La stimulation ovarienne hors FIV constitue un chapitre majeur dans la prise en charge d’une infertilité, nécessitant une maîtrise fine des protocoles et des risques associés.
Elle repose sur une hiérarchisation thérapeutique validée par les dernières recommandations internationales.
Les médicaments inducteurs de l’ovulation hors FIV sont essentiels dans la prise en charge des anovulations et dysovulations, notamment dans le cadre des stérilités fonctionnelles.
L’induction de l’ovulation repose sur plusieurs médicaments dont l’efficacité varie selon le contexte clinique et l’étiologie de l’anovulation.
Le choix thérapeutique doit être adapté au profil de chaque patiente.
1. Évaluation préthérapeutique :
Un bilan exhaustif est indispensable avant toute induction ovulatoire :
– Bilan hormonal (J2-4) :
. FSH, LH, œstradiol, prolactine, TSH, AMH.
. Test aux progestatifs pour évaluer la réactivité endométriale.
– Imagerie :
. Échographie pelvienne (comptage folliculaire antral, volume ovarien, recherche de SOPK).
. HSG pour vérifier la perméabilité tubaire.
– Spermogramme du conjoint : éliminer les oligo-asthéno-tératospermies sévères.
– Paramètres métaboliques : IMC, insulinorésistance (HOMA-IR) dans les SOPK.
2. Médicaments inducteurs :
1) Citrate de clomifène (CC) :
Le clomifène est anti-œstrogène traditionnellement choisi en première intention comme inducteur de l’ovulation chez les femmes SOPK.
C’est un produit efficace, sûr, facile à administrer et très économique.
C’est le Gold standard dans les anovulations fonctionnelles.
– Mode d’action : le CC bloque les récepteurs œstrogéniques de l’hypothalamus → bloque le rétrocontrôle négatif des œstrogènes → libération accrue de GnRH → stimulation hypophysaire → augmentation de FSH et LH → maturation folliculaire qui induit une augmentation de la sécrétion d’œstradiol, qui favorise le pic de LH déclenchant l’ovulation et la formation du corps jaune.
Donc le CC inhibe l’effet des œstrogènes (produits par les ovaires) sur l’hypothalamus, ce dernier ne détecte pas les niveaux accrus d’œstradiol (produit par les follicules en croissance) et continue à produire de la GnRH ⇒ FSH et LH continuent d’être libérés. Par conséquent, la croissance folliculaire est plus importante.
– Indications : stérilité par anovulation ou dysovulation normoprolactinémiques d’origine haute fonctionnelle (ex : SOPK, phase lutéale courte).
– Posologie : 50-150 mg/j (J2-6), pendant 3-6 cycles maximum.
– Efficacité : Taux d’ovulation : 70-80 % dans les anovulations fonctionnelles.
Grossesses cumulées à 6 mois : 45-50 %.
– Limites :
. inefficace en cas d’insuffisance ovarienne ou d’aménorrhée d’origine haute avec test à la progestérone négatif.
. effet antiœstrogénique sur l’endomètre (épaisseur < 8 mm dans 15 % des cas),
– Surveillance : échographie folliculaire (à partir de J10), courbe de température, dosage de la progestérone en phase lutéale (J21-23).
Lorsqu’une croissance folliculaire adéquate est observée, l’ovulation peut être déclenchée par une dose d’Ovitrelle ® et le rapport sexuel est programmé 36 heures plus tard.
– Avantage : administration orale et coût modéré
– Effets secondaires :
. risque accru de grossesses multiples (8-10 % vs 1-2 % spontanées),
. bouffées de chaleur,
. troubles visuels,
. ballonnements,
. nausées,
. tension mammaire.
Afin d’éviter les grossesses multiples, il est indispensable d’effectuer des contrôles échographiques réguliers.
2) Létrozole :
Le létrozole est un inhibiteur de l’aromatase qui poursuit le même objectif que le clomifène, à savoir augmenter les taux d’hormones responsables de la croissance et de la maturation des follicules, FSH et LH.
Ce médicament est utilisé en deuxième intention lorsque le traitement au clomifène n’a pas réussi à produire l’ovulation en cas de SOPK.
Mais de plus en plus, il devient une alternative au CC dans le SOPK.
– Mode d’action : inhibition de la conversion des androgènes en œstrogènes ==> l’hypothalamus augmente la production de GnRH en détectant que les niveaux d’œstrogènes ne sont pas suffisants ==> augmentation des taux de FSH et LH.
– Mode d’administration : très similaire à celui du clomifène, car il est également pris par voie orale pendant la première semaine des règles.
– La croissance folliculaire est contrôlée par échographie et analyses sanguines.
– Avantages vs citrate de clomifène (CC) :
. Développement monofolliculaire : 77,2 % vs 52,7 % CC.
. Taux d’ovulation : 84 % vs 76 % CC.
. Meilleur profil endométrial : épaisseur moyenne : 9,2 mm vs 7,8 mm sous CC.
. Taux de naissances vivantes : 27 % vs 19 % (SOPK).
. Grossesses multiples : 3,9 % vs 6,9 CC.
. Effets secondaires : moins fréquents.
– Protocole : 2,5-5 mg/j (J3-7), 3-6 cycles.
– Une fois que la taille correcte du follicule est atteinte, l’ovulation est déclenchée et, après 36 heures, le rapport sexuel est programmé (ou bien insémination artificielle).
3) Gonadotrophines :
Les gonadotrophines, principalement la FSH et la LH, jouent un rôle central dans la régulation du cycle ovarien et la stimulation de l’ovulation chez la femme.
Leur action s’inscrit dans l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien.
– Origine et sécrétion :
. La FSH et la LH sont sécrétées par l’hypophyse antérieure sous le contrôle de la GnRH (gonadolibérine), une neurohormone produite par l’hypothalamus.
. La GnRH est libérée de façon pulsatile, ce qui module la sécrétion de FSH et de LH par l’hypophyse.
– Action sur l’ovaire :
. FSH : stimule la croissance et la maturation des follicules ovariens durant la phase folliculaire du cycle menstruel.
Elle agit sur les cellules de la granulosa des follicules, favorisant la production d’œstrogènes à partir des androgènes.
. LH : agit en synergie avec la FSH pour la maturation finale du follicule dominant et déclenche l’ovulation.
Le pic de LH induit la libération de l’ovocyte et la formation du corps jaune, qui produira la progestérone nécessaire à la préparation de l’endomètre.
FSH : stimule la croissance folliculaire et la sécrétion d’œstrogènes.
LH : déclenche l’ovulation et la formation du corps jaune, qui sécrète la progestérone.
Rétrocontrôle : les hormones ovariennes régulent l’axe hypothalamo-hypophysaire pour maintenir l’équilibre du cycle.
Les gonadotrophines administrées en thérapeutique (injections de FSH ± LH) reproduisent ce mécanisme physiologique pour induire ou stimuler l’ovulation chez les femmes infertiles, en particulier lors de protocoles de stimulation ovarienne.
Type | Exemples | Avantages | Surveillance |
FSH urinaire | MENOPUR ® | Coût modéré, activité LH/FSH combinée | Échographie tous 2-3 jours (à partir de J8) |
FSH recombinante | GONAL-F ® | Pureté moléculaire, stabilité posologique | Œstradiolémie (seuil < 1000 pg/ml) |
hCG recombinante | OVITRELLE ® | Déclenchement ovulatoire précis | Risque SHO réduit avec agoniste GnRH |
– Indications principales hors FIV :
. En première intention en cas d’aménorrhée (anovulation) hypothalamique avec test aux progestatifs négatif.
. Anovulation ou dysovulation en cas d’échec ou de contre-indication au citrate de clomifène.
. Stérilité inexpliquée avec indication d’insémination intra-utérine (IIU).
– Plusieurs préparations sont disponibles :
. Gonadotrophines d’origine urinaire :
. Ménotropine (MENOPUR ®) : activité FSH et LH combinée
. Urofollitropine (FOSTIMON ®) : activité FSH prédominante
. Gonadotrophines recombinantes :
. Follitropine alpha (GONAL-F ®)
. Follitropine beta (PUREGON ®)
Association FSH α + LH α (PERGOVERIS ®)
– Mécanisme d’action :
Administration directe de FSH (et parfois LH) pour stimuler directement la croissance et la maturation des follicules ovariens.
– Administration :
L’administration se fait par voie injectable quotidiennes à partir du 5ème ou 6ème jour du cycle.
Si le développement folliculaire est plus lent que souhaité dans les contrôles échographiques, il est possible d’augmenter la dose de gonadotrophines jusqu’à ce qu’il soit vérifié qu’une taille folliculaire optimale a été atteinte.
– Comparaison :
Pas de différence significative en terme de grossesses cliniques entre gonadotrophines urinaires et recombinantes hors FIV.
– Efficacité :
Taux d’ovulation élevé (90 %), taux de grossesse/cycle : 15-20 %, contrôle plus précis du développement folliculaire, mais augmentation du risque d’hyperstimulation ovarienne et de grossesses multiples.
– Surveillance :
La surveillance doit être plus étroite qu’avec le citrate de clomifène en raison du risque plus élevé d’hyperstimulation ovarienne et de grossesses multiples.
Un suivi échographique régulier et des dosages hormonaux sont nécessaires :
Échographie transvaginale tous les 2-3 jours à partir de J8.
Dosages d’œstradiol (seuil d’alerte > 1000 pg/ml) et LH.
Prévention du syndrome d’hyperstimulation ovarienne.
Lorsqu’on observe par échographie qu’il y a entre 1 et 3 follicules de plus de 16 mm dans les ovaires, l’ovulation est déclenchée par une injection d’ovitrelle et, 36 heures plus tard, le rapport sexuel ou l’insémination sont programmés.
Si le recrutement folliculaire est excessif (plus de 3 follicules), le cycle peut être annulé ou converti en FIV.
– Protocole Low-Dose Step-Up (gold standard) :
. Démarrage à 37,5-75 UI/j de FSH dès J3.
. Augmentation par paliers de 37,5 UI.
. Objectif : recruter 1-2 follicules dominants.
4) Adjuvants thérapeutiques :
La metformine peut être utilisée comme traitement adjuvant dans le SOPK, pour améliorer la sensibilité à l’insuline et la réponse ovulatoire, souvent en association avec d’autres inducteurs.
– Indication : SOPK avec IMC ≥ 35 kg/m² :
. Dose : 1500-2000 mg/j.
. Réduction de l’insulinorésistance (+ 30 % de réponse au CC).
3. Approche combinée : séquence CC + gonadotrophines
L’administration séquentielle de CC (100 mg J2-6) suivi de FSH (75 UI J8-12) augmente le taux de grossesse / cycle de 22 % dans les SOPK résistants.
Cette stratégie capitalise sur le recrutement folliculaire initial par le CC, réduisant la dose totale de FSH nécessaire.
4. Gestion du déclenchement ovulatoire :
1) Critères d’administration d’hCG :
1-2 follicules ≥ 17 mm.
Œstradiol < 1000 pg/ml.
Épaisseur endométriale ≥ 7 mm.
2) Alternative innovante :
Utilisation d’agonistes GnRH (triptoréline 0,2 mg SC) :
– induction du pic de LH endogène,
– réduction du risque de SHO sévère (-68 % vs hCG).
5. Gestion des complications :
1) Syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO) :
a) Classification et prise en charge :
Grade | Critères | Interventions |
I | Douleurs modérées, ovaires < 8 cm | Surveillance ambulatoire + antalgiques |
II | Ascite minime, prise de poids < 5 kg | Repos, expansion volémique |
III | Ascite clinique, dyspnée, oligurie | Hospitalisation + ponction évacuatrice |
b) Prévention :
– Trigger à l’agoniste GnRH.
– Administration de cabergoline 0,5 mg/j pendant 3 jours post-trigger
– Cryopréservation en cas de risque élevé (et de ponction évitée).
2) Grossesses multiples :
Facteurs de risque | Mesures préventives |
> 3 follicules ≥ 16 mm | Annulation du cycle, conversion en FIV. |
Âge < 35 ans | Limitation à 6 cycles stimulés |
Antécédent de grossesse multiple | Recours préférentiel au CC vs FSH |
6. Conclusion :
Le citrate de clomifène demeure le traitement de première intention hors FIV pour l’induction de l’ovulation en cas d’anovulation fonctionnelle, grâce à son efficacité, sa simplicité d’utilisation et son profil de sécurité acceptable.
En cas d’échec ou de contre-indication, les gonadotrophines représentent une alternative efficace, bien que plus coûteuse et nécessitant une surveillance plus rigoureuse pour prévenir les complications.
Le letrozole émerge comme une option prometteuse, notamment chez les patientes avec SOPK résistantes au clomifène.
La sélection du médicament doit être personnalisée en fonction du profil clinique, des antécédents, et des risques encourus, tout en assurant une surveillance attentive pour optimiser les résultats et limiter les complications.
Synthèse comparative des médicaments inducteurs hors FIV
Médicament | Indication principale | Efficacité (ovulation) | Particularités |
Citrate de clomifène | Anovulation, SOPK | 70–80 % | 1ère intention, oral, risque GM |
Létrozole | SOPK résistant au clomifène | > clomifène (SOPK) | Alternative, oral |
Gonadotrophines | Échec clomifène, anovulation hypothalamique, IIU | Comparable FSH urin/recomb. | Surveillance stricte, injectable |
Metformine (adjuvant) | SOPK + insulino-résistance | – | En association, améliore réponse |
