La thérapie ciblée est l’une des nouvelles armes qui viennent rejoindre les traitements traditionnels (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, mastectomie ou tumorectomie) utilisés dans l’arsenal de traitements spécifiquement conçus pour lutter contre le cancer du sein.
Ces médicaments bloquent des mécanismes spécifiques propres à certaines cellules cancéreuses.
Ces thérapies s’affirment comme le fer de lance de la recherche dans le domaine de la lutte contre le cancer, dans une volonté d’avancer vers des traitements de plus en plus spécifiques et d’obtenir, in fine, des thérapies plus efficaces et moins agressives.
Elles vont être choisis en fonction du type de cancer, en ciblant des molécules spécifiques présentes à la surface ou à l’intérieur des cellules cancéreuses.
En ciblant spécifiquement l’une de ces molécules, on peut interrompre le développement tumoral tout en limitant les effets néfastes du traitement.
Elles peuvent être utilisées en combinaison avec les autres traitements.
1. Définition des thérapies ciblées :
Les thérapies ciblées sont des traitements médicamenteux destinés à détruire spécifiquement les cellules cancéreuses.
En cela, elles s’opposent à la chimiothérapie, traitement de référence en cas de cancer du sein, qui s’attaque à toutes les cellules de l’organisme, saines ou cancéreuses, et provoque, de fait, d’importants effets secondaires.
Les thérapies ciblées reposent sur le principe que les cellules cancéreuses disposent de spécificités, d’anomalies et de caractéristiques propres. Ainsi, les thérapies ciblées cherchent, comme leur nom l’indique, à cibler ces spécificités afin de limiter leur action aux cellules cancéreuses, sans nuire aux cellules saines.
2. Efficacité des thérapies ciblées :
Les thérapies ciblées ont déjà fait leurs preuves et démontré leur efficacité pour stopper ou ralentir la progression de la maladie sur un grand nombre de cancers, y compris métastatique.
Aujourd’hui, la difficulté de mise en œuvre de ces traitements réside davantage dans leur coût d’exécution, plus élevé que celui des thérapies traditionnelles, du fait de leur aspect personnalisé.
L’identification des gènes spécifiques des tumeurs à cibler est actuellement le point noir des thérapies ciblées. Les analyses induites pour déterminer si une thérapie ciblée est indiquée s’avèrent en effet onéreuses, sans offrir l’assurance de trouver des cibles et, de fait, de pouvoir mettre en œuvre un tel traitement.
Ce domaine, encore nouveau, est néanmoins en constante évolution, ce qui laisse espérer des perspectives prometteuses et la généralisation progressive d’une médecine oncologique personnalisée.
Si, aujourd’hui, seule une dizaine de molécules est prescrite dans le cadre de thérapies ciblées, des centaines de traitements sont en cours de développement, au rythme des découvertes de nouveaux gènes à cibler pour entraver le développement des cancers.
Avec ces avancées scientifiques, on peut entrevoir un avenir radieux pour la lutte contre le cancer, avec la démocratisation de traitements sur-mesure élaborés au regard de l’identité génétique de chaque cancer du sein.
Des thérapies plus efficaces, mais aussi moins lourdes, permettant aux femmes atteintes de cancers du sein d’éviter les traitements superflus et de conserver une meilleure qualité de vie pendant et après la maladie.
3. Classes médicamenteuses :
1) Inhibiteurs de l’HER2 :
Les traitements anti HER2 ne peuvent être donnés qu’aux femmes ayant un cancer du sein qui expriment un grand nombre de récepteurs HER2 à la surface des cellules tumorales.
Ces cancers sont nommés HER2 positif ou HER2 surexprimé ou HER2 amplifié.
Ils représentent 15 à 20 % des cancers du sein.
C’est l’examen anatomopathologique de la biopsie ou de la pièce opératoire qui permet de déterminer cette caractéristique.
Les inhibiteurs de l’HER2, tels que le trastuzumab et le pertuzumab, sont des anticorps monoclonaux qui se fixent spécifiquement à l’HER2, bloquant ainsi son action.
Ces médicaments peuvent être utilisés en association avec la chimiothérapie ou après la chirurgie pour réduire le risque de récidive.
a) Trastuzumab :
Le trastuzumab (Herceptin ®) est le chef de file ; c’est un anticorps monoclonal qui se fixe spécifiquement sur les récepteurs HER2 présents à la surface des cellules cancéreuses, ce qui bloque leur croissance et stimule le système immunitaire à les attaquer.
Ce médicament a permis un progrès majeur en augmentant considérablement le taux de guérison des cancers qui présentent ce récepteur HER2.
Il est administré par perfusion IV de 90 minutes pour la première injection puis en perfusion de 30 minutes chaque semaine ou toutes les 3 semaines.
– En cas de cancer non métastatique : il est démarré quasi systématiquement en association avec la chimiothérapie, que celle-ci ait lieu avant ou après la chirurgie ; il est poursuivi même après l’arrêt de la chimiothérapie, pour une durée totale d’un an.
– En cas de cancer du sein HER2 positif métastatique : il est utilisé au long cours.
b) Pertuzumab :
Le pertuzumab (Perjeta ®) est, comme le trastuzumab, un anticorps dirigé spécifiquement contre les récepteurs HER2.
Il cible lui aussi les récepteurs HER2, généralement utilisé en combinaison avec le trastuzumab pour traiter les cancers du sein HER2-positifs métastatiques ou localement avancés.
c) Trastuzumab-emtansine :
Le trastuzumab-emtansine T-DM1 (Kadcyla ®) est un traitement associant un anticorps anti-HER2 trastuzumab à une chimiothérapie, l’emtansine.
Le trastuzumab agit comme une clé qui permet l’entrée de la chimiothérapie dans la cellule tumorale.
Il est utilisé après chirurgie chez les patientes ayant un cancer du sein HER2 surexprimé n’ayant pas répondu à une chimiothérapie pré-opératoire associée au trastuzumab.
Il est également utilisé, en deuxième intention, chez les patientes ayant un cancer du sein métastatique, HER2 surexprimé.
2) Inhibiteurs des protéines kinases :
Ou inhibiteurs des Kinases Cycline Dépendantes 4/6 (CDK4/6).
Ces médicaments viennent se fixer à l’intérieur des cellules cancéreuses pour enrayer la division cellulaire et limiter leur prolifération.
Nb : Les protéines kinases sont des protéines impliquées dans la croissance cellulaire.
Les inhibiteurs de kinase cycline-dépendante ont pris une place très importante dans le traitement des cancers du sein hormono-dépendants et HER2-négatif à un stade métastatique ou avancé.
a) Evérolimus (Afinitor ®) : chef de file.
L’évérolimus agit en se fixant sur des enzymes, les kinases cycline-dépendante 4/6, à l’intérieur de la cellule tumorale pour bloquer un des mécanismes de la division cellulaire.
Ce traitement, qui se présente sous forme de comprimés, peut être utilisé en association avec certaines hormonothérapies pour prendre en charge des cancers du sein métastatiques avec des récepteurs hormonaux positifs.
b) Lapatinib (Tyverb ®) :
Le lapatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase qui cible à la fois les récepteurs HER2 et EGFR (récepteur du facteur de croissance épidermique).
Il est utilisé en cas de cancer du sein métastatique, HER2 surexprimé, en cas d’arrêt de l’efficacité du trastuzumab, pertuzumab et du T-DM1.
Il est généralement utilisé en combinaison avec la chimiothérapie.
c) Palbociclib (Ibrance ®) :
Le palbociclib est un autre inhibiteur de la kinase qui bloque les protéines cyclines dépendantes des kinases (CDK) 4 et 6, qui sont impliquées dans la régulation du cycle cellulaire.
C’est le traitement utilisé de façon habituelle, en association avec les traitements antihormonaux, dans le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique, sensible aux récepteurs hormonaux (RH+) et HER2-négatif.
d) Ribociclib (Kisqali ®) :
Il est également indiqué dans le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique sensible aux récepteurs hormonaux (RH+) et HER2-négatif, en association avec les traitements antihormonaux.
3) Antiangiogéniques :
Ces médicaments arrêtent la croissance du cancer du sein en agissant sur le VEGF (vascular endothelial growth factor) : il s’agit du facteur de croissance responsable de la formation et du développement des vaisseaux sanguins.
Privée d’un apport sanguin en nutriment et en oxygène, la tumeur ne peut plus proliférer et sa croissance est ralentie.
a) Bévacizumab (Avastin ®) :
Il fait partie de la famille des anticorps monoclonaux.
Il a été conçu pour s’attacher au facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF), une protéine qui circule dans le sang et qui favorise la croissance des vaisseaux sanguins.
En se liant au VEGF, Avastin ® l’empêche de produire cet effet.
Par conséquent, les cellules cancéreuses ne peuvent développer leur propre alimentation sanguine et sont privées d’oxygène et de nutriments, ce qui favorise le ralentissement de la croissance des tumeurs.
Le bévacizumab est utilisé pour certains cancers du sein métastatiques, en association avec des médicaments de chimiothérapie. Il est administré par perfusion intraveineuse.
Il ne doit pas être administré à moins de 28 jours d’une chirurgie, car il retarde la cicatrisation.
b) Sacituzumab govitecan (Trodelvy ®) :
Il s’agit d’un anticorps monoclonal conjugué à une chimiothérapie qui a reçu un avis favorable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique triple négatif.
4) Inhibiteurs de PARP :
Ces médicaments ciblent les cellules cancéreuses qui ont des mutations dans les gènes BRCA1 ou BRCA2 ; ces gènes sont impliqués dans la réparation de l’ADN endommagé.
Les inhibiteurs de PARP, tels que le talazoparib (Talzenna ®) ou l’olaparib, inhibent l’action de l’enzyme PARP, qui est essentielle à la réparation de l’ADN.
En bloquant cette voie de réparation, les cellules cancéreuses qui ont des mutations dans les gènes BRCA1 ou BRCA2 ne peuvent pas survivre et meurent.
Ces médicaments sont utilisés chez les patients atteints de cancers du sein métastatiques ou récurrents avec des mutations BRCA1 ou BRCA2.
Au total : ils sont indiqués en monothérapie pour le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique HER2 négatif et présentant des mutations BRCA1/2, en seconde ligne après une anthracycline et/ou un taxane au stade (néo)adjuvant, localement avancé ou métastatique.
4. Mécanisme d’action :
Les thérapies ciblées bloquent des mécanismes spécifiques des cellules cancéreuses.
La chimiothérapie agit sur toutes les cellules qui se multiplient rapidement, comme les cellules tumorales et certaines cellules saines du corps (cheveux, ongles, muqueuses…). La thérapie ciblée vise, elle, les cellules cancéreuses qui expriment une anomalie (ou une caractéristique spécifique à celles-ci) ou plus fréquemment retrouvée que dans les cellules saines.
Le traitement est plus ciblé sur la tumeur, son efficacité est donc plus importante, avec moins de risque d’effets secondaires.
Après stabilisation ou réduction d’un cancer du sein métastatique par chimiothérapie, un traitement ciblé guidé par la génomique multiplie par trois la médiane de survie sans progression comparativement à la chimiothérapie (9,1 mois contre 2,8 mois). Lorsque le ciblage est moins sûr, la médiane de survie reste tout de même multipliée par deux.
Des perfusions pendant au moins 1 an.
Les thérapies ciblées sont utilisées seules, après une radiothérapie, ou en association avec une chimiothérapie.
Le traitement est administré par perfusion d’environ 30 minutes, selon un rythme variable (1 fois par semaine à 1 fois toutes les 3 semaines).
A noter : le traitement est généralement maintenu pendant un an.
5. Effets secondaires :
Même si les thérapies ciblées sont réputées provoquer des effets secondaires moins importants que la chimiothérapie, elles demeurent, pour l’heure, des traitements agressifs susceptibles d’occasionner divers troubles.
Les inhibiteurs de l’HER2 : Trastuzumab (Herceptin ®) peuvent provoquer des troubles cardiaques, notamment quand ils sont associés à certaines chimiothérapies. Un suivi régulier du cœur est préconisé tous les 3 mois pendant le traitement, et jusqu’à 5 ans après son arrêt. Ce médicament peut aussi être responsable de réactions allergiques.
L’évérolimus (Afinitor ®) provoque des effets secondaires plus variés allant des stomatites et troubles digestifs aux éruptions cutanées, en passant par une fatigue généralisée, perte d’appétit et nausées.
Le lapatinib (Tyverb ®) peut avoir des effets indésirables cardiaques et hépatiques. Il peut être aussi responsable d’un rash cutané (rougeur importante) appelé le syndrome main-pied et d’éruptions de boutons d’acné. C’est le seul disponible en ville.
Les antiangiogéniques : Bévacizumab (Avastin ®) engendrent souvent des troubles de la cicatrisation et de la coagulation, bloquent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et augmentent la tension artérielle.
D’autres médicaments intervenant dans des thérapies ciblées peuvent occasionner divers effets indésirables, variant selon les caractéristiques des cellules cancéreuses ciblées.
Il faut cependant noter que certains de ces traitements ne causent aucun effet secondaire, et que les troubles hématologiques, infections et anémies, fréquemment associés aux chimiothérapies, sont rares.
6. Conclusion :
Les thérapies ciblées dans le cancer du sein sont des traitements spécifiques qui visent à attaquer les cellules cancéreuses de manière plus précise que les traitements conventionnels tels que la chimiothérapie.
Ces thérapies exploitent les caractéristiques uniques des cellules cancéreuses pour les détruire tout en minimisant les dommages aux cellules saines.
Les thérapies ciblées dans le cancer du sein représentent une avancée majeure dans le domaine de l’oncologie.
Elles offrent de nouvelles options de traitement plus précises et mieux tolérées, ce qui améliore les chances de guérison et la qualité de vie des patients atteints de cette maladie.
Ces thérapies ciblées sont souvent utilisées en combinaison avec d’autres traitements, tels que la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, pour maximiser les chances de guérison et réduire le risque de récidive.
Quelle est la différence entre les thérapies ciblées et l'immunothérapie dans le cancer du sein ?
Les thérapies ciblées et l’immunothérapie sont deux approches innovantes dans le traitement du cancer du sein, bien qu’elles se basent sur des mécanismes différents, elles ont un objectif commun : améliorer l’efficacité thérapeutique tout en réduisant les effets secondaires associés à la chimiothérapie traditionnelle.
♦ Les thérapies ciblées sont des médicaments qui ciblent des anomalies spécifiques dans les cellules cancéreuses, comme des mutations génétiques ou des protéines spécifiques surexprimées sur la surface des cellules cancéreuses qui favorisent la croissance tumorale.
Dans le cancer du sein, certains exemples de thérapies ciblées incluent les inhibiteurs de l’HER2 (comme le trastuzumab), qui ciblent spécifiquement les tumeurs surexprimant la protéine HER2, et les inhibiteurs de CDK4/6, qui interfèrent avec le cycle cellulaire des cellules cancéreuses.
Ces médicaments peuvent être utilisés seuls ou en combinaison avec d’autres traitements, tels que la chimiothérapie.
♦ L’immunothérapie, en revanche, vise à renforcer la capacité du système immunitaire à reconnaître et à éliminer les cellules cancéreuses.
Elle n’agit pas directement sur les cellules cancéreuses comme les thérapies ciblées.
Le système immunitaire a la capacité naturelle de reconnaître et d’éliminer les cellules cancéreuses, mais parfois il peut échouer dans cette tâche.
L’immunothérapie aide à renforcer la réponse immunitaire en utilisant des médicaments appelés immunomodulateurs.
Ces médicaments stimulent le système immunitaire pour qu’il cible spécifiquement les cellules cancéreuses.
Par exemple, les inhibiteurs des points de contrôle immunitaires sont des immunothérapies couramment utilisées dans le cancer du sein ; ils bloquent les protéines qui inhibent la réponse immunitaire, permettant ainsi aux cellules immunitaires d’attaquer les cellules cancéreuses de manière plus efficace.
Dans le cancer du sein, les immunothérapies les plus étudiées sont les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire, tels que les anticorps anti-PD-1 et anti-PD-L1, qui libèrent les freins du système immunitaire, permettant ainsi aux lymphocytes T de mieux cibler et détruire les cellules cancéreuses.
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Il convient de noter que les thérapies ciblées et l’immunothérapie sont considérées comme des classes thérapeutiques distinctes en raison de leurs mécanismes d’action uniques et de leurs cibles différentes.
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Il est important de noter que les thérapies ciblées et l’immunothérapie ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent souvent être utilisées ensemble ou en combinaison avec d’autres traitements, tels que la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.
Les décisions concernant les options de traitement dépendront de plusieurs facteurs, tels que le type de cancer du sein, les caractéristiques moléculaires du cancer et l’étendue de la maladie.
Ces décisions sont généralement prises par une équipe médicale spécialisée qui tiendra compte des caractéristiques spécifiques de chaque patient.