Le syndrome de Noonan est une maladie rare d’origine génétique caractérisée par une petite taille, une dysmorphie faciale caractéristique et des anomalies cardiaques congénitales ; il existe parfois un déficit intellectuel.
Il a été décrit pour la première fois par la cardiopédiatre Jacqueline Noonan en 1963.
1. Epidémiologie :
La prévalence à la naissance est en moyenne de 1/2.000 naissances vivantes.
2. Etiologie :
Le syndrome de Noonan est dû à une altération d’un gène (mutation). Dans plus de 50 % des cas familiaux, il est dû à une mutation du gène appelé PTPN11 (pour “Proteine-Tyrosine Phosphatase Nonrecepteur-Type 11“), localisé sur le chromosome 12 (12q24.1). Ce gène permet la fabrication d’une protéine, la tyrosine phosphatase SHP-2, qui est présente en grande quantité dans l’organisme. Elle joue un rôle dans la régulation des informations échangées entre les cellules et intervient dans de nombreuses fonctions de l’organisme. Plus récemment, on a mis en évidence des mutations du gène K-RAS chez quelques patients porteurs d’un syndrome de Noonan (environ 5%).
3. Description clinique :
– Dysmorphie faciale : la région orbitaire et les oreilles sont les plus caractéristiques :
. ainsi, on observe un hypertélorisme (75 %), des paupières supérieures tombantes (ptosis) et les fentes des paupières dirigées vers le bas et le dehors,
. les oreilles sont bas implantées, épaisses, inclinées en arrière, avec un lobe protubérant,
. les piliers du philtrum (fossette qui se situe entre le nez et la lèvre supérieure) sont très marqués (95 %).
. on peut également observer une rétromicrognathie (50 %) et un palais haut et arqué (45 %).
. de plus, le cou est court avec un excès de peau (55 %) et les cheveux ont une implantation basse,
– une déformation de la cage thoracique,
– les patients présentent aussi une déficience intellectuelle légère, une tendance aux saignements et des dysplasies lymphatiques.
4. Croissance, nutrition et puberté
La croissance est souvent altérée dans le syndrome de Noonan, mais une taille normale n’exclut pas ce diagnostic.
Plus de la moitié des enfants présentent des difficultés alimentaires précoces conduisant à un retard de la croissance en taille et en poids dans la première année. Habituellement, les troubles alimentaires se résolvent spontanément dans l’enfance. Néanmoins, même en l’absence de difficultés alimentaires, le retard statural est présent chez plus de 50 % des malades. Un déficit en hormone de croissance est parfois retrouvé, mais le bilan hormonal est généralement normal.
La puberté et la maturation osseuse, fréquemment retardées, permettent un certain degré de “rattrapage” statural en fin d’adolescence. La taille adulte moyenne se situe autour de 162 cm chez l’homme et 152 cm chez la femme. La puberté est retardée de 2 ans en moyenne mais reste spontanée le plus souvent.
Chez les garçons, une cryptorchidie est commune (60 %) ; certains hommes peuvent présenter une infertilité même sans cryptorchidie.
Chez les filles, l’âge moyen des premières menstruations est de 14 ans et la fertilité est normale.
5. Cardiologie et pathologies vasculaires :
Les anomalies cardiaques sont très fréquentes (65 à 80 %). Les plus caractéristiques sont une dysplasie de la valve pulmonaire et/ou une sténose pulmonaire supra-valvulaire. Cela se traduit notamment par un trouble du développement des valves pulmonaires. De très nombreuses autres malformations cardiaques peuvent être présentes, en particulier une CIV ou une CIA. Une cardiomyopathie hypertrophique survient dans 20 % des cas. Cet épaississement peut être présent dès la naissance ou se constituer avec l’âge.
6. Autres problèmes :
1) Neurologie et développement :
Des difficultés d’apprentissage sont fréquentes (30 à 40 %) chez les enfants atteints du syndrome de Noonan. Ainsi, un retard d’acquisition du langage s’observe chez 20 % des enfants. Une déficience intellectuelle (QI < 70) peut également être observée (20 %) mais elle est rarement sévère. De plus, une diminution du tonus musculaire (hypotonie) est fréquente dans l’enfance et est généralement associée à un retard moteur (25 %).
Différents troubles cognitifs ou psychopathologiques peuvent être observés (déficit de l’attention, déficit de la mémoire, des troubles de l’humeur et de la régulation émotionnelle).
2) Dermatologie :
La peau est habituellement sèche, avec une kératose pilaire. Une hyperkeratose des paumes est souvent observée, entrainant la formation de “coussinets” due à l’épaississement anormal de la couche superficielle de la peau. Les cheveux sont bouclés, cassants et parfois épars. Les sourcils sont le plus souvent peu fournis.
Des anomalies de la pigmentation de la peau sont fréquemment observées incluant des nævi pigmentés (grains de beauté) (25 %), des tâches café-au-lait (10 %) et des lentigines (3 %). La présence de ces dernières permet de définir un variant clinique du syndrome de Noonan : le syndrome de Noonan avec lentigines multiples (NS-ML).
3) Vision et audition :
Des anomalies ophtalmologiques touchent plus de 90 % des patients et regroupent principalement un strabisme (48 à 63 %), des troubles de réfraction (61 %) notamment la myopie et une amblyopie (33 %). Une perte auditive liée à des otites chroniques est une complication fréquente du syndrome de Noonan.
4) Orthopédie :
Le syndrome de Noonan s’accompagne souvent d’anomalies thoraciques caractéristiques qui se manifestent par un pectus carinatum supérieur et un pectus excavatum inférieur (70 à 95 %) : le thorax est large, en forme de pyramide inversée et l’écart inter-mamelonnaire est augmenté. Une scoliose est parfois retrouvée et survient surtout à l’adolescence.
5) Hématologie, immunologie et coagulation :
Un tiers des personnes atteintes du syndrome de Noonan présente des troubles de la coagulation d’intensité variable mais pouvant se révéler lors de chirurgies potentiellement hémorragiques. L’anomalie la plus commune est un déficit en facteur XI. Ces déficits en facteur de coagulation n’exposent pas à un risque hémorragique majeur mais sont responsables d’une prédisposition aux ecchymoses, aux saignements de nez et saignements post-opératoires.
Des anomalies plaquettaires telles que des thrombopénies et des thrombopathies ont également été rapportées.
Des manifestations auto-immunes sont fréquentes (30 % d’auto-anticorps antithyroïdiens), avec un risque d’hypothyroïdie tardive de 5 %.
6) Cancérologie :
Chez les personnes atteintes du syndrome de Noonan, il existe une prédisposition au développement de myélodysplasies et de leucémies, en particulier la leucémie myélomonocytaire juvénile (LMMJ), qui survient avant 2 ans, et la leucémie aiguë lymphoblastique.
D’autres tumeurs ont également été rapportées telles que le rhabdomyosarcome, le neuroblastome, le lymphangiome et le carcinome testiculaire.
7. Diagnostic :
Le diagnostic du syndrome de Noonan est avant tout clinique.
La confirmation est possible dans presque 50 % des cas par simple prise de sang. Elle permet de réaliser un test génétique mettant en évidence la mutation du gène PTPN11 ou du gène K-RAS. Néanmoins, dans près de la moitié des cas, ce diagnostic ne peut être confirmé, et reste purement clinique. On peut espérer que les progrès de la génétique permettront dans un avenir proche de confirmer le diagnostic dans la majorité des cas. Il faut insister sur le fait que le diagnostic génétique du syndrome de Noonan est très complexe, et qu’il peut nécessiter plusieurs mois de travail.
8. Diagnostic différentiel :
Le diagnostic différentiel inclut le syndrome de Turner, le syndrome cardio-facio-cutané, le syndrome de Costello, la neurofibromatose de type 1 (NF1) et le syndrome LEOPARD.
9. Diagnostic prénatal :
– Le diagnostic prénatal peut être réalisé par biopsie du trophoblaste ou par amniocentèse, si la mutation a été identifiée au préalable chez un membre de la famille. Cela étant, la complexité technique de cette analyse rend le diagnostic difficile sur un cas index dans le court laps de temps disponible au cours de la grossesse.
– A l’échographie : le diagnostic de syndrome de Noonan peut être envisagé chez tous les fœtus présentant une augmentation de la clarté nucale (ou un hygroma kystique), un hydramnios, des épanchements pleuraux, des œdèmes avec un caryotype normal.
En pratique, ces signes ne permettent pas d’évoquer un syndrome de Noonan en l’absence d’une histoire familiale, car ils ne sont pas du tout spécifiques.
Les malformations cardiaques et la cardiomyopathie peuvent être décelées avant la naissance ; toutefois, l’anomalie la plus commune (le rétrécissement de l’artère pulmonaire) est pratiquement indétectable avant la naissance.
– En cas d’amniocentèse (qui peut être proposée après la découverte d’une malformation du cœur) : le syndrome de Noonan ne pourra pas être diagnostiqué en l’absence d’une histoire familiale : l’étude du gène PTPN11 est beaucoup trop complexe, et d’autre maladies génétiques peuvent se présenter, à la naissance, avec une combinaison de clarté nucale et de malformation du cœur.
10. Conseil génétique :
Le syndrome de Noonan est une maladie génétique à transmission autosomique dominante : une personne atteinte a donc 50 % de risque d’avoir des enfants également atteints de ce syndrome, quel que soit leur sexe et le gène impliqué. Lorsque les deux parents sont indemnes, le risque de d’avoir un deuxième enfant atteint est de moins de 1 %.
Nb : Ce syndrome survient de façon sporadique dans plus de 80 % des cas (l’accident génétique survient à la conception de l’enfant)…
11. Prise en charge et traitement :
Le traitement doit inclure la prise en charge des problèmes alimentaires rencontrés dans la petite enfance, l’évaluation de la fonction cardiaque et le suivi de la croissance et du développement moteur. La kinésithérapie et/ou l’orthophonie doivent être proposées si nécessaire. Un examen oculaire et auditif complet doit être pratiqué durant les premières années de scolarisation. Des études de coagulation doivent être menées avant toute intervention chirurgicale.
12. Pronostic :
Dans la majorité des cas, les enfants atteints du syndrome de Noonan ont un développement normal et ne présentent pas de problèmes d’intégration socio-professionnelle à l’âge adulte. Le déficit intellectuel, lorsqu’il est présent, est généralement peu sévère, la plupart des enfants peuvent suivre une scolarité normale avec un soutien complémentaire (orthophonie, psychomotricité). La présence d’une anomalie cardiaque et la tendance aux saignements peut limiter la pratique de certains sports.
Les signes et les symptômes s’estompent avec l’âge et la plupart des adultes atteints du syndrome de Noonan ne nécessitent aucun traitement médical particulier.
Sd de Noonan : diagnostic différentiel détaillé
- L’ensemble des signes cliniques du syndrome de Noonan peut évoquer une maladie chromosomique particulière, le syndrome de Turner qui n’affecte que les filles.
Dans le syndrome de Noonan le nombre de chromosomes est normal, ce qui n’est pas le cas dans le syndrome de Turner (il manque un chromosome X). Un examen des chromosomes (caryotype) permet de les différencier.
- Il faut également le distinguer des autres syndromes associant visage caractéristique (qui rappelle celui du syndrome de Noonan, en plus marqué), cardiopathie congénitale et déficit intellectuel : le syndrome de Costello, dû à des mutations du gène H-RAS (un autre partenaire du gène PTPN11) et le syndrome facio-cardio-cutané (CFC), dû à des mutations de plusieurs gènes partenaires de PTPN11 : les gènes BRAF, MEK1, MEK2 et K-RAS.
Ces deux syndromes peuvent être confondus avec le syndrome de Noonan, chez le jeune enfant, mais ils s’en distinguent par leur évolution.
- La présence de taches cutanées "café au lait" peut également entraîner une confusion diagnostique avec une neurofibromatose de type 1, d’autant que celle-ci peut s’accompagner d’un rétrécissement de l’artère pulmonaire (jadis, on parlait de syndrome de Watson pour qualifier cette association).
- Le syndrome de Williams, dû à la perte d’un petit fragment du chromosome 7, peut parfois faire penser à un syndrome de Noonan chez le nourrisson, mais l’évolution et les particularités du visage permettent de les distinguer dès la petite enfance.
- Le syndrome LEOPARD présente des manifestations similaires au syndrome de Noonan et plus particulièrement la présence de taches "café au lait". De plus, une mutation du gène PTPN11 est aussi présente dans le syndrome LEOPARD.