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Le médecin confronté à une victime de violences sexuelles doit se comporter :

– comme un médecin : son rôle est de traiter, de réparer les lésions anatomiques mais aussi de prévenir les conséquences somatiques et psychologiques,

– comme un auxiliaire de la justice.

A] Adolescente et adulte :

1. Examen clinique initial :

Examen dans une seule salle, la patiente doit rester habillée le plus longtemps possible.

L’examen doit être court, de préférence en présence d’une tierce personne (infirmière).

Il semble préférable d’éviter la présence des parents en cas d’agression chez une adolescente.

Ne jamais laisser la patiente seule.

Expliquer chaque étape à la patiente.

1) Interrogatoire :

Fait avec tact mais rigueur, l’interrogatoire doit préciser :

– les circonstances de l’agression : date, lieu,

– le déroulement : nombre d’agresseurs, menaces, sévices, modes de pénétration,

– le temps écoulé depuis l’agression,

– les antécédents de la victime : après la puberté : existence d’une activité sexuelle antérieure, d’une contraception éventuelle, la date des dernières règles, la date du dernier rapport sexuel librement consenti.

2) Examen génito-anal :

Il ne peut être réalisé qu’avec le consentement de l’intéressée.

Il doit être particulièrement méthodique, en s’aidant d’un colposcope ou à défaut d’une loupe, pour examiner la vulve et l’anus.

Il a pour buts :

– la recherche de lésions traumatiques,

– le prélèvement de sperme,

– les prélèvements bactériologiques.

– Vulve : il faut examiner successivement les grandes lèvres, les petites lèvres, la fourchette, l’hymen.

En cas de virginité, on peut examiner l’hymen après l’avoir fait bomber en tirant les grandes lèvres en haut et en dehors.

Cette manœuvre permet de déplisser l’hymen et de mettre en évidence, à l’aide du colposcope, une lésion minime de son bord libre.

Nb : Il est déconseillé de faire le test au ballonnet qui est un geste intrusif avec risques (physiques et psychologiques) et dont les renseignements fournis sont faibles.

L’interprétation des différentes formes d’hymen est difficile car des incisures peuvent être physiologiques.

Les constatations les plus suspectes sont les déchirures du bord libre de l’hymen qui atteignent la muqueuse vaginale et les incisures postérieures entre 4 et 8 heures.

– Périnée, région péri-anale, anus : on s’aidera d’un colposcope pour rechercher des lésions minimes. De même, la marge de l’anus doit être déplissée et examinée à l’aide du colposcope ou de l’anuscope.

– Vagin et col utérin : après mise en place d’un spéculum sans lubrifiant, on vérifie l’état du col et des culs-de-sac latéraux.

Le spéculum doit être retiré valves entrouvertes pour vérifier l’état des parois vaginales.

Par le toucher vaginal, on explore l’appareil génital (en particulier, on recherche une grossesse).

– Rectum : en cas de pénétration anale, il faut toujours compléter l’examen par un toucher rectal et une anuscopie.

Le toucher rectal doit apprécier la tonicité du sphincter et rechercher l’existence d’une douleur élective, peut-être en rapport avec une fissuration anale qu’il faudra confirmer par anuscopie.

3) Examen général :

L’ensemble du corps doit être examiné avec la plus grande attention à la recherche de signes traduisant une lutte ou une violence. Les zones suivantes sont particulièrement examinées : face interne des cuisses, fesses, dos, seins, bouche, cou.

Toutes les lésions doivent être consignées sur un schéma.

2. Bilan paraclinique :

Ce bilan doit être effectué dans un but médico-légal.

Objectifs : identifier l’agresseur et prévenir les complications.

1) Identifier l’agresseur :

Les prélèvements à effectuer en cas d’agression récente sont réalisés :

– le plus tôt possible après l’agression,

– sans toilette préalable,

– avec un spéculum non lubrifié,

– sur écouvillons de coton sec, type écouvillon pour bactériologie.

Le séchage est indispensable 30 à 60 minutes à l’air libre après leur réalisation puis conservation à 4°,

Le nombre de prélèvements sera pair pour permettre les contre expertises :

4 prélèvements par site est le nombre recommandé

Le nombre sera précisé sur le dossier et sur le certificat médical.

Tous les prélèvements seront étiquetés, numérotés, dans l’ordre de prélèvements.

*  La recherche de spermatozoïdes :

au niveau de l’exocol, de l’endocol et du cul-de-sac vaginal postérieur ; parfois, cette recherche sera effectuée au niveau buccal et anal.

Prélèvement sur pipette ou sur écouvillon,

Un étalement sur lame pour examen par un biologiste dans les 24 heures.

*  Les analyses génétiques (identifier l’agresseur) :

Elles seront prélevées avec des gants, saisies et scellées par les enquêteurs

. Identification sur spermatozoïdes ou cellules laissées par l’agresseur :

Tache de sperme sur la peau : récupérer les éléments tissulaires par dilution au sérum physiologique,

Vulve et périnée,

Vagin, endocol, exocol, cul de sac et paroi vaginale,

Prélèvements buccaux et anaux selon le contexte clinique.

Le séchage est indispensable 30 à 60 mn à l’air avant la réintroduction dans le sac plastique.

. Prélèvements de poils ou de cheveux de l’agresseur :

à conserver dans une enveloppe en papier Kraft à température ambiante.

. Si la victime a griffé l’agresseur :

prélèvement en raclant sous les ongles de la victime

prélever sous chaque ongle des doigts en précisant le côté de la main.

si les ongles sont longs, il faut proposer à la victime de couper les ongles pour augmenter les chances d’obtenir des tissus de l’agresseur.

Conservation à sec.

. Si l’agresseur à mordu la victime : écouvillonnage pour prélever la salive :

Utiliser des écouvillons humides puis secs.

. Vêtements tachés (sang, salive, sperme) :

faire sécher à l’air si besoin,

conserver à température ambiante dans une enveloppe en papier Kraft.

. Identification ADN de la victime :

Prélèvement de sang sur tube EDTA, conservé à 4°,

Si le prélèvement sanguin pose problème discuter :

microprélèvement (goutte de sang) sur papier buvard,

cytobrosse à la face interne des joues (indispensable en cas de refus de prise de sang, ou de transfusion sanguine récente).

2) Prévenir les complications : à la recherche d’une IST :

a) Prélèvements locaux :

Les prélèvements seront guidés par les déclarations de la victime et les éléments de l’examen médical.

Sites de prélèvement possibles : endocol, vagin, urètre, anus, gorge.

Faire pratiquer au laboratoire (*) :

– recherche de gonocoques par examen direct (endocol) et cultures,

– recherche de Chlamydia par PCR au niveau de l’endocol (et/ou dans les urines).

(*) si le prélèvement est réalisé au cabinet, connaître les modalités de prélèvements, les conditions de transport et respecter le délai d’acheminement au laboratoire.

b) Bilan sérologique :

Proposer à la patiente les sérologies : bilan IST +++.

– Si agression récente : sérologie initiale, et contrôle à 1 mois, 3 et 6 mois.

– Si agression ancienne (plus de 6 mois) : sérologie unique.

3) Recherche d’une éventuelle grossesse (antérieure à l’agression) par le dosage des β-hCG.

3. Traitement :

1) Prévention des IST :

Il est préférable de traiter sans attendre les résultats du bilan sanguin par une antibiothérapie à large spectre : par exemple Doxycycline 100 mg, 3 cp par jour pendant 8 jours.

La recherche d’une séropositivité HIV doit être effectuée systématiquement au bout de 3 mois.

Si l’agresseur est retrouvé, il faut conseiller à la victime de faire demander par le juge un bilan IST.

Prescription d’une TRITHÉRAPIE à visée prophylactique.

Proposition d’une prise en charge psychologique.

2) Prévention de la grossesse :

Proposition d’une contraception d’urgence.

Si le viol remonte à moins de 72 heures et si la femme n’utilise pas de contraception, il faut prescrire une pilule du lendemain (10 % d’échec).


 

B] Enfant :

Tout médecin peut être amené à examiner un enfant victime d’abus sexuel. Cette situation constitue une véritable urgence médicopsychosociale ; les principaux gestes à faire et quelques notions de législation doivent être connus. La prise en charge est extrêmement difficile, le suivi à long terme indispensable.

En cas d’agression sur mineur, le médecin est détaché du secret professionnel.

1. Généralités :

– La fréquence est difficile à estimer en raison, d’une part de l’absence de recueil correct des données sur un plan national, et d’autre part du caractère le plus souvent caché de ce type d’abus sexuels.

– L’inceste est le plus fréquent avant l’âge de 11 ans ; il peut s’agir du père ou d’un autre membre de la famille. La violence physique n’est pas fréquente mais la fille se tait sous la menace de chantages divers, pour éviter conflits, séparation, et en raison de sentiments de honte et de culpabilité qui la submergent.

– La nature des abus sexuels chez l’enfant est souvent difficile à faire préciser. Chez le petit enfant, il peut s’agir d’attouchements, de sodomie ; la pénétration vaginale est classiquement impossible avant 6 ans.

2. Conséquences :

1) Conséquences psychologiques :

Elles sont graves, immédiates, mais aussi à très long terme, se manifestant par des troubles variés durant la vie adulte.

Ces conséquences doivent être connues car les symptômes décrits peuvent être révélateurs de sévices sexuels inavoués, qu’il faudra rechercher avec le maximum de tact et de prudence.

– Les conséquences immédiates : anxiété profonde, troubles du sommeil, de l’alimentation, douleurs variées, tics, syndrome dépressif avec automutilation.

– A long terme, pendant la vie adulte, on note de nombreux troubles, à type de douleurs chroniques, troubles du sommeil, nervosité intense.

– Des troubles du comportement sexuel sont la règle à long terme.

2) Conséquences somatiques :

– Traces de violence génitale : déchirure hyménéale, vaginale, de la marge anale, qu’il faut savoir rechercher à distance sous forme de cicatrices, d’épaississement, de modifications cutanées ; cependant, la cicatrisation est, le plus souvent, parfaite ; chez le jeune enfant, délabrements périnéaux, exceptionnels, nécessitant une réparation chirurgicale.

– Infections sexuellement transmissibles, qu’il convient de prévenir.

3. Qu’est-ce qu’une réquisition ?

C’est une obligation pour le médecin de recevoir la victime et de répondre au mieux de ses capacités et en toute objectivité à un certain nombre de questions posées par écrit par un juge ou un officier de la police judiciaire.

La réquisition n’est pas une violation du secret médical.

Le médecin requis ne fera que répondre spécifiquement aux questions posées telles que formulées dans l’intitulé de la réquisition.

Il faut être le plus précis possible dans la description des lésions observées.

Le tout sera retranscrit sur un compte rendu remis au requérant et à lui seul.

4. Législation – loi du 22 juillet 1992 (France) :

– Viol :

C’est un terme juridique et non médical, défini comme tout acte de pénétration de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Il est puni de 15 ans de réclusion criminelle, conduits à 20 ans en cas de circonstances aggravantes, telles que victime mineure de moins de 15 ans ou particulièrement vulnérable, violeur ascendant légitime, usage ou menace d’une arme.

– Autres agressions sexuelles :

Qu’elles soient commises avec violence, menace ou surprise, ou commises sans violence mais sur un mineur de moins de 15 ans, elles sont punissables de 2 à 5 ans de prison, ou plus en cas de circonstances aggravantes.

– Signalement :

Lorsqu’un médecin constate un abus sexuel chez un mineur, le secret médical peut être levé et les faits signalés :

. soit administrativement (service de protection maternelle et infantile, aide sociale à l’enfance),

. soit aux autorités policières, si un grave danger est encouru par l’enfant (commissariat de police),

. soit au procureur de la république.

Ce signalement peut entraîner l’arrestation immédiate du coupable, et l’on conçoit la lourdeur de la culpabilité qui pèse sur les épaules de l’enfant qui se sent responsable de l’éclatement familial.

5. Examen clinique initial :

L’interrogatoire et l’examen doivent être effectués avec tact et douceur.

La présence d’un tiers est recommandée.

1) Circonstances :

Rarement, le premier examen est effectué dans les suites immédiates. Dans ces cas, l’enfant est amené soit par ses parents, soit sur réquisition de la police, et le médecin peut constater des lésions récentes, effectuer les prélèvements, prévenir les IST.

Parfois, l’enfant est amené à distance des faits, en raison d’une dénonciation.

Enfin, le plus souvent, l’enfant, petit, est amené par la maman qui a des doutes quant au comportement du père ou d’autres personnes de l’entourage ; parfois, l’enfant a avoué, puis s’est rétracté.

Il est souvent difficile de conclure dans ces cas, mais il faut se souvenir qu’en matière d’abus sexuel et jusqu’à preuve du contraire, l’enfant ne ment pas et craint justement de ne pas être cru. Un suivi en psychothérapie peut apporter une aide efficace dans ces situations.

2) Examen clinique :

Il est essentiel et possède un double but, médical et médico-légal. Il constitue une urgence.

Il nécessite une mise en confiance préalable et sera effectué devant une tierce personne : mère, infirmière… Un peu de temps en tête-à-tête avec l’enfant est conseillé.

Cet examen doit se faire dans le calme, dans le respect de l’enfant et sans “a priori”.

– L’interrogatoire renseigne sur les symptômes ressentis, le temps écoulé depuis les faits.

– L’examen général recherche, comme chez l’adulte, des traces de violence et précise le stade pubertaire.

– L’examen gynécologique est souvent difficile et nécessite tact, patience et douceur. Les gestes doivent être précis et assurés.

Il recherche des traces de violence au niveau du périnée : ecchymoses, sang séché. L’anus est déplissé à la recherche de trace de violence récente (fissuration, saignement) ou ancienne (effacement des plis, induration).

L’hymen est examiné en position dorsale, en écartant délicatement les grandes lèvres vers le haut ou latéralement, en prenant le temps d’attendre un relâchement.

Rarement, dans ces circonstances, des lésions plus graves sont constatées, nécessitant un bilan et une réparation chirurgicale sous anesthésie générale.

6. Prélèvements :

– Recherche de spermatozoïdes, en fonction des circonstances, sur pipette ou sur écouvillon, au niveau du vagin, de l’anus, de la bouche, avec étalement sur lame pour examen par un biologiste dans les 24 heures.

– Prélèvements à visée bactériologique.

– Prélèvements à visée génétique.

7. Rédaction du certificat :

Elle constitue une étape capitale.

Cette rédaction est indispensable pour faire aboutir le dépôt de plainte de la victime.

Ce certificat sera utilisé lors d’un jugement, parfois des années plus tard.

Le certificat est signé et remis, soit aux parents, soit à l’autorité requérante.

Ce certificat sera rédigé avec la prudence nécessaire pour ne pas être complice de fausses allégations.

Il doit être descriptif et ne doit conclure ni au viol ni à l’absence de viol, mais à des “lésions compatibles avec une violence sexuelle récente” ou à “un examen normal n’éliminant pas des abus sexuels à type d’attouchements”.

Il rapporte les constations médicales ; ne doit y figurer aucune interprétation personnelle, ni le terme de viol. Seul le magistrat peut étiqueter une agression sexuelle.

8. Suivi ultérieur :

Une prise en charge d’ordre psychosocial s’impose dans tous les cas.

Une consultation immédiate avec un psychologue et éventuellement une assistante sociale est conseillée. Ceci constitue le début d’une prise en charge qui se poursuivra pendant des années.

Comme chez l’adulte, l’examen d’un enfant victime d’abus sexuel comprend un examen clinique immédiat, une rédaction d’un certificat, des mesures préventives des IST et une prise en charge psychologique.

Cependant chez l’enfant, le plus souvent, les aveux surviennent longtemps après les faits, et les abus sans pénétration vaginale sont les plus fréquents, rendant l’examen clinique peu contributif.

De grandes campagnes d’information en milieu scolaire pourront peut-être aider les enfants à refuser ces sévices ou à les révéler, bien que cet aveu soit souvent le point de départ d’un éclatement familial dont l’enfant porte seul toute la responsabilité.

Certificat à remettre à la victime

Le certificat médical doit être rédigé avec précision, sans perdre de temps, sans précipitation, quelle que soit l'atmosphère de crise.

Il revêt une importance capitale car les constatations relevées peuvent être accablantes si la victime porte plainte.

Il faut savoir qu'un examen clinique négatif n'est pas synonyme d'absence de violences sexuelles.

 

Le certificat doit mentionner clairement :

- l'identité du médecin signataire, la date et l'heure de l'examen,

- l'identité de la victime, son âge,

- les déclarations de la victime,

- les résultats de l'examen clinique, général, périnéal, gynécologique et psychologique,

- les prélèvements effectués,

- la durée d'incapacité totale de travail,

- la signature du médecin.

 

Le médecin doit certifier ce que l'examen clinique complet lui a permis de constater, et rien d'autre (il ne lui appartient pas de conclure ou non à la réalité de la violence sexuelle).

Le certificat est remis en mains propres si la victime est majeure ou aux parents si elle est mineure. Il peut être remis à l'autorité requérante.

 

* LE MEDECIN DOIT EN GARDER UN DOUBLE. *

Certificat

Je, soussigné(e), Dr ……………………………………………………………

dans le Service de ………………………………………………………………………………..,

prête serment d’apporter mon concours à la Justice en mon honneur et conscience et certifie avoir examiné

le ……………………… à ……………………..

M……………………………………………, né(e) le ……………………………..

en présence de …………………………………………………….

sur réquisition de ……………………………………………, Officier de Police Judicaire.

La victime dit : …………………………………………………………………………………………………

……………………………………………………………………………………………………………………….

 

Examen somatique :

……………………………………………………………………………………………………………………….

 

Examen génital :

– vulve : …………………………………………………………..

– hymen : …………………………………………………………..

 

Examen anal : 

……………………………………………………………………………………………………………………….

Il a été pratiqué des prélèvements.

 

Conclusion :

……………………………………………………………………………………………………………………….

 

le ……………………………

Dr………………………………….

 

Certificat établi pour servir et faire valoir ce que de droit, remis aux autorités requérantes. 
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