1. Introduction :
Une fois le diagnostic de cancer du sein confirmé, la prise en charge optimale nécessite une évaluation précise de l’étendue de la maladie, ce qui inclut la réalisation d’un bilan d’extension (ou bilan pré-thérapeutique).
Ce bilan a pour but de déterminer si le cancer s’est propagé au-delà du sein et des ganglions lymphatiques régionaux, et d’adapter ainsi la stratégie thérapeutique.
Les recommandations concernant le bilan d’extension ont évolué ces dernières années, privilégiant une approche personnalisée basée sur les facteurs de risque et les caractéristiques tumorales.
2. Objectifs du bilan d’extension :
Le bilan d’extension a plusieurs objectifs clés :
– Déterminer le stade de la maladie : le stade TNM est un élément essentiel pour le traitement et le pronostic.
– Rechercher des métastases à distance : os, poumons, foie, cerveau.
– Guider les décisions thérapeutiques : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées.
– Établir un bilan de référence : disposer d’un état des lieux initial pour le suivi ultérieur.
3. Indications du bilan d’extension :
Le bilan d’extension n’est plus systématique pour toutes les patientes atteintes d’un cancer du sein.
1) Cas où le bilan est inutile :
– Carcinomes in situ (CLIS, CCIS).
– Tumeurs T1-T2 (≤ 5 cm) sans atteinte ganglionnaire (N0) et sans facteurs de mauvais pronostic.
2) Cas où le bilan est obligatoire (facteurs de risque) :
– Tumeurs de grande taille : tumeurs T3 ou T4.
– Tumeurs localement avancées : tumeurs fixées à la peau ou à la paroi thoracique.
– Cancer inflammatoire (T4d).
– Atteinte ganglionnaire : présence de ganglions axillaires cliniquement ou radiologiquement suspects (N+).
– Suspicion de métastases symptomatiques (douleurs osseuses, troubles respiratoires, anomalies hépatiques).
– Facteurs de risque ana-path : grade histologique élevé, type histologique agressif (triple négatif, HER2+), envahissement lymphovasculaire.
– Avant chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante (pour évaluer la réponse au traitement).
4. Examens du bilan d’extension :
Le choix des examens à réaliser dépend des indications et des points d’appel cliniques.
Les examens les plus couramment utilisés sont :
1) Imagerie médicale :
Examen | Indications | Avantages/Limites |
---|---|---|
Scintigraphie osseuse | Suspicion de métastases osseuses (douleurs, hypercalcémie) | Sensibilité élevée, mais manque de spécificité. |
Scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) | Stades IIB-III, tumeurs HER2+ ou triple négatives | Détecte les lésions pulmonaires, hépatiques, ganglionnaires… |
IRM cérébrale | Symptômes neurologiques ou tumeurs à haut risque (triple négatif) | Indispensable pour métastases cérébrales. |
TEP (ou PET-scan en anglais) | Stades IIB-IV, cancers inflammatoires, récidives | Détection simultanée de lésions multiples. |
Nb : Pour l’IRM mammaire : elle n’est pas recommandée dans le bilan d’extension initial. Elle peut être utile dans certains cas particuliers, tels que les cancers lobulaires infiltrants, les patientes à haut risque, ou en cas de discordance entre la mammographie et l’échographie.
2) Bilan biologique :
– NFS : évaluation de l’état général et recherche d’anomalies hématologiques.
– Bilan hépatique (transaminases, phosphatases alcalines) en cas de suspicion de métastases hépatiques.
– Calcémie : surveillance du taux de calcium, qui peut être élevé en cas de métastases osseuses.
– Marqueurs tumoraux : CA 15-3 et ACE (pour le suivi, non pour le diagnostic).
5. Évolution des pratiques :
1) Limitation des examens systématiques :
– Radiographie pulmonaire : utile pour le bilan pré-anesthésique, mais peu contributive pour les petites tumeurs.
– Échographie abdominale (hépatique) : réservée aux anomalies biologiques ou cliniques.
Nb : la radiographie pulmonaire et l’échographie abdominale sont de plus en plus remplacées par le scanner TAP.
2) Place croissante de la TEP/TDM :
Une étude ontarienne (2024) a montré que la TEP/TDM détecte 23 % de métastases infracliniques chez les stades III, contre 11 % avec l’imagerie conventionnelle. Elle est désormais recommandée en première intention pour :
– Stades IIB-IV.
– Cancers inflammatoires.
– Évaluation de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante.
3) IRM mammaire : non systématique
L’IRM préopératoire n’est pas recommandée en routine (risque de surtraitement et délais chirurgicaux allongés).
6. Intégration des biomarqueurs :
1) Statut RH et HER2 :
– Les tumeurs RH+/HER2- ont un risque métastatique plus tardif.
– Les triples négatifs et HER2+ justifient un bilan plus complet en raison d’un risque précoce.
2) Panels génomiques :
– Oncotype DX : Peut modifier le stade pronostique pour les cancers RH+/HER2- en identifiant un faible risque de récidive.
7. Algorithme décisionnel :
Voici un algorithme décisionnel simplifié pour la réalisation du bilan d’extension en cas de cancer du sein :
1. Évaluation des facteurs de risque (taille tumorale, atteinte ganglionnaire, grade histologique, type histologique, symptômes).
2. Si absence de facteurs de risque : pas de bilan d’extension systématique.
3. Si présence de facteurs de risque :
– bilan sanguin (NFS, bilan hépatique, calcémie, marqueurs tumoraux),
– scintigraphie osseuse,
– radiographie pulmonaire, échographie abdominale,
– TAP (si suspicion de métastases ou en alternative à la radio et à l’écho),
– IRM cérébrale (si symptômes neurologiques),
– TEP (dans certains cas sélectionnés).
4. Interprétation des résultats et adaptation du traitement.
8. Conclusion :
Le bilan d’extension du cancer du sein est un élément important de la prise en charge, mais il doit être réalisé de manière raisonnée et individualisée.
Il sera guidé par le stade anatomique, les biomarqueurs et le risque individuel afin d’éviter des examens inutiles et de garantir une prise en charge optimale pour chaque patiente.
Les examens d’imagerie (TEP/TDM, scanner TAP) sont privilégiés pour les stades avancés, tandis que les formes précoces évitent les investigations inutiles.
La discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) est essentielle pour déterminer la stratégie la plus adaptée à chaque situation.
Points clés
Le bilan extension est un ensemble d’examens qui a pour but de vérifier la présence ou l’absence de localisations secondaires (métastases) sur d’autres organes ou ganglions, notamment le foie, les os, les poumons et le cerveau.
Il s’agit d’effectuer un bilan de départ afin d’adapter au mieux la stratégie du traitement et de la surveillance.
Il n’existe pas de consensus quand aux examens à pratiquer ; ils sont donc prescrits en fonction des recommandations ainsi que des habitudes des équipes prenant en charge la patiente.
Ces mêmes examens pourront être réalisés régulièrement pendant la surveillance post-thérapeutique.