1. Définition – Généralités :

On désigne par utérus cicatriciel (UC) tout utérus porteur d’une cicatrice d’origine gynécologique ou obstétricale, unique ou multiple, siégeant sur le corps et/ou l’isthme.

L’existence de la cicatrice au niveau de l’utérus rend la grossesse à risque (de RU lors des accouchements ultérieurs) et impose la prise en charge en milieu obstétrico-chirurgical.

Cette notion de “haut risque” découle de 2 complications qui grèvent l’avenir obstétrical des UC :

– la rupture utérine (pendant la grossesse et surtout pendant le travail) d’une part, 

– l’insertion vicieuse du placenta (placenta prævia ou accreta) d’autre part, et ceci en dépit de la fréquence des accouchements par VB.

Nb : Certains auteurs assimilent l’utérus fragilisé de la grande multipare à un UC. En fait, cette similitude n’intervient que dans l’application de certains interdits thérapeutiques.

2. Etiologies :

1) Cicatrices obstétricales :

– de césarienne :

. corporéale : rupture (40 % pendant la grossesse et beaucoup plus pendant le travail),

. segmentaire : déhiscence (1 %),

– de rupture utérine : corps (fond, face antérieure), segment inférieur (face antérieure, bords),

– minicésarienne de Brindeau.

2) Cicatrices gynécologiques :

– de myomectomie, avec ou sans ouverture de la cavité utérine,

– d’hystéroplastie (pour malformations utérines),

– de salpingectomie totale avec résection de la portion interstitielle,

– d’implantation tubo-utérine,

– cure de synéchie utérine par voie haute.

– cicatrice de conisation, d’amputation du col.

3. Histologie de la cicatrice :

– La cicatrisation est un phénomène évolutif de recolonisation conjonctive.

Il existe une quantité ± importante de tissus fibreux dans la zone cicatricielle.

– On considère que l’évolution d’une cicatrice s’étend sur une durée d’environ 1 an, et bien sûr, que la qualité de la réparation chirurgicale va guider au mieux la cicatrisation conjonctivale.

4. Conduite à tenir :

1) Evaluation de la qualité de la cicatrice :

a) Interrogatoire :

– âge : le processus cicatriciel est d’autant plus long et défectueux que la femme est plus âgée,

– antécédents : 

. médicaux : les diabétiques et les hypothyroïdiennes cicatrisent moins bien,

. gynéco-obstétricaux : parité, avortements, accouchements, intervalle entre les gestes, durée du travail lors des accouchements antérieurs,

. chirurgicaux : date et type de ou des intervention(s) (plus la date est loin, plus la cicatrice est bonne), existence de complications per et post-opératoires.

b) Protocole opératoire :

– type de cicatrice (gynécologique, césarienne),

– suites opératoires :

. précoces : suites simples, hémorragiques, infectieuses (endométrite),

. lointaines : peuvent orienter vers un défaut cicatriciel ; les symptômes cliniques et paracliniques évocateurs sont regroupés sous le nom de “triade de GRANJON” : ménorragies, dysménorrhée, hernie de l’isthme à l’HSG.

3) HSG :

Pratiquée plus de 3 mois après l’accouchement (Classification de Thoulon & Magnin).

La classification des cicatrices de césariennes segmentaires tient compte de l’aspect morphologique et de la profondeur des déformations cicatricielles :

– type I : HSG normale, cicatrice invisible,

– type II : spicule < 4 mm,

– type III : diverticule de 4 à 6 mm ± déformations de la région cervico-isthmique,

– type IV : hernie de la cicatrice > 6 mm, en “bouchon de champagne”, avec persistance d’une flaque résiduelle sur le cliché de contrôle tardif, ou image de fistule sous-péritonéale.

Les autres cicatrices utérines ont des expressions hystérosalpingographiques variées et dont la valeur pronostique n’est pas encore établie.

4) Echographie :

Classification de Leroy (en dehors et en cours de grossesse).

L’examen axé sur la région corporéo-isthmique et pratiqué 6 mois après l’intervention a permis de classer les images échographiques en 5 groupes :

– groupe I : image de coin échogène (fibrose de la cicatrice),

– groupe II : image de bourrelet échogène ± étendu en profondeur (réaction hypertrophique de la cicatrice),

– groupe III : nodule anéchogène enchâssé dans le myomètre (foyer d’endométriose),

– groupe IV : aspect normal,

– groupe V : aspect polymorphe (comprenant 2 ou plusieurs des aspects précédents), parfois image de chevauchement.

Cet examen met en évidence 70 % d’anomalies de cicatrisation.

5) Hystéroscopie :

Cet examen, qui permet une visualisation directe de la cicatrice, a été pratiquée par Leroy. Cinq groupes :

– groupe I : altération de l’angle antérieur de l’isthme, sous forme de rectitude ou d’asymétrie,

– groupe II : spicule ou mamelon, avec parfois un petit polype sur la cicatrice,

– groupe III : perte de substance sous forme de dépression localisée,

– groupe IV : anomalie de coloration de la muqueuse qui a tendance à devenir blanche,

– groupe V : association de plusieurs images précédentes.

85 % d’anomalies de cicatrisation ont été retrouvées par cette exploration.

Ainsi l’échographie, avantageuse par sa rapidité d’exécution, sa facilité, son innocuité, a une valeur pronostique inférieure à celle de l’HSG.

Au total, il apparaît que l’examen de choix reste l’HSG qui, le cas échéant, pourra être remplacée par l’échographie, l’hystéroscopie, ou les deux à la fois.

 Facteurs de bon pronostic :

– césarienne segmentaire transversale,

– cicatrice gynécologique sans ouverture de la cavité,

– bonnes conditions opératoires (suture en un seul plan extramuqueux et hémostase facile),

– suites post-opératoires immédiates et lointaines simples,

– HSG : types I & II, image échographique du groupe I, II ou IV.

 Facteurs de mauvais pronostic :

– cicatrice corporéale ou segmento-corporéale, de rupture utérine, de minicésarienne,

– cicatrices multiples,

– HSG : types III & IV, image échographique du groupe III ou V,

– conditions opératoires mauvaises (existence d’une propagation, difficultés lors de l’hémostase, suture en plusieurs plans, incluant la muqueuse),

– suites post-opératoires compliquées d’infection,

– grossesses rapprochées (< 2 ans),

– accouchement, curetage, endométrite intercalaires,

– insertion du placenta sur la face antérieure ou sur la cicatrice,

– surdistension utérine (grossesse multiple, hydramnios, gros enfant).

 Cas douteux :

Dans certains cas, il est impossible d’établir un pronostic pour une ou plusieurs raisons :

– type de cicatrice indéterminé et absence de protocole opératoire,

– méconnaissance de l’évolution post-opératoire,

– impossibilité de pratiquer une exploration de la cicatrice.

2) Surveillance au cours de la grossesse :

Toute gestante ayant un UC :

– hospitalisation 1 mois avant la DPA si nécessaire (surtout si mauvais pronostic), 

– bilan biologique préopératoire et prévoir du sang,

– examen général : dépister une éventuelle pathologie,

– cliniquement : HU, CPO, palpation, TV, pelvimétrie,

– geste interdit : VME,

– examens complémentaires : échographie + radiopelvimétrie (indice de Magnin), RCF, contenu utérin.

Nb : Le déclenchement du travail est contre-indiqué.

3) Mode d’accouchement d’un UC :

a) En cas de cicatrice de césarienne :

1] Césarienne prophylactique :

– En rapport avec l’utérus :

– En rapport avec le fœtus et les annexes :         

– En rapport avec la mère :

. cicatrice corp ou seg-corp

. macrosomie, GG, hydramnios,           

. bassin rétréci,

.   ”   de RU,                    

. PP antérieur,                        

. demande de stérilisation (?),

.   ”   de mini-césarienne,         

. présentation atypique (F,F,T)     

. pathologie maternelle (diabète, incompatibilité Rh)

.   ”   multiples,                

. présentation du siège,                 

 

. type III & IV.                

. RCIU avant 36 SA, si l’extraction fœtale s’impose

 

. cicatrice trop récente (< 1 an), ou celle dont on n’a aucun renseignement.  

. grossesse prolongée.    

 

 Problèmes techniques lors de la césarienne sur UC :

– La césarienne segmentaire est en général facile, mais avec la répétition des interventions, la vessie se trouve ascensionnée et peut être ouverte au cours de la laparotomie.

Il faut prévenir cette ascension par la fixation du péritoine pariétal à l’aponévrose.

– Le décollement vésico-segmentaire peut être quelquefois si laborieux et hémorragique qu’il est plus sage de pratiquer une incision corporéale.

– La base de la vessie fortement adhérente au segment inférieur peut se déchirer au cours de l’extraction de la tête fœtale. La suture de cette lésion est délicate, nécessitant parfois l’assistance d’un urologue.

 Ligature-résection des trompes : elle dépend de :

– l’âge, parité, désir ou non de grossesse,

– l’état anatomique (rupture utérine, adhérences),

– du type d’hystérotomie : après césarienne corporéale, la LDT est de règle, car ces cicatrices peuvent se rompre même pendant la grossesse,

– du nombre de cicatrices utérines (classiquement utérus tricicatriciel, pratiquement en fonction des conditions locales),

– des tares maternelles contre-indiquant la grossesse (cardiopathie grave, diabète compliqué, HTA maligne).

2] Accouchement par VB :

En dehors des indications de césarienne prophylactique :

L’accouchement par VB peut être envisagé lorsque tout les critères de bon pronostic sont réunis :

– bloc opératoire, sang disponible,

– unicicatriciel,

– hystérotomie segmentaire transversale,

– intervalle de 2 ans entre les 2 grossesses,

– cicatrice solide (protocole, HSG, échographie),

– présentation céphalique, pas de DCP,

– bon état maternel.

Accouchement  :

Surveillance étroite du travail avec monitorage continu, et ceci dès le début des CU pour dépister des signes de pré-rupture ou de rupture :

– sous stricte surveillance, certains acceptent l’usage prudent des ocytociques en cas d’hypocinésie, et ceci au bloc opératoire,

– expulsion assistée souhaitable (épisiotomie + forceps ou ventouse),

– gestes interdits : VMI, expressions abdominales,

– délivrance : spontanée ou manuelle, toujours suivie de RU,

– (si déhiscence > 2 cm : il faut intervenir),

Nb : l’analgésie péridurale est interdite, car elle peut masquer les symptômes d’une pré-rupture et entraîner une hypocinésie qui nécessite le recours à la perfusion de Syntocinon ®.

Indications de césarienne au cours du travail :

– fixation de la présentation en face ou en bregma,

– dilatation stationnaire, défaut d’engagement, SFA,

– syndrome de pré-rupture (triade de CHASTRUSSE) :

. douleurs permanentes entre les CU siégeant au niveau du segment inférieur,

. ralentissement de la dilatation,

. métrorragies minimes.

 Utérus cicatriciel et contraception :

En matière d’UC, il est indispensable d’empêcher le développement d’une nouvelle grossesse avant une cicatrisation complète de la brèche d’hystérotomie, sous peine d’une désunion ± précoce de la cicatrice.

En dehors des méthodes contraceptives traditionnelles (condoms, spermicides, méthode d’Ogino) dont on connaît les limites, la faveur va à la contraception orale (pendant au moins 2 ans) ; le DIU étant classiquement banni en raison du risque de perforation de la cicatrice au cours de la pause du stérilet, ou de la migration à travers la cicatrice. Cette interdiction était modérée par la possibilité de l’insertion du DIU 6 mois environ après l’intervention (essentiellement césarienne) et sous réserve d’un contrôle radiologique de la cicatrice.

Actuellement encore, la contraception hormonale est préférée. Néanmoins, en cas de pathologie associée contre-indiquant la prise de pilule, l’on est amené à placer un stérilet. Le risque de complications est alors amoindri si un délai de 6 mois est respecté et si l’insertion du DIU est échoguidée.

b) Autres cicatrices :

– Métroplastie : accouchement par VB ; la césarienne relève d’indications obstétricales, ou chez une femme qui n’a mené une grossesse près du terme qu’après plastie,

– Myomectomie : l’accouchement par VB doit rester la règle, sauf si la cavité a été largement ouverte en per-op,

– Implantation TU : césarienne prophylactique (enfant précieux),

– Cicatrice de la cure de synéchie par VH : la VB est permise, sauf si la cavité utérine a été largement ouverte,

– Cicatrice de perforation utérine : la VB est permise.

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