1. Définition :

La grossesse prolongée (GP) est le plus souvent définie comme une gestation ayant dépassé d’au-moins 2 semaines le terme moyen qui est de 40 SA (280 jours) ou 38 semaines après l’ovulation (266-267 jours).

– Entre 41 et 42 SA : on parle d’une grossesse “en dépassement de terme”.

– Quand la grossesse dépasse 42 SA (294 jours) : on parle de “terme dépassé” (grossesse prolongée).

Au delà de cette limite (42 SA) : on a une augmentation de la morbidité et de la mortalité périnatales.

Fréquence : variable de 1 à 7 %.

2. Circonstances étiologiques :

– La prolongation de la grossesse ne dépend ni du sexe de l’enfant ni de la race de la mère.

– En ce qui concerne l’âge maternel et la parité :

. la majorité des auteurs considère qu’il n’y a pas de relation avec l’âge de la femme,

. certains trouvent un pourcentage élevé de primipares.

– L’antécédent de dépassement de terme est un facteur de risque de récidive estimé à environ 20 %.

– Des facteurs mécaniques et dynamiques peuvent être impliqués : dysfonctionnement de la contractilité utérine, défaut de maturation du col utérin, macrosomie fœtale.

– Situations exceptionnelles en pratique courante : l’anencéphalie, l’hydrocéphalie, la trisomie 18 et l’hyperplasie congénitale des surrénales sont des facteurs de risque de grossesse prolongée.

3. Pathogénie :

Le mécanisme n’est pas bien connu.

Rôle des surrénales fœtales : certaines observations le prouvent :

– les grossesses des anencéphales sans hydramnios sont souvent prolongées (atrophie des surrénales),

– le taux du cortisol est diminué chez l’enfant post-mature,

– chez l’animal, on obtient une GP après hypophysectomie ou ablation des surrénales,

– les GP sont les seules qui puissent être déclenchées, quoique de façon inconstante par l’administration de corticoïdes.

Ces associations font évoquer un rôle de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien fœtal dans le mécanisme de la parturition.

4. Conséquences du dépassement de terme :

1) Conséquences sur le placenta :

a) Aspect macroscopique :

Il est souvent normal, ainsi que le volume et le poids.

Les lésions observées associent des lésions de nécrose ischémique (infarctus blanchâtre) et des dépôts fibrineux et calciques.

b) Lésions histologiques :

On observe des lésions de sénescence et d’ischémie :

– sénescence : appauvrissement ou disparition de la vascularisation villositaire, augmentation de la fibrose du stroma,

– ischémie : accumulation des cellules cytotrophoblastiques et épaississement de la membrane basale du trophoblaste.

2) Conséquences sur le nouveau-né :

Deux types d’enfants post-matures :

– les uns de poids > 4000 gr, avec une longueur de 52-53 cm ; dans ce cas, le placenta continue à fonctionner normalement,

– d’autres enfants ont des dimensions normales (ou presque), mais un aspect particulier (Clifford) :

. plus long, hypotrophe par rapport à un enfant d’âge égal (fœtus araignée),

. dépourvu de vernix caseosa,

. allongement des phanères (ongles et cheveux), 

. reflet grisâtre ou jaunâtre (car liquide amniotique souvent très peu abondant et méconial),

. déshydraté avec diminution de la graisse sous-cutanée et peau trop large (aspect fripé), desquamante, particulièrement au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds.

Nb : Notons que la GP peut donner naissance à des enfants d’aspect à terme.

5. Risques fœtaux et néonataux :

1) Mortalité périnatale :

L’altération des fonctions placentaires est responsable d’une augmentation de la mortalité et de la morbidité périnatales.

Les risques relatifs de morts fœtale et néonatale précoce augmentent progressivement à partir de 37 SA.

Globalement, le risque de mortalité périnatale est multiplié par 2 entre 40 et 42 SA, passant de 2-3 à 4-5 ‰.

La mortalité périnatale est liée en grande partie aux risques d’hypoxie fœtale aiguë (SFA) lors du travail et d’inhalation méconiale à la naissance.

Cette mortalité est considérablement accrue lorsqu’il existe un RCIU associé.

Nb : L’hypoxie fœtale s’explique par l’insuffisance placentaire et par les compressions funiculaires, particulièrement en cas d’oligoamnios.

L’émission de méconium est liée à l’hypoxie fœtale (ischémie splanchnique) ou à une réaction vagale entraînant un relâchement du sphincter anal.

Les risques d’inhalation méconiale sont majorés en cas de grossesse prolongée et peuvent être responsables d’une détresse respiratoire néonatale grave (hypoxie réfractaire).

2) Morbidité :

Elle est surtout liée à la macrosomie fœtale, qui améliore le pronostic en termes de survie mais au prix d’une augmentation de la morbidité liée à l’allongement de la durée du travail, césariennes pour dystocie, extractions instrumentales, hémorragies du postpartum, déchirures périnéales sévères, élongation du plexus brachial, fractures, asphyxie néonatale.

7. Diagnostic :

1) Clinique :

Devant un dépassement de terme : il est nécessaire de reprendre avec attention chacun des éléments du début de la grossesse :

– DDR : c’est souvent le seul élément connu ; elle permet de déduire :

. la date d’ovulation probable, donc de la fécondation :

= cycle de 28 jours : ovulation : 14ème jour,

=  ”    ”  long : l’ovulation est retardée par rapport au début du cycle,

=  ”   ”  court :  ”      ”     ”   est rapprochée par rapport au début du cycle,

. la date présumée de l’accouchement :

= DDR + 283 jours,

= règle de Naegele : DDR + 9 mois + 10 jours,

Cette méthode permet d’évaluer correctement la DPA située à 40 SA + 3 jours.

– Date d’ovulation ou de fécondation : elle est rarement connue (sauf si traitement d’une stérilité avec monitorage de l’ovulation, insémination, rapport unique et fécondant).

La courbe thermique est un élément de valeur, malheureusement souvent absent.

– Premier examen obstétrical : noter la concordance avec l’AG, test de grossesse précoce.

Cette étude clinique permet d’éliminer un certain nombre d’erreurs ± grossières, mais dans bon nombre de cas, on restera dans le doute ⇒ il faut s’aider d’examens complémentaires.

2) Examens paracliniques :

a) Echographie obstétricale :

Précoce : datation de la grossesse +++ :

L’échographie permet de préciser l’âge gestationnel : surtout si la DDR est incertaine (cycles irréguliers) ou inconnue (aménorrhée post-pilule…) : 

– 1er trimestre +++ :

. LCC entre 7 et 12 SA (DPA ± 4 jours),

. BIP entre 12 et 15 SA (DPA ± 5 jours), 

La meilleure précision est obtenue en associant ces 2 mesures à 12 SA.

– 2ème trimestre : BIP entre 15 et 20 SA (DPA ± 1 semaine).

Tardive :

– Etude du grade placentaire :

En cas de grossesse prolongée : une maturation placentaire avancée (grade III) est significativement associée à plus d’oligoamnios, de liquides méconiaux et de RCIU, mais elle ne prédit pas l’anomalie du RCF. Elle n’a donc qu’un faible intérêt dans la surveillance des grossesses prolongées.

– Evaluation de la croissance fœtale :
La recherche d’un RCIU est indispensable avant de décider d’une intervention obstétricale.

– Examen Doppler :

. L’examen vélocimétrique des artères utérines n’a pas d’intérêt car le dépassement de terme correspond à un problème fœtoplacentaire et non utéroplacentaire.

. L’analyse Doppler des flux ombilicaux est controversée car ceux-ci ne sont pas ou peu modifiés (voire tardivement), ce qui sous-entend que les altérations placentaires vasculaires sont généralement plus tardives que les altérations des échanges métaboliques et gazeux.

b) RCF : 

L’analyse du RCF reste fondamentale pour apprécier la vitalité fœtale.

Un tracé normal garantit une bonne adaptation à la vie extra-utérine dans la majorité des cas.

La fréquence optimale de réalisation de cet examen pour apprécier le bien-être fœtal est généralement quotidienne ou tous les 2 jours.

c) Amnioscopie :

– aspect du LA : noter l’apparition du méconium, témoin de SF par hypoxie,

– coloration :

. claire ou lactescente : dans les cas normaux,

. verte ou jaune : après émission du méconium.

– la présence du vernix qui flotte lorsqu’on mobilise la présentation ; sa quantité diminue au fur et à mesure que le terme approche.

Les amnioscopies doivent être répétées toutes les 48 h afin de détecter l’émission de méconium. En effet, la constatation d’un LA teinté lors d’un examen unique ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une émission méconiale ancienne avec un fœtus en bonne santé ou d’une souffrance actuelle.

A l’opposé, si au cours de la surveillance, le LA se teinte alors qu’auparavant il était clair ⇒ signe d’alarme.

Cette émission méconiale est due à l’action de l’hypoxie sur la motricité intestinale, mais elle peut être due aussi à une activité spontanée du gros intestin ou à une réaction vagale liée à la compression sporadique ou répétée du cordon.

Au total : l’amnioscopie est destinée à dépister les liquides amniotiques méconiaux, elle a ses partisans et ses détracteurs et n’a d’intérêt que positive.

Elle est de plus en plus abandonnée actuellement.

Pour plus de détails : Cf chapitre spécial

8. Surveillance en cas de dépassement de terme :

Surveillance intensive de toute grossesse à partir de 41 SA.

L’objectif principal de la surveillance des dépassements de terme est la détection d’une SF.

1) Interrogatoire :

Diminution des mouvements fœtaux (décompte des MAF par la mère).

2) Examen clinique :

Des variations de la HU peuvent intervenir les derniers jours.

Il faudra accorder toute sa valeur à une diminution de la HU lors d’examens successifs, due à une résorption du liquide amniotique en relation avec la post-maturité (oligoamnios) .

Nb : Une mesure inférieure à la hauteur utérine attendue en fin de grossesse doit faire évoquer un oligoamnios, un RCIU de survenue tardive ou une descente du mobile fœtal.

⇒ l’appréciation clinique du liquide amniotique est peu fiable.

L’examen obstétrical comporte en outre l’étude de l’état du col, du segment inférieur et de la hauteur de la présentation.

3) Echographie obstétricale :

a) Biométrie fœtale :

En fin de grossesse : la biométrie n’a aucun intérêt.

b) Annexes fœtales :

– étude du placenta :

. épaisseur : elle diminue classiquement en fin de grossesse,

. maturité, grading : les septa intercotylédonaires deviennent visibles et délimitent des aires vides d’échos, alors qu’apparaissent des zones denses irrégulières situées sous la plaque choriale : un tel aspect correspond à un placenta mature et serait corrélé à une maturité pulmonaire,

. insertion.

– Etude du LA :

. quantité (flèche de la plus grande citerne : 2 à 8 cm),

. l’oligoamnios est un signe de SF dans la GP.

c) Dépistage de RCIU :

d) Estimation du poids fœtal :

e) Score de Manning :

Un fœtus qui souffre d’hypoxie présente des troubles du cœur, du rein, des mouvements fœtaux et respiratoires.

C’est en partant de ces données que 5 paramètres sont étudiés sur une période de 30 mn, pour établir un score de 0 à 10.

Nb : une hypoxie fœtale se traduit par des périodes d’apnée prolongée et des gasps.

f) Doppler pulsé :

En pratique, l’utilisation du Doppler dans la surveillance de la fin de grossesse ne semble pas aussi pertinente que l’analyse du RCF ou de la quantité de liquide amniotique et doit plutôt être réservée à l’évaluation pronostique d’un RCIU découvert tardivement.

4) RCF :

C’est l’examen clé pour le diagnostic de la SF.

L’enregistrement simple du RCF est un bon indicateur du bien-être fœtal quand il est normal.

Il est réalisé toutes les 24 à 48 h.

Les anomalies constatées sont :

– diminution des oscillations au-dessous de 5 battements/mn sur plus de 50 % du tracé,

– ralentissements répétés (précoces, tardifs ou variables),

– tendance à la tachycardie fœtale,

– absence d’accélération pendant les mouvements fœtaux.

Toute anomalie de l’enregistrement spontané ⇒ réalisation d’un test de tolérance aux contractions : test à l’ocytocine (Syntocinon ®).

But : apprécier la réserve en O2 de la chambre intervilleuse : si celle-ci est insuffisante : le fœtus accuse une hypoxie qui se traduit par un ralentissement du RCF.

. Test (-) : le RCF reste normal malgré 2 heures de contractions utérines induites, fréquentes et bien ressenties ⇒ excellent bien-être fœtal (pour 2 ou 3 jours),

. Test (+) : décélérations tardives, d’intensité > 15 b/mn à chaque CU ou dans plus de 50 % du tracé.

La présence de décélérations moins profondes, ou de caractère précoce ou variable, d’un aplatissement du tracé ou encore de tachycardies marquées fait considérer le test selon les auteurs comme + ou douteux.

Un test objectivant des ralentissements pendant les CU ⇒ césarienne.

Un test douteux pourra être répété le lendemain.

L’étude du RCF spontané ou sensibilisé par un test au Syntocinon ® est la méthode actuelle la plus fiable de diagnostic de la SFC.

5) Amnioscopie :

Renouvelée toutes les 48 h : la disparition du vernix, l’apparition d’un liquide teinté ou méconial est un signe de SF qui impose l’interruption de la grossesse.

C’est l’association de ces différents éléments de surveillance qui permettra de dépister la SFC et de décider de faire naitre l’enfant.

9. Conduite à tenir en pratique :

A partir du terme, si les conditions locales le permettent (score de Bishop ≥ 7) : le déclenchement est proposé.

Les autres conditions du déclenchement sont une présentation céphalique, et une absence de cicatrice utérine.

Si les conditions locales sont défavorables : il vaut mieux attendre et surveiller :

– Grossesse normale sans oligoamnios : surveillance par un RCF toutes les 48 heures à partir de 41 SA ;

– Risques de SFC (grossesse à risque et/ou oligoamnios) : surveillance toutes les 48 heures par RCF.

– A 42 SA, selon les résultats, déclenchement quasi-systématique pour la plupart, ou césarienne si les conditions mécaniques ne le permettent pas.

1) Déclenchement artificiel du travail :

Technique du déclenchement : 5 UI d’ocytocine/500 cc SGI, avec rupture des membranes dès que le travail est établi.

Si les conditions énumérées plus haut sont respectées : ce déclenchement pourra être réalisé dès 41 SA, et pour ceux qui sont favorables à l’accouchement programmé dès 40 SA.

Un pas de plus peut être accompli à l’heure actuelle : la MATURATION DU COL par les Prostaglandines E2 ++ (ou F2α), et ceci lorsqu’ils sont placés au contact du col (voie vaginale ou intracervicale). 

Une fois la maturation obtenue, le travail peut être induit par perfusion de Syntocinon ®.

Pour plus de détails : Cf chapitre spécial

2) Surveillance :

Si l’accouchement n’est pas déclenchable et si on ne peut pas recourir à une maturation du col : il faudra alors exercer une surveillance intensive de la GP :

– à partir de 41 SA : la femme doit se présenter tous les 2 jours,

– surveillance clinique : examen obstétrical qui comportera :

. la mesure de la HU et CPO (une diminution peut traduire un oligoamnios),

. BCF, présentation,

. l’examen du col et du SI (score de Bishop),

. examen du bassin,

– surveillance paraclinique : toutes les méthodes qui ont été passées en revue peuvent être utilisées. En pratique, toutefois, on retiendra surtout :

. l’amnioscopie + RCF toutes les 48 h à partir de 41 SA,

. un test au Syntocinon ® est pratiqué en cas d’anomalies et de façon systématique à partir de 42 SA.

* En pratique :

– l’existence d’un LA teinté ou d’altérations du RCF doit faire pratiquer un déclenchement si les conditions deviennent favorables. Sinon, on réalise un test au Syntocinon ®.

– Un test au Syntocinon ® + amène à réaliser une césarienne.

3) Accouchement :

Il se fait sous monitoring, et à la moindre anomalie : mesure du pH.

L’accouchement à partir de 42 SA comporte plus d’interventions, que ce soient des extractions instrumentales ou des césariennes (car plus grande fréquence de SF et d’accouchements de gros enfants).

4) En cas d’utérus cicatriciel :

En cas d’essai d’accouchement par les voies naturelles sur un utérus cicatriciel au-delà de 40 SA, le risque de rupture utérine n’étant pas augmenté en cas de travail spontané ou déclenché sur un col favorable : un déclenchement peut être envisagé lorsque le score de Bishop est ≥ 7.

Nb : Le risque de rupture utérine est majoré de façon significative en cas d’utilisation des prostaglandines sur col défavorable (Bishop < 3) : on doit renoncer à la maturation cervicale et imposer une césarienne.

5) Césarienne prophylactique :

Les indications de césarienne (chez les femmes ayant atteint ou dépassé le terme de 42 SA) : 

– DFP manifeste,

– primipare + siège,

– utérus cicatriciel,

– antécédent de MIU par dépassement de terme, alors que les conditions locales restent défavorables,

– test au Syntocinon ® + et col immature.

10. Accueil de l’enfant :

– Il faudra que l’équipe de réanimation soit prête à prendre immédiatement en charge l’enfant.

– L’enfant post-mature a tendance à l’hypoglycémie ⇒ surveillance attentive dans la période néonatale et la corriger en cas de besoin.

– Pour le syndrome d’aspiration méconiale : il est plus fréquent dans les grossesses prolongées : la meilleure prophylaxie est l’aspiration immédiate et soigneuse.

Informations :

Les risques maternels et fœtaux semblant apparaître de manière significative à partir de 41 SA et pour des raisons pratiques pour les praticiens et les patientes, les experts du CNGOF ont défini arbitrairement la grossesse prolongée à partir de 41 SA, seuil à partir duquel la surveillance va être intensifiée.

Un rythme de surveillance de deux ou trois fois par semaine est conseillé.

Nb : Le compte des mouvements actifs fœtaux, l’analyse Doppler et le score biophysique de Manning n’ont pas prouvé leur intérêt dans la surveillance des grossesses prolongées.

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