une hypercoagulabilité : augmentation de l’adhésivité et de l’agrégabilite des plaquettes, augmentation de la synthèse hépatique de certains facteurs de la coagulation (facteurs II, VII, IX, X) et diminution de l’antithrombine III, entraînant un risque accru d’accidents thromboemboliques.
Le risque absolu de maladie thromboembolique veineuse est cependant faible. Chez la femme en bonne santé sans autre facteur de risque, ce risque est d’environ 0,02 % par an avec les estroprogestatifs de 2ème génération contenant moins de 50 μg d’éthinylestradiol ; avec les 3ème ou 4ème générations, il est de 0,04 % par an (soit quatre accidents au lieu de deux par an pour 10.000 utilisatrices). Le risque thromboembolique veineux lié aux estroprogestatifs est maximal dans les 12 premiers mois. Il diminue avec la durée de la contraception, mais le surrisque lié aux 3ème et 4ème générations par rapport aux 1ère et 2ème générations persiste.
● Les progestatifs utilisés en contraception ont tous un rôle antigonadotrope permettant de maintenir la sécurité contraceptive. Mais en fonction de la molécule utilisée, leur comportement est différent sur :
– le plan métabolique : diminution du HDL-cholestérol pour les norgonanes, peu ou pas de modifications pour les dérivés de la 17-alpha-hydroxyprogesterone ou les norprégnanes, intolérance au glucose accrue par les dérivés norgonanes et à un moindre degré les dérivés de la 17-alpha-hydroxyprogesterone ;
– les effets sur la coagulation (diminution de la fibrinolyse avec les composés norgonanes).
Aucune étude ne démontre une baisse du risque thromboembolique veineux par l’utilisation des pilules estroprogestatives minidosées les plus récentes. Les progestatifs de 3ème génération doublent le risque de thrombose veineuse profonde et ceux de 4ème génération (drospirénone) le multiplient par 1,5 à 2. Il faut donc en première prescription proposer les estroprogestatifs minidosés comportant un progestatif de deuxième génération : éthinylestradiol 20 μg + lévonorgestrel ou noréthistérone.
La rétention hydrosodée avec augmentation de l’angiotensinogène (impact hépatique) et de la rénine induit un risque d’HTA chez des sujets prédisposés et contribue à la prise de poids. C’est l’intérêt du nouveau progestatif, la drospirénone apparentée à un antialdostérone, de limiter ces deux effets et de diminuer la prise de poids, mais aussi le développement intempestif mais rare de la pilosité. Cependant, la drospirénone apparentée à un diurétique expose à un risque d’hyperkaliémie et des interactions médicamenteuses supplémentaires.
L’augmentation des acides biliaires multiplie le risque de lithiase par deux ; la prudence s’impose donc chez les femmes qui ont une lithiase biliaire ou ont eu une cholestase ou un prurit pendant la grossesse.
2) Incidents mineurs :
Les incidents mineurs sont possibles en cas de :
– surcharge en estrogènes : nausées, vomissements, troubles de l’humeur (instabilité, énervement), céphalées, tension mammaire, sécrétion cervicale abondante, candidose ;
– surcharge en progestatifs : état dépressif, céphalées à l’arrêt du traitement, chloasma, sécheresse vaginale, lourdeur des jambes, métrorragies par atrophie de l’endomètre ;
– des manifestations de type androgénique avec acné, séborrhée, hypertrichose sont possibles mais rares.
3) Accidents graves mais rares :
Les accidents graves, mais rares, doivent être connus :
– les accidents vasculaires cérébraux : un AVC pour 24.000 utilisatrices pendant un an. Ce risque est diminué par l’utilisation des pilules à faible taux d’estrogènes et augmenté par l’existence d’une HTA.
Le tabagisme et l’âge se potentialisent pour faire augmenter les accidents vasculaires tout à fait exceptionnels avant 35 ou 40 ans. La prise de pilule associée à une consommation de 15 cigarettes/jour multiplie le risque par 21 ;
– le risque d’infarctus du myocarde n’est également augmenté que chez les fumeuses (> 15 cigarettes/jour). Le risque relatif est alors de 4,2 soit un cas sur 1.000 fumeuses. C’est ce risque cardiaque et vasculaire qui fait contre-indiquer la prescription ou la poursuite des estroprogestatifs au-delà de 35 ans chez la patiente fumeuse ;
– l’apparition de tumeurs hépatiques (hépatomes, hamartomes, hémangiomes) a été décrite pour les femmes prenant un estroprogestatif notamment séquentiel (retiré du marché). Il ne faut donc pas négliger une douleur hépatique chez une femme sous estroprogestatifs. Il faut rappeler la grande fréquence des hémangiomes rendant l’imputabilité difficile.
4) Problèmes carcinologiques :
La prise d’une contraception orale est associée à une diminution de 50 % des cancers de l’ovaire, du côlon et de l’endomètre si cette contraception comporte un progestatif ; cet effet protecteur se prolonge après l’arrêt si la contraception a été prise pendant plus de 10 ans.
a) Cancer de l’endomètre :
C’est le cancer le plus hormonodépendant de la sphère génitale. Le rôle des estrogènes dans la genèse de ce cancer est manifeste.
Les pilules combinées, en raison de la présence constante du progestatif, ne s’accompagnent que d’une faible prolifération endométriale.
De nombreuses études ont confirmé l’effet protecteur des EP combinés sur le cancer de l’endomètre.
b) Cancer du col :
Le cancer du col n’est pas hormonodépendant.
Les EP modifient l’aspect du col ; au niveau des frottis, on retrouve des atypies cellulaires pouvant évoquer une dysplasie.
Le cancer du col ayant une origine multifactorielle, il est impossible de connaître le rôle exact des EP dans la genèse de celui-ci.
La principale difficulté des études épidémiologiques consacrées aux relations entre la contraception orale et l’incidence du cancer du col est l’existence d’un biais du à l’augmentation du dépistage chez les femmes qui recourent à cette contraception.
D’une façon générale, la fréquence du cancer du col n’a pas augmenté depuis l’avènement de la pilule.
Toutefois, la surveillance régulière imposée par la contraception orale permet le dépistage et le traitement précoce du cancer du col.
c) Cancer de l’ovaire :
Deux hypothèses :
– celle du traumatisme ovulatoire répété sur la surface de l’ovaire (⇒ la grossesse ou la prise d’EP protègent contre le risque, de même qu’une ménopause précoce, alors qu’une ménopause tardive accroît le risque),
– l’excès de gonadotrophines semble être en relation avec le développement de tumeurs ovariennes.
⇒ les femmes sous contraception orale bénéficient d’une protection certaine.
d) Cancer du sein :
Les relations entre estrogènes et cancer du sein ont été démontrées par la mise en évidence de récepteurs hormonaux dans les tissus néoplasiques du sein.
Toutefois, il semble que le risque de cancer du sein ne soit pas modifié par l’utilisation des contraceptifs oraux.
7. Les estroprogestatifs faiblement dosés ont-ils moins d’effets secondaires ?
Les nouvelles pilules faiblement dosées en estrogènes font appel à des progestatifs dits de 3ème ou de 4ème génération.
Il s’agit en fait de dérivés 19-norgonane comme les autres, mais soit dépourvu d’effets androgéniques (désogestrel), soit donnés à très faibles doses car il s’agit de molécules très antigonadotropes. Ils autorisent l’emploi de doses très faibles d’éthinylestradiol associé au gestodène, norgestimate ou dienogest. Leurs effets métaboliques semblent négligeables au moins chez les sujets dépourvus de facteurs de risque.
La coagulation est peu modifiée (élévation du fibrinogène et du plasminogène) avec diminution minime de l’antithrombine III et augmentation de la fibrinolyse. Cependant, en octobre 1996, des accidents thromboemboliques ont été signalés, liés peut-être à la prescription chez des femmes à risque. Il faut donc toujours respecter les contre-indications classiques car elles peuvent être l’occasion de décès (6/million d’utilisatrices). Chez les femmes à risque, s’il n’est pas possible de prescrire un autre moyen contraceptif, il vaut mieux prescrire une pilule peu dosée en estrogènes (15 à 30 μg) associée à un progestatif de 2ème génération.