1. Définition du CJ :

Le CJ est une entité biologique qui se développe en quelques heures après l’ovulation.

Le phénomène de lutéinisation, qui transforme la granulosa avasculaire en tissu lutéal richement vascularisé, est caractérisé par :

– un arrêt des mitoses (des cellules de la granulosa et de la thèque interne),

– une hypertrophie cellulaire (granuleuse) avec surcharge du cytoplasme en éléments indispensables à la stéroïdogenèse (mitochondries, réticulum…),

– la disparition de la membrane basale de Slavjansky met la granulosa en contact avec les vaisseaux sanguins et lymphatiques de la thèque interne qui la pénètrent.

* CJ en fonction de l’âge :

– avant la ménarchie : il n’y a ni ovulation, ni CJ.

– premiers cycles menstruels : souvent alutéaux, marqués simplement par une sécrétion cyclique ± régulière d’estrogènes,

– période d’activité génitale : ovulation régulièrement suivie de CJ,

–   ”    ”   préménopausique : cycles alutéaux, sécrétion estrogénique,

– ménopause : estrogènes, androgènes sécrétés par le stroma ovarien.

2. CJ : glande endocrine :

Le CJ est un organe endocrinien atypique dont la durée de vie est pré-programmée et dont la fonction est partiellement influencée par certains facteurs externes.

Il se développe à partir du follicule qui a expulsé l’ovocyte, et est formé de cellules granuleuses et de cellules thécales lutéinisées ; la paroi folliculaire s’affaisse et se plisse.

1) Sécrétions du CJ :

Elles apparaissent très vite après l’ovulation et atteignent leur maximum entre le 6ème et 8ème jour de l’existence de la glande.

Le CJ est capable de produire toute la séquence des stéroïdes ovariens, avec prédominance de la progestérone (la voie prédominante étant celle de la D4).

a) Granulosa :

Jusqu’alors avasculaire, la granulosa est pénétrée par des capillaires issus de la thèque interne. Ces cellules augmentent de volume et se chargent d’enclaves lipidiques pour devenir des cellules granuleuses lutéiniques sécrétrices de progestérone (40 mg/j).

Nb : la sécrétion de progestérone atteint son acmé au 6ème – 8ème jour de la phase lutéale avant de chuter progressivement jusqu’à la survenue des règles.                   

b) Cellules de la thèque interne :

Elles s’accumulent à la périphérie, entre les replis des cellules granuleuses lutéiniques et forment les cellules thécales lutéiniques sécrétant des estrogènes.

Au total, le développement du CJ passe par un stade de vascularisation au cours duquel les vaisseaux se développent de la thèque vers l’intérieur de la granulosa.

– Le CJ, qui représente environ 20 % de la masse de l’ovaire, commence alors à sécréter la progestérone dont la production atteindra 40 µg/j 8 jours après le pic de LH, pour décliner progressivement et dis­paraître peu avant les menstruations.

– La sécrétion d’E2 augmente de nouveau après avoir chuté lors de l’ovulation, et se maintient un peu plus longtemps que celle de la progestérone.

La durée totale du CJ est de 14 ± 2 jours en l’absence de grossesse.

La diminution de la progestérone est suivie de l’augmentation des Pg F2α ⇒ solubilisation des membranes cellulaires et libération d’enzymes lysosomiales ⇒ destruction du CJ.

2) Biosynthèse et métabolisme des stéroïdes ovariens :

a) Synthèse de la progestérone : granulosa

A partir du cholestérol → prégnénolone → progestérone.

Cette synthèse nécessite des systèmes enzymatiques présents dans les cellules de la granulosa, qui deviennent très actifs sous l’impulsion de la vascularisation intense qui se produit après l’ovulation.

b) Synthèse des estrogènes : thèque interne

Les premières étapes : idem à la progestérone.

Puis voir ci-dessous (de la D4 androstènedione, 2 voies sont donc possibles).

Les estrogènes et leurs métabolites sont éliminés dans les urines sous forme glycuroconjugués surtout.

c) Synthèse des androgènes :

Les androgènes (D4 androstènedione, testostérone) : étape intermédiaire de la biosynthèse des estrogènes par l’ovaire.

Le CJ n’excrète pas d’androgènes ; le tissu ovarien en sécrète en très faible quantité.

Métabolites urinaires : androstérone, étiocholanolone.

3) Devenir du CJ :

a) Si l’ovule n’est pas fécondé :

Le CJ dégénère au bout de 12 à 14 jours et la menstruation témoigne peu après de la cession de son activité.

Le processus d’involution commence quelques jours avant les règles suivantes :

– les fibroblastes apparaissent dans la cavité du CJ (3 jours avant les règles), ainsi que les monocytes et histiocytes,

– les cellules granuleuses présentent une vacuolisation du cytoplasme et une pycnose des noyaux,

– le signe le plus frappant : collapsus vasculaire par épaississement des parois vasculaires ++.

La fibrose transforme le corps jaune en une masse hyaline : le corpus albicans.

b) Si l’ovule est fécondé :

Le CJ persiste et s’hypertrophie : c’est le CJ gravidique, qui conserve son activité pendant les 12 premières semaines de grossesse (grâce à la sécrétion de gonadotrophines chorioniques), puis le relais hormonal est pris par le placenta.

4) Régulation de la stéroïdogenèse du CJ :

L’activité sécrétoire du CJ est stimulée par la LH ; LH transforme le cholestérol en prégnénolone.

3. Contrôle de l’activité du CJ au cours du cycle menstruel :

1) Rôle de l’hypothalamus (LHRH) : Cf chapitre spécial

2) Rôle des gonadotrophines (FSH et LH) : Cf chapitre spécial

3) Etude du cycle menstruel :

a) Cycle de FSH :

– phase folliculaire : FSH croît dès le début, passe par un plateau entre le 8ème-12ème jour qui précédent l’ovulation, puis décroît légèrement,

– pic ovulatoire : contemporain de celui de LH, mais moins important, son taux est multiplié par 4,

– phase lutéale : taux diminué par rapport à celui de la phase folliculaire, minimum à J10 après le pic de LH, puis réascension avant le début du prochain cycle.

b) Cycle de LH :

– phase folliculaire : reste basse et constante,

– pic ovulatoire : il dure 24 h, survient au moment où la température est la plus basse, et précède de quelques heures l’ovulation,

– phase lutéale : diminue régulièrement.

c) 17ß-œstradiol :

– phase folliculaire : au début, taux très bas (50 pg/ml), puis s’élève graduellement en même temps que la croissance folliculaire s’amorce, freinant la sécrétion de FSH sans agir sur celle de LH (rétrocontrôle -),

– pic préovulatoire : de 250 pg/ml la veille du pic de LH, qui déclenche par un rétrocontrôle + le pic de LH, puis chute brutale en 24-48 h,

– phase lutéale : remontée rapide mais toujours inférieure au pic préovulatoire (150 pg/ml).

d) Progestérone :

– la veille du pic de LH : 0,20 ng/ml,

– pic de LH : 1,3 ng/ml,

– entre le 19ème et 24ème jour du cycle : elle atteint son maximum (20 ng/ml).

Nb :

. La lutéinisation commence peu avant l’ovulation (pic préovulatoire de la progestérone).

. On peut admettre que des taux de 3 ng/ml traduisent la présence d’un CJ.

e) Prostaglandines et CJ :

Pg F2α est abondant dans l’utérus humain.

PgF2α agirait-il directement sur le CJ ou sur la vascularisation de celui-ci ? Des études histologiques ont montré des modifications vasculaires identiques à l’endomètre menstruel (rupture vasculaire, thrombi, nécrose).

4. Régulation :

LH est le principal facteur hormonal stimulant le CJ ; son efficacité dépend du nombre de ses récepteurs, dont la formation a été induite par la FSH en phase folliculaire.

Certains auteurs ont montré l’importance de la FSH pour une fonction lutéale adéquate : un abaissement modéré de son taux en début de phase folliculaire induit une insuffisance du CJ.   

De même, il faut se souvenir que la progestérone ne peut transformer l’endomètre de façon adéquate qu’à la condition d’un nombre suffisant de récep­teurs. Or c’est l’estradiol sécrété en phase folliculaire, et également lutéale, qui détermine leur nombre, ce qui explique en particulier l’effet potentiellement nocif pour l’endomètre des anti-estrogènes qu’on utilise pour stimuler l’ovulation.

Enfin le CJ inhibe lui-même la croissance folliculaire par l’intermé­diaire de la progestérone qui inhibe la sécrétion hypophysaire de FSH.

5. CJ pendant la grossesse :

La persistance du CJ au-delà du 14ème  jour après l’ovulation est le témoin d’une grossesse :

– Cliniquement, le CJ persistant se traduit par :

. une température matinale qui se maintient au-dessus de 37°,

. un col congestif et violacé.

– Biologiquement : le dosage plasmatique met en évidence des sécrétions trophoblastiques et lutéales caractéristiques de la grossesse avant le retard des règles :

. sécrétion trophoblastique (β-hCG) : détectable 10 jours après le pic de LH (7 à 9 jours après la conception),

Le dosage de β-hCG élimine toute interférence avec la LH.

. sécrétion lutéale : les taux de progestérone et d’E2 augmentent jusqu’à la 5ème ou 6ème SA. A cette date commence le ralentissement de l’activité du CJ : stagnation de la progestérone, tandis que le taux d’E2 continue à s’élever.

Le rôle du CJ est indispensable jusqu’à la 13ème SA environ, le placenta prenant ensuite le relais des sécrétions stéroïdiennes.

Au cours de la grossesse, le CJ perdra progressivement sa réceptivité vis-à-vis de hCG, mais persistera néanmoins jusqu’à quelques jours après l’accouchement.

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