1. Objectifs du traitement :
Prolonger la vie et préserver la qualité de vie des patientes.
Adapter les traitements selon l’état général, l’agressivité et l’extension de la maladie.
2. Hormonothérapie :
Indiquée en première intention si la tumeur exprime les récepteurs hormonaux (œstrogènes/progestérone).
Plus efficace chez les patientes ménopausées, âgées, avec maladie peu étendue ou métastases osseuses, cutanées, ganglionnaires.
Effet transitoire : la maladie devient souvent résistante à terme.
Plusieurs lignes d’hormonothérapie peuvent être tentées successivement.
3. Chimiothérapie :
Les adénocarcinomes du sein sont des tumeurs solides relativement chimiosensibles : de nombreux agents cytotoxiques induisent des régressions tumorales, parfois complètes, mais les rémissions sont souvent partielles et de courte durée (moins de 12 mois).
Ainsi, le cancer du sein métastatique reste une maladie incurable.
La chimiothérapie peut cependant, chez les malades répondant bien au traitement, permettre une survie de bonne qualité, en contrôlant les symptômes gênants de la maladie (douleurs osseuses, dyspnée, asthénie…).
4. Chirurgie en phase métastatique :
Rôle limité au stade métastatique.
Trois indications de la chirurgie sont retenues :
1) Chirurgie à visée diagnostique devant une image radiologique suspecte :
Ces prélèvements peuvent aller de la simple biopsie d’une lésion cutanée au prélèvement d’une métastase pulmonaire ou une biopsie hépatique.
2) Chirurgie à visée curative :
Peut être indiquée dans le traitement de métastases uniques ou en nombre très limité dans une seule structure anatomique :
– localisations pulmonaires (1 à 3 nodules d’un seul côté),
– hépatiques (1 à 2 métastases dans un seul lobe),
– cérébrales (1 localisation unique opérable),
– osseuses.
3) Chirurgie à visée palliative :
Une amputation mammaire peut être proposée quand une récidive locale agressive s’associe à une dissémination métastatique évidente.
Plus spécifiquement palliative sont les interventions de dérivation digestive en cas de métastases rétropéritonéales compressives.
Possibilité d’interventions orthopédiques dans le but de prévenir ou de traiter les fractures d’os longs métastatiques, de prévenir ou traiter les complications vertébrales et médullaires de métastases rachidiennes uniques ou étendues.
Ces interventions ont permis d’améliorer significativement la qualité de la survie des malades et de simplifier les traitements symptomatiques.
5. Radiothérapie :
Rôle palliatif majeur : soulagement des douleurs, traitement des compressions et des métastases cérébrales ou osseuses.
Les malades traitées pour métastases représentent 20 à 40 % de l’activité d’un service de radiothérapie.
Techniques adaptées à la fragilité des patientes (irradiation rapide, semi-concentrée).
6. Approche thérapeutique individuelle en phase métastatique :
1) Points principaux :
Nature du traitement :
– Palliatif (non curatif).
– Chirurgie : rôle limité.
– Radiothérapie : utilisée ponctuellement pour ses effets palliatifs.
– Hormonothérapie et chimiothérapie : bases du traitement, pour prolonger la survie et améliorer la qualité de vie.
2) Choix du traitement systémique :
Pour chaque patiente se pose le choix du traitement systémique à employer.
– Pas d’association hormonothérapie-chimiothérapie : pas de bénéfice.
– Alternance possible entre hormonothérapie et chimiothérapie, sans impact sur la survie.
– Préférence pour l’hormonothérapie : meilleure qualité de vie (effet hormonal entre 4 à 6 semaines).
– Principe général : épuiser les options d’hormonothérapie avant la chimiothérapie.
– Chimiothérapie en première intention : uniquement en cas d’urgence (progression rapide, insuffisance respiratoire, envahissement hépatique majeur).
3) Décision thérapeutique :
– Récepteurs hormonaux (RE/RP) : clés pour le choix du traitement :
. récepteurs négatifs : chimiothérapie,
. récepteurs positifs : hormonothérapie jusqu’à hormonorésistance.
– Possibilité de plusieurs lignes d’hormonothérapie avant chimiothérapie, pour maintenir une vie normale.
– Chimiothérapie : proposée en cas de malade symptomatique, avec changement de ligne avec des médicaments d’action différente si résistance.
7. Stratégie thérapeutique :
Au terme du bilan préthérapeutique, il est souvent possible d’avoir une idée du traitement à proposer (Tableau I).
L’attitude palliative imposée par la dissémination métastatique doit faire adopter une stratégie thérapeutique cohérente (Fig. 2).
| Situation clinique | Traitement privilégié |
|---|---|
| Récepteurs hormonaux positifs | Hormonothérapie (jusqu’à résistance) |
| Récepteurs hormonaux négatifs | Chimiothérapie |
| Métastase unique, non vitale (os) | Irradiation localisée, surveillance |
| Maladie rapidement évolutive | Chimiothérapie d’emblée |
| Urgence vitale (détresse respiratoire, hépatique) | Chimiothérapie immédiate |
8. Situations particulières en phase métastatique :
1) Métastases osseuses :
– Fréquence : Très fréquentes, surtout ostéolytiques.
– Complications : Douleurs, fractures, hypercalcémie, compression médullaire.
– Traitement :
Antalgiques adaptés : paracétamol, morphiniques mineurs (codéine, dextropropoxyphène…), morphine.
Chirurgie en cas de fracture pathologique ou risque élevé de fracture.
Radiothérapie pour contrôler la douleur et limiter l’extension tumorale.
Biphosphonates (étidronate, clodronate, pamidronate) pour inhiber la résorption osseuse et améliorer la qualité de vie.
2) Compression médullaire :
– Urgence thérapeutique : diagnostic précoce devant douleurs rachidiennes et troubles neurologiques.
– Examen clé : IRM.
– Traitement : radiothérapie exclusive ou chirurgie de décompression suivie d’une radiothérapie postopératoire.
3) Métastases cérébrales :
– Fréquence : cancer du sein, première cause de métastases cérébrales.
– Diagnostic : signes neurologiques divers : crises comitiales localisées ou généralisées, hypertension intracrânienne, déficits neurologiques, troubles psychiques. Confirmation par : TDM ou IRM.
– Traitement :
. Chirurgie si métastase unique et accessible.
. Radiothérapie sinon, palliatif en cas de métastases multiples.
. Chimiothérapie ou hormonothérapie : inefficaces.
4) Hypercalcémie :
– Complication fréquente : lien avec l’ostéolyse maligne.
– Symptômes : asthénie, anorexie, soif, constipation, confusion, douleurs diffuses, signes pouvant être confondus avec les complications de la chimiothérapie.
– Traitement : biphosphonates, correction de l’hypovolémie (perfusion de 3 à 6 litres de sérum salé en 24 à 48 heures) et des troubles ioniques associés (hypokaliémie, alcalose).
5) Métastases cutanées :
– Fréquence : présentes chez 1/3 des malades, souvent tardives.
– Formes : nodules de perméation, lymphangite carcinomateuse.
Le siège de prédilection est la paroi thoracique antérieure, particulièrement la région péricicatricielle chez une malade antérieurement opérée, mais peu de territoires sont épargnés, les nodules de perméation au niveau du cuir chevelu ne sont pas rares.
Ces lésions métastatiques peuvent rester longtemps asymptomatiques, ou induire des symptômes extrêmement gênants (prurit, douleur, sensation de brûlure et oppression thoracique).
– Traitement : exérèse chirurgicale ou radiothérapie locale, hormonothérapie/chimiothérapie selon le cas.
6) Epanchement pleural métastatique :
– Fréquence : observé dans la moitié des cas.
– Symptômes : dyspnée, toux, douleur thoracique.
– Traitement :
. Ponction à l’aiguille ou drainage pleural aspiratif pour soulager les symptômes.
. Traitement systémique (hormonothérapie / chimiothérapie) si possible.
7) Méningite carcinomateuse :
– Fréquence : 3 à 5 % des cas, pronostic très défavorable.
– Symptômes : rarement syndrome méningé franc, souvent tableau neurologique complexe avec troubles moteurs ou sensitifs, paralysie d’un ou plusieurs nerfs crâniens, obnubilation ou lenteur d’idéation.
– Diagnostic : présence de cellules tumorales dans le LCR, IRM.
– Traitement : chimiothérapie intrathécale (méthotrexate), radiothérapie cérébroméningée.
8) Ictère :
– Causes : obstruction biliaire ou atteinte hépatique.
– L’ictère est parfois le mode d’évolution terminale de la maladie quand l’envahissement métastatique massif échappe au traitement : l’ictère est associé à un tableau d’insuffisance hépatique grave avec angiomes stellaires, baisse des facteurs de coagulation, ascite, encéphalopathie.
– Traitement : endoprothèse en cas d’obstruction, sinon prise en charge de la cause sous-jacente.
9) Métastases gastriques :
– Fréquence : 1 à 2 % des cas, souvent sous-estimée.
– Les signes d’appel sont les douleurs, les brûlures épigastriques, une sensation de plénitude gastrique après les prises alimentaires même en faible quantité, un amaigrissement pouvant aller jusqu’à la cachexie.
– Formes : nodulaires ou infiltration diffuse (linite gastrique).
– Diagnostic : histologie des biopsies gastriques.
– Traitement : chirurgie si nodulaire, hormonothérapie en première intention, sinon chimiothérapie, radiothérapie pour symptômes réfractaires (douleurs ou hémorragies non contrôlées).
9. Médicaments symptomatiques en phase métastatique :
1) Corticothérapie :
Une corticothérapie est indiquée pour son action anti-œdémateuse dans :
– les syndromes compressifs (hypertension intracrânienne de métastase cérébrale, méningite néoplasique, compression médullaire ou médiastinale),
– elle peut être utile pour réduire une lymphangite carcinomateuse bronchique,
– ralentir la reproduction d’un épanchement pleural,
– pallier un syndrome fébrile sévère,
– aider à corriger des complications hématologiques (insuffisances médullaires métastatiques ou post-chimiothérapiques),
– contribuer à l’amélioration subjective des malades en phase terminale, avec notamment une atteinte hépatique ou respiratoire, en administration discontinue.
2) Antibiothérapie :
Elle peut être aussi indiquée pour des épisodes infectieux, survenant entre deux séries de chimiothérapie, au moment du nadir leucocytaire, à partir d’un foyer connu à traiter localement, et pouvant être facilité par une déficience médullaire préexistante.
3) Autres :
Enfin il ne faut pas oublier, lors de certaines phases de l’évolution de la maladie, psychologiquement pénibles, combien peut être utile la prescription d’antidépresseurs, d’anxiolytiques, de somnifères, pour aider la patiente à reprendre confiance, quel que puisse être son avenir, et à améliorer la qualité de son observance du traitement spécifique.
10 . Conclusion :
Le traitement du cancer du sein métastatique repose sur l’hormonothérapie (si récepteurs positifs) ou la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie ayant un rôle limité. On privilégie l’hormonothérapie pour la qualité de vie, en réservant la chimiothérapie aux cas d’urgence ou de résistance. Le choix dépend des récepteurs hormonaux.
Son but est de prolonger la vie tout en maintenant la meilleure qualité de vie possible.


