Le carcinome in situ du sein a été décrit en 1941 par Foote et Stewart.
Les cancers in situ représentent environ 10 à 15 % des cancers du sein traités actuellement (en France).
Cela est dû à l’organisation de programmes de dépistage efficaces et au dépistage individuel des cancers du sein.
Il existe 2 types de cancers in situ :
– les cancers canalaires, et
– les cancers lobulaires.
Leur histoire naturelle est différente.
Le cancer canalaire in situ est précurseur du cancer invasif alors que le cancer lobulaire in situ est un facteur de risque (comme la nulliparité par exemple). Leur traitement est donc différent.
1. Fréquence :
L’extension du dépistage mammographique s’est accompagnée d’une élévation très nette de la fréquence de ces carcinomes.
Les microcalcifications isolées correspondent à des cancers in situ dans 20 % des cas.
On estime que 60 % des carcinomes in situ diagnostiqués sont découverts exclusivement sur une mammographie de dépistage.
2. Histoire naturelle des carcinomes in situ :
1) Carcinome lobulaire in situ (CLIS) :
Il survient en général dans la période préménopausique.
D’après la revue de la littérature, la moyenne d’âge, lors du diagnostic, est de 46 ans.
Il s’agit d’un carcinome volontiers diffus dans le sein, puisque l’analyse de pièces de mastectomie après diagnostic par biopsie a montré des lésions résiduelles dans 45 à 69 % des cas.
La multicentricité (foyers disséminés dans d’autres quadrants) est estimée à 50 %.
Quand un cancer survient, il ne s’agira pas toujours d’une forme lobulaire infiltrante ; celle-ci ne se rencontrera que dans 7 à 50 % des cas.
On peut donc considérer que le CLIS est plus un marqueur de risque de cancer qu’un état pré-cancéreux.
2) Carcinome canalaire in situ (CCIS) :
L’âge moyen lors du diagnostic est de 51 ans, un peu inférieur à la moyenne d’âge de survenue du carcinome infiltrant.
Le caractère in situ du carcinome est toujours très difficile à affirmer pour le pathologiste.
Un bon repérage des foyers suspects et la lecture d’un nombre suffisant de recoupes permettront de ne pas méconnaître une invasion occulte.
L’invasion est cependant méconnue selon les auteurs dans 0 à 21 % des cas.
La difficulté d’interprétation est telle qu’il existe une variation dans le diagnostic selon le pathologiste.
Pour les états pré-cancéreux et les carcinomes in situ du sein, la concordance entre les différents membres d’une équipe ne se rencontre que dans 75 % des cas.
La diffusion dans le sein du carcinome canalaire in situ varie selon la taille de celui-ci.
Il a été montré que pour des lésions de moins de 25 mm dans leur plus grand diamètre :
– on ne rencontrait jamais de foyer occulte d’invasion,
– les foyers multicentriques étaient présents dans seulement 13 % des cas,
– il n’y avait jamais d’envahissement ganglionnaire.
Si la lésion mesure plus de 25 mm, les foyers occultes d’invasion se rencontrent dans 46 % des cas, les foyers multicentriques dans 54 % et il existe une localisation au mamelon chez 25 % des patientes.
– Envahissement ganglionnaire axillaire :
D’après la littérature, cet envahissement ganglionnaire est signalé dans 3 % des observations.
On peut l’expliquer par l’existence de foyers occultes d’invasion.
Le risque de cancer invasif est élevé de 26 % à 10 ans.
Le cancer invasif survient presque toujours au voisinage de la zone de tumorectomie. On peut donc conclure que l’évolution de ces carcinomes canalaires in situ est plus multifocale (dans le même quadrant) que multicentrique et que tous les carcinomes canalaires in situ ne deviendront pas invasifs. Le risque pour le sein controlatéral paraît faible, du même ordre qu’en cas de cancer invasif ; il a été estimé à 3,4 % à 9 ans.
3. Evolution :
Ils ne donnent on le sait aucune métastase et ne peuvent donc que récidiver, évoluer vers l’invasion (si on a gardé une partie de la glande mammaire) ou, enfin, apparaître dans le sein controlatéral.
1) Carcinome lobulaire in situ :
Il est le plus souvent considéré comme un état précancéreux et soumis à une surveillance simple.
Le taux de survenue d’un cancer invasif dans le même sein est de 11 % à 15 ans et de 18 % à 25 ans.
Le taux de carcinome invasif dans le sein controlatéral pendant la même durée d’observation est respectivement de 9 et de 14 %.
2) Cancer canalaire in situ :
La fréquence du cancer infiltrant est de l’ordre de 6 à 18 %.
Le risque d’atteinte du sein controlatéral est de 13 % à 5 ans, un peu supérieur à celui des formes canalaires infiltrantes qui n’est que de 9 %.
La surveillance de ces lésions in situ doit donc être uniquement loco-régionale et porter sur les deux seins et les aires axillaires. Elle doit être à la fois clinique et radiologique.
4. Traitement :
Le traitement adapté des carcinomes in situ du sein nécessite une première exérèse-biopsie de bonne qualité.
Le repérage préopératoire doit être minutieux pour les formes infracliniques détectées uniquement sur la mammographie. Un opérateur habitué peut localiser le foyer par la lecture des clichés orthogonaux.
L’incision cutanée doit être située en regard du foyer suspect. Le plus souvent, elle est radiaire. Il faut éviter les incisions à visée cosmétique qui nécessitent une dissection tangentielle du tissu mammaire.
Si le foyer radiologiquement suspect est de petite taille ou profond dans le sein, la mise en place d’une aiguille harpon par le radiologue, quelques heures avant l’intervention, facilitera la recherche du foyer suspect.
La biopsie devra être prélevée avec une dissection menée jusqu’à l’aponévrose du pectoral si le foyer est profond. Les bords de la biopsie devront être particulièrement nets pour permettre un repérage topographique.
La pièce sera orientée pour le pathologiste en repérant par exemple l’extrémité mamelonnaire par un fil et la face profonde à l’encre.
Le contrôle radiologique peropératoire (appareil de radiographie à proximité du bloc opératoire) est indispensable pour les foyers de microcalcifications ; si le foyer suspect n’a pas été enlevé, une recoupe doit être effectuée.
Une mammographie post-opératoire paraît indispensable pour tous les opérateurs qui ne disposent pas de contrôle radiologique peropératoire.
Il ne faut pas demander d’examen extemporané devant un foyer de microcalcifications +++.
1) Traitement du carcinome lobulaire in situ (CLIS) :
Le plus souvent, le cancer lobulaire in situ est une découverte fortuite anatomopathologique après exérèse d’une lésion bénigne.
Actuellement, il n’y a pas d’évidence que le cancer lobulaire in situ soit un précurseur du cancer invasif.
Il ne s’agit que d’un facteur de risque de cancer du sein qui peut d’ailleurs se développer sous forme lobulaire ou canalaire, dans le sein biopsié ou dans l’autre sein (plus de 80 % de ces femmes ne feront jamais de cancer invasif).
La surveillance mammaire clinique (tous les 6 mois) et radiologique (mammographie annuelle) paraît l’attitude la plus adaptée.
L’indication de mastectomie sous-cutanée bilatérale prophylactique peut être posée chez les femmes ayant un risque familial réel.
La conservation du mamelon est possible sous réserve d’un examen anatomopathologique du tissu rétro-aréolaire.
Nb : La mastectomie unilatérale n’est pas logique puisque le risque est identique pour l’un ou l’autre sein.
2) Traitement du carcinome canalaire in situ (CCIS) :
La mastectomie avec curage axillaire reste le traitement de base pour beaucoup.
On admet que le taux de rechute après mastectomie varie entre 0 et 5 %.
Ces rechutes correspondent à des récidives au niveau de la paroi ou du creux axillaire (même après curage).
La mortalité pour un CCIS traité par mastectomie-curage varie entre 0 et 1,5 %.
Des traitements conservateurs ont été proposés dans ce cas. Il apparaissait difficile d’imposer une mastectomie-curage à une patiente présentant un CCIS et de proposer une tumorectomie-curage à une autre patiente présentant un carcinome infiltrant de 3 cm de diamètre !
De même, le curage axillaire commence à être discuté dans sa réalisation systématique.
Si l’on admet que l’envahissement ganglionnaire ne dépasse pas 3 %, le curage axillaire va être réalisé dans 97 % des cas inutilement et la morbidité de cette intervention n’est pas nulle (paresthésies, lymphœdème…).
Pour certains auteurs, il faut faire d’autant plus un curage axillaire que l’on choisit un traitement conservateur. En effet, un ganglion envahi révélera un foyer d’invasion qui était passé inaperçu lors de l’analyse de la tumorectomie.
Le risque d’envahissement ganglionnaire est lié à la taille du carcinome in situ mais nous avons vu que la corrélation n’est pas obligatoire.
Il semble donc que le curage axillaire doive encore être proposé de façon presque systématique.
On peut le discuter en cas de :
– petit carcinome canalaire in situ de moins de 25 mm,
– si le foyer est unique,
– si la technique de biopsie et l’examen anatomopathologique sont fiables, et
– s’il n’y a pas d’autre foyer suspect à la mammographie.
Dans tous les autres cas, il devra être réalisé.
La mastectomie-curage paraît l’intervention adaptée au CCIS étendu ou multifocal.
La résection cutanée ne sera pas très large et une reconstruction dans le même temps peut être réalisée.
La mastectomie partielle peut être proposée aux autres CCIS ; l’examen des berges de résection doit être effectué. Elle devra être complétée par une radiothérapie complémentaire.
En résume : on peut adopter cette conduite :
– tumorectomie large si Tm ≤ 1 cm,
– tumorectomie large + radiothérapie si 1 cm < Tm ≤ 2.5 cm,
– mastectomie ± reconstruction si Tm ≥ 2.5 cm.