Les candidoses vaginales sont les plus fréquentes des mycoses humaines.
75 % des femmes feront au moins un épisode de mycose vaginale dans leur vie.
Parmi elles, 10 à 20 % feront des récidives fréquentes.
Il s’agit de l’infection la plus fréquente chez les femmes enceintes.
L’atteinte mycosique vaginale proprement dite est due à des levures du genre Candida.
Les Candida sont des saprophytes des muqueuses digestive et vaginale (20 à 25 % des femmes ont, à l’état d’hôte habituel, du Candida Albicans dans le vagin) : c’est la modification de leur environnement qui favorise leur multiplication et la pénétration dans les cellules, signe de pathogénicité. L’infection est donc le plus souvent d’origine endogène.
1. Pathogénie :
1) Agents responsables :
Le genre Candida regroupe des levures saprophytes de la peau et des muqueuses, pouvant devenir pathogènes lors de certaines circonstances favorisantes.
Des 80 espèces de Candida, la plus fréquemment isolée dans les candidoses vaginales est candida albicans (90 %), mais on isole aussi glabrata, tropicalis, pseudotropicalis, kruseï, parakrusei, parasilopsis, guillermondii…
La principale source de contamination vaginale est le tube digestif (par contiguïté) ; la contamination indirecte, par des objets souillés (lors de la toilette) est, en effet, négligeable.
Quant à la transmission sexuelle, elle est possible, mais rare.
2) Mécanismes de l’infection mycosique :
Candida albicans fait partie de la flore habituelle de l’oropharynx et du tube digestif, et peut aussi être présent en faible quantité dans la flore vaginale normale.
Sous l’influence de facteurs favorisants, la levure passe de l’état saprophyte à l’état pathogène (forme pseudo-filamenteuse).
2. Facteurs favorisants :
1) Modifications hormonales :
– la grossesse ++ : pendant la grossesse, il existe une hyperplasie de l’épithélium vaginal (due à l’imprégnation estrogénique) et une libération importante de glycogène, ce qui favorise la pullulation du bacille de Döderlein et, de ce fait, abaisse le pH vaginal à 3,6 ce qui favorise la prolifération des Candida (hôtes habituels du vagin de 30 % des femmes enceintes), et inhibe le développement d’autres agents infectieux,
– la ménopause : l’atrophie vulvo-vaginale par carence estrogénique déséquilibre la flore locale en faveur des candida.
2) Causes médicamenteuses +++ :
– l’antibiothérapie à large spectre en utilisation prolongée, détruit la flore intestinale et vaginale, créant ainsi un déséquilibre favorable à la multiplication des candida,
– la corticothérapie générale et locale (vulvaire),
– les immunosuppresseurs et les antimitotiques,
– les trichomonacides : déséquilibrent la flore en agissant sur les anaérobies,
– les estroprogestatifs : augmentent l’acidité vaginale par dégradation accrue du glycogène.
3) Pathologies générales :
Elles favorisent également les récidives :
– diabète (les Candida se nourrissent principalement de sucre),
– maladies endocriniennes : insuffisance surrénalienne, thyroïdienne ou parathyroïdienne,
– immunodépression : SIDA, leucémies, cancers,
– et toute pathologie grave qui altère profondément l’état général.
4) Hygiène locale inadaptée :
Les toilettes excessives (avec douches vaginales) ou l’utilisation d’antiseptiques locaux altèrent la flore de Döderlein.
5) Causes locales favorisant la macération :
– pantalons trop serrés,
– sous-vêtements en fibres synthétiques,
– piscine…
3. Etude clinique :
1) Motifs de consultation :
La symptomatologie fonctionnelle est riche et associe :
– un prurit vulvaire plus ou moins intense, d’apparition récente, accompagné de brûlures vulvo-vaginales (sensation de cuisson),
– une leucorrhée épaisse, peu abondante, blanchâtre, caillebottée (aspect de lait caillé ou de yaourt),
– une dyspareunie accompagnée de brûlures après les rapports,
– et parfois une dysurie avec brûlures post-mictionnelles (une fois sur cinq).
Ces symptômes s’exacerbent en période prémenstruelle (car augmentation du glycogène à cette période).
Nb : Le prurit et les brûlures sont absents chez un tiers des femmes infectées, et les leucorrhées, chez plus de la moitié d’entre elles.
2) Examen clinique :
– examen de la vulve : (atteinte vulvaire 1 fois sur 2) ; celle-ci est rouge, œdématiée ; les grandes lèvres sont recouvertes d’un enduit nacré blanchâtre.
Les sillons interlabiaux présentent souvent une fissure douloureuse. Parfois on note des lésions de grattage.
Cette rougeur déborde sur le périnée jusqu’aux plis inguinaux et interfessiers, et est séparée de la peau saine par une limite nette (liseré de desquamation).
Ces lésions peuvent être très douloureuses, au point d’interdire non seulement le coït, mais aussi l’examen au spéculum.
– examen au spéculum : fait avec douceur, il permet de voir la muqueuse vaginale rouge vif, œdématiée, recouverte de dépôt blanchâtre facilement détachable (aspect de muguet fréquent).
Le col est rouge, œdémateux et présente parfois une érosion centrée par son orifice externe (cervicite).
3) Examen général :
Il recherchera une mycose :
– digestive : muguet buccal, stomatite, glossite érythémateuse, diarrhée,
– génitale chez le partenaire : balanite.
On recherchera enfin une cause favorisante (grossesse, prise d’estroprogestatifs, d’antibiotiques, diabète, chimiothérapie).
Nb : La vulvovaginite latente : elle peut se traduire par un prurit vulvaire intermittent, apparaissant dans la période prémenstruelle, voire une dyspareunie chez une femme sous contraception orale ou antibiothérapie.
4. Examens de laboratoire :
Ils confirment le diagnostic et précisent l’éventuelle existence d’association à d’autres agents pathogènes (Trichomonas, Gardnerella vaginalis ou germes banals).
Le prélèvement doit satisfaire à certains impératifs : tout traitement antimycosique doit être interrompu depuis une semaine ; il ne faut pas procéder à la toilette vaginale la veille au soir ni le matin du jour où a lieu l’examen ; le prélèvement doit être effectué à distance des règles.
1) Examen extemporané :
Le prélèvement du coton tige ramènera la leucorrhée : elle sera d’abord examinée au microscope entre lame et lamelle dans du sérum physiologique : frottis + coloration (bleu de méthylène, bleu coton, Lugol, Giemsa) : la présence de levures bourgeonnantes et/ou des filaments mycéliens en “tiges de bambou” enserrant des spores confirmera le diagnostic. Le Lugol colore la membrane du champignon en jaune et le Bleu coton en bleu.
2) Culture du prélèvement sur milieu de Sabouraud (si l’examen extemporané est négatif) :
Elle est facile à effectuer et permet, en 24 à 48 heures, d’isoler le Candida (colonies blanches, lisses, bombées) et de préciser l’importance de l’atteinte sur le nombre de colonies isolées.
Un antifongigramme peut être demandé en cas de mycose récidivante ou chez une patiente immunodéprimée.
5. Traitement :
1) Traitement des lésions aiguës et occasionnelles :
a) Un traitement local suffit souvent :
Il repose sur les antifongiques imidazolés +++ en ovules : à introduire profondément dans le vagin en position allongée :
– ECONAZOLE :
. GYNO-PEVARYL ® 150 (boite de 3) : pendant 3 jours consécutifs, 1 ovule le soir au coucher.
En cas de mycose récidivante ou rebelle supposant des facteurs favorisants : une seconde cure de 3 ovules peut être prescrite soit immédiatement après la première cure, soit après un intervalle libre de 10 jours,
. ou bien GYNO-PEVARYL ® LP 150 (boite unitaire) : un ovule le soir au coucher.
En cas de mycose récidivante ou rebelle supposant des facteurs favorisants : un ovule le soir au coucher et un ovule le lendemain matin.
– MICONAZOLE :
. GYNO-DAKTARIN ® 400 mg (boite de 3) : une capsule vaginale au coucher pendant 3 jours.
En cas de mycose récidivante ou rebelle supposant des facteurs favorisants : le traitement peut être prolongé pendant 6 jours.
Ne pas interrompre le traitement pendant les règles.
b) Extension vulvaire ou péri-anale de la candidose :
Il est recommandé d’associer une pommade, un gel, une lotion ou une crème antifongique appliqués localement, matin et soir, jusqu’à disparition complète des lésions (en général 8 jours) :
– ECONAZOLE : PEVARYL ® [crème 1 %, lait 1 % (émulsion fluide)] : application biquotidienne régulière jusqu’à disparition complète des lésions.
Appliquer la crème ou le lait sur les régions à traiter (vulve) avec le bout des doigts, quelques gouttes ayant été déposées dans le creux de la main ou directement sur les lésions. Masser de façon douce jusqu’ à pénétration complète.
c) Traiter le partenaire seulement s’il présente une balanite :
Le traitement se fait par voie locale : toilette avec savon alcalin, pommade, gel dermique, lotion ou crème antifongique (Exemple : PEVARYL ® lait 1 % (émulsion fluide) : même posologie que chez la femme).
d) Rechercher un facteur favorisant, une localisation digestive.
e) Mesures d’hygiène à conseiller :
– toilette avec un savon doux, alcalin (Saforelle savon liquide ® ou Hydralin savon ®, à utiliser comme un savon classique, puis, rincer abondamment) ou neutre (savon surgras La Roche-Posay) ou bien alcalinisation de l’eau (Hydralin sachet) qui a un effet apaisant sur les lésions cutanées et muqueuses,
– supprimer toute injection vaginale, la toilette externe est suffisante,
– éviter les vêtements serrés,
– préférer les sous-vêtements en coton, et les faire bouillir,
– éviter les tampons périodiques,
– éviter les rapports sexuels non protégés pendant toute la durée du traitement (l’excipient gras des ovules ou des pommades peut fragiliser les préservatifs et les diaphragmes).
2) Traitement des lésions récidivantes :
Le diagnostic de rechute est porté sur la réapparition des symptômes cliniques et mycologiques au-delà de 20 jours après la fin d’un traitement bien conduit. Lorsqu’à ce critère s’ajoute la notion d’une périodicité d’au moins 4 épisodes par an, on parle de candidose récidivante.
La résistance aux antifungiques est un facteur tout à fait mineur de récidive chez la femme immunocompétente.
Le mycogramme n’est pas utile et les corrélations entre les résultats in vivo et in vitro par les méthodes de routine ne sont pas toujours satisfaisantes.
Ces lésions posent de nombreux problèmes thérapeutiques :
– Vérification par le laboratoire de l’authenticité de la récidive (nouveaux prélèvements pour mycogramme).
Il faut, en effet, s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une réinfestation (recontamination ou bien persistance du facteur favorisant) ou d’une atteinte due à un autre agent pathogène, voire d’un simple prurit résiduel non lié à une réelle affection.
– Recherche et traitement :
. d’un foyer mycosique à distance, cutané ou digestif,
. de facteurs favorisants (diabète +++),
. d’une atteinte du partenaire, pour lequel il est suffisant d’instituer un traitement local.
– Traitement par voie orale et par voie locale de la patiente et de son partenaire sexuel.
Plusieurs schémas thérapeutiques ont été proposés :
– cures mensuelles avant les règles de 3 à 6 ovules d’antifongiques imidazolés (Gyno-Daktarin 400 ®, par exemple) puisqu’on connaît la recrudescence prémenstruelle de l’affection,
– association à un traitement par voie orale pour traiter un foyer mycosique digestif (fluconazole, fungizone),
Intérêt d’un contrôle de l’efficacité de la thérapeutique, jugée sur la disparition de la levure après traitement.
Traiter la récidive :
Plusieurs protocoles sont proposés ; par exemple :
1) Traitement de la crise par ovule monodose ou 3 jours, associé à une crème locale à application durant 4 semaines, éventuellement associé à un ovule par mois en phase progestative (20ème jour du cycle) durant 6 mois.
2) Fluconazole (Triflucan ®) 150 mg per os en une fois, puis 150 mg/mois durant 6 mois.
Il est important par ailleurs de tenter de restaurer la trophicité de l’épithélium vaginal et la flore lactique qui a un effet protecteur.
Il est inutile de chercher à détruire un foyer digestif, cela ne permet pas de réduire les récidives.
Il est fondamental de rassurer la patiente que l’on va réussir à sortir de ce problème (aspect psychosomatique lié à l’immunité).
Cas particulier :
– Récidives chez une femme prenant un contraceptif oral : traitement antifongique oral 10 jours/mois (les 10 derniers jours du cycle), pendant plusieurs mois. Dans les cas rebelles : changement de pilule (choisir plutôt une faiblement dosée en estrogènes) ou mise en place d’un DIU.
– Adjonction systématique de cures de 3 jours d’ovules imidazolés en cas de nouveau traitement antibiotique ou corticoïde, ou pendant la grossesse, jusqu’à l’accouchement, une fois par mois. Il en va de même en cas de diabète ou d’usage des immunosuppresseurs.
IMIDAZOLES A USAGE VAGINAL ET VULVAIRE | |||
Econazole
| Pevaryl ® Gyno-Pevaryl ® Gyno-Pevaryl LP ® | Crème Lait (émulsion fluide) Ovule (150 mg) Ovule (150 mg LP) | Tube de 30 g Flacon de 30 ml Boite de 3 Boite unitaire |
Isoconazole
| Fazol ® Fazol G ® | Crème Ovule (300 mg) | Tube de 30 g Boite de 3 |
Miconazole | Gyno-Daktarin ® | Capsule vaginale (400 mg) | Boite de 3 |
Clotrimazole | Clotrimazole ® Mycohydralin ® | Crème vaginale 1 % Crème vaginale 1 % Cp vaginal 200 mg Cp vaginal 500 mg Capsule molle 500 mg | Tube de 20 g Tube de 20 g Boite de 3 + applic Boite unitaire Boite unitaire + applic |
Sertaconazole
| Sertaconazole Substipharm ® | Ovule (300 mg) | Boite de 1 et de 2 |
Mycose vaginale et grossesse
Le traitement de la mycose vaginale pendant la grossesse nécessite une attention particulière.
Traitements recommandés :
Traitements locaux de première intention :
Les antifongiques topiques à base d’imidazolés constituent le traitement de référence, disponibles sous deux formes :
– ovules,
– crèmes antifongiques,
Les principaux médicaments utilisés sont :
– le clotrimazole,
– le miconazole,
– l’éconazole (après le 1er trimestre).
Durée du traitement :
Le traitement doit être plus long chez la femme enceinte que chez la femme non enceinte :
7 jours de traitement sont nécessaires (contre 4 jours habituellement).
Les traitements de 7 jours permettent de guérir plus de 90 % des cas.
Les traitements courts de 4 jours ne guérissent qu’environ 50 % des cas.
Efficacité et sécurité :
Les imidazolés topiques présentent plusieurs avantages :
– plus efficaces que les anciens traitements comme la nystatine,
– faible absorption systémique,
– pas d’effet nocif démontré sur le fœtus,
– pas d’augmentation du risque de malformations congénitales.
Traitement préventif des candidoses vaginales
[ Conseils pour les patientes ]
– Changer chaque jour de linge de corps.
– Porter des sous-vêtements en coton plutôt qu’en tissu synthétique.
– Eviter de porter des pantalons ou jeans serrés, des collants sans entre jambes en coton et d’autres vêtements (maillots de bain, collants) qui retiennent l’humidité.
– Faire une toilette intime en douceur et régulièrement ; il vaut mieux utiliser de l’eau claire.
– Eviter les irrigations vaginales, les gels douche, les savons parfumés et les sprays intimes, pour ne pas perturber la flore vaginale naturelle et créer une irritation de la muqueuse, voire même une réaction allergique.
– Veiller à avoir une bonne hygiène après chaque selle.
Des champignons peuvent se trouver autour de l’anus après les selles. De manière à ce qu’ils ne puissent pas remonter dans le vagin, essuyez-vous toujours de l’avant vers l’arrière ; terminez la toilette de préférence avec un gant humide.
Une hygiène insuffisante et des sous-vêtements collants en fibre synthétique, avec des pantalons moulants par dessus, tout cela favorise la réalisation d’un milieu humide et chaud, dans lequel les Candida prospèrent allègrement.
– Eviter les douceurs. Diabétiques : équilibrez bien votre glycémie !
Un diabète mal équilibré, tout comme la consommation fréquente de farineux et de sucreries, améliorent l’apport nutritionnel aux Candida. Assurez-vous une alimentation équilibrée, avec une bonne proportion de fibres.
Ces règles doivent être respectées de façon prolongée dans le cadre de la prévention des candidoses vulvo-vaginales récidivantes.
Points clés
Pour la prise en charge des vulvo-vaginites à Candida Albicans :
– Le diagnostic est avant tout clinique (prurit et brûlures vulvaires).
– Un prélèvement vaginal ne sera justifié qu’en cas de mycose récidivante ou résistante à un traitement bien conduit.
– Le traitement associe des antifongiques locaux (ovules, crèmes) et des mesures associées (savon alcalin, lutte contre les facteurs de risque).
– Le traitement par voie orale n’est indiqué qu’en cas de récidive ou de localisation digestive associée.
– Traiter le partenaire seulement s’il présente une balanite.
– Mesures préventives : pas de toilette vulvo-vaginale excessive, vêtements amples, sous-vêtements en coton.