Le cancer du sein constitue un problème majeur de santé publique, à la fois dans les pays dits développés, où il représente le premier cancer féminin, et dans les pays en voie de développement, où son incidence ne cesse d’augmenter. C’est dire la valeur du dépistage précoce et systématique.
De par le monde, l’épidémiologie de ce cancer a été largement étudiée. Un certain nombre de controverses et d’inconnues persistent mais les principaux facteurs de risque épidémiologiques sont actuellement clairement établis.
L’analyse des facteurs de risque de survenue de ce cancer montre que la prévention primaire des facteurs majeurs n’est pas encore possible (risque génétique, risque hormonal endogène).
Actuellement, seule la prévention secondaire par dépistage permet une amélioration de la survie.
Malgré les progrès thérapeutiques, sa mortalité reste encore élevée et variable selon les régions.
1. Epidémiologie descriptive :
1) Fréquence :
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme ; il représente 30 % de l’ensemble des cancers féminins.
2) Situation en Algérie :
C’est le premier cancer dans notre pays, représentant un cancer féminin sur 4 loin devant le cancer du col de l’utérus.
Les chiffres, recueillis en milieu hospitalier spécialisé, illustrent la véritable flambée de ce cancer comme le montrent aussi les données des registres de populations, comme celles du Registre du cancer d’Oran et d’Alger.
Le cancer du sein en Algérie se présente, le plus souvent, sous la forme d’un cancer évolué, rendant son traitement difficile, long et particulièrement coûteux avec des résultats médiocres.
Ces formes sont la règle dans les pays en voie de développement.
3) Variations géographiques internationales :
Le cancer du sein est inégalement réparti dans le monde.
a) Variations européennes :
* Situation en France :
– Incidence :
L’exposition au risque pour une française vivant 80 ans serait de 7 à 8 % (1 femme /13).
– Mortalité :
C’est la principale cause de mortalité chez la femme entre 35 et 55 ans, c’est-à-dire à un moment où elle joue un rôle essentiel dans la famille et dans la société.
Par rapport aux autres pays d’Europe, la mortalité par cancer du sein occupe en France une situation intermédiaire.
Les taux de mortalité les plus élevés sont observés au nord de l’Europe (à l’exception de la Suède et de la Norvège, dont les taux sont inférieurs à ceux de la France).
Les taux les plus faibles sont concentrés dans la plupart des pays de l’Est (Pologne, Bulgarie, Yougoslavie, Roumanie) et du sud de l’Europe.
– Evolution de l’incidence et de la mortalité :
Actuellement, on observe une forte augmentation de l’incidence du cancer du sein.
En revanche, la mortalité a peu augmenté durant ces 25 dernières années.
La survie des malades atteintes d’un cancer du sein s’est considérablement améliorée en France. Cette amélioration est difficile à interpréter : elle semble liée à une détection plus précoce des cancers et à une amélioration de leur prise en charge thérapeutique.
– Influence de l’âge :
La répartition par âge de l’incidence du cancer du sein permet d’objectiver : une augmentation forte d’incidence de 35 à 50 ans ; une diminution ou stabilisation de l’incidence entre 50 et 59 ans ; une réascension de l’incidence à partir de 60 ans, mais avec une pente beaucoup plus faible.
b) Variations mondiales :
L’incidence annuelle aux Etats-Unis est de 82,7 pour 100.000 ; elle est sept fois moindre au Sénégal et six fois moindre au japon.
Les incidences les plus basses sont observées dans les populations asiatiques et africaines ; les plus élevées sont observées dans les pays occidentaux. En outre, dans un même pays, les incidences varient selon les groupes ethniques ou raciaux. Il est intéressant de noter que les femmes originaires d’un pays à faible taux d’incidence qui migrent dans un pays à forte incidence voient leur taux augmenter et rejoindre le niveau du pays d’accueil dès la deuxième génération.
Ces constatations suggèrent que les conditions d’environnement pourraient jouer un rôle dans la survenue des cancers mammaires.
2. Epidémiologie analytique :
1) Facteurs familiaux et génétiques :
Les véritables cancers du sein héréditaires sont rares (environ 4 %) ; leurs caractères principaux sont leur bilatéralité, leur apparition à un jeune âge avant la ménopause, en moyenne 15 ans plus tôt, leur transmission verticale et parfois leur association à d’autres cancers.
Une histoire familiale du cancer du sein est donc reconnue comme facteur de risque.
Une femme dont la mère est atteinte de cancer du sein a 3 fois plus de risques de développer un cancer du sein qu’une femme sans antécédents familiaux.
L’identification en 1990 du gène BRCA1 (BReast CAncer), qui, lorsqu’il est muté, est associé à un risque très élevé de cancer du sein, a permis d’éclairer ce risque. Il est maintenant établi que les gènes de susceptibilité au cancer du sein sont transmis sur le mode autosomique dominant.
BRCA1 et BRCA2 sont des gênes de très grande taille présentant de grandes similitudes. Il s’agit de gènes suppresseurs, exprimés dans de nombreux tissus (sein, ovaire, rate, thymus, testicule) qui interviendraient dans le contrôle de la prolifération des cellules mammaires sous l’influence de stimulations hormonales.
– Mutation du gène BRCA1 : risque de cancer du sein de 80 % et de cancer de l’ovaire de 45 %.
– Mutation du gène BRCA2 : a la particularité d’être associée au cancer du sein chez la femme et chez l’homme.
On estime qu’il existe des mutations de BRCA1 ou BRCA2 chez 1 % des femmes, et qu’elles sont responsables d’un risque particulièrement important de développer un cancer du sein, supérieur à 50 % avant 50 ans et atteignant 80 % à l’âge de 65 ans.
2) Facteurs hormonaux :
Le cancer du sein est dit « hormonodépendant », en raison du rôle favorisant d’un terrain d’hyperœstrogénie absolu ou relatif :
– ménarchie précoce (< 12 ans),
– ménopause tardive (> 52 ans),
– première grossesse tardive (> 35 ans),
– absence d’allaitement,
– nulliparité,
– traitement hormonal substitutif de la ménopause prolongé (> 10 ans),
– contraception œstroprogestative : augmentation très faible du risque,
– obésité (aromatisation des androgènes en œstrogènes dans les adipocytes).
3) Facteurs diététiques :
Une relation possible entre les habitudes alimentaires et la survenue d’un cancer du sein est suggérée par des études épidémiologiques montrant de larges variations d’incidence selon les régions ou l’augmentation du risque chez les migrantes (cas des Japonaises ayant émigré aux Etats-Unis, dont le risque se rapproche des Américaines dès la deuxième génération).
Une alimentation riche en graisses augmenterait le risque du cancer du sein.
4) Facteurs environnementaux :
– L’exposition aux radiations ionisantes, qu’elle soit secondaire à une explosion nucléaire ou à visée médicale, diagnostique ou thérapeutique, augmente le risque de cancer du sein. Les expositions radiologiques tôt dans la vie ont le plus grand risque, et la période de latence de ces cancers radio-induits est très longue.
– Les autres facteurs environnementaux incriminés sont l’exposition aux pesticides organochlorés.
5) Facteurs histologiques :
– La plupart des maladies bénignes du sein ne s’accompagnent pas d’une majoration du risque de cancer (adénofibrome, état fibrokystique sans atypie, ectasie canalaire).
Quand il existe une mastopathie proliférative, le risque relatif de cancer est de 1,4. Quand cette mastopathie s’accompagne d’atypie, le risque relatif est majoré à 4.
– Les femmes qui ont eu un cancer du sein ont un risque de nouveau cancer dans le même sein lorsque le traitement a été conservateur et dans le sein controlatéral. Ce risque est 5 fois plus élevé que le risque de développer un cancer dans la population générale.
Ces facteurs de risque sont d’un grand intérêt épidémiologique et permettent dans le cadre d’un dépistage individuel de moduler le rythme et les moyens de surveillance.
En revanche, ils n’ont pas d’application pratique en dépistage collectif ; il n’y a pas de population à risque suffisamment bas pour être exemptée de dépistage, il n’y a que des femmes à plus haut risque : les séries de dépistage de masse ont montré que plus de 50 % des cancers sont détectés chez des femmes qui n’ont aucun facteur de risque.