1. Définition de la testostérone :
La testostérone est une hormone stéroïdienne clé, appartenant au groupe des androgènes.
Elle est principalement connue pour son rôle dans le développement des caractéristiques sexuelles masculines, bien qu’elle soit également présente chez les femmes, mais en quantités beaucoup moindres.
Elle est essentielle à de nombreuses fonctions physiologiques, tant chez l’homme que chez la femme.
2. Origine et synthèse :
1) Chez l’homme :
La testostérone est produite presque exclusivement par les cellules de Leydig des testicules (95 %) et, en moindre quantité, par les glandes surrénales (5 %).
2) Chez la femme :
Elle est sécrétée par les ovaires (25 %) et les surrénales (25 %), mais surtout de la conversion périphérique de la D4-androstènedione (50 %), au niveau du foie et des tissus périphériques (tissu adipeux, muscles, peau).
* Après la ménopause : la sécrétion ovarienne devient quasi inexistante mais celle de la surrénale et la conversion périphérique des précurseurs restent similaires à ce qui est observé au cours de la vie génitale.
Au total, la testostérone provient surtout de la conversion périphérique de l’androstènedione, aussi bien au cours de la vie génitale qu’après la ménopause.
La synthèse de la testostérone débute à partir du cholestérol, converti en prégnénolone.
Deux voies biochimiques classiques permettent sa formation :
– La voie Δ4 : passant par la progestérone et l’androstènedione.
– La voie Δ5 : impliquant la déhydroépiandrostérone et l’androstènediol.
Le passage de l’une à l’autre voie peut se faire à tous les niveaux sous l’effet de la 3β-hydroxystéroïde déshydrogénase.
3. Transport et biodisponibilité :
Dans le sang, la testostérone existe sous trois formes :
– Liée fortement à la TeBG (appelée aussi SHBG) (60–70 %) : biologiquement inactive, car la testostérone est incapable d’entrer dans les cellules.
– Liée faiblement à l’albumine (30–40 %) : biodisponible ; sous cette forme, la testostérone peut éventuellement se détacher de l’albumine et augmenter le taux de testostérone biologiquement active.
– Libre (1–2 %) : la fraction biologiquement active ; sous cette forme, elle peut entrer librement dans les cellules où s’effectue son action.
La somme des fractions libre et liée à l’albumine constitue la « testostérone biodisponible ».
La testostérone totale est la somme des trois formes de testostérone.
Nb : TeBG (Testosterone estradiol Binding Globulin), SHBG (Sex Hormone Binding Globulin).
4. Rôles physiologiques :
1) Chez l’homme :
– Différenciation sexuelle pendant l’embryogénèse.
– Développement des caractères sexuels secondaires à la puberté.
– Maintien de la spermatogenèse en synergie avec la FSH.
– Rôles anabolisants : elle joue aussi un rôle majeur dans la libido, augmentation de la masse musculaire, densité osseuse, mue de la voix et pilosité.
2) Chez la femme :
– Influence sur la libido.
– Participation au maintien de la masse musculaire et de la densité osseuse.
5. Mécanisme d’action cellulaire :
La testostérone pénètre dans les cellules par diffusion. Une fois à l’intérieur, elle peut :
– Se lier directement à un récepteur cytoplasmique.
– Être convertie en dihydrotestostérone (DHT) par la 5α-réductase, puis se lier au récepteur.
Le complexe hormone-récepteur migre ensuite vers le noyau pour réguler l’expression de certains gènes.
Par ailleurs, dans certains tissus cibles, la testostérone peut être convertie en estradiol qui se lie alors aux récepteurs des estrogènes, produisant ainsi des effets biologiques différents.
6. Régulation hormonale :
La production de testostérone est contrôlée par l’axe hypothalamo-hypophysaire :
– L’hypothalamus sécrète la GnRH.
– La GnRH stimule l’hypophyse, qui libère la LH et la FSH.
– La LH agit sur les cellules de Leydig, stimulant la production de testostérone.
La testostérone exerce un rétrocontrôle négatif sur l’hypothalamus et l’hypophyse, modulant sa propre production.
7. Variations physiologiques :
Les niveaux de testostérone fluctuent en fonction de l’âge, du sexe, et du stade pubertaire.
La testostérone reste à des concentrations faibles dans les deux sexes jusqu’à l’apparition de la puberté.
1) Chez l’homme :
A la puberté, les taux augmentent pour être au maximum chez l’adulte.
Les concentrations adultes ne sont atteintes qu’à l’âge de 20 ans chez le garçon.
– Chez l’homme adulte : les concentrations ne varient pas significativement entre 20 et 50 ans.
– Chez l’homme âgé : la testostérone totale reste à des concentrations comparables à celles de l’adulte jeune jusqu’à un âge très variable selon les études. En revanche, les testostérones biodisponible et libre amorcent une baisse à partir de 50 ans.
2) Chez la femme :
– Chez la fille : les concentrations de testostérone restent très faibles jusqu’au début de la puberté, puis elles s’élèvent progressivement pour atteindre les niveaux adultes à la fin de la puberté.
– Chez la femme, en période d’activité génitale : les concentrations de testostérone restent en plateau.
– Après la ménopause : une baisse marquée des niveaux de testostérone est observée.
8. Variations pathologiques :
1) Déficience en testostérone :
Une déficience en testostérone peut se manifester à différents âges avec des symptômes variés :
a) A l’adolescence :
– développement limité de la pilosité faciale et corporelle,
– retard du développement génital,
– diminution du développement musculaire,
– absence de mue vocale,
– retard de croissance.
b) Chez l’homme :
• Symptômes sexuels :
– baisse de la libido,
– troubles de l’érection (dysfonction érectile) : difficulté à obtenir ou maintenir une érection, réduction des érections spontanées (surtout matinales),
– diminution de la fréquence et de la qualité des rapports sexuels, orgasmes moins intenses, retard à l’éjaculation,
– infertilité (oligo-asthénospermie),
– atrophie testiculaire.
• Symptômes non sexuels :
– fatigue persistante, baisse d’énergie,
– troubles du sommeil,
– troubles de l’humeur : irritabilité, anxiété, état dépressif, mal-être, baisse de motivation,
– diminution de la masse musculaire et de la force,
– augmentation de la masse grasse corporelle, surtout abdominale,
– faiblesse musculaire, perte de vitalité,
– diminution de la densité osseuse, ostéopénie, ostéoporose (risque de fractures),
– gynécomastie,
– troubles cognitifs : troubles de la mémoire, de la concentration,
– anémie (« normochrome normocytaire » par défaut de production médullaire), secondaire à une production insuffisante d’érythropoïétine (EPO) par les reins,
– diminution de la pilosité.
c) Chez la femme :
• Symptômes sexuels :
– baisse de la libido,
– diminution de l’excitation sexuelle et de l’orgasme,
• Symptômes non sexuels :
– fatigue persistante, baisse d’énergie,
– troubles de l’humeur : dépression, irritabilité, sautes d’humeur,
– diminution de la force et de la masse musculaire,
– augmentation de la graisse corporelle, surtout abdominale
– diminution de la densité osseuse, ostéoporose ou sarcopénie,
– diminution de la pilosité,
– anémie (mais moins marquée que chez l’homme),
– troubles cognitifs : problèmes de mémoire, de concentration,
– réduction de la qualité de vie générale, maux de tête,
– après la ménopause : aggravation des symptômes liés à la baisse hormonale,
• Troubles spécifiques :
– troubles du cycle menstruel (aménorrhée possible en cas de déficit sévère),
– hypofertilité.
2) Excès de testostérone :
a) Chez l’homme :
Un excès de testostérone, qu’il soit d’origine endogène (tumeur, trouble hormonal) ou exogène (prise de stéroïdes anabolisants), peut entraîner :
– augmentation de la masse musculaire et de la force,
– acné et peau grasse (séborrhée),
– agressivité, irritabilité, troubles de l’humeur,
– modifications de la libido (un excès chronique ou exogène par dopage) peut, à long terme, perturber la fonction sexuelle : troubles de l’érection,
– infertilité : l’excès de testostérone peut inhiber la fonction testiculaire par rétrocontrôle négatif sur la FSH/LH, entraînant une diminution de la spermatogenèse avec oligospermie ou azoospermie et une atrophie testiculaire,
– gynécomastie (développement mammaire) par conversion en œstrogènes,
– calvitie androgénétique (alopécie),
– rétention d’eau, hypertension artérielle,
– augmentation du risque cardiovasculaire (hypertension, dyslipidémie, athérosclérose),
– troubles hépatiques (en cas de prise exogène),
– risque accru de comportements à risque (paranoïa, impulsivité).
b) Chez la femme :
L’excès de testostérone (hyperandrogénie) provoque des signes de virilisation et des troubles métaboliques :
– hirsutisme : pilosité excessive sur le visage, le torse, le dos…
– acné sévère et peau grasse,
– hypertrophie musculaire,
– hypertrophie clitoridienne,
– modification de la voix (voix plus grave),
– alopécie androgénétique (calvitie de type masculine),
– atrophie mammaire, atrophie utérine,
– augmentation de la libido,
– troubles du cycle menstruel : aménorrhée, irrégularité des règles,
– infertilité,
– fatigue, surpoids ou obésité,
– hypertension artérielle, diabète de type 2, dyslipidémie,
– risque accru de cancer de l’endomètre,
– impact psychologique : anxiété, dépression, perte d’estime de soi.
9. Pathologies associées :
1) Hypertestostéronémie :
a) Chez l’homme :
Chez l’homme, une hypertestostéronémie est retrouvée en cas de :
– syndrome des testicules féminisants (insensibilité périphérique aux androgènes avec augmentation de la LH),
– administration de testostérone exogène synthétique (souvent par des sportifs, afin de bénéficier de son rôle anabolisant et d’augmenter leur masse musculaire) ou de gonadotrophines,
– hyperthyroïdie.
b) Chez la femme :
La testostérone peut s’élever dans :
– l’hirsutisme idiopathique avec augmentation de DHT et de testostérone,
– le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK),
– les hyperplasies congénitales de la surrénale,
– les tumeurs ovariennes et surrénaliennes virilisantes
2) Hypotestostéronémie (chez l’homme) :
Une diminution de la testostérone au-dessous de 3 ng/ml (10 nmol/l) témoigne d’une insuffisance testiculaire (hypogonadisme) qui peut être primaire (testiculaire) ou haute (hypothalamo-hypophysaire) :
– insuffisance testiculaire primaire : hypogonadisme hypergonadotrope
– insuffisance testiculaire de cause haute : hypogonadisme hypogonadotrope
10. Dosage et interprétation clinique :
C’est le dosage de la testostérone totale qui est le plus fréquemment utilisé pour évaluer l’activité endocrine.
Ce dosage mesure la somme de la testostérone libre, de celle liée à l’albumine, et de celle liée à la TeBG.
1) Prélèvement sanguin :
Le prélèvement se fait sur tube sec le matin entre 8 et 9 heures (moment où la testostérone est plus élevée) chez l’homme, à n’importe quelle heure chez la femme, à jeun si la testostérone biodisponible est dosée, en dehors de toute prise d’androgènes ou d’antiandrogènes, en dehors de tout effort physique et à distance d’un acte chirurgical ou d’un repos prolongé.
Ce dosage est ordinairement couplé avec ceux :
– de la FSH, LH, prolactine, chez l’homme,
– de la DHEA, de la D4-androstènedione et de la 17 OH-progestérone chez la femme.
2) Questions à poser au patient :
Il est recommandé de signaler l’administration des composés :
– modifiant les concentrations de testostérone par action directe ou indirecte sur les gonades ou sur la corticosurrénale : gonadotrophines, ACTH, citrate de clomifène, tamoxifène, glucocorticoïdes, danazol, hormones sexuelles,
– ou affectant les concentrations de SHBG ou la liaison de testostérone à cette protéine : citrate de clomifène, tamoxifène, danazol, hormones sexuelles, spironolactone.
3) Méthodes :
Immunodosage pour la testostérone totale et précipitation par sulfate d’ammonium pour la biodisponible.
Les taux varient selon l’âge et le sexe, nécessitant une interprétation adaptée au contexte clinique.
4) Indications du dosage : Cf chapitre spécial
11. Applications thérapeutiques : Cf chapitre spécial
12. Conclusion :
La testostérone est une hormone centrale dans la régulation de nombreuses fonctions physiologiques, chez l’homme comme chez la femme.
Son dosage et sa modulation thérapeutique jouent un rôle clé dans la prise en charge des troubles endocriniens et la gestion des transitions hormonales.
Les valeurs normales de la testostérone varient selon le sexe et l’âge :
1) Chez l’homme :
| Homme | ng/ml | nmol/l |
|---|---|---|
| 10-20 ans | 0.50 – 5.00 | 1.70 – 17.50 |
| 20-45 ans | 3.00 – 8.50 | 10 – 30 |
| 40-60 ans | 2 – 8 | 7 – 28 |
| 60-75 ans | 1 – 5 | 3.5 – 17.5 |
2) Chez la femme :
Les valeurs normales du taux sanguin de testostérone sont dix fois moins importantes +++.
| Femme | ng/ml | nmol/l |
|---|---|---|
| 10-45 ans | 0.14-0.89 | 0.5 – 3.1 |
| 45-60 ans | 0.14-0.81 | 0.5 – 2.8 |
| Après 60 ans | 0.09-0.49 | 0.3-1.70 |
Il est important de noter que les valeurs de référence peuvent varier en fonction des laboratoires et des techniques de mesure utilisées.
Points clés
L’hormone sexuelle mâle, la testostérone, est sécrétée chez l’homme par le testicule.
Sa sécrétion est réglée par les hormones gonadotropes hypophysaires sur lesquelles elle exerce un rétrocontrôle négatif.
Chez la femme, de petites quantités de testostérone (1/10 à 1/20 de celles de l’homme) sont synthétisées moitié directement par les ovaires, moitié par la conversion périphérique des androgènes surrénaliens.
Seule 2 % de la testostérone circule librement dans le plasma. Le reste est fixé à des protéines porteuses dont la TEBG, protéine de forte spécificité et de forte affinité dont la concentration plasmatique augmente avec l’âge.
C’est la testostérone totale qui est dosée ; la mesure de la testostérone libre est délicate.













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