1. Introduction :

L’incidence et la prévalence de l’agénésie du corps calleux sont difficiles à apprécier car, comme le laissent préjuger les découvertes d’autopsie, de nombreux cas restent inconnus. Seules sont diagnostiquées en postnatal, les formes compliquées ou associées à d’autres malformations.

Le problème majeur qui se pose aujourd’hui à tout échographiste et/ou clinicien devant une suspicion anténatale d’agénésie du corps calleux n’est pas tant, la certitude du diagnostic que l’impossibilité d’établir un pronostic de façon à pouvoir donner aux parents une information éclairée.

2. Embryologie :

Le corps calleux est la plus volumineuse commissure interhémisphérique.

Au cours de la 10ème SA, débute le développement de la plaque commissurale, c’est à ce niveau que va commencer la décussation des fibres nerveuses des hémisphères cérébraux formant ainsi progressivement le corps calleux.

Les premières fibres calleuses apparaissent de la partie antérieure du corps entre la 12ème et la 14ème SA, puis vont se développer : vers l’avant pour donner le genou et le bec, et vers l’arrière pour former le corps et le splénium. Le corps se forme à 17 SA.

A 22 SA : le corps calleux a acquis sa morphologie définitive ; genou, corps, splenium ; puis la maturation se poursuit tout au long de la grossesse.

A la naissance : le genou a une épaisseur de 4,5 mm, le corps a une épaisseur de 2 à 2,5 mm, le splenium a une épaisseur de 3,5 à 4 mm.

Parallèlement à la formation du corps calleux, entre sa face inférieure et la face supérieure du trigone, va se creuser le cavum, donnant : le cavum du septum pellucidum en avant, le cavum du septum vergae en arrière.

3. Pathogénie de l’agénésie du corps calleux :

De nombreuses causes ont été évoquées.

1) Elle peut être primitive :

Par défaut d’embryogenèse, soit d’origine métabolique, soit d’origine génétique.

– L’agénésie du corps calleux a été décrite dans certaines anomalies chromosomiques comme : les trisomies 13, 18, 21, 8…

– Des cas familiaux liés à l’X ont été rapportés, associant : agénésie du corps calleux et parésie spastique.

– Le récurrence familiale de l’agénésie du corps calleux isolée semble rare.

2) Elle peut être secondaire :

Par destruction : accident vasculaire entraînant anoxie puis nécrose, dans un contexte toxique, comme le diabète ou l’alcoolisme fœtal, dans un contexte infectieux ou viral : toxoplasmose ou rubéole.

Elle peut être secondaire par compression, par une hydrocéphalie ou un kyste inter-hémisphérique.

Si de nombreuses inconnues pathogéniques persistent, il est évident que le degré d’atteinte du corps calleux dépend plus de la période de l’agression causale que de la nature de l’agresseur. Pour certains, la dysgénésie calleuse est le résultat d’une atteinte des précurseurs embryologiques du corps calleux et non la conséquence d’une agression au cours de la formation du corps calleux lui même ; il s’agit donc plus d’une embryopathie que d’une fœtopathie.

4. Anomalies du développement du corps calleux :

1) Agénésie : embryopathie.

a) Totale :

Le plus souvent associée à une agénésie du septum lucidum.

b) Partielle :

Dépendant de la période de l’agression, elle porte toujours sur le splenium parfois sur le corps, l’intégrité du genou est constante.

2) Hypoplasie : fœtopathie

C’est une altération qui survient plus tardivement, l’agent agressif atteint le corps calleux, normalement et complètement formé.

Mais l’hypoplasie pourrait être due à une diminution de la décussation médiane.

5. Aspects échographiques de l’agénésie : Cf chapitre spécial

6. Recherche d’anomalies associées :

L’agénésie du corps calleux est rarement isolée : 5 à 30 % des cas selon les auteurs ! confirmant l’hypothèse de BARKOVICH qui en fait plus une embryopathie qu’une fœtopathie.

Dans 85 à 95 % des cas elle s’associe à une autre lésion centrale : Dandy Walker, Arnold Chiari type II, kyste interhémisphérique, encéphalocèle, neurofibrome, lipome… Parfois à une anomalie rachidienne : spina bifida, hémi-vertèbre… Souvent à une dysmorphie faciale dans 30 à 45 % des cas : hypo ou hypertélorisme, microphtalmie ; plus rarement à une autre lésion organique : génito-urinaire, cardiaque ; ou squelettique, une anomalie des extrémités n’est pas exceptionnelle.

7. Pronostic :

Grâce à une bonne sémiologie échographique le diagnostic d’agénésie du corps calleux est possible, mais il semble difficile que seul l’examen par ultrasons permettre d’en évaluer le pronostic.

Si pour BOSSY, les fonctions du corps calleux ont pu être appréciées au décours d’intervention neurochirurgicale et par l’étude de patients porteurs d’une agénésie complète ou partielle du corps calleux, il précise que : sa partie antérieure unissant les cortex frontaux est impliquée dans les fonctions cognitives ; sa partie postérieure, spléniale dans les fonctions sensorielles.

Pour SLAGER (1957) : “la fonction du corps calleux est telle qu’un adulte peut très bien vivre sans cette structure et vivre une vie parfaitement normale avec une intelligence normale et des performances normales”.

Avec MULLIGAN (1989) : il semble maintenant acquis que les troubles du développement psychomoteurs qui se retrouvent chez 70 % des agénésies du corps calleux ne sont pas dues à l’agénésie elle même, mais aux anomalies cérébrales associées, qui elles ne sont pas toujours accessibles à l’échographie, ce sont les hétérotopies, les défauts de myélinisation, les anomalies de la giration…

De plus le pronostic est beaucoup plus sombre si l’agénésie du corps calleux appartient à un syndrome connu.

1) Certains syndromes sont caractérisés par l’agénésie : ce sont :

– Le syndrome d’Aicardi, de transmission autosomique récessive, s’observe chez la petite fille, associe, à l’agénésie du corps calleux, des spasmes en flexion, des lacunes choriorétiniennes, rarement une microcéphalie.

– Le syndrome d’Aderman, de transmission autosomique récessive. Associe : l’agénésie du corps calleux, agénésie du vermis cérébelleux, atteinte de la corne antérieure, paraplégie, aréflexie, hypotonie, retard mental.

– Le syndrome de Shapiro.

– Le syndrome acrocalleux, de transmission autosomique récessive, l’agénésie du corps calleux est associée à une macrocéphalie, un hypertélorisme, une duplication des gros orteils, une polydactylie post-axiale.

2) D’autres syndromes sont parfois associés à une agénésie du corps calleux :

– Le syndrome d’Apert de transmission autosomique dominant, avec craniosténose, polydactylie, syndactylie, retard mental.

– Le syndrome C.O.F.S.: Cérébro-Occulo-Facial-Squelette ou syndrome de Pena-Shokeir Type II, associe des contractures en flexion, une microcéphalie, un retard mental.

– Le syndrome F.G. avec une dysmorphie faciale, une hypotonie, une imperforation anale et un retard mental.

– Le syndrome de Gorlin, associe des carcinomes basicellulaires multiples, des anomalies squelettiques, des calcifications intra crâniennes.

– Le syndrome Hydrolethalus, de transmission autosomique récessive avec : hydramnios, hydrocéphalie, polydactylie, micrognatie.

– Le syndrome Lin-Gettig autosomique récessif avec craniosténose, hypertonie, hypogonadisme.

– Le Neu-Laxova : RCIU, microcéphalie, déformation en flexion, dysmorphie faciale, ectropion, ichthyose.

– Le syndrome d’Opitz-BBB/G: occulo-génito-laryngé, hypertélorisme, hypospadias, anomalies respiratoires.

– Le syndrome oro-digito-facial, de transmission autosomique dominante, lié à l’X, associe, une fente médiane, une langue lobulée, des freins multiples, une syndactylie des doigts, une anomalie des 1er et 2ème orteils avec retard mental.

– Le syndrome de Rubinstein-Taybi, avec un retard de croissance, une dysmorphie faciale, un nez proéminent, des anomalies des pouces, un retard mental.

– Le syndrome de Zellweger : cérébro-hépato-rénal, présente une dysmorphie faciale avec hypertélorisme, cataracte, une hépatomégalie, des kystes rénaux, un retard mental.

– Le syndrome alcoolisme fœtal, associe une microcéphalie, une dysmorphie faciale, des anomalies cérébrales.

– L’holoprosencéphalie.

– Les anomalies chromosomiques : trisomie 13, trisomie 18, trisomie 21, trisomie 8…

– De nombreux autres syndromes peuvent être associés à une agénésie du corps calleux.

8. Conclusion :

Le diagnostic anténatal de l’agénésie totale ou partielle du corps calleux est possible mais implique une bonne connaissance de l’écho-anatomie normale avec une recherche systématique du corps calleux en coupe sagittale, la reconnaissance des signes indirects en coupe frontale et transversale.

Il faut savoir que le pronostic est souvent impossible car totalement dépendant des lésions associées qui ne sont pas toujours accessibles à l’échographie.

L’IRM permet de compléter le bilan anatomique, mais sa faible performance avant 30 SA fait que le plus souvent l’interruption médicale de grossesse est proposée par les médecins ou demandée par les parents avant qu’il ne soit possible d’effectuer cet examen.

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