1. Introduction :

Les anticoagulants sont des médicaments essentiels dans la prévention et le traitement des pathologies thromboemboliques (telles que la thrombose veineuse profonde, l’EP et l’IDM).

Ces pathologies comptent parmi les principales causes de morbidité et mortalité au niveau mondial.

Ils agissent en inhibant différentes étapes de la cascade de la coagulation, réduisant ainsi la formation de caillots sanguins.

Leur gestion requiert une compréhension approfondie de la physiologie de la coagulation, ainsi que de la pharmacologie de ces agents.

2. Classification – mécanisme d’action :

Les anticoagulants sont classés en deux catégories principales : les anticoagulants oraux et les anticoagulants parentéraux.

Voici une description détaillée des différents types d’anticoagulants dans chaque catégorie :

1) Anticoagulants oraux :

a) Anticoagulants oraux directs (AOD) :

Ils ciblent spécifiquement et directement un facteur de coagulation unique (sans nécessiter de protéines plasmatiques comme intermédiaires). Ils comprennent :

– les inhibiteurs directs du facteur Xa : rivaroxaban, apixaban, edoxaban ; ces médicaments empêchent la conversion de la prothrombine en thrombine, inhibant ainsi la coagulation,

– les inhibiteurs directs de la thrombine (facteur IIa), tels que le dabigatran,

Ces médicaments ont un effet anticoagulant prévisible et ne nécessitent pas de surveillance régulière de l’INR.

b) Anticoagulants oraux indirects (AVK) :

Les anticoagulants oraux indirects, tels que la warfarine, agissent en inhibant la synthèse hépatique des facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (II, VII, IX et X).

Ils nécessitent un suivi biologique régulier (INR) pour ajuster la posologie et minimiser le risque hémorragique.

Les AVK sont sensibles aux interactions médicamenteuses et alimentaires, ce qui peut rendre leur utilisation plus complexe.

2) Anticoagulants parentéraux (injectables) :

Les anticoagulants injectables comprennent l’héparine non fractionnée (HNF), les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) et le fondaparinux.

L’héparine est un anticoagulant injectable qui agit en augmentant l’activité de l’antithrombine III, une protéine inhibitrice de la coagulation.

– Héparine non fractionnée (HNF) : avec une courte demi-vie et nécessite un suivi biologique régulier (temps de céphaline activée, TCA),

– Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) :  demi-vie plus longue et peut être administrée à dose fixe sans surveillance biologique.

– Fondaparinux.

Ils sont utilisés généralement en cas d’urgence ou lorsqu’une administration orale n’est pas possible.

a) Héparine non fractionnée (HNF) :

L’héparine non fractionnée est un anticoagulant parentéral qui agit principalement en se liant à l’antithrombine III, augmentant ainsi l’inhibition de plusieurs facteurs de coagulation, en particulier le facteur Xa et la thrombine (facteurs IIa).

L’HNF est généralement administrée par voie intraveineuse en cas d’urgence ou dans les situations nécessitant un contrôle précis de l’anticoagulation.

Son effet est immédiat, mais sa demi-vie est courte (environ 1 heure).

Elle nécessite une surveillance régulière du temps de céphaline activée (TCA) et une adaptation posologique en conséquence.

b) Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) :

Citons l’énoxaparine, la dalteparine et la tinzaparine.

Elles sont administrées par voie sous-cutanée et sont largement utilisées pour la prévention et le traitement des maladies thromboemboliques.

Les HBPM ont un effet plus spécifique sur le facteur Xa (inhibition) que l’HNF.

Elles présentent l’avantage d’avoir une demi-vie plus longue (environ 4 heures) et d’être administrées en une ou deux injections par jour à dose fixe, sans nécessiter de surveillance biologique systématique.

Les HBPM ne nécessitent pas de surveillance régulière de l’INR, mais une surveillance occasionnelle de l’anti-Xa peut être réalisée chez certains patients, tels que les femmes enceintes, les patients obèses ou présentant une insuffisance rénale.

c) Nouveaux anticoagulants oraux (NAO) administrés par injection : fondaparinux.

Le fondaparinux est un inhibiteur sélectif du facteur Xa qui est administré par voie sous-cutanée.

Il a une demi-vie d’environ 17 heures et est administré une fois par jour en injection sous-cutanée à dose fixe, sans surveillance biologique.

Il est utilisé dans la prévention et le traitement de la TVP et de l’EP, ainsi que dans la prévention des événements thromboemboliques chez les patients atteints de syndrome coronaire aigu.

3. Indications :

Les anticoagulants sont indiqués dans une variété de contextes cliniques, notamment :

– Prévention et traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) et de l’embolie pulmonaire (EP), prévention surtout chez les patientes à risque (intervention chirurgicale en vue, immobilisation prolongée, facteurs de risque héréditaires ou acquis).

– Prévention et traitement des thromboses artérielles, telles que les AIT et les IDM.

– Prévention des AVC et de la thromboembolie chez les patients atteints de fibrillation auriculaire non valvulaire ou des valvulopathies cardiaques.

– Prévention de la thrombose des valves cardiaques mécaniques ou des prothèses vasculaires (AVK à vie).

– Traitement des syndromes coronariens aigus : pour prévenir les événements ischémiques récurrents.

– Traitement du syndrome des antiphospholipides (SAPL) et d’autres états de thrombophilie congénitale ou acquise.

La décision d’initier un traitement anticoagulant doit être basée sur une évaluation minutieuse du rapport bénéfice/risque, prenant en compte à la fois le risque thrombotique et le risque hémorragique de la patiente.

4. Précautions et contre-indications :

L’utilisation des anticoagulants doit être prudente et adaptée à chaque patient, en tenant compte des contre-indications et des précautions d’emploi.

1) Contre-indications :

Les anticoagulants sont contre-indiqués en cas de :

– Hémorragie active ou risque élevé d’hémorragie,

– lésions organiques à risque hémorragique (ulcère gastro-duodénal, tumeur maligne…),

– antécédents d’accident vasculaire cérébral hémorragique,

– insuffisance hépatique sévère (pour les anticoagulants oraux),

– insuffisance rénale sévère (pour certains anticoagulants oraux directs et le fondaparinux),

– grossesse (pour les anticoagulants oraux, sauf cas particuliers).

2) Précautions d’emploi :

Les précautions d’emploi concernent principalement :

– La surveillance régulière de l’INR pour les AVK et du TCA pour l’HNF,

– l’adaptation posologique en fonction de la situation clinique et des facteurs de risque hémorragique,

– la prise en compte des interactions médicamenteuses, notamment avec les AINS et les antiplaquettaires,

– l’information du patient sur les signes d’alerte d’une complication hémorragique (saignements, ecchymoses…).

La nécessité d’une prise en charge rapide en cas de survenue d’une hémorragie.

5. Interactions médicamenteuses :

Les anticoagulants peuvent interagir avec d’autres médicaments, ce qui peut modifier leur efficacité ou leur risque de saignement. Il est essentiel de prendre en compte ces interactions lors de la prescription d’anticoagulants. Certains médicaments peuvent augmenter l’effet anticoagulant, tels que les inhibiteurs de la pompe à protons et certains antibiotiques, tandis que d’autres peuvent réduire l’effet anticoagulant, tels que les inducteurs enzymatiques.

6. Surveillance thérapeutique :

La surveillance de l’utilisation des anticoagulants dépend de l’agent spécifique :

– AVK : la surveillance se fait par l’INR : l’objectif est généralement un INR de 2 à 3 pour la plupart des indications, nécessitant un suivi régulier.

– AOD et HBPM : offrent l’avantage d’une dose fixe sans nécessité de surveillance régulière. Cependant, une attention particulière doit être portée à la fonction rénale.

7. Effets indésirables et surveillance :

Les anticoagulants peuvent entraîner des effets indésirables, notamment des saignements majeurs et mineurs.

La surveillance régulière de l’INR est nécessaire pour les patients sous AVK afin de maintenir l’effet anticoagulant dans la plage thérapeutique.

Pour les anticoagulants directs, une surveillance de routine n’est généralement pas nécessaire, mais il est important d’évaluer régulièrement la fonction rénale chez les patients prenant ces médicaments.

En ce qui concerne les saignements, il est crucial de prendre des mesures appropriées pour les contrôler. Dans les cas de saignements majeurs, l’utilisation d’agents de réversion spécifiques peut être envisagée, tels que l’idarucizumab pour le dabigatran ou l’andexanet alfa pour les inhibiteurs du facteur Xa.

L’hémorragie constitue le principal risque associé à l’usage des anticoagulants. La gestion nécessite souvent la réduction ou l’arrêt temporaire de l’anticoagulant, l’administration d’agents de réversion spécifiques et/ou la transfusion de produits sanguins.

8. Conclusion :

Les anticoagulants sont des médicaments essentiels dans la prévention et le traitement des troubles thromboemboliques.

Ils agissent en inhibant différentes étapes de la cascade de la coagulation, réduisant ainsi la formation de caillots sanguins.

Les principaux types d’anticoagulants comprennent les anticoagulants oraux directs, les anticoagulants oraux indirects et les héparines.

Leur utilisation doit être adaptée à chaque patient, en tenant compte des indications, des contre-indications et des précautions d’emploi.

Un suivi régulier et une bonne communication entre le prescripteur et le patient sont indispensables pour garantir l’efficacité et la sécurité du traitement anticoagulant.

Type d'AnticoagulantMécanisme d'ActionExemples de Produits
Anticoagulants oraux directs (AOD)Inhibent directement le facteur Xa ou la thrombine sans l'intermédiaire d'une protéine plasmatique.Rivaroxaban (Xarelto ®),
Apixaban (Eliquis ®),
Edoxaban (Lixiana/Savaysa ®),
Dabigatran (Pradaxa ®).
Antagonistes de la vitamine K (AVK)Inhibent la synthèse hépatique des facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (II, VII, IX et X).Warfarine (Coumadin ®),
Acénocoumarol (Sintrom ®).
HéparinesActivent l'antithrombine, ce qui conduit à l'inhibition des facteurs Xa et IIa (thrombine).Héparine non fractionnée (standard),
Enoxaparine (Lovenox ®),
Dalteparine (Fragmin ®).

Le facteur Xa est une enzyme essentielle dans la cascade de coagulation sanguine, jouant un rôle central dans la conversion de la prothrombine en thrombine.

Il fait partie de la classe des sérine protéases et est activé à partir de sa forme précurseur, le facteur X, par le complexe ténase intrinsèque (composé des facteurs IXa et VIIIa) dans la voie intrinsèque de la coagulation, ou par le complexe ténase extrinsèque (composé des facteurs VIIa et facteur tissulaire) dans la voie extrinsèque de la coagulation.

Une fois activé, le facteur Xa forme le complexe prothrombinase en association avec le facteur Va, les ions calcium (Ca²⁺), et les phospholipides de la membrane cellulaire. Ce complexe convertit la prothrombine (facteur II) en thrombine (facteur IIa).

La thrombine qui en résulte joue plusieurs rôles clés dans la coagulation :

– elle convertit le fibrinogène soluble (facteur I) en fibrine insoluble, formant la trame du caillot de sang,

– elle active les facteurs V, VIII, et XI, amplifiant la cascade de coagulation,

– elle stimule la formation du caillot en activant les plaquettes.

 

Le facteur Xa est une cible thérapeutique importante pour les anticoagulants, connus sous le nom d’inhibiteurs directs du facteur Xa. Ces médicaments, tels que le rivaroxaban (Xarelto ®), l’apixaban (Eliquis ®) et l’edoxaban (Lixiana/Savaysa ®), empêchent la formation de thrombine et donc la formation de caillots en inhibant l’activité du facteur Xa.

Ils sont utilisés pour prévenir et traiter diverses conditions thromboemboliques, y compris la thrombose veineuse profonde (TVP), l’embolie pulmonaire (EP), et la prévention des AVC chez les patients atteints de fibrillation auriculaire non valvulaire.

Points clés

La coagulation sanguine est un processus complexe impliquant plusieurs protéines plasmatiques, appelées facteurs de coagulation, qui interagissent les unes avec les autres dans une cascade de réactions enzymatiques.

Les anticoagulants agissent en inhibant une ou plusieurs de ces étapes, empêchant ainsi la formation de caillots sanguins.

Les anticoagulants exercent leurs effets en ciblant différentes étapes de la cascade de coagulation.

Les AVK inhibent la synthèse des facteurs de coagulation dépendants de la vitamine K.

Les inhibiteurs directs de la thrombine (dabigatran) et les inhibiteurs du facteur Xa (rivaroxaban, apixaban) agissent en bloquant spécifiquement la thrombine ou le facteur Xa, empêchant ainsi la formation du caillot.

Facteurs de la coagulation
Facteur IFibrinogène
Facteur IIProthrombine
Facteur IIIThromboplastine (ou facteur tissulaire)
Facteur IVCalcium (Ca++)
Facteur VProaccélérine (ou facteur labile)
Facteur VIFacteur non défini (il n'y a pas de facteur VI actuellement. Il était autrefois attribué à une substance qui s'est révélée n'être présente que dans les échantillons de laboratoire, pas dans le sang humain)
Facteur VIIProconvertine (ou facteur stable)
Facteur VIIIAntihémophilique A
Facteur IXAntihémophilique B (ou facteur Christmas)
Facteur XThrombokinase (ou facteur Stuart-Prower)
Facteur XIAntihémophilique C (ou facteur Rosenthal)
Facteur XIIFacteur Hageman
Facteur XIIIFacteur de stabilisation de la fibrine
Facteur de Von Willebrand.
Nb : ce dernier facteur n'est pas un facteur de la coagulation à proprement parler, mais il joue un rôle important dans le processus de coagulation. Il s'agit d'une protéine qui aide à la formation du caillot sanguin en facilitant l'adhésion des plaquettes sanguines aux parois des vaisseaux sanguins endommagés.
Ces facteurs jouent un rôle crucial dans la cascade de coagulation, contribuant à former un caillot sanguin en réponse à une lésion vasculaire.
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