Au stade métastatique, le traitement d’un cancer du sein vise essentiellement à prolonger la vie des malades tout en réduisant les manifestations liées à l’évolution, et en préservant ainsi leurs conditions d’existence. La survie se comptant maintenant en années, il est indispensable de connaître les moyens thérapeutiques disponibles et de savoir les manier de la façon la plus rationnelle. L’adaptation de ces traitements demande également une bonne connaissance du terrain : d’une part les capacités physiques et psychologiques de la malade, d’autre part l’extension et l’agressivité potentielle de la maladie. C’est l’objectif du bilan pré-thérapeutique qui permet le choix cohérent des diverses méthodes utilisables.
Les traitements généraux sont prépondérants (chimiothérapie, hormonothérapie) mais les thérapeutiques locales (radiothérapie et chirurgie limitées) tiennent une place importante lorsqu’on désire obtenir un résultat fonctionnel rapide ; les médications symptomatiques offrent enfin une précieuse contribution.
Pour le non-spécialiste, le traitement du cancer du sein métastatique peut paraître confus du fait de la multiplicité des formes évolutives de la maladie, de la variabilité de la réponse thérapeutique, des nombreux protocoles utilisés, et des différentes stratégies selon les équipes. Cette complexité trahit notre impuissance à éradiquer définitivement la maladie, et notre incapacité à allonger perceptiblement la survie des malades. Par ailleurs, l’impossibilité à prédire la réponse au traitement est un handicap majeur pour le choix des médicaments. Dans ces conditions, les effets secondaires et la toxicité des traitements sont, aux différentes étapes de la maladie, les éléments déterminants de la décision thérapeutique : la préférence ira, chaque fois que possible, à l’hormonothérapie, mieux tolérée, puis on utilisera la chimiothérapie en cas d’hormono-résistance.
1. Hormonothérapie :
1) Récepteurs hormonaux et hormonosensibilité :
Dans le tissu cancéreux mammaire, la présence de récepteurs d’estrogènes et de progestérone a une valeur de bon pronostic, d’intérêt primordial au moment du diagnostic initial de la maladie, et a un rôle prédictif de l’efficacité du traitement hormonal en phase métastatique. La présence de ces récepteurs est corrélée à la différenciation histologique : les cancers les plus différenciés, biologiquement les plus proches du tissu mammaire normal, ont des taux élevés de récepteurs, un meilleur pronostic et une plus grande probabilité d’être sensibles à un traitement hormonal. A leur début, la majorité des cancers du sein sont probablement sous la dépendance des estrogènes, mais avec la progression dans le temps (d’emblée pour certaines tumeurs agressives), en même temps que le tissu tumoral se dédifférencie spontanément l’hormonosensibilité disparaît.
Par ailleurs l’hormonothérapie inhibe la seule prolifération des cellules hormonosensibles, sélectionne les cellules hormono-indépendantes et à terme la maladie devient hormonorésistante ; de plus, les cellules hormonosensibles sont capables d’acquérir secondairement une résistance au traitement hormonal, dont de nombreux mécanismes ont été décrits. Dans tous les cas, l’effet clinique de l’hormonothérapie, même s’il peut être très prolongé, n’est que transitoire.
Rem : En l’absence de dosage des récepteurs, l’hormonosensibilité peut être prédite sur un certain nombre de facteurs cliniques : malade ménopausée, malade âgée, long intervalle libre avant la récidive métastatique (égal ou supérieur à 3 ans), site métastatique osseux, cutané ou ganglionnaire, faible nombre de sites métastatiques, bon état général.
2) Hormonothérapie du cancer du sein :
La suppression de l’action des estrogènes est à la base du traitement hormonal : elle entraîne une régression tumorale chez un tiers de l’ensemble des malades et chez plus de 60 % des malades quand la tumeur exprime le récepteur d’estradiol.
Ces résultats sont en accord avec le rôle déterminant attribué à l’estradiol dans la pathogénie du cancer du sein. La réponse à l’hormonothérapie a une valeur pronostique : la survie médiane est de 32 mois en cas de réponse, elle est de 13 mois et demi en cas de non-réponse.
– Chirurgie hormonale : ovariectomie, surrénalectomie bilatérale, hypophysectomie.
– Médicaments à activité hormonale anticancéreuse : androgènes, tamoxifène, progestatifs, aminoglutéthimide.
3) Effets paradoxaux de l’hormonothérapie :
– Exacerbation tumorale (flare up des anglo-saxons) :
Le phénomène d’exacerbation tumorale (flare up : flambée) décrit la première fois avec le tamoxifène, a également été observé avec les androgènes et exceptionnellement les progestatifs ; il s’observe dans les 15 jours après le début du traitement et s’atténue en 2 à 3 semaines ; il concerne 1 à 3 % des malades ; l’augmentation des douleurs osseuses, l’aggravation objective des lésions cutanées et l’hypercalcémie observées dans ces conditions ne doivent pas être interprétées comme une progression de la maladie, elles témoignent au contraire d’une hormonosensibilité de la tumeur et d’une bonne réponse ultérieure ; le traitement doit être poursuivi et les symptômes seront traités spécifiquement.
– Réponse à l’arrêt de l’hormonothérapie :
L’amélioration de la maladie à l’arrêt d’un agent hormonal est connue depuis 1949 avec les androgènes, il a été observé avec le tamoxifène mais pas avec les progestatifs. Les publications portent sur des séries rétrospectives. Globalement on peut estimer à 5-8 % le taux de réponse à l’arrêt de ces agents hormonaux.
4) Hormonothérapies associées et successives :
– Association de plusieurs agents hormonaux :
Il ressort des études réalisées que la survie des malades n’est pas améliorée lorsque l’on associe deux agents hormonaux par rapport à un agent seul et les effets secondaires sont majorés.
– Réponse à plusieurs lignes successives d’hormonothérapie :
La monothérapie est recommandée, mais nous l’avons vu, l’effet du traitement même s’il peut se prolonger pendant plusieurs années, n’est que transitoire. Quand survient la reprise évolutive, un changement d’hormonothérapie peut à nouveau entraîner une amélioration durable de la maladie, et dans les cas les plus favorables une troisième ligne, voire une quatrième ligne ont un effet positif.
Le taux de réponse après échec du tamoxifène est de 50 % chez les malades ayant répondu au tamoxifène et de 25 % chez les non-répondeurs, ceci aussi bien pour l’AMG que pour la médroxyprogestérone.
Choix de l’hormonothérapie :
Il n’y a pas de règle établie d’administration du traitement hormonal ; nous présentons (fig. 1) le schéma le plus utilisé qui comporte plusieurs lignes d’hormonothérapie successives.
Si la patiente n’est pas ménopausée, le premier traitement est la suppression estrogénique ovarienne classiquement définitive (chirurgicale ou radiothérapique) ; l’utilisation d’un agoniste de LH-RH dont l’effet est transitoire fait prendre un risque théorique de reprise évolutive du clone cellulaire hormonosensible, si le médicament est interrompu.
5) Association à la chimiothérapie :
L’association d’une chimiothérapie à l’hormonothérapie ne s’est pas révélée supérieure à l’utilisation successive dans le temps de l’un ou l’autre de ces deux traitements, et l’hormonothérapie première suivie de chimiothérapie reste préférable pour une meilleure qualité de vie.
L’hormonothérapie du cancer du sein est un champ de recherche très actif où de nouveaux anti-estrogènes, antiaromatases et progestatifs sont testés parallèlement à la recherche de nouvelles classes de médicament.

2. Chimiothérapie :
Les adénocarcinomes du sein figurent parmi les tumeurs solides chimiosensibles : un grand nombre d’agents cytotoxiques induisent des régressions tumorales objectives, parfois complètes. Cependant la durée de ces rémissions, qui sont le plus souvent partielles, est courte et en moyenne inférieure à 12 mois. La chimio-sensibilité du cancer du sein n’est donc que relative, et cette affection demeure actuellement une maladie incurable à la phase métastatique. La chimiothérapie peut cependant, chez les malades répondant bien au traitement, permettre une survie de bonne qualité, en contrôlant les symptômes gênants de la maladie (douleurs osseuses, dyspnée, asthénie…). Des progrès thérapeutiques restent nécessaires : découverte de nouveaux agents cytotoxiques et de nouvelles combinaisons médicamenteuses, ou optimisation des doses administrées.
1) Médicaments classiques :
– Anthracyclines et agents apparentés :
Le chef de file de cette classe médicamenteuse, l’adriamycine, est l’agent le plus efficace en monothérapie : elle permet d’obtenir une réponse tumorale objective chez 40 à 50 % des malades ; ses effets indésirables importants (alopécie, nausées/vomissements, myocardiopathie) ont fait rechercher des analogues avec un meilleur profil de tolérance :
. l’épirubicine entraîne un taux de réponse et une survie similaires à l’adriamycine avec une meilleure tolérance,
. la pirarubicine, testée dans un nombre d’études plus restreint, permet d’obtenir un taux de réponse proche de celui de l’épirubicine (38 à 50 % chez les malades non prétraitées), avec un profil de tolérance similaire,
. la mitoxantrone, chef de file des anthraquinones entraîne un taux de réponse de 33 % environ, un peu inférieur à celui de l’adriamycine, mais avec le meilleur profil de tolérance en particulier sur les plans cardiaque, digestif, et capillaire.
– Alkylants :
En monochimiothérapie, les agents alkylants donnent 20 à 35 % de réponse chez des malades non prétraitées. Le chef de file de cette classe médicamenteuse est le cyclophosphamide (Endoxan ®).
Les autres agents utilisés dans le traitement du cancer du sein métastatique sont le melphalan, le thiotépa, et l’ifosfamide.
– Antimétabolites :
Le 5-fluoro-uracile et le méthotrexate sont les plus actifs dans cette pathologie : 25 à 35 % de réponse et ils sont couramment intégrés dans les associations chimiothérapiques classiques.
– Vinca-alcaloïdes :
Ces agents sont considérés comme modérément actifs dans le cancer du sein métastatique : 20 % de réponse.
La vincristine, la vindésine, et la vinblastine diffèrent dans leur profil de tolérance (neurotoxicité ou hématotoxicité prédominante) mais pas dans leur efficacité.
La vinorelbine (Navelbine ®) se distingue des autres poisons du fuseau par l’originalité de son mécanisme d’action, par son large spectre d’activité antitumorale et sa faible toxicité neurologique. Avec un taux de réponse de 40 % chez les malades non prétraitées, et de 30 % chez les malades ayant déjà reçu une chimiothérapie, la vinorelbine est un candidat idéal pour les protocoles d’associations.
– Sels de platine :
L’activité de ces agents dans le cancer du sein a été longtemps l’objet de controverses. Il est maintenant admis que le cisplatine est un agent efficace, puisqu’il est associé à un taux de réponse de 30 à 50 % selon les études.
2) Associations chimiothérapiques classiques :
– Associations classiques :
Le principe de la polychimiothérapie repose sur l’association de plusieurs agents anticancéreux présentant un mécanisme d’action différent et une toxicité différente ou non cumulative. Les associations les plus fréquemment utilisées sont de type :
. FAC (fluoro-uracile + adriamycine + cyclophosphamide),
. FEC (fluoro-uracile + épirubicine + cyclophosphamide),
. CMF (cyclophosphamide + méthotrexate + fluoro-uracile),
. CMFVP (CMF + vincristine + prednisone).
– Durée optimale de la chimiothérapie :
Les cures de chimiothérapie sont administrées toutes les 3 à 4 semaines et le traitement est traditionnellement administré de façon ininterrompue jusqu’à ce que la maladie progresse et impose une modification thérapeutique.
Cependant, plusieurs études cliniques testant l’impact d’une chimiothérapie discontinue ont été conduites au cours de la dernière décennie. Le Danish Breast Cancer Cooperative Group a comparé l’administration de l’association FEC au rythme d’un cycle toutes les 3 semaines pendant 18 mois, à une administration plus brève de 6 mois : la survie sans progression est significativement plus longue chez les malades traitées de façon prolongée (71 semaines contre 41 semaines), ainsi que la survie globale (médiane de survie de 93 semaines contre 77 semaines).
Enfin, l’étude ERASME de Clavel et al n’a pas montré de différence entre une administration discontinue par rapport à une administration continue d’une chimiothérapie de type FEC.
3) Perspectives en chimiothérapie :
a) Nouveaux médicaments :
– Taxanes (ou taxoïdes) :
Il s’agit d’une nouvelle famille d’anticancéreux, qui ont un mode d’action original : au moment de la mitose, ils favorisent la polymérisation mais également inhibent la dépolymérisation des microtubules lors de la division cellulaire.
Ces produits, utilisés seuls donnent plus de 50 % de réponse. En association, en particulier avec l’adriamycine, les taux de réponse dépassent 90 % dans certaines études avec des réponses complètes dans plus d’un tiers des cas.
. Le premier agent de cette classe le paclitaxel (Taxol ®) est extrait de l’écorce du tronc de l’if du Pacifique, Taxus brevifolia, sa toxicité limitante est hématologique (neutropénie) ; des taux de réponse de 56 à 62 % ont été observés chez des malades déjà prétraitées ; le paclitaxel est administré toutes les 3 semaines, la perfusion de 3 heures semble s’imposer par rapport à la perfusion de 24 heures initialement préconisée pour limiter les phénomènes allergiques.
. Le docétaxel (Taxotère ®) est extrait des aiguilles de l’if européen Taxus baccata, sa toxicité limitante est aussi hématologique (neutropénie) ; la dose recommandée est de 100 mg/m2 en perfusion de 1 heure toutes les 3 semaines avec un taux de réponse de 50 à 61 % ; dans les tumeurs résistantes aux anthracyclines, un taux de réponse intéressant de 31 à 55 % a été observé.
– Gemcitabine :
Antimétabolite dérivé de la déoxycytidine, la gemcitabine est un inhibiteur de l’ADN polymérase qui donne en perfusion courte hebdomadaire 22 % de réponse avec une excellente tolérance hématologique (le principal effet secondaire est un syndrome pseudogrippal réagissant au paracétamol) ce qui facilite son association aux agents classiques.
– Après les premières études concernant des patients en récidive après chimiothérapie conventionnelle, la tendance actuelle est d’utiliser les taxanes en première intention d’une part, en polychimiothérapie d’autre part (associés alors aux anthracyclines, aux alkylants, aux sels de platine).
b) Nouvelles associations :
– Associations anthracyclines – taxanes :
. Adriamycine-paclitaxel : cette association a fait l’objet de plusieurs études dans le cancer du sein métastatique ; les taux de réponses varient de 45 à 94 % ; la toxicité dose limitante est la neutropénie, mais une toxicité cardiaque a également été notée avec cette association (18 % d’insuffisance cardiaque à une dose cumulative d’adriamycine de 480 mg/m2).
. Epirubicine-paclitaxel : elle donne 48 % de réponse dans une étude préliminaire, avec une toxicité hématologique et cardiaque tolérables. L’intéressante association a priori, paclitaxel-épirubicine-cyclophosphamide est en cours d’étude et paraît tolérable dans les résultats préliminaires.
. Adriamycine-docétaxel : l’association adriamycine (50 mg/m2)-Taxotère ® (75 mg/m2) est possible toutes les 3 semaines avec une toxicité essentiellement hématologique.
– Association anthracyclines-vinorelbine :
L’association adriamycine-vinorelbine donne un taux de réponse élevé en première ligne métastatique (75 % en moyenne), au prix d’une toxicité acceptable, essentiellement hématologique.
– Autres associations :
D’innombrables associations chimiothérapiques sont utilisées dans le cancer du sein métastatique. Les progrès viennent le plus souvent de molécules mieux tolérées que les précédentes ; les associations sont établies empiriquement : les nouveaux cytotoxiques viennent remplacer un produit estimé moins intéressant dans une combinaison déjà validée.
La multitude des associations rencontrées en pratique courante cache une misère thérapeutique fondamentale qui impose la recherche de voies nouvelles.
4) Chimiothérapie à forte dose :
a) Bases théoriques et premières études :
L’adénocarcinome du sein métastatique est chimiosensible mais exceptionnellement chimiocurable. Le taux de réponse complète après une chimiothérapie conventionnelle est inférieur à 15 % dans la majorité des grandes séries. Dans les essais de phase III, l’augmentation de la dose-intensité des drogues utilisées, permet une amélioration modeste du taux de réponse globale (moins de 20 %) et du taux de réponse complète (inférieure à 10 %) sans amélioration significative de la survie. Toutefois, dans ces essais, l’augmentation de la dose-intensité relative est modeste : de 15 à 30 %.
L’efficacité sur les taux de réponse et de survie, d’une augmentation plus importante de la dose-intensité, a été étudiée récemment. Pour rendre acceptable la toxicité hématologique de ces chimiothérapies intensives, il est nécessaire d’utiliser une greffe de cellules souches hématopoïétiques.
La capacité des agents cytotoxiques, administrés à dose massive, à augmenter le pourcentage de cellules détruites, et par là à surmonter la résistance des cellules aux drogues cytotoxiques est suggérée par des modèles mathématiques et a été validée chez l’animal ; en clinique, les tumeurs hématologiques ont été les premières à bénéficier de ce type d’intensification qui a également été proposée dès 1983 pour le traitement des adénocarcinomes mammaires.
b) Choix du protocole de chimiothérapie massive :
L’élaboration des protocoles de chimiothérapie intensive utilisés dans le traitement des cancers du sein répond à plusieurs principes :
– l’administration de la dose la plus élevée possible du médicament cytotoxique afin d’exploiter l’effet-dose observé in vitro,
– l’utilisation de polychimiothérapies pour limiter l’émergence de résistances,
– l’association de drogues possédant un mécanisme d’action différent,
. l’association de drogues possédant un spectre de toxicité différent,
. l’utilisation de drogues pour lesquelles la toxicité limitante non hématologique est observée à des doses cinq à dix fois supérieures à la dose maximale tolérable sur le plan hématologique.
Cette dernière considération explique que les anthracyclines, agents cytotoxiques induisant les taux de réponse les plus élevés en monothérapie dans cette affection ne soient pas ou peu utilisées dans ce type de protocoles, du fait de leur toxicité cardiaque cumulative. Il en est de même des poisons du fuseau, en particulier la vinorelbine ou le 5-fluoro-uracile. Les agents alkylants (cyclophosphamide, melphalan, thiotépa, CDDP) constituent de fait les médicaments les plus utilisés dans ces protocoles.
c) Perspectives : les chimiothérapies intensives multiples :
Bien que les résultats rapportés avec les chimiothérapies intensives soient encourageants, la majorité des patientes rechutent dans les 3 ans après une cure unique. Plusieurs groupes ont donc développé des programmes de chimiothérapie intensive double, triple ou quadruple dans le but d’améliorer les taux de réponse et la durée de la réponse. Il s’agit toutefois d’études pilotes et l’intérêt de telles procédures thérapeutiques devra être confirmé par des essais de phase III.
3. Chirurgie en phase métastatique :
Dans les stratégies de traitement du cancer du sein métastatique, trois indications de la chirurgie sont retenues :
1) La chirurgie à visée diagnostique devant une image radiologique suspecte : ces prélèvements peuvent aller de la simple biopsie d’une lésion cutanée au prélèvement d’une métastase pulmonaire ou une biopsie hépatique.
2) La chirurgie à visée curative : moins de 10 % des malades peuvent relever de cette stratégie. Associée au traitement médical, elle trouve ses indications dans le traitement de métastases uniques ou en nombre très limité dans une seule structure anatomique : localisations pulmonaires (1 à 3 nodules d’un seul côté), hépatiques (l à 2 métastases dans un seul lobe), cérébrales (l localisation unique opérable), osseuses.
Elle peut intervenir d’emblée quand le problème diagnostique n’est pas résolu ou, plus souvent, après quelques mois de traitement médical dans le double but d’en connaître la sensibilité et d’avoir un recul suffisant pour apprécier le temps de doublement tumoral et d’acquérir la certitude de son unicité.
Pour les métastases osseuses ou cérébrales opérées dans ces conditions, une irradiation complète la chirurgie.
Dans ces conditions d’application optimales, les taux de survie à 5 ans atteignent 50 % pour les métastases hépatiques.
3) La chirurgie à visée palliative : sous ce terme interviennent des stratégies de traitement différentes selon les localisations tumorales. Ainsi une amputation mammaire peut être proposée quand une récidive locale agressive s’associe à une dissémination métastatique évidente. De même, une localisation ovarienne peut justifier une exérèse chirurgicale à des fins diagnostiques et de réduction de la masse tumorale.
Plus spécifiquement palliative sont les interventions de dérivation digestive en cas de métastases rétropéritonéales compressives dont l’objectif est de rétablir des conditions physiologiques satisfaisantes avant la mise en œuvre d’un traitement médical spécifique. Enfin depuis plusieurs années se sont développées les interventions orthopédiques dans le but de prévenir ou de traiter les fractures d’os longs métastatiques, de prévenir ou traiter les complications vertébrales et médullaires de métastases rachidiennes uniques ou étendues.
Ces interventions ont permis d’améliorer significativement la qualité de la survie des malades et de simplifier les traitements symptomatiques.
4. Principes de radiothérapie en phase métastatique :
La radiothérapie tient une place importante dans le cancer du sein métastatique comme traitement palliatif à visée antitumorale et antalgique, le principal objectif thérapeutique à ce stade de la maladie étant le confort de la patiente.
L’irradiation vient en complément d’un traitement par voie générale pour soulager les douleurs focalisées ou lever l’effet de masse des métastases responsables de compression ou d’obstruction.
Les malades traitées pour métastases représentent 20 à 40 % de l’activité d’un service de radiothérapie.
La technique d’irradiation sera simplifiée au maximum, de durée minimale avec un minimum de mobilisation : irradiation semi-concentrée : 30 Gy en dix séances et 12 jours pour l’irradiation de métastases cérébrales ou osseuses (os longs, bassin, vertèbres), ou irradiation en flash qui apporte un soulagement rapide et qui doit être préférée chez les patientes particulièrement fragiles et souffrantes.
De nombreuses situations métastatiques peuvent ainsi bénéficier d’une irradiation dans le cancer du sein métastatique : les douleurs osseuses ou la menace fracturaire ostéolytique, les compressions médullaires, les métastases cérébrales, les lésions cutanées ou ganglionnaires, les métastases choroïdiennes, hépatiques ou pulmonaires… (cf. infra : Situations métastatiques particulières).
5. Approche thérapeutique individuelle en phase métastatique :
Le traitement du cancer du sein métastatique est palliatif ; la place de la chirurgie n’est pas à négliger mais reste faible dans cette situation ; la radiothérapie au contraire est omniprésente et son effet palliatif est utilisé ponctuellement dans de nombreuses circonstances ; cependant c’est l’hormonothérapie et la chimiothérapie qui représentent véritablement la base du traitement : toutes deux ont la capacité de prolonger (modestement) la survie et toutes deux ont le pouvoir d’atténuer les symptômes qui handicapent la vie des malades.
Pour chaque patiente se pose le choix du traitement systémique à employer. Nous avons vu qu’il n’y a pas de bénéfice à associer hormonothérapie et chimiothérapie, et que l’on peut indifféremment utiliser successivement l’un ou l’autre, sans que la survie ne soit modifiée. La qualité de vie procurée par l’hormonothérapie étant incomparablement meilleure que celle observée sous chimiothérapie, fait préférer le traitement hormonal en premier. Le principe consiste à épuiser les possibilités de l’hormonothérapie avant de proposer une chimiothérapie, cette dernière est réservée aux maladies hormonorésistantes. La seule restriction à cette règle relève des situations d’urgence thérapeutique où il n’est pas acceptable d’attendre 4 à 6 semaines l’effet hormonal, dans ces cas il faut débuter par une chimiothérapie puis revenir à l’hormonothérapie quand la malade est améliorée ; en pratique, ces situations sont exceptionnelles : progression rapide cliniquement évidente, insuffisance respiratoire métastatique et envahissement hépatique majeur sont les plus courantes (les métastases hépatiques ne mettant pas en jeu le pronostic vital immédiat sont traitées comme les autres sites métastatiques ; les métastases cérébrales non accessibles à la chimiothérapie sont traitées par radiothérapie).
– La connaissance des RE et des RP est l’élément clé d’une décision thérapeutique rationnelle, les tumeurs dont les récepteurs sont négatifs doivent être traitées par chimiothérapie, celles dont les récepteurs sont positifs par hormonothérapie jusqu’à hormonorésistance avérée : dans les cas privilégiés, non exceptionnels, il est possible d’administrer successivement trois lignes d’hormonothérapie avec une vie normale pendant plusieurs années, avant que la maladie ne devienne hormonorésistante et n’impose une chimiothérapie.
– Quant à la chimiothérapie, bien que palliative et immédiatement toxique, elle doit toujours être proposée quand la malade est symptomatique : en cas de réponse l’état est transformé et la vie redevient subnormale pendant plusieurs mois ; en cas de “résistance” on propose une autre ligne de chimiothérapie comportant des médicaments d’action différente. Le choix de la chimiothérapie se fera en fonction de l’état de la malade, des antécédents pathologiques, de l'”urgence” thérapeutique, de la toxicité des différentes drogues et de la connaissance personnelle que l’on a des protocoles utilisés.
Il n’y a pas de chimiothérapie standard unanimement reconnue, les possibilités sont très variées : en première ligne, les associations à base d’anthracyclines ont la préférence de la majorité des équipes même si cette classe de médicament a déjà été administrée en situation adjuvante ; certaines équipes restent fidèles à la classique association CMF. Environ la moitié des malades bénéficient de la première ligne de chimiothérapie pendant une durée moyenne de 6 à 9 mois ; en deuxième ligne, quand on observe un échappement de la maladie ou si la toxicité l’impose, il faut changer d’association : on ne peut pas conseiller un ordre précis d’utilisation des molécules de l’arsenal dont on dispose, plusieurs lignes peuvent ainsi être administrées avec une probabilité de réponse de plus en plus faible, une durée de réponse de plus en plus courte et une tolérance de moins en moins bonne.
6. Stratégie thérapeutique :
Le plan de traitement repose sur l’évaluation respective de l’extension et l’évolutivité de la maladie d’une part, et des capacités de réponses de la malade d’autre part.
1) Bilan initial :
– L’anamnèse situe la survenue de la métastase par rapport au traitement de la tumeur primitive. Un délai supérieur à trois ans laisse espérer une faible évolutivité alors qu’une rechute survenant dans les six mois témoigne d’une évolution rapide.
– La recherche de signes fonctionnels de gravité permet de préciser l’évolutivité de la maladie. Une dyspnée, des troubles digestifs persistants, des troubles neurologiques peuvent évoquer des localisations métastatiques grevant le pronostic vital à court terme : une pleurésie, une lymphangite médiastinale, des métastases hépatiques, une tumeur cérébrale ou une méningite doivent alors être recherchées. L’examen clinique suffit en général à évoquer ces diagnostics qui seront facilement vérifiés par une radiographie pulmonaire, une échographie abdominale avec bilan hépatique, un scanner cérébral, puis éventuellement une ponction lombaire.
D’autres examens peuvent être réalisés en fonction du contexte clinique : endoscopie (abdomino-pelvienne, bronchique), biopsie hépatique…
Un dosage des récepteurs des estrogènes et de la progestérone doit être fait lorsqu’une métastase est facilement accessible : nodule cutané, ganglion…
2) Plan de traitement :
Au terme du bilan préthérapeutique, il est souvent possible d’avoir une idée du traitement à proposer (Tableau I).

L’attitude palliative imposée par la dissémination métastatique doit faire adopter une stratégie thérapeutique cohérente (Fig. 2).
– Une métastase unique, dans un organe non vital (os), pour une tumeur d’évolution lente et récidivant plus de 5 ans après l’épisode initial, peut faire l’objet d’une irradiation localisée exclusive et d’une surveillance.
– A l’inverse, s’il existe plusieurs métastases, un traitement général est indiqué.
Si l’une de ces lésions est menaçante pour le pronostic vital, on entreprend une chimiothérapie.
. Sinon, lorsque le délai de rechute est long, une hormonothérapie est proposée, quel que soit le dosage des récepteurs hormonaux.
. Lorsque la rechute survient plus précocement (inférieure à 5 ans), la connaissance des récepteurs permet de choisir entre hormonothérapie et chimiothérapie : en cas de négativité, un traitement hormonal n’est efficace que dans 5 à 10 % des cas, tandis qu’en cas de positivité le taux de réponse varie de 50 à 80 %. Enfin, l’association de chimio et d’hormonothérapie peut être envisagée lorsqu’on veut obtenir une réponse maximale pour des métastases rapidement évolutives.

Lorsqu’une réponse est obtenue, le traitement utilisé est poursuivi tant qu’il reste efficace, à condition que sa toxicité soit acceptable. Lorsqu’une chimiothérapie, à base de doxorubicine, doit être arrêtée (dose cumulée limite de 550 mg/m2), plusieurs attitudes peuvent être envisagées. En fonction de l’importance des lésions métastatiques initiales et de la réponse au traitement, on peut proposer soit une chimiothérapie d’entretien (rémission partielle et lésions menaçant le pronostic vital), soit une hormonothérapie (rémission partielle et lésions peu évolutives), soit l’abstention thérapeutique, plus discutable (rémission complète et lésion ne menaçant pas le pronostic vital).
Une attitude cohérente doit donc être adaptée en fonction de l’évolution prévisible de la maladie ; ainsi, au cours d’une hormonothérapie indiquée pour des métastases osseuses, l’apparition d’une lymphangite médiastinale doit faire remplacer ce traitement par une chimiothérapie (quelle que soit la réponse sur les métastases osseuses), en raison du risque fonctionnel et vital que fait courir cette localisation secondaire. A l’inverse, l’aggravation d’une seule localisation osseuse doit faire proposer un traitement local complémentaire (radiothérapie ou chirurgie) et maintenir le même traitement général si les autres métastases restent contrôlées par celui-ci.
Dans d’autres cas, lorsqu’après une réponse initiale survient un échappement de la maladie à l’hormonothérapie utilisée, un autre traitement hormonal peut être proposé. Si une nouvelle réponse est obtenue, elle est d’importance et de durée souvent inférieures à la première.
3) Résultats :
Les deux objectifs du traitement d’un cancer métastatique sont d’améliorer la qualité de la vie et de prolonger la survie.
La survie médiane des cancers du sein secondairement métastatiques est de douze mois à partir de l’apparition de la première métastase ; celle des cancers d’emblée métastatiques est de dix-huit mois. En fait, la probabilité de survie varie en fonction du type de localisation métastatique : une récidive locorégionale et/ou une atteinte ganglionnaire ont une évolution spontanée ou sous traitement général plus longue que des localisations osseuses et surtout viscérales. Il faut de plus tenir compte du délai de rechute : s’il est bref, après le traitement de la tumeur primitive, la survie sera courte même si la métastase est peu menaçante, de l’ordre d’un an. A l’inverse certaines localisations viscérales de survenue tardive peuvent s’accompagner d’une survie secondaire approchant les deux années. L’application d’un traitement général permet d’améliorer la survie par rapport à celle obtenue par un traitement local mais cela n’est peut-être pas vrai pour toutes les localisations. Le débat reste ouvert d’autant que certaines études ont montré que malgré l’utilisation de la chimiothérapie, la survie des cancers métastatiques n’était pas améliorée. La séquence des traitements généraux à appliquer peut aussi faire varier les résultats, un traitement hormonal immédiat pouvant altérer la réponse à une chimiothérapie secondaire et inversement.
La moyenne des résultats présentés, en terme de réponse objective ou de survie, sont difficiles à interpréter et varient avec les nombreux paramètres étudiés dans le bilan préthérapeutique. N’ayant à l’heure actuelle aucune possibilité de guérir un cancer du sein métastatique, les efforts doivent porter sur les choix successifs des différents traitements possibles. C’est à ce prix que la prise en charge thérapeutique remplira le mieux son rôle dans le traitement palliatif de ces malades.
7. Situations particulières en phase métastatique :
1) Métastases osseuses :
Les métastases osseuses sont une complication fréquente des cancers du sein avancé. Les études autopsiques révèlent jusqu’à 70 % de métastases osseuses comparées aux 30 % de métastases pulmonaires ou hépatiques.
Si la maladie métastatique est limitée au squelette, la survie peut être longue avec 20 % de survivants au-delà de 5 ans.
Cette particularité clinique et évolutive est responsable d’une morbidité importante, incluant douleurs, fractures, hypercalcémie et compression médullaire.
Les métastases osseuses des cancers du sein sont très souvent ostéolytiques, rarement ostéocondensantes ou mixtes. La destruction de la matrice osseuse est le résultat d’une augmentation de la résorption osseuse par les ostéoclastes. Les cellules tumorales sécrètent des cytokines qui stimulent l’activité, le recrutement et la différenciation des ostéoclastes.
Les substances libérées par la résorption de la matrice (ostéocalcines, peptides, facteur de croissance), pourraient être chimiotactiques pour les cellules tumorales et pourraient stimuler leur prolifération. Il existerait un autoentretien réciproque dans le tissu osseux, entre la destruction osseuse et la croissance tumorale.
La douleur est le symptôme prédominant des métastases osseuses et les antalgiques font partie intégrante du traitement.
Ils doivent être prescrits de façon adaptée, suivant l’échelle de progression des doses et des types d’analgésiques : le premier palier comporte les antalgiques simples (chef de file : le paracétamol), le troisième palier est représenté par la morphine dont l’administration est grandement simplifiée par les formes orales retard et le deuxième palier, omis par certains, correspond aux morphiniques mineurs (codéine, dextropropoxyphène…). L’association aux opiacés d’antalgiques simples ou d’anti-inflammatoires, augmente le contrôle de la douleur et par là limite les effets secondaires des morphiniques. Ils doivent être diminués dès que les traitements spécifiques ont été efficaces.
La chirurgie est indiquée pour le traitement de fractures pathologiques ou en prévention du risque fracturaire :
– en cas de fracture pathologique, l’indication est justifiée si l’espérance de vie est supérieure à 6 semaines, l’état général correct, le bénéfice supérieur au traitement médical, la stabilisation efficace et une mobilisation précoce possible,
– en cas de lésion ostéolytique menaçante, l’indication sera posée si l’atteinte porte sur les os longs porteurs, si la lésion ostéolytique est supérieure à 2 cm ou la destruction corticale supérieure à 50 %.
La radiothérapie contrôle les douleurs, favorise le maintien d’un bon état fonctionnel et inhibe l’extension tumorale vers les tissus mous. La douleur est soulagée chez 80 % des patientes. Il faut éviter les fortes doses dont la toxicité peut apparaître tardivement chez des patientes dont l’espérance de vie est parfois prolongée, en particulier lors des irradiations rachidiennes (risque de paraplégie radique).
Les inhibiteurs de l’ostéolyse maligne, les biphosphonates, ont une place de choix dans le traitement des métastases osseuses des cancers du sein. Ce sont des analogues du pyrophosphate, qui inhibent la résorption osseuse médiée par les ostéoclastes. Ils ont un effet toxique direct sur les ostéoclastes, mais aussi sur leur adhésion à l’os et leur recrutement à partir des cellules mononucléées.
Trois biphosphonates sont actuellement disponibles : l’étidronate est le plus ancien ; le clodronate et le pamidronate sont les biphosphonates de deuxième génération, plus puissants.
– Le traitement prolongé avec le clodronate oral diminue la fréquence des hypercalcémies, des fractures pathologiques et des compressions médullaires. Il participe à la réduction des douleurs osseuses et diminue la consommation d’antalgiques.
– Le pamidronate, en perfusion tous les 15 jours, améliore les douleurs d’origine osseuse.
Tous les biphosphonates préviennent la survenue d’hypercalcémie et améliorent significativement la qualité de vie.
En conclusion, la reconnaissance des caractéristiques cliniques et évolutives des métastases osseuses des cancers du sein permet une prise en charge spécifique où parallèlement aux traitements anticancéreux, la radiothérapie focalisée et les traitements antalgiques jouent un rôle clé et les biphosphonates ont une place prometteuse.
2) Compression médullaire :
C’est une urgence thérapeutique. Le diagnostic doit être suspecté précocement devant toute douleur rachidienne à irradiation radiculaire ; cette douleur est provoquée par le conflit lésionnel et précède le syndrome neurologique déficitaire sous-lésionnel moteur ou sensitif qui relève de la compression de la moelle ou de la queue de cheval ; les troubles sphinctériens sont précoces et faciles à reconnaître à l’interrogatoire.
Au stade de paraplégie, la moitié des patientes seulement retrouveront une autonomie de la marche.
La résonance magnétique nucléaire (RMN) est l’examen primordial du diagnostic, qui montre l’atteinte osseuse et la compression nerveuse. Le traitement repose soit sur une irradiation exclusive associée au repos et aux antiœdémateux pour limiter l’anoxie tissulaire, soit sur une chirurgie de décompression et de stabilisation suivie d’une radiothérapie postopératoire. La chirurgie est proposée en priorité chaque fois que possible (bon état général, déficit neurologique récent, accessibilité chirurgicale), l’irradiation exclusive est réservée aux cas non opérables.
3) Métastases cérébrales :
Le cancer du sein est le primitif le plus fréquemment retrouvé comme étiologie d’une métastase cérébrale.
Le diagnostic est porté devant des signes neurologiques : crises comitiales localisées ou généralisées, hypertension intracrânienne, déficits neurologiques, troubles psychiques. La tomodensitométrie (TDM) ou la RMN révèlent soit une image unique, soit plusieurs localisations parenchymateuses.
Classiquement la chimiothérapie et l’hormonothérapie sont inefficaces sur ce site métastatique qui relève de la chirurgie et/ou de la radiothérapie.
– Devant une métastase cérébrale unique, s’il n’y a pas d’autres sites métastatiques et si la tumeur initiale est bien contrôlée, l’indication d’une exérèse chirurgicale doit être discutée avec le neurochirurgien : l’ablation de la lésion confirmera la nature histologique, une irradiation postopératoire est conseillée. Dans le cas où l’indication chirurgicale n’est pas retenue (siège de la métastase inaccessible), l’irradiation sera exclusive.
L’irradiation délivre une dose totale de 40 à 50 Gy focalisée sur le site tumoral avec une technique classique.
– Si les métastases sont multiples, le traitement est palliatif : antiœdémateux et corticoïdes pour lutter contre l’hypertension intracrânienne et irradiation semi-concentrée sur l’encéphale ; la radiothérapie entraîne une amélioration symptomatique dans plus de 80 % des cas.
4) Hypercalcémie :
L’hypercalcémie est la complication métabolique la plus fréquente du cancer du sein. Elle survient le plus souvent tardivement dans l’évolution de la maladie, mais peut être déclenchée lors de la mise en route d’un traitement hormonal (flare up). Elle est liée à l’ostéolyse maligne secondaire à l’hyperactivité ostéoclastique et à la tumeur. Plus rarement, elle peut être paranéoplasique, liée à la sécrétion des facteurs tumoraux de résorption osseuse ostéoclastique (parathormone et peptides apparentés, prostaglandines, facteurs de croissance).
Les symptômes sont insidieux : asthénie, anorexie, soif, constipation, confusion, douleurs diffuses, et peuvent être confondus avec les complications des traitements cytotoxiques.
Le diagnostic est affirmé par une calcémie sérique supérieure à 2,7 mmol/l.
Le traitement a été transformé par les biphosphonates qui normalisent la calcémie en 3 à 5 jours par inhibition de la résorption osseuse ; parallèlement il est indispensable de corriger l’hypovolémie toujours présente, par la perfusion de 3 à 6 litres de sérum salé en 24 à 48 heures et de corriger les pertes sodées et les troubles ioniques associés (hypokaliémie, alcalose). Les biphosphonates sont utilisés par voie injectable, le pamidronate est le plus puissant.
5) Métastases cutanées :
Elles sont présentes chez près d’un tiers des malades au cours de l’évolution. Elles sont souvent de survenue tardive, signant une affection lentement évolutive.
La présentation clinique de ces métastases prend deux formes différentes, éventuellement associées : les nodules de perméation cutanée, et la lymphangite carcinomateuse cutanée. Le siège de prédilection est la paroi thoracique antérieure, particulièrement la région péricicatricielle chez une malade antérieurement opérée, mais peu de territoires sont épargnés, les nodules de perméation au niveau du cuir chevelu ne sont pas rares.
Ces lésions métastatiques peuvent rester longtemps asymptomatiques, ou induire des symptômes extrêmement gênants, responsables d’une altération majeure de la qualité de vie (prurit, douleur, sensation de brûlure et oppression thoracique).
L’évolution est proliférante et exophytique, ou à l’opposé ulcérante et creusante avec fréquemment une surinfection cutanée (souvent induite par des germes multirésistants) ou des suintements hémorragiques.
S’ils sont peu nombreux, les nodules de perméation cutanés doivent faire l’objet d’une exérèse chirurgicale ; une électronthérapie de la zone pathologique (en complément d’une exérèse chirurgicale, ou à titre exclusif) peut être effectuée ; le traitement systémique ne diffère pas des principes généraux développés plus haut : l’hormonothérapie reste le traitement de première intention et en cas d’échappement, la chimiothérapie.
6) Epanchement pleural métastatique :
Le développement d’une pleurésie métastatique est observée dans la moitié des cas de cancer du sein métastatique. Il s’agit d’un exsudat où le taux de protéines est supérieur à 30 g/l : l’accumulation liquidienne dans l’espace pleural est en relation avec la rupture de l’endothélium capillaire par la métastase pleurale, avec, comme conséquence, une gêne à la résorption liquidienne et une réaction inflammatoire.
L’épanchement est homolatéral au cancer primitif dans 60 à 70 % des observations, ce qui plaide plus en faveur d’une diffusion loco-régionale par les vaisseaux lymphatiques qu’en faveur d’une diffusion hématogène. Il y a toutefois des arguments contradictoires avec possibilité d’atteinte de la plèvre viscérale par des métastases ayant diffusé par voie générale.
Non seulement la pleurésie métastatique engage à terme le pronostic vital mais encore, elle est habituellement symptomatique avec dyspnée, toux et douleur thoracique, symptômes plus en relation avec la rapidité d’installation de l’épanchement qu’avec l’abondance de l’épanchement. Dans ces conditions, le traitement procède de deux approches : générale et locale.
– Le traitement par voie générale (hormonothérapie et chimiothérapie) améliore l’épanchement dans 20 à 50 % des cas.
– Le traitement local revêt une importance cardinale en raison du retentissement de l’épanchement sur la qualité de vie des patientes affectées, et de la menace vitale par insuffisance respiratoire.
La ponction à l’aiguille permet la résolution rapide des symptômes mais ne contrôle pas durablement l’épanchement ; sa répétition expose aux risques de pneumothorax, de surinfection et de cloisonnement, de même l’évacuation par drainage pleural aspiratif n’empêche pas la récidive de l’épanchement ; l’instillation d’un agent sclérosant après drainage pleural a été très étudié : la tétracycline, la bléomycine et le talc sont les plus utilisés.
7) Méningite carcinomateuse :
La fréquence de survenue des atteintes métastatiques méningées est évaluée, selon les séries, de 3 à 5 %, le cancer du sein représentant la deuxième cause des méningites carcinomateuses chez les malades traités pour cancer, immédiatement après le cancer des bronches.
Le tableau clinique est varié : rarement syndrome méningé franc, souvent tableau neurologique complexe avec troubles moteurs ou sensitifs, paralysie d’un ou plusieurs nerfs crâniens, obnubilation ou lenteur d’idéation.
La présence de cellules néoplasiques dans le LCR signe le diagnostic ; en absence de cellules caractéristiques, certains éléments orientent le diagnostic : une hyperprotéinorachie ; un taux des marqueurs tumoraux dans le LCR plus élevé que le taux plasmatique (ACE, CA 15-3) ; ou bien mise en évidence par IRM d’une infiltration tumorale leptoméningée de l’axe cérébroméningé ou des gaines nerveuses, et parfois une hydrocéphalie. Dans 30 % des cas, des métastases cérébrales sont associées.
Le traitement consiste en une administration intrathécale de chimiothérapie (méthotrexate). La radiothérapie (irradiation cérébroméningée) représente une autre option thérapeutique possible, son association à la chimiothérapie est délicate.
Globalement le pronostic est extrêmement défavorable, le décès survenant le plus souvent en quelques semaines (médiane de survie : 2 à 4 mois selon les séries), et moins de 10 % des malades sont vivantes 1 an après le diagnostic.
8) Ictère :
En présence d’un ictère, l’échographie est l’examen-clé qui fera la part d’une rétention biliaire et de l’atteinte parenchymateuse.
L’ictère est parfois le mode d’évolution terminale de la maladie quand l’envahissement métastatique massif échappe au traitement : l’ictère est associé à un tableau d’insuffisance hépatique grave avec angiomes stellaires, baisse des facteurs de coagulation, ascite, encéphalopathie ; l’ascite est liée à une hypertension portale et non à une atteinte néoplasique du péritoine ; l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypertension portale sont parfois dissociées.
Si l’ictère ne s’accompagne pas d’une défaillance hépatique globale il faut rechercher, même en cas de métastases hépatiques connues, une dilatation des voies biliaires extrahépatiques par échographie et/ou scanner qui témoigne d’un obstacle : adénopathie comprimant l’arbre biliaire, métastase intrapancréatique, exceptionnellement métastase biliaire intraluminale, ou linite gastrique étendue au duodénum. Dans ces cas, en l’absence d’une diffusion métastatique hépatique majeure, la mise en place d’une endoprothèse par cathétérisme rétrograde de la papille, ou par voie transhépatique ou mixte selon le siège de l’obstacle, doit être tentée. La régression de l’ictère permet, dans les cas favorables, la reprise d’une chimiothérapie systémique et des survies prolongées (supérieures à 36 mois) ont été rapportées, des changements de prothèse sont parfois nécessaires.
En l’absence de dilatation des voies biliaires, il faut examiner les autres causes de cholestase intrahépatique : hépatite virale aiguë A, B, C ou du groupe Herpès (notamment en cas d’immunodépression), hépatite médicamenteuse (hépatite cholestatique des progestatifs de synthèse), hépatite auto-immune, cirrhose biliaire primitive. La maladie veino-occlusive s’observe après chimiothérapie massive notamment de fortes doses d’alkylant et se manifeste par une hépatomégalie douloureuse avec ascite, l’ictère est inconstant et généralement péjoratif ; il s’agit d’une occlusion non thrombotique des veines hépatiques de petit calibre provoquée par une endophlébite œdémateuse puis fibreuse ; le pronostic est sévère avec une mortalité par insuffisance hépatocellulaire supérieure à 50 %.
9) Métastases gastriques :
Les atteintes métastatiques gastriques s’observent chez 1 à 2 % des malades métastatiques ; cette fréquence est certainement sous-évaluée car ces métastases peuvent rester asymptomatiques, ou passer inaperçues dans un tableau multimétastatique. Les signes d’appel sont les douleurs, les brûlures épigastriques, une sensation de plénitude gastrique après les prises alimentaires même en faible quantité, un amaigrissement pouvant aller jusqu’à la cachexie.
Les métastases gastriques du cancer du sein prennent deux formes différentes : il peut s’agir de métastases sous-muqueuses nodulaires, uniques ou multiples, souvent peu symptomatiques, ou d’une infiltration sous-muqueuse diffuse, réalisant une véritable linite gastrique. Le diagnostic est obtenu par l’histologie des biopsies gastriques.
La chirurgie est envisagée dans les formes nodulaires mais n’est pas indiquée dans les linites gastriques qui sont habituellement associées à des métastases péritonéales. L’hormonothérapie représente le traitement médical en première intention ; en cas d’hormonorésistance, les anthracyclines ont un effet antitumoral dans 50 % des cas ; l’effet peut être cliniquement spectaculaire, avec reprise de poids en quelques semaines, et peut se maintenir plusieurs mois. Une radiothérapie peut être discutée cas par cas, surtout pour des douleurs ou des hémorragies non contrôlées.
♦ Médicaments symptomatiques en phase métastatique :
– Une corticothérapie est indiquée pour son action anti-œdémateuse dans les syndromes compressifs (hypertension intracrânienne de métastase cérébrale, méningite néoplasique, compression médullaire ou médiastinale) ; elle peut être utile pour réduire une lymphangite carcinomateuse bronchique, ralentir la reproduction d’un épanchement pleural, pallier un syndrome fébrile sévère, aider à corriger des complications hématologiques (insuffisances médullaires métastatiques ou post-chimiothérapiques), contribuer à l’amélioration subjective des malades en phase terminale, avec notamment une atteinte hépatique ou respiratoire, en administration discontinue.
– Une antibiothérapie peut être aussi indiquée pour des épisodes infectieux, survenant entre deux séries de chimiothérapie, au moment du nadir leucocytaire, à partir d’un foyer connu à traiter localement, et pouvant être facilité par une déficience médullaire préexistante.
– Il ne faut pas enfin oublier, lors de certaines phases de l’évolution de la maladie, psychologiquement pénibles, combien peut être utile la prescription d’antidépresseurs, d’anxiolytiques, de somnifères, pour aider la patiente à reprendre confiance, quel que puisse être son avenir, et à améliorer la qualité de son observance du traitement spécifique.