1. Généralités :
Le placenta humain remplit de nombreuses fonctions physiologiques parmi lesquelles celles de filtre, d’épuration, d’organe de nutrition et de respiration sont essentielles.
Ces fonctions reposent fondamentalement sur la notion d'”échanges transplacentaires” de substances physiologiques, de la mère au fœtus et vice versa.
– Le placenta humain est de type hémochorial : le sang maternel est directement en contact avec le chorion au niveau de la chambre intervilleuse. Cette chambre est alimentée par les artères utéro-placentaires dérivés des artères spiralées, le sang repartant par les veines utéro-placentaires.
2. Membrane placentaire et échanges fœto-maternels :
● La membrane placentaire s’amincit de plus en plus en cours de grossesse.
A partir du 4ème mois, elle acquiert une structure très favorable aux échanges : elle est alors constituée de 3 couches :
– syncytiotrophoblaste,
– conjonctif,
– endothélium vasculaire fœtal.
La moyenne de la surface d’échange (c’est à dire la surface villositaire) varie de 3,4 m2 à 28 semaines de grossesse à 12,6 m2 à terme. L’épaisseur de la membrane diminue de 50-100 μm au 2ème mois à 4-5 μm à terme.
● Les échanges se font par diffusion passive, mais surtout par transfert actif et sélectif résultant de l’activité propre de la membrane.
La surface d’échanges se trouve encore augmentée par l’existence de microvillosités (microscopie électronique).
La bordure en brosse, visible au microscope optique, correspond à ces microvillosités.
La microscopie électronique a encore mis en évidence une grande abondance de mitochondries, de ribosomes, de vacuoles de pinocytose et d’enclaves lipidiques.
Cet ensemble témoigne d’une intense activité fonctionnelle d’échanges et de synthèses.
Les échanges portent non seulement sur les constituants physiologiques, mais éventuellement sur des substances ou des éléments qui peuvent présenter un risque pathologique pour le fœtus.
3. Physiologie des échanges transplacentaires :
1) Mécanisme des transferts :
Les transferts transplacentaires augmentent au fur et à mesure de l’évolution de la grossesse. Ils peuvent être perturbés par des pathologies gravidiques (par ex : la dégénérescence fibrinoïde du placenta diminue la surface d’échange…).
Les échanges transplacentaires obéissent à divers mécanismes :
– transfert passif,
– transport actif :
. diffusion facilitée,
. transfert par liaison moléculaire,
. pinocytose.
– passage par effraction.
a) Transfert passif :
Il s’agit d’une perméabilité libre, dans les 2 sens, obéissant à la loi de Fick, qui tend à l’égalisation des concentrations des substances de part et d’autre de la membrane.
Ce mécanisme ne s’applique qu’aux molécules de faible PM, sans liaison avec les protéines circulantes ; il dépend de la liposolubilité de la substance.
b) Transport actif :
– Diffusion facilitée : il y a aussi tendance à l’égalisation des concentrations, mais le taux de transfert est plus élevé que prévu et fait intervenir un mécanisme métabolique permettant de vaincre un gradient de pression (-) ; il y a saturation du système pour des hautes concentrations.
– Transfert par molécules porteuses : il nécessite une dépense d’énergie qui peut vaincre les différences de concentrations. La molécule porteuse agit au niveau de la membrane cellulaire, permet l’entrée dans le cytoplasme de la substance qui diffuse ensuite passivement. Le transport d’ions, comme le Na+, crée une différence de potentiel membranaire.
Ce type de transfert est limité à quelques substances.
– Pinocytose : il s’agit du prélèvement, par un repli de la membrane cellulaire villositaire, d’une petite quantité de liquide extra-cellulaire contenant entre autres des macromolécules.
c) Effraction membranaire :
Il semble de plus en plus évident à l’heure actuelle que le placenta présente, par endroits ou dans certaines circonstances, des pertuis permettant les passages directs, d’un compartiment à l’autre, de substances et de cellules.
Le transfert obéit alors aux lois de la diffusion simple.
2) Transferts de substances naturelles :
a) Substances intervenant dans l’homéostasie directe :
Généralement, il s’agit d’une diffusion simple, rapide, mais présentant certaines particularités :
– Le transfert de l’eau est régi par la différence de pression osmotique.
En fin de grossesse, le passage d’eau de la mère au fœtus est de 3000 ml/h environ, dont moins d’un millième est retenu par le fœtus.
– Parmi les ions, on sait que le sodium passe par transport actif ; il en est de même pour le calcium, le potassium et le cuivre. Le chlore, le fluor, le cobalt et le zinc passent par diffusion simple.
– L’oxygène diffuse aisément du compartiment maternel vers le fœtus, sur la base de la différence de pression partielle sanguine et en fonction de la courbe de dissociation de l’oxyHb fœtale qui favorise la captation au niveau fœtal.
Le passage d’O2 dépend également des flux sanguins utérins et ombilicaux.
– Le passage de CO2 du fœtus à la mère suit les mêmes lois que celui de l’O2 mais en passant 20 fois plus rapidement. Il s’effectue exclusivement sous forme gazeuse et nullement sous forme de bicarbonate ou d’acide carbonique.
b) Substances intervenant dans la nutrition fœtale :
– Le glucose est le métabolite quasi-exclusif du fœtus. Il passe, à raison de 20 mg/mn, par diffusion facilitée, c’est-à-dire jamais contre un gradient de concentration.
Les autres glucides, notamment le fructose, suivent le même processus.
– D’autres substances nutritives franchissent le placenta contre un gradient de concentration : c’est le cas du phosphate dont les taux fœtaux sont plus élevés et qui bénéficie d’un transport actif. Il en est de même pour le fer et l’iode.
– En ce qui concerne les protides, ils passent vraisemblablement sous forme d’acides aminés contre un gradient de concentration. Ce mécanisme est également applicable à l’acide ascorbique, à la riboflavine et aux autres vitamines hydrosolubles.
Les vitamines liposolubles passent également la barrière placentaire mais plus lentement.
– Quant aux lipides, ils ne traversent pas la membrane placentaire, sauf rares cas d’absorption micellaire. Ils sont synthétisés par le fœtus à partir de constituants de plus faible PM, acétate libre et certains acides gras libres.
c) Hormones :
Trois grandes catégories hormonales doivent être prises en considération : stéroïdes, iode et dérivés et protéines.
Hormones | Passage |
Stéroïdes | lent (liposolubilité) |
Iode, tri-iodothyronine | diffusion |
Thyroxine | faible |
Protéines : TSH, ACTH, amines, stimulines hypophysaires, insuline | Nul |
d) Substances à activité immunologique :
Le transfert d’anticorps de la mère au fœtus est possible jusqu’à un PM de 150.000.
Les IgG franchissent généralement la barrière.
Le placenta est, par contre, imperméable aux IgM et aux IgA (leur présence dans le sang fœtal est le résultat d’une synthèse active).
De même, le placenta s’oppose au passage des bactéries, sauf le tréponème en fin de grossesse.
Nb :
– Les virus passent la barrière placentaire.
– La plupart des médicaments passent la barrière placentaire.
4. Circulation placentaire :
– La chambre intervilleuse est limitée du côté maternel par la plaque basale, du côté fœtal par la plaque choriale, latéralement, mais incomplètement, par les septa intercotylédonnaires.
La richesse de division des villosités donne une “surface placentaire” considérable : à terme, elle dépasserait 10 m2 : c’est un facteur important de l’intensité des échanges FM.
– Les villosités crampons : dépendant d’un tronc primaire s’insèrent sur la plaque basale en délimitant une aire grossièrement circulaire. L’ensemble de l’arbre villositaire forme schématiquement un “système tambour” qui représente le cotylédon, unité anatomique du placenta.
– La circulation fœtale : le sang arrive par les 2 artères ombilicales, branches des artères iliaques du fœtus. Il est dispersé dans un réseau extrêmement riche qui pénètre les moindres divisions villositaires. Il est repris par la veine ombilicale et regagne finalement le système cave inférieur.
Cette circulation est comparable à la circulation pulmonaire de l’adulte : le sang désaturé arrive par les artères, le sang oxygéné repart dans la veine.
– La circulation maternelle : le sang arrive par les branches de l’artère utérine.
Il se répand dans les chambres intervilleuses et circule entre les ramifications des arbres villositaires. Il est repris par les branches de la veine utérine.
Le débit de ces deux circulations est très élevé : 500 ml/mn environ. C’est encore un facteur favorisant les échanges FM.
● La circulation maternelle : résulte d’une différence de pression : élevée dans l’artère (70 mm Hg), basse dans la chambre (10 mm Hg) : le sang jaillit jusqu’à la plaque choriale puis revient vers la plaque basale et est repris par les veines utérines où la pression est encore plus faible que dans la chambre.
● La circulation fœtale : s’effectue dans un système vasculaire clos où la pression moyenne, évaluée à 30 mm Hg, est supérieure à celle de la chambre (10 mm Hg).
Cette différence de pression évite aux vaisseaux villositaires de se collaber.
5. Equilibre hormonal de la gestation :
– Avant l’implantation, le maintien de la gestation est assuré par les hormones ovariennes et hypophysaires.
– Après la nidation, le contrôle hormonal de la grossesse est assuré par l’action conjuguée des hormones hypophysaires, ovariennes et placentaires.
● Le placenta (essentiellement le syncytiotrophoblaste) élabore 4 principales hormones :
– une hormone gonadotrope chorionique (hCG) qui, apparaissant rapidement après la nidation, est à la base des tests de grossesse,
– une hormone lactogène placentaire (hPL), qui est constituée d’une simple chaîne polypeptidique, qui présente une structure voisine de l’hormone de croissance hypophysaire ; elle est encore appelée hormone chorionique somatotrophique et mammotrophique humaine (hCS) ; elle a une structure et donc un effet proches de l’hormone de croissance et de la prolactine ; elle est secrétée par le syncytiotrophoblaste et est détectable dans le sang maternel dès la troisième semaine de gestation. C’est l’hormone peptidique la plus abondamment produite par le placenta humain.
Un des rôles majeurs d’hPL est d’assurer au fœtus un apport énergétique suffisant et constant sous la forme de glucose aux dépens d’un trouble métabolique induit chez la mère qui utiliserait préférentiellement les substrats lipidiques.
De plus, l’hPL a une activité mammotrope, seule ou en synergie avec la prolactine, mais cette action mammaire doit être préparée par les stéroïdes.
– des hormones stéroïdes : œstrogènes et progestérone.
Alors que le taux des œstrogènes et de la progestérone augmentent régulièrement jusqu’à la fin, les gonadotrophines, après avoir atteint un sommet au 60ème jour, baissent et se maintiennent à un taux très bas jusqu’à la fin de la grossesse.
>>> Pour plus de détails : Cf chapitre spécial
Points clés
Le placenta constitue le lien entre la mère et le fœtus, essentiel au développement de ce dernier.
Pendant la période embryonnaire, le chorion n’est pas perfusé par du sang maternel mais par un fluide extracellulaire issu du plasma. Des produits présents dans la circulation maternelle (médicaments, virus…) peuvent atteindre l’embryon par diffusion pendant cette période critique de son développement (organogenèse).
A partir de 10 semaines post-conception, les sangs maternel et fœtal sont séparés par la “barrière placentaire” constituée par l’endothélium des capillaires fœtaux, le mésenchyme qui les entoure et le trophoblaste (cytotrophoblaste en couche discontinue en fin de grossesse et syncytiotrophoblaste). Ces circulations se juxtaposent sans jamais se mélanger et définissent le type hémochorial à trophoblaste villeux du placenta humain.