L’anatomie pathologique est primordiale dans l’étude du cancer du sein :

– elle est d’abord indispensable pour affirmer sans ambiguïté la malignité d’une lésion mammaire,

– elle permet d’identifier plusieurs types tumoraux dont les caractères cliniques et évolutifs sont de plus en plus distincts,

– elle contribue à préciser l’extension tumorale dans la ou les glandes mammaires, dans les ganglions satellites et, par là, la probabilité d’extension à distance,

– enfin, elle apporte des éléments importants pour l’appréciation pronostique globale.

Les cancers peuvent se développer à partir de tous les constituants his­tologiques du sein, mais les plus fréquents sont ceux issus du revêtement épithélial des canaux galactophores ou des lobules : les carcinomes ou épithélio­mas, et qui sont définis en fonction de leur caractère in situ ou infiltrant.

1. Rappel sur l’anatomie et l’histologie du sein : Cf chapitre spécial

2. Prélèvements, gestion et interprétation :

Les prélèvements peuvent être cytologiques (ponction), microbiopsiques ou issus de pièces chirurgicales (tumorectomie, mastectomie).

Leur gestion technique (orientation, fixation, découpage, inclusion en paraffine) est essentielle pour une analyse fiable.

L’interprétation nécessite des données cliniques et radiologiques précises : âge, statut hormonal, antécédents pathologiques (interventions antérieures sur le sein ?), date de la découverte de la tumeur, son siège, les signes cliniques (inflammation), la classification TNM, les données de l’imagerie.

3. Classifications anatomopathologiques des cancers du sein :

1) Macroscopie :

Déjà, dès l’ouverture de la tumeur, une première orientation diagnostique peut se faire.

– La plupart des carcinomes mammaires de forme commune se présentent sous une forme stellaire, avec des prolongements spiculés hébergeant inconstamment des travées de cellules néoplasiques.

– Plus rarement, il peut s’agir d’un nodule bien circonscrit qui peut alors révéler soit des formes particulières de carcinomes, médullaire ou colloïde, soit un sarcome, soit une localisation métastatique d’un cancer ailleurs situé.

– Un aspect particulier, le squirrhe, sorte de blindage diffus, mal limité, d’une dureté ligneuse, souvent mieux identifié par la palpation que par la vue, correspond en général à une forme particulière de carcinome lobulaire infiltrant.

2) Histologie :

La classification histologique actuel­lement utilisée est celle de l’OMS 2002-2003.

La quasi-totalité des tumeurs malignes du sein sont des carcinomes (adénocarcinomes) d’origine épithéliale (98 %), tandis que les sarcomes, lymphomes et métastases représentent moins de 2 %.

La classification histologique de l’OMS distingue principalement les carcinomes selon leur type et leur caractère infiltrant ou non.

a) Carcinomes non infiltrants (ou carcinomes in situ) :

Ce sont des proliférations malignes confinées à leur site d’origine, sans franchissement de la membrane basale, donc sans risque immédiat de métastases ganglionnaires.

On en distingue 2 types princi­paux selon l’origine de la tumeur :

Le carcinome lobulaire in situ (CLIS) : il représente moins de 1 % des cancers du sein, et est géné­ralement découvert fortuitement sur une pièce biopsiée pour maladie fibrokystique.

Il s’agit d’une prolifération de cellules globuleuses dans les lobules, sans envahissement du tissu conjonctif.

Difficulté diagnostique avec les hyperplasies lobulaires atypiques, certains regroupant ces entités sous le terme de « néoplasie lobulaire ».

Le CLIS n’est pas considéré comme un cancer invasif ni comme un état précancéreux strict, mais comme un marqueur de risque accru de cancer du sein infiltrant.

A 5 ans, le risque pour une patiente ayant un CLIS de développer un carcinome infiltrant ne serait que d’environ 25 %, et le CLIS ne serait pas le stade « obligé » de tout carcinome lobulaire infiltrant.

 Le carcinome cana­laire in situ (CCIS) : environ 3 % de l’ensemble des cancers du sein.

C’est une prolifération épithéliale maligne à l’intérieur des canaux galactophoriques sans franchissement de la membrane basale, donc pas de risque d’envahissement ganglionnaire.

Peut se manifester par un écoulement sanglant du mamelon ou être découvert par des microcalcifications à la mammographie, mais peut adopter n’importe quel tableau clinique.

Une atteinte multifocale est possible pouvant aller jusqu’à l’atteinte de l’ensemble de la glande mammaire.

b) Carcinomes infiltrants :

Ils constituent la majorité des cancers du sein.

Carcinome canalaire infiltrant : le plus fréquent (75 %), franchit la membrane basale, risque d’envahissement ganglionnaire et de métastases.

Autres formes :

– Carcinome lobulaire infiltrant (10 à 15 %) : souvent multifocal, bilatéral, difficile à délimiter, dissémination fréquente dans le sein, les ganglions, et à distance dans des sièges inha­bituels (plèvres, péritoine et méninges), nécessitant une surveillance particulière de ces sites.

– Carcinome mucineux (ou colloïde) (rare) : il est  parfois trompeur par sa bonne limitation (mammographie).

– Carcinome médullaire (rare) : il nécessite 5 critères histologiques, évolution plus favorable si critères réunis, ne suit pas le grade SBR.

– Carcinomes papillaire et tubuleux : d’évolution très favorable, ils posent surtout des problèmes de diagnostic différentiel difficile avec certaines lésions bénignes.

Maladie de Paget du mamelon (exceptionnelle) : extension intra-épidermique d’un carcinome sous-jacent infiltrant ou intracanalaire qu’il faut toujours s’efforcer de retrouver.

– Carcinomes « inflammatoires » : présence d’emboles tumoraux dans les lymphatiques dermiques, aspect clinique inflammatoire sans infiltrat stromal.

c) Tumeurs malignes non carcinomateuses :

Rares (< 1 %), elles dérivent des tissus non glandulaires du sein.

Diverses entités sont regroupées dans ce chapitre.

Sarcomes mésenchymateux : naissent du tissu conjonctif ou d’une tumeur phyllode prééexistante, dissémination principalement hématogène.

Ils se présentent généralement comme un (ou plusieurs) nodule bien limité et ils essaiment surtout par voie sanguine plutôt que lymphatique, d’où l’économie du curage axillaire.

Mélanomes, métastases d’autres cancers (rein, gynécologique, os…) : très rares, mais à connaître.

4. Extensions du cancer du sein :

1) Extension locorégionale :

a) Dissémination dans le sein (multicentricité, bilatéralité).

b) Envahissement des ganglions locorégionaux :

– Axillaires (N+) : le cheminement de ces métastases se fait du bas au haut de l’aisselle sans sauter de relais : ainsi il n’a pas été trouvé de ganglion métastatique isolé au niveau du deuxième ou troisième étage sans que le premier niveau ne soit atteint. Cette notion est importante à connaître car elle permet de limiter les curages aux seuls ganglions inférieurs (premier étage de Berg) lorsque ceux-ci ne sont pas trouvés envahis en extemporané, évitant ainsi gros bras et dépression immunitaire. Cet envahissement est lié au siège de la tumeur.

Lorsque le creux axillaire paraît cliniquement normal (N0), l’examen histologique révèle un envahissement métastatique chez environ un tiers des malades ; lorsqu’un ganglion est perçu cliniquement il n’est envahi histologiquement que 7 fois sur 10.

– Mammaires internes : leur atteinte est liée à celle des ganglions axillaires ainsi qu’au siège interne ou central de la tumeur dans le sein : ils sont envahis dans environ 10 % des aisselles N- et dans 40 % des aisselles N+.

– Sus-claviculaires.

2) Extension à distance :

Métastases osseuses (les plus fréquentes et les plus précoces), pulmonaires, hépatiques, ganglionnaires, cérébrales, cutanées.

Les métastases osseuses sont parfois muettes, cliniquement et radiologiquement, détectées seulement par la scintigraphie. Parfois au contraire, elles sont révélatrices du cancer. Leur siège prédomine aux vertèbres et à l’extrémité supérieure du fémur.

L’examen clinique est en général peu sensible dans la détection de ces métastases. Toutefois la recherche des signes fonctionnels ou généraux ainsi que l’examen général ne doivent pas être négligés.

5. Examen extemporané :

L’examen extemporané des cancers du sein ne se limite pas à classer les tumeurs en « bénignes » ou « malignes », mais il fournit aussi au chirurgien un certain nombre de détails qui permettent une meilleure adéquation de l’étendue du geste opé­ratoire au type de la tumeur, à sa taille et à l’état des marges…

Aussi un consensus s’est fait pour qu’actuellement l’examen histologique extemporané soit pros­crit en cas de tumeur de moins de 1 cm ou de lésion infraclinique du sein (en particulier un foyer de micro­calcifications sans tumeur palpable).

6. Facteurs pronostiques anatomopathologiques :

Les principaux facteurs pronostiques sont :

– taille tumorale,

– grade histopronostique SBR (Scarff, Bloom, Richardson),

– nombre de ganglions axillaires envahis,

– statut des récepteurs hormonaux (RE, RP),

– présence d’emboles vasculaires ou lymphatiques,

– surexpression de HER2,

– index de prolifération Ki67.

Ces éléments sont indispensables pour adapter la stratégie thérapeutique (chirurgie, curage, traitements adjuvants).

7. Compte rendu anatomopathologique :

Le compte rendu doit préciser pour chaque tumeur :

– le type histologique,

– la taille,

– le caractère uni ou multifocal,

– les marges d’exérèse,

– le grade SBR,

– l’extension ganglionnaire,

– le statut des récepteurs hormonaux et de HER2.

8. Particularités après traitement

Les traitements (biopsie, radiothérapie, chimiothérapie) peuvent modifier l’aspect histologique, rendant parfois l’interprétation plus difficile.

9. Conclusion :

L’anatomopathologie est indispensable pour le diagnostic, le bilan d’extension, l’évaluation pronostique et le choix thérapeutique du cancer du sein.

Le dialogue entre cliniciens, chirurgiens, radiologues et pathologistes est essentiel pour offrir à chaque patiente une prise en charge optimale et personnalisée.

Grade de SBR

Classification histologique des cancers du sein selon l'OMS 2002-2003

1) Tumeurs épithéliales non infiltrantes :

- Carcinome canalaire in situ (intracanalaire) (CCIS) ;

- Carcinome lobulaire in situ (CLIS)

2) Tumeurs épithéliales infiltrantes :

Carcinome infiltrant de type non spécifique (canalaire TNS)

- Carcinome de type mixte ;

- Carcinome pléomorphe ;

- Carcinome avec cellules géantes ostéoclastiques ;

- Carcinome avec aspects choriocarcinomateux ;

- Carcinome avec aspects mélanocytaires.

Carcinome lobulaire infiltrant

Carcinome tubuleux

Carcinome cribriforme infiltrant

Carcinome médullaire

Carcinome produisant de la mucine

- Carcinome mucineux ;

- Cystadénocarcinome et carcinome à cellules cylindriques sécrétantes ;

- Carcinome à cellules en bague à chaton.

Tumeurs neuroendocrines du sein

- Carcinome neuroendocrine de type solide ;

- Carcinoïde atypique ;

- Carcinome à petites cellules ;

- Carcinome neuroendocrine à grandes cellules.

Carcinome papillaire infiltrant

Carcinome micropapillaire infiltrant

Carcinome apocrine

Carcinome métaplasique

Carcinome métaplasique de type épithélial pur Carcinome épidermoïde :

- Adénocarcinome avec métaplasie à cellules fusiformes ;

- Carcinome adénosquameux ;

- Carcinome mucoépidermoïde ;

- Carcinome métaplasique mixte à composante épithéliale et conjonctive.

Carcinome à cellules riches en lipides

Carcinome sécrétant

Carcinome oncocytique

Carcinome adénoïde kystique

Carcinome à cellules acineuses

Carcinome à cellules claires (riches en glycogène)

Carcinome sébacé

Carcinome inflammatoire

Maladie de Paget du mamelon

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