1. Introduction :
– Les tumeurs annexielles kystiques représentent une pathologie fréquemment rencontrée, notamment chez les femmes en période d’activité génitale.
– Il n’est pas possible d’exclure formellement la malignité dans tous les cas par le simple examen clinique et échographique.
– La crainte de laisser évoluer une tumeur maligne impose donc l’étude histologique de tout kyste persistant et oblige à l’exérèse.
L’attitude classique est la laparotomie. Mais ce geste paraît démesuré quand on sait que la plupart de ces kystes sont bénins et que les séquelles adhérentielles d’une laparotomie risquent de compromettre la fertilité.
– Il fallait donc adopter une nouvelle démarche qui permette une chirurgie d’exérèse complète par laparotomie médiane pour les tumeurs malignes et évite aux kystes fonctionnels et organiques bénins cette intervention.
L’apparition de la cœlioscopie diagnostique puis opératoire a permis cette nouvelle approche thérapeutique des kystes ovariens en toute sécurité.
Cette démarche rigoureuse comprend 3 temps :
– un bilan pré-cœlioscopique,
– une cœlioscopie diagnostique,
– une cœlioscopie thérapeutique.
2. Bilan pré-cœlioscopique :
Il comprend :
– un interrogatoire qui précise le caractère ovulatoire des cycles,
– un examen clinique qui précise les caractères du kyste, et recherche des signes en faveur d’une éventuelle malignité (masse fixée, irrégulière, douloureuse, syndrome compressif, ascite…),
– une échographie, élément essentiel, réalisée avec soin et par voie endovaginale. Elle va :
. confirmer l’origine ovarienne de la masse,
. renseigner sur la taille, l’échogénicité, les contours, l’épaisseur de la paroi, l’existence de cloisons ou de végétations,
. vérifier l’existence d’une ascite associée.
– une radiographie (ASP) à la recherche de calcifications,
– un dosage plasmatique des marqueurs tumoraux, notamment le CA 125.
Au terme de ce bilan, 3 situations peuvent se présenter :
– une tumeur maligne est fortement suspectée sur des critères cliniques et échographiques (masse fixée, végétations, ascite…).
– un kyste fonctionnel : kyste liquidien pur, de moins de 8 cm, uniloculaire, unilatéral, à paroi fine, dépourvu de végétations, chez une femme en période d’activité génitale et dont le CA 125 plasmatique est inférieur à 18 UI/ml.
– le kyste est a priori non malin et non fonctionnel : il s’agit probablement d’un kyste organique bénin. La cœlioscopie s’impose pour confirmer le diagnostic.
3. Cœlioscopie diagnostique : Cf chapitre spécial
4. Cœlioscopie opératoire :
Elle ne concerne que les lésions considérées comme bénignes, et suit immédiatement le temps diagnostique.
1) Techniques de base :
a) Ponction-biopsie :
La ponction-biopsie d’un fragment de paroi kystique s’effectue aux ciseaux.
Cette technique a l’énorme désavantage de ne pas fournir, à l’examen histologique, la totalité de la poche kystique, et en pratique ne s’adresse qu’aux kystes fonctionnels.
b) Kystectomies :
Leur but est d’enlever toute la paroi kystique pour permettre un examen ana-path complet, et d’éviter le risque d’une récidive. Il existe 2 variantes :
● Kystectomie transpariétale (KTP) :
– l’ablation de la totalité du kyste est réalisée par le biais d’une mini-laparotomie guidée par la cœlioscopie,
– l’abdomen est incisé transversalement sur 2 à 3 cm à la verticale du kyste, sur la ligne de Pfannenstiel théorique ; les muscles sont réclinés,
– le kyste, préalablement ponctionné et vidé, est saisi à l’aide d’une pince de type Bengoléa, puis attiré à l’extérieur,
– le clivage de la poche est réalisé de façon traditionnelle,
– l’ovaire est ensuite suturé en 2 plans et réintégré dans la cavité péritonéale,
– la paroi abdominale est fermée en 3 plans.
● Kystectomie intrapéritonéale (KIP) :
Il s’agit d’une chirurgie à ventre fermé.
Le premier temps de la cœlioscopie est diagnostique. Il faut affirmer l’organicité et la bénignité :
. L’organicité est vraisemblable devant un kyste à paroi nettement individualisée, parcouru de vaisseaux en “peigne”, avec un ligament utéro-ovarien allongé.
. La bénignité est vraisemblable, avant ouverture, en l’absence de végétations exokystiques, les formations endokystiques étant préalablement exclues par l’échographie.
– La dissection de la poche kystique peut être, au choix, effectuée avec ou sans ponction préalable.
– La ponction-lavage première est préférable pour les kystes de plus de 4 à 5 cm, évitant la fréquente rupture accidentelle en cours de dissection.
– L’ovaire est présenté et stabilisé par une pince, qui saisit le ligament utéro-ovarien ou soulève l’ovaire par une simple pression vers le haut.
– L’ovaire est ponctionné, non par une simple aiguille, mais directement par un trocart de 5 mm.
– La pointe du trocart est enlevée tout en laissant en place la chemise (il ne faut bouger ni le trocart ni l’ovaire) et immédiatement remplacée par la canule d’aspiration-irrigation. Le contenu kystique est aspiré, le kyste lavé et réaspiré plusieurs fois (d’autant plus qu’il s’agit d’un contenu dermoïde ou mucoïde) toujours en maintenant la canule dans le kyste : l’aspiration-lavage donne au kyste une “respiration” caractéristique. L’examen de la paroi interne est réalisé après un complément d’incision. Le diagnostic de bénignité restant maintenu, on peut procéder à la dissection de la poche kystique, qui se fait par des tractions divergentes, une pince saisissant la poche, une autre l’ovaire sain.
– Le plan de clivage est trouvé au niveau de la ligne d’incision. On saisit chaque versant à la pince pour amorcer le clivage : une pince saisit la corticale ovarienne saine, l’autre la paroi kystique, on exerce un mouvement divergent. Tant que ce mouvement produit le clivage, il est poursuivi. Dès que le geste de traction devient moins efficace, les pinces sont replacées près des limites du clivage déjà acquis. La dissection est pratiquement exsangue. La poche ovarienne est reconstituée par un geste d’adossement des parois et d’approximation des berges.
– L’extraction de la poche kystique peut être réalisée par l’élargissement d’un des orifices de trocart inguinal. Elle est pratiquée sous la protection d’un trocart de 10 mm ou d’un sac.
Nb : Il est parfois possible, par exemple en cas de kyste dermoïde de petit volume, de se dispenser de ponction. On incise l’ovaire, on dissèque le kyste aux ciseaux ou par hydrodissection, on le met en sac ; on peut aussi placer l’ovaire dans le sac avant de commencer le geste. L’ovaire sera ponctionné dans le sac avant ou pendant l’extraction.
Toutes les interventions cœlioscopiques se terminent par une toilette péritonéale soigneuse (au moins 2 litres de sérum physiologique).
2) Indications :
a) Ponction-biopsie :
Elle est réservée aux kystes fonctionnels.
b) KTP :
Elle est parfois nécessaire quand le contenu du kyste est en grande partie solide (cas de certains kystes dermoïdes).
c) KIP :
C’est la technique de choix pour les kystes organiques bénins :
– la KIP avant ponction s’adresse surtout aux kystes para-ovariens,
– la résection du dôme saillant du kyste peut faciliter la KIP tout en préservant suffisamment la paroi ovarienne en cas de kystes volumineux,
– la résection du dôme saillant associée à une vaporisation au laser CO2 de toute la paroi interne du kyste est une alternative en cas d’endométriome difficile à cliver.
d) Annexectomie :
Elle est indiquée lorsque la femme est ménopausée, ou exceptionnellement lorsque le kyste a complètement détruit le parenchyme ovarien.
e) Laparotomie :
Elle sera :
– médiane en cas de lésion maligne suspectée, et
– transversale en cas de difficultés techniques dues soit au kyste lui-même (volumineux), soit à une pathologie pelvienne associée (adhérences, endométriose).
5. Cas particulier : kyste ovarien endométriosique (endométriome)
La chirurgie endoscopique dans le cadre de l’endométriose est devenue le traitement de référence.
L’endométriose est une maladie énigmatique, et seule la cœlioscopie permet un diagnostic sûr, précisant la gravité et l’étendue des lésions, autorisant un pronostic.
Contemporaine au diagnostic, la cœliochirurgie a un rôle thérapeutique majeur. Il s’agit d’une cœliochirurgie à HAUT RISQUE du fait du caractère inflammatoire et adhésiogène des lésions.
Elle nécessite un appareillage sophistiqué dans les mains d’un opérateur entraîné.
Dans tous les cas, le traumatisme opératoire est moins important que celui d’une laparotomie.
● La lésion ovarienne élémentaire : c’est la granulation noirâtre, indurée, punctiforme, superficielle, hémorragique au contact, associée à un processus adhérentiel plus ou moins important.
● Le kyste endométriosique (endométriome) augmente le volume de l’ovaire. Il est parfois associé à des granulations sombres. L’échographie, surtout endovaginale, aura permis une appréciation fine de l’échostructure du kyste.
C’est la ponction percœlioscopique d’un liquide hématique noirâtre qui éclaire le diagnostic. Les kystes sont de taille variable, de 1 à 2 cm ou volumineux étirant le ligament utéro-ovarien.
● Techniques opératoires :
La cœlioscopie ne doit plus se limiter à un diagnostic visuel, mais être efficace sur le plan thérapeutique.
Le traitement des kystes ovariens est relativement bien codifié :
– Deux, voire trois abords sus-pubiens sont nécessaires.
– Dès la ponction du kyste avec l’extrémité du trocart, une aspiration-lavage au tritounet est poursuivie jusqu’à l’obtention d’un liquide clair.
1) KIP :
Les kystes de petit volume sont ouverts à l’aide des ciseaux percœlioscopiques après mise en tension par une pince atraumatique.
– Après inspection de la paroi interne du kyste, lavage, ouverture large aux ciseaux, la dissection de la paroi kystique s’effectue par traction divergente à l’aide de 2 grip-pinces avec douceur.
La KIP en cas d’endométriose peut se révéler parfois difficile et hémorragique si le plan de clivage est peu individualisable. Si le kyste est volumineux, on peut réaliser une résection première du dôme saillant du kyste.
– Si la kystectomie se révèle trop hémorragique, la coagulation bipolaire permet un contrôle relativement aisé de l’hémostase.
2) KTP :
Elle permet dans certains cas de réaliser l’ablation de la poche kystique à l’aide d’une mini-laparotomie réalisée sous contrôle cœlioscopique.
– L’incision cutanée ne doit pas dépasser 2 ou 3 cm.
– Le kyste est ascensionné vers l’extérieur, le clivage de la poche kystique est classique avec réintégration secondaire de l’ovaire.
– Si la ponction du kyste est, comme on le sait insuffisante, la kystectomie partielle est justifiée si elle est accompagnée d’une vaporisation interne au laser CO2. Les endométriomes contiennent du tissu endométriosique très évolutif, parfois difficile à individualiser du parenchyme ovarien. La vaporisation laser CO2 est une technique efficace qui a fait ses preuves.
3) Laser CO2 :
C’est une technique particulièrement adaptée aux traitements des implants. Les dégâts tissulaires sont limités.
Après vaporisation soigneuse, une toilette péritonéale est nécessaire. On peut réaliser une injection préalable de sérum physiologique pour séparer les implants des structures sous-jacentes.
– La coagulation bipolaire permet un geste précis, limité.
4) Adhésiolyse cœlioscopique :
Elle peut être pratiquée soit avec des pinces et ciseaux cœlioscopiques, soit avec un laser CO2.
Après repérage de l’adhérence et surtout mais en tension à l’aide d’une pince, celle-ci est sectionnée.
Lorsque la mise en tension est difficile, les ciseaux permettent une dissection fine.
Une hydroflotation complète l’intervention.
6. Conclusion :
– Les développements de la chirurgie cœlioscopique ont ouvert une nouvelle perspective à la chirurgie gynécologique.
– Les avantages de ce traitement comparé à la laparotomie sont nombreux :
. diminution du temps d’hospitalisation,
. diminution du traumatisme physique et psychologique,
. réduction du coût économique.
Cependant, ces nouvelles techniques imposent une expérience solide de la chirurgie cœlioscopique et une bonne connaissance de la pathologie ovarienne.