1. Définition :
La maladie de Paget du mamelon est une variété rare de carcinome qui se manifeste par une plaque eczématiforme du mamelon et de l’aréole.
Elle correspond à l’envahissement de l’épiderme mamelonnaire par un carcinome canalaire sous-jacent.
Dans la plupart des cas, un cancer du sein sous-jacent est retrouvé, mais cette maladie peut parfois se développer d’elle-même.
Elle touche principalement les femmes de plus de 50 ans, souvent ménopausées.
2. Epidémiologie :
La maladie de Paget du mamelon est rare ; elle représente 1 à 3 % des tumeurs mammaires.
Moyenne d’âge du diagnostic : 51-70 ans (extrêmes de 24 à 90 ans).
Elle est associée à un cancer mammaire sous-jacent dans 80 à 100 % des cas, souvent un carcinome canalaire in situ ou invasif.
Les patientes atteintes d’une maladie de Paget du mamelon isolée sont plus âgées que celles ayant un cancer mammaire associé.
3. Symptômes :
Le diagnostic est tardif ; il est fait entre 6 et 12 mois après l’apparition des premiers signes.
Signes cutanés au niveau du mamelon et de l’aréole :
– rougeur, aspect eczématiforme,
– desquamation, croûtes, ulcérations,
– démangeaisons, brûlures au niveau de la peau du mamelon,
– saignements ou écoulements du mamelon,
– mamelon aplati ou inversé (pointant vers l’intérieur).
Parfois présence d’une masse palpable sous ou près du mamelon.
4. Diagnostic :
Il est souvent difficile, car les symptômes ressemblent à ceux d’un eczéma.
La rougeur, le suintement et l’aspect croûteux produisent un aspect proche de la dermatite ; mais il convient de suspecter un carcinome parce que la lésion est fortement margée, unilatérale, et ne répond pas au traitement topique.
Examen clinique : palpation mammaire pour rechercher une éventuelle masse.
Imagerie : mammographie, échographie, voire IRM mammaire pour évaluer l’extension et détecter un cancer sous-jacent.
Biopsie cutanée ou grattage cytologique du mamelon pour confirmer le diagnostic.
5. Diagnostic différentiel :
1) Eczéma du mamelon :
L’atteinte est généralement bilatérale, très prurigineuse, sans déformation du mamelon.
Les lésions sont mal limitées avec des contours émiettés, sans croûte et sans véritable ulcération, d’évolution relativement rapide contrairement à la maladie de Paget.
L’évolution se fait par poussées entrecoupées de rémissions. Parfois, les lésions sont chroniques et lichénifiées.
D’autres localisations sont associées, notamment dans les plis.
Le traitement repose sur la corticothérapie locale intermittente, qui doit faire rapidement régresser les symptômes.
Devant une atteinte unilatérale et chronique, une maladie de Paget doit être impérativement éliminée par une biopsie.
2) Adénome érosif du mamelon (AEM) :
Cette tumeur bénigne, développée aux dépens des canaux galactophores du mamelon, aussi appelée adénomatose papillaire superficielle ou papillomatose ductale sous-aréolaire, est le principal diagnostic différentiel de la maladie de Paget.
– Définition :
Prolifération bénigne mixte adénomateuse et papillaire dans un sinus lactifère du mamelon.
Il est bien circonscrit, non encapsulé et mesure entre 5 et 20 mm.
– Epidémiologie : 15 % des tumeurs du mamelon.
Il survient chez la femme (97 % des cas) avant l’âge de la ménopause.
L’affection a aussi été décrite chez l’enfant et chez l’homme.
– Clinique :
Tuméfaction unilatérale du mamelon qui est épaissi et induré, ulcération bien limitée, suintement voire écoulement sanglant (60 %), parfois nodule palpable sous le mamelon.
Les cas bilatéraux sont exceptionnels.
L’évolution se fait sur des mois, voire des années, parfois émaillée de complications infectieuses locorégionales (abcès du sein, adénopathies).
– Traitement :
Le risque de carcinome mammaire ne semble pas être augmenté.
L’AEM relève d’un traitement conservateur avec exérèse complète de la lésion par chirurgie classique ou micrographique, voire cryothérapie au spray.
Le pronostic est excellent mais des récidives sont possibles en cas d’exérèse incomplète.
L’allaitement est ensuite déconseillé en raison du risque d’engorgement.
3) Autres diagnostics différentiels (plus rares) :
– Tumeurs malignes : carcinome basocellulaire, mélanome, maladie de Bowen, carcinome spinocellulaire…
– Tumeurs bénignes : lymphocytome cutané, neurofibrome du mamelon…
– Dermatoses non spécifiques de la plaque aréolo-mamelonnaire : érosion d’origine mécanique, hyperkératose secondaire, hidrosadénite aréolaire, dermatoses infectieuses (verrues vulgaires, condylomes, molluscum contagiosum, gale, tuberculose, surinfection mamelonnaire candidosique ou staphylococcique lors de l’allaitement, herpès, chancre de syphilis).
6. Traitement de la maladie de Paget :
Le traitement est principalement chirurgical, associé ou non à des traitements complémentaires en fonction de l’étendue et de la nature du cancer sous-jacent.
Rappel : avant tout traitement, une biopsie de confirmation et un bilan d’extension sont indispensables.
En pratique :
1) Avec nodule palpable au niveau du sein ou opacité infraclinique en mammographie :
– Mastectomie totale d’emblée, associée à un curage ganglionnaire axillaire ou à une biopsie du ganglion sentinelle selon les cas.
2) Sans nodule palpable, avec mammographie normale :
– Résection de la plaque aréolo-mamelonnaire et du tissu rétro-aréolaire, suivie d’une biopsie du ganglion sentinelle (ou curage axillaire).
– Radiothérapie du sein restant.
Des traitements complémentaires (chimiothérapie, hormonothérapie ou thérapies ciblées) sont envisagés selon les caractéristiques tumorales.
3) Si le patient est inopérable (état général altéré) :
– Radiothérapie exclusive sur le sein et les aires ganglionnaires satellites.
– Des traitements systémiques palliatifs peuvent être envisagés pour contrôler les symptômes.
7. Pronostic et suivi :
Dépend du stade et de la présence d’un cancer mammaire associé.
Recherche systématique d’un carcinome mammaire sous-jacent par imagerie.
Suivi régulier avec examens cliniques et radiologiques.
8. Conclusion :
Les tumeurs de l’aréole et du mamelon sont rares.
Toute lésion unilatérale persistante doit attirer l’attention et faire pratiquer un grattage cytologique du mamelon à la recherche d’une maladie de Paget.
La maladie de Paget du mamelon est une variante rare du CCIS.
Elle est associée à un adénocarcinome mammaire sous-jacent dans plus de 80 % des cas. Sa recherche doit être systématique en imagerie.
Il est recommandé de réaliser une IRM mammaire avant d’envisager une chirurgie conservatrice, afin de dépister un carcinome occulte ainsi qu’une multifocalité ou une multicentricité.
L’adénomatose érosive du mamelon est bénigne mais peut simuler une maladie de Paget purement mamelonnaire.
Plus rarement, le carcinome basocellulaire pagétoïde, la maladie de Bowen, le mélanome (pour les maladies de Paget pigmentées) peuvent être difficiles à distinguer cliniquement et partagent avec la maladie de Paget le caractère unilatéral et la chronicité de l’évolution. La biopsie permet d’en faire le diagnostic mais il faut préférer l’exérèse chirurgicale en cas de suspicion de mélanome.
L’extension cutanée d’un carcinome mammaire est rare et doit être suspectée en cas de rétraction / fixité mamelonnaire.
L’eczéma est différent par la bilatéralité de ses lésions, l’absence de déformation du mamelon, l’évolution par poussées et son caractère régressif sous corticothérapie locale.
Points clés
La maladie de Paget du sein est une dermatose croûteuse du mamelon, donnant un aspect eczématiforme suintant. On la considère comme une métastase cutanée d’un cancer du sein sous-jacent, qu’il faut chercher et traiter.
– Il s’agit d’une lésion unilatérale + +.
– Initialement, petite “croûtelle”, parfois écoulement séreux ou séro-sanglant, prenant secondairement un aspect eczématiforme. Plus tard, la lésion devient bien limitée, polycyclique, couvrant progressivement mamelon et peau avoisinante, elle saigne assez facilement.
– Une atteinte galactophorique (de règle) doit être systématiquement recherchée par mammographie.
– Dans tous les cas, il s’agit d’une “lésion cancéreuse” à la fois superficielle et profonde, nécessitant une biopsie de l’érosion mamelonnaire ++ afin d’éliminer une papillomatose bénigne (surtout chez la femme jeune), et pour le principe, un eczéma du mamelon, mais qui est le plus souvent bilatéral et régressif sous traitement.
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Diagnostics différentiels





