La génétique moderne et l’embryologie expérimentale ont permis d’affirmer que dans les espèces animales les plus évoluées, les multiples différences qui existent entre le mâle et la femelle dépendent, en fin de compte, d’un seul chromosome (le chromosome Y) et d’une seule paire de glandes endocrines, les testicules chez le mâle et les ovaires chez la femelle.
La différenciation des gonades primitives en testicules ou en ovaires, in utero, est génétiquement déterminée chez l’Homme, mais le développement des caractères génitaux mâles dépend de l’existence d’un testicule fonctionnel.
Après la naissance, les gonades restent au repos jusqu’à l’adolescence : elles sont alors activées par les gonadotrophines libérées par l’antéhypophyse. Les hormones qu’à ce moment sécrètent les gonades sont responsables de caractères spécifiques de l’adulte, mâle ou femelle, et du début du cycle sexuel chez la femelle.
Chez les mâles, les gonades demeurent plus ou moins actives de la puberté jusqu’à un âge avancé.
Chez la femme, la fonction de l’ovaire régresse après un certain temps d’activité et le cycle sexuel s’interrompt (ménopause).
1. Sexe chromosomique :
1) Chromosomes sexuels :
Le sexe est déterminé génétiquement par deux chromosomes appelés chromosomes sexuels pour les distinguer des autres chromosomes somatiques (autosomes).
On appelle chromosomes X et Y ces chromosomes sexuels.
Le chromosome Y a une puissante activité masculinisante.
Les cellules mâles ayant un nombre diploïde de chromosomes contiennent un chromosome X et un Y (type XY), alors que les cellules femelles contiennent deux chromosomes X (type XX).
A la suite de la méiose, durant la gamétogenèse, chaque ovule normal contient un seul chromosome X alors qu’une moitié des spermatozoïdes normaux contient un chromosome X et que l’autre moitié contient un chromosome Y.
Lorsqu’un spermatozoïde portant un chromosome Y fertilise un ovule, une association XY en résulte et le zygote qui se développe est génétiquement un mâle.
Lorsque la fécondation est produite par un spermatozoïde porteur d’un chromosome X, une association XX en résulte donnant génétiquement une femelle.
2) Chromosomes humains :
Il est actuellement possible d’étudier les chromosomes humains dans le détail.
On peut obtenir le développement de cellules humaines en culture de tissus et arrêter leur mitose en métaphase lorsqu’on les traite avec des agents comme la colchicine.
Lorsqu’on expose ces cellules à une solution hypotonique, les chromosomes se gonflent et se séparent les uns des autres ; ils sont ensuite “écrasés” sur les préparations.
Des techniques de fluorescence et de coloration permettent d’identifier chaque chromosome et de l’étudier en détail.
Il y a 46 chromosomes chez l’être humain :
– chez l’homme : 22 paires d’autosomes + un grand chromosome X et un petit chromosome Y,
– chez la femme : 22 paires d’autosomes + deux chromosomes X.
Les chromosomes sont habituellement classés d’une manière arbitraire, que l’on appelle le caryotype.
Les paires d’autosomes sont identifiées par un numéro de 1 à 22 selon leur morphologie.
3) “Chromatine sexuelle” :
Les cellules des sujets qui ont 2 chromosomes X renferment une petite quantité supplémentaire de chromatine, la “chromatine sexuelle” ou “corpuscule de Barr”. On peut la distinguer dans les noyaux, habituellement accolée à la membrane nucléaire.
Dans presque toutes les cellules féminines (sauf les ovules), un chromosome X est partiellement inactif et condensé : c’est ce chromosome qui est visible sous forme de chromatine sexuelle. Cette dernière est facilement repérable sur plus de 25 % des cellules recueillies par frottis de la muqueuse buccale et par biopsie cutanée, bien qu’elle soit également parfaitement développée dans de nombreuses autres cellules.
Sur les préparations en provenance de sujets ayant seulement un chromosome X, très peu de cellules ont une structure nucléaire qui ressemble à la chromatine sexuelle. Il existe aussi un petit appendice de chromatine en forme de “baguette de tambour” appendue à 1 à 15 % des noyaux des leucocytes polynucléaires chez la femme et pas chez l’homme.
Les femmes ont, à l’état normal, une chromatine sexuelle et on dit qu’elles sont chromatine-positive.
Les hommes normaux sont chromatine-négatif, de même que les sujets qui ont un chromosome anormal de type XO.
Les sujets anormaux qui ont des chromosomes X supplémentaires ont des fragments supplémentaires de chromatine sexuelle.
Il y a un corpuscule de Barr pour chaque chromosome X en excès.
2. Embryologie du système reproducteur humain :
1) Développement des gonades :
Chez l’embryon, de part et d’autre de la ligne médiane, se développe sur la crête génitale une gonade primitive, condensation tissulaire proche de la glande surrénale. La gonade fait apparaître une corticale et une médullaire.
Jusqu’à la 6ème semaine du développement, ces structures sont identiques dans les deux sexes.
Chez les embryons génétiquement mâles : la médullaire se différencie pendant les 7ème et 8ème semaines en un testicule et la corticale régresse. Les cellules de Leydig font leur apparition, et il y a sécrétion de testostérone.
Chez les embryons génétiquement femelles : la corticale évolue en ovaire et la médullaire régresse. L’ovaire embryonnaire ne sécrète pas d’hormone.
2) Embryologie des organes génitaux :
Pendant la 7ème semaine de la gestation, l’embryon possède des conduits génitaux à la fois mâles et femelles.
Chez un fœtus femelle normal : les canaux de Müller se développent à ce moment pour donner les trompes de Fallope et l’utérus.
Chez un fœtus mâle normal : les canaux de Wolff se développent bilatéralement pour donner les épididymes et les canaux déférents.
De la même manière, les organes génitaux externes ont une double potentialité jusqu’à la 8ème semaine.
Ultérieurement, ou bien la fente uro-génitale disparaît et des organes génitaux de type masculin apparaissent, ou bien, à l’inverse, la fente uro-génitale persiste et des organes génitaux féminins se développent.
Lorsque, chez l’embryon, il y a des testicules fonctionnels, on voit se développer des organes génitaux internes et externes de type masculin. Le testicule fœtal sécrète de la testostérone et un facteur qui entraîne la régression des canaux de Müller (MRF). Ce facteur de régression agit isolément pour empêcher le développement des canaux de Müller.
Facteur de régression et testostérone agissent ensemble pour entraîner le développement bilatéral du canal déférent et des structures qui lui sont annexées de chaque côté.
La testostérone a seule une action inductrice de la formation des organes génitaux externes masculins.
Classification des anomalies majeures de la différenciation du sexe chez l’homme.
Nombre de ces syndromes peuvent être très variables, dans leur degré et par conséquent très variables dans leurs manifestations.
♦ Anomalies chromosomiques :
– dysgénésie gonadique (XO et variantes),
– “Superfemelle” (XXX),
– dysgénésie des tubes séminifères (XXY et variantes),
– hermaphrodisme vrai.
♦ Anomalies du développement :
– pseudohermaphrodisme féminin :
. hyperplasie congénitale des surrénales,
. excès d’androgènes maternels :
= tumeur ovarienne virilisante,
= iatrogène : traitement par les androgènes ou par certains progestatifs de synthèse.
– pseudohermaphrodisme masculin :
. testicule féminisant et variante,
. anomalies non hormonales diverses.
3. Aberrations de la différenciation sexuelle :
1) Anomalies chromosomiques :
D’après ce qui précède, on peut s’attendre à ce que des anomalies du développement sexuel soient induites par des anomalies génétiques ou hormonales aussi bien que par des agents tératogènes non spécifiques.
Les anomalies les plus importantes sont présentées dans le tableau ci-dessous.
Une anomalie bien connue de la gamétogenèse est la non-disjonction, phénomène au cours duquel une paire de chromosomes ne parvient pas à se séparer et où les deux chromosomes migrent vers une des cellules filles pendant la méiose.
On a représenté dans la figure ci-dessous, quatre des zygotes anormaux qui peuvent être formés à la suite de la non-disjonction d’un des chromosomes X durant l’ovogenèse.
Chez les sujets ayant un type chromosomique XO, les gonades sont rudimentaires ou absentes, si bien que ce sont des organes génitaux externes et internes de type féminin qui se développent. La taille est petite, d’autres anomalies congénitales sont souvent associées et il n’y a pas de maturation sexuelle lors de la puberté. On appelle ce syndrome dysgénésie gonadique ou agénésie ovarienne ou syndrome de Turner.
Les sujets qui possèdent un type XXY, la plus fréquente des anomalies chromosomiques sexuelles, ont les organes génitaux d’un homme normal. La sécrétion de testostérone lors de la puberté est souvent suffisante pour que puissent se développer les caractères masculins. Toutefois, les tubes séminifères sont anormaux et la fréquence des arriérations mentales est plus élevée qu’habituellement. Ce syndrome est connu sous le nom de dysgénésie des tubes séminifères ou syndrome de Klinefelter.
Le type XXX (“Superfemelle”) est le deuxième en fréquence après le type XXY et il est même sans doute plus répandu dans l’ensemble de la population : en effet, il ne semble pas être associé avec une anomalie caractéristique quelconque. La combinaison YO est vraisemblablement létale.
La méiose est un processus évoluant en 2 étapes et la non-disjonction peut survenir au cours de chacune des divisions, produisant donc des anomalies chromosomiques plus complexes. De plus, la non-disjonction ou la perte d’un chromosome sexuel peut se produire pendant les toutes premières divisions mitotiques qui suivent la fécondation.
La perte d’un chromosome survient lorsqu’il ne s’aligne pas correctement pendant la mitose et qu’il est rejeté hors de la cellule au lieu de se diriger vers une cellule fille (décalage en anaphase). Le résultat, sur le zygote, de ces mitoses imparfaites est la constitution d’une mosaïque : il s’agit alors d’individus avec 2 ou plusieurs populations de cellules qui diffèrent par des chromosomes complémentaires.
Chez des malades atteints d’un syndrome de Klinefelter, on a rapporté l’existence, en plus du caryotype XXY, d’autres mosaïques XXYY, XXXY, XXXYY, XXXXY et XY/XXY. L’origine de ce syndrome est, dans la majorité des cas, la présence d’au moins un chromosome X surnuméraire dans le tissu testiculaire ; il est toutefois des cas où on ne trouve pas de chromosome X supplémentaire. Ainsi une mosaïque XO/XX/XXX et XO/XX a été retrouvée chez des malades porteurs d’une dysgénésie gonadique. Celle-ci peut également exister chez des sujets ayant un caryotype XX, mais chez lesquels un des chromosomes X est anormal.
L’hermaphrodisme vrai, anomalie dans laquelle un individu possède à la fois des ovaires et des testicules, est probablement lié à une mosaïque XX/XY ou à des types voisins, bien que d’autres aberrations génétiques soient possibles.
Nombre d’anomalies chromosomiques sexuelles ne s’accompagnent pas d’anomalie des gonades. Nous avons déjà parlé du type XXX. Les types XXXX et XXXXX ont également été retrouvés associés à un retard mental.
On s’intéresse beaucoup au type XYY. Les hommes qui en sont porteurs sont généralement de grande taille mais ils paraissent avoir une arriération mentale modérée et une tendance à un comportement agressif antisocial ; les gonades sont habituellement normales.
On a réalisé des analyses chromosomiques chez les criminels, et le degré de responsabilité des individus porteurs de la tare XYY coupables de crimes violents a été discuté devant les instances judiciaires de très nombreuses nations à travers le monde.
Les anomalies chromosomiques sexuelles ne sont évidemment pas les seules anomalies associées à des états pathologiques ; on sait qu’il y a possibilité de non-disjonction de plusieurs chromosomes autosomiques. Par exemple, le mongolisme (syndrome de Down) est dû à la non-disjonction d’un des chromosomes du groupe G, réalisant une trisomie G.
2) Anomalies hormonales :
Chez les sujets génétiquement mâles, le développement d’organes génitaux externes masculins se produit normalement en réponse aux androgènes sécrétés par les testicules embryonnaires ; mais le développement génital mâle peut aussi survenir chez des sujets génétiquement femelles qui ont été soumis à des androgènes, de provenance quelconque, de la 8ème à la 13ème semaine de gestation : le syndrome qui en résulte est le pseudo-hermaphrodisme féminin.
Un pseudo-hermaphrodite est un sujet dont la constitution génétique et les gonades appartiennent à un sexe et les organes génitaux à un autre.
Après la 13ème semaine, les organes génitaux sont entièrement formés, mais l’administration d’androgènes peut entraîner une hypertrophie clitoridienne.
Le pseudo-hermaphrodisme féminin peut être causé par une hyperplasie virilisante de la surrénale d’origine congénitale ou par l’administration d’androgènes à la mère.
A l’inverse, le développement d’un appareil génital externe féminin chez des sujets génétiquement mâles (pseudo-hermaphrodisme masculin) survient lorsque les testicules embryonnaires sont déficients. Comme les testicules sont également la source du MRF, les sujets génétiquement mâles à testicules déficients ont des organes génitaux internes femelles.
Le syndrome du testicule féminisant est une autre cause de pseudo-hermaphrodisme féminin ; dans une telle situation, il existe des testicules et ils sécrètent de la testostérone ; mais, à cause d’une anomalie congénitale, l’hormone ne peut pas se lier à la chromatine des noyaux des cellules-cible. En conséquence, les tissus ne répondent pas à la testostérone et c’est un appareil génital externe féminin qui se développe. Toutefois, le MRF est présent, si bien que les organes génitaux internes ne sont pas féminins. On s’aperçoit actuellement qu’il y a de nombreuses variantes de ce syndrome entraînées par des anomalies congénitales moins marquées, se produisant aux différents niveaux où la testostérone exerce son action tissulaire.
On doit enfin noter que des individus génétiquement mâles présentant une hyperplasie surrénalienne lipoïde sont des pseudo-hermaphrodites, parce que les androgènes testiculaires comme les androgènes surrénaliens sont normalement formés à partir de la prégnénolone et que la formation de la prégnénolone est bloquée au cours de ce syndrome.
4. Puberté :
Après la naissance, les cellules de Leydig qui sécrètent les androgènes dans les testicules fœtaux disparaissent. Il s’ensuit une période au cours de laquelle les gonades demeurent au repos, dans les deux sexes, jusqu’à ce qu’elles soient activées par les gonadotrophines antéhypophysaires qui amènent la maturation finale de l’appareil reproducteur.
Cette dernière période de croissance et de maturation est appelée adolescence ; elle est souvent dénommée puberté bien que la puberté, stricto sensu, soit le moment où les fonctions endocrinienne et gamétogénétique des gonades ont atteint le niveau de développement qui permet la reproduction.
Le ménarche est le premier cycle menstruel au moment de la puberté.
L’âge de la puberté est variable : il est en moyenne de 14 ans pour les garçons et de 12 ans pour les filles.
1) Puberté précoce (précocité sexuelle) :
Les causes habituelles d’un développement sexuel précoce chez l’Homme sont présentées dans le tableau ci-dessous.
♦ Puberté précoce vraie :
– constitutionnelle,
– cérébrale : affections intéressant l’hypothalamus postérieur :
. tumeurs,
. infections,
. anomalies du développement.
♦ Pseudopuberté précoce (ni spermatogenèse, ni développement ovarien) :
– surrénale :
. hyperplasie surrénale congénitale virilisante (chez le garçon),
. tumeurs sécrétant des androgènes (chez le garçon),
. tumeurs sécrétant des œstrogènes (chez la fille).
– gonadique :
. tumeurs des cellules interstitielles du testicule,
. tumeurs des cellules de la granulosa de l’ovaire.
– autres causes.
Un traitement intempestif par les androgènes de garçons impubères entraîne l’apparition précoce des caractères sexuels secondaires, de même le traitement de filles impubères par les estrogènes.
Ce syndrome devrait être appelé pseudo-puberté précoce pour le distinguer de la vraie puberté précoce liée à une sécrétion précoce, mais normale par ailleurs, des gonadotrophines par l’antéhypophyse.
Sur une grande série d’observations, la puberté précoce est le symptôme endocrinien le plus fréquent au cours des affections hypothalamiques.
Les tumeurs pinéales s’accompagnent parfois de puberté précoce et il est possible que la mélatonine ou une autre substance sécrétée par l’épiphyse, inhibe normalement le début de la puberté. Cependant, il est sûr que les tumeurs épiphysaires ne s’accompagnent de puberté précoce que lorsqu’il y a une lésion secondaire de l’hypothalamus. La puberté prématurée liée à ce type de lésion hypothalamique et aux autres types, se produit probablement avec une fréquence identique dans les deux sexes, bien que la forme primitive de puberté précoce soit plus fréquente chez les filles.
2) Puberté retardée ou absence de puberté :
L’âge auquel survient la puberté est si variable qu’on ne peut pas considérer qu’elle soit anormalement retardée si les premières règles n’apparaissent qu’à 17 ans chez la fille ou si le développement testiculaire ne se produit qu’à 20 ans chez le garçon.
L’absence de maturation sexuelle liée à un panhypopituitarisme est accompagnée de nanisme et d’autres anomalies endocriniennes patentes.
Les malades atteints de dysgénésie gonadique et porteurs d’un type chromosomique XO sont également affligés de nanisme.
Chez quelques sujets, la puberté est retardée alors même que les gonades sont présentes et que les autres fonctions endocriniennes sont normales.
5. Ménopause :
Dans l’espèce humaine, l’ovaire devient avec l’âge, progressivement insensible aux gonadotrophines et sa fonction décline, si bien que le cycle menstruel s’interrompt (ménopause).
Chez la femme, les règles deviennent irrégulières puis s’interrompent entre 45 et 55 ans.
L’âge moyen de survenue de la ménopause n’a cessé de s’élever depuis le début du siècle : il est habituellement de 52 ans. A ce moment-là, on observe fréquemment des “bouffées de chaleur”, sensations de réchauffement s’étendant rapidement et progressivement du tronc à la face, et des signes psychiques variés.
Ces bouffées de chaleur sont prévenues par un traitement par les estrogènes ; elles ne sont d’ailleurs pas l’apanage des femmes, mais peuvent s’observer parfois chez des hommes castrés à l’âge adulte.