1. Circonstances du conseil préconceptionnel :

Cette consultation doit entrer dans une pratique médicale préventive généralisée afin de repérer, avant toute gestation, les problèmes éventuels et faire discuter les différentes stratégies permettant d’optimiser les chances de conception, d’obtenir des grossesses non compliquées et des issues périnatales favorables.

Les circonstances dans lesquelles cette information de la future gestante devrait être abordée sont multiples, qu’il s’agisse de donner un avis génétique dans une famille à risque ou après la naissance d’un enfant malformé, de calmer l’angoisse induite par un arrêt précoce de la précédente grossesse (fausse couche) ou encore de faire le bilan d’une pathologie médicale chronique.

Après un accident gravidique au cours d’une précédente grossesse, la visite postnatale n’est pas la meilleure opportunité parce que les circonstances psychologiques ne s’y prêtent guère, notamment si l’enfant est décédé ou est encore hospitalisé, mais aussi parce que le bilan médical maternel n’a pas encore pu être réalisé du fait d’un délai minimal de 3 mois nécessaire au retour des fonctions physiologiques à la normale ou parce que les examens anatomopathologiques du placenta ou l’autopsie de l’enfant ne sont pas encore disponibles.

Les circonstances évidemment idéales du conseil préconceptionnel sont l’examen prénuptial, la prise en charge active d’une infertilité, l’arrêt envisagé d’une contraception par pilule ou l’ablation d’un stérilet.

2. Conseils à une femme atteinte d’une maladie chronique :

Lorsqu’une femme présentant une maladie chronique grave souhaite une grossesse, l’information doit porter sur les conséquences de la grossesse sur la maladie, sur les répercussions de cette maladie sur la gestation, et sur l’impact des traitements sur le fœtus. 

1) Contre-indications à la grossesse :

Dans des cas exceptionnels, la grossesse reste formellement contre-indiquée, car elle exposerait la patiente à un risque vital ou n’autoriserait aucun espoir fœtal. Il s’agit des affections suivantes :

– hypertension artérielle pulmonaire avec une pression moyenne > 30 mmHg ;

– maladie de Marfan avec une dilatation de la racine aortique > 4 cm ;

– rétrécissement mitral sévère avec une surface valvulaire < 1 cm2 ;

– sténose aortique sévère, avec une surface valvulaire < 1 cm2 ;

– insuffisance ventriculaire gauche avec une fraction d’éjection < 30 % ;

– insuffisance rénale sévère avec une créatininémie > 250 μmol/L ;

– diabète avec atteinte coronarienne ;

– insuffisance hépatique sévère ;

– syndrome restrictif pulmonaire sévère avec une capacité vitale forcée inférieure à 1 litre.

Chez ces patientes, la stérilisation n’est pas la meilleure solution ; elle doit être remplacée par une contraception efficace comme un stérilet ou un implant progestatif, car certaines pathologies peuvent bénéficier d’une transplantation hépatique, pulmonaire, rénale ou cardiaque. La grossesse ne sera conseillée qu’après un délai permettant d’évaluer la fonction de l’organe greffé et de vérifier l’absence de signes de rejet (exemple : 2 ans après une transplantation hépatique). 

2) Pathologies médicales chroniques :

De nombreuses maladies, qui peuvent être associées à la grossesse, nécessitent une collaboration avec le spécialiste d’organe pour la programmation de la grossesse dans une phase quiescente de la pathologie et après une adaptation éventuelle du traitement. Il s’agit principalement des maladies suivantes.

a) Hypertension artérielle chronique (HTA) :

Chez les femmes hypertendues, il existe un risque d’environ 20 à 40 % de pré-éclampsie surajoutée, de retard de croissance intra-utérin, de prématurité, d’hématome rétroplacentaire (HRP) et de mort périnatale. Ces complications sont à redouter surtout chez celles qui ont une pression artérielle diastolique supérieure à 110 mmHg.

Les femmes doivent savoir qu’en cas de grossesse, les traitements hypotenseurs diminuent le risque de passage à une HTA sévère (risque relatif RR = 0,52), mais ne diminuent pas le risque de pré-éclampsie (RR = 0,99).

Il est évident qu’avant d’envisager une grossesse, toute patiente atteinte d’HTAC doit avoir eu un bilan étiologique, à la recherche d’une origine rénale, cardiaque ou endocrinienne et un bilan des complications dégénératives, avec une exploration des organes cibles (rétine, rein, cœur). Les patientes doivent aussi savoir que certains hypotenseurs sont contre-indiqués pendant la grossesse, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les antagonistes de l’angiotensine II et qu’une substitution par un hypotenseur dont l’innocuité est reconnue comme l’alpha-méthyldopa peut être indiquée avant la conception.

b) Diabète :

Le dogme de la grossesse diabétique de « 10 mois » reste valable. Le mois qui précède la conception doit être consacré à une parfaite équilibration du diabète. En effet, on peut limiter le risque malformatif de l’enfant lorsque le taux d’hémoglobine glycosylée est proche de la normale (risque de 5 % pour une HbA1c < 8 % et de 25 % pour un taux > 10 %).

La complication pré-éclamptique est principalement associée à l’existence d’une HTA ou d’une néphropathie (risque de 6 % en l’absence de protéinurie, de 42 % avec une micro-albuminurie entre 30 et 300 mg/24 h et de 64 % en cas de protéinurie franche).

Un état précis des complications dégénératives est indispensable avec une exploration de la rétine et des fonctions rénale, cardiovasculaire et neurologique. La grossesse est déconseillée en cas d’insuffisance coronarienne.

Un diabète de type 2 traité par des hypoglycémiants oraux et un régime peut nécessiter le passage à l’insuline lorsque l’équilibre glycémique n’est pas satisfaisant.

c) Pathologies thyroïdiennes :

– L’hypothyroïdie non traitée est associée à une infécondité, à des ABRTS, des anémies, des MIU, des RCIU, des retards psychomoteurs et une baisse du quotient intellectuel de l’enfant. Il faut donc faire un bilan endocrinien en cas d’hypertrophie de la thyroïde, d’antécédents familiaux de goitre et personnels de thyroïdite du post-partum.

– L’hyperthyroïdie est source de stérilité, d’ABRTS, de RCIU et d’accouchements prématurés. En cas de traitement par l’iode radioactif, il faut retarder la grossesse au minimum d’un an. En outre, de fortes doses d’antithyroïdiens de synthèse risquent d’entraîner un goitre fœtal et par conséquent il faut utiliser des doses minimales en laissant la fonction thyroïdienne à la limite supérieure de la normale.

d) Néphropathies :

L’atteinte rénale augmente les risques de pré-éclampsie, de RCIU et de prématurité, principalement en cas d’HTA concomitante ou d’insuffisance rénale. Le risque de détérioration de la fonction rénale et de passage à la dialyse est minimal lorsque la créatininémie est < 150 μmol/L.

e) Troubles neurologiques :

Chez les femmes épileptiques, le taux de malformations fœtales est doublé en cas de monothérapie, mais quadruplé en cas de polythérapie, notamment avec le valproate de sodium. Une prescription préconceptionnelle de 5 mg d’acide folique est destinée à réduire ce risque. Une consultation neurologique s’impose donc pour éventuellement envisager un arrêt du traitement en l’absence de crise depuis plus de 2 ans ou pour passer à une autre thérapie.

Dans la sclérose en plaques, la grossesse peut être envisagée en cas de rémission car elle n’aggrave pas la maladie et n’expose pas à des complications particulières.

Cependant, les patientes doivent être averties du risque évalué à 20-40 % de rechute ou d’aggravation dans les 3 premiers mois du post-partum.

f) Antécédents thrombo-emboliques :

Le risque de thrombose veineuse profonde qui est de 0,05-1,8 % au cours de la grossesse est plus élevé en cas d’antécédent personnel, surtout lorsque la thrombose a été spontanée et associée à une thrombophilie congénitale prouvée, notamment pour les mutations homozygotes des facteurs II et V ou pour des associations de mutations hétérozygotes, ou bien lorsqu’elle a été l’occasion de découvrir une thrombophilie acquise, notamment le syndrome antiphospholipide. Le risque de récurrence est de 1/70. Il peut être prévenu par la prescription d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM).

La warfarine, utilisée en cas de thrombose récidivante ou de valves cardiaques mécaniques, est à éviter au 1er trimestre de la grossesse à cause du risque malformatif et au dernier mois à cause du risque hémorragique.

g) Lupus érythémateux disséminé :

La grossesse ne peut être conseillée qu’après une rémission prolongée ou au moins 6 mois après une poussée rénale et après l’arrêt du cyclophosphamide.

En cas de syndrome antiphospholipide (SAPL), la future gestante doit être prévenue des risques de thromboses, d’ABRTS et de MIU qui ne sont pas toujours évitables malgré l’association des HBPM et de l’aspirine. La présence d’anticorps anti-Ro expose le fœtus à un risque de 2 % de bloc auriculo-ventriculaire.

h) Maladies inflammatoires intestinales :

La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique s’accompagnent fréquemment de grossesses normales à condition qu‘elles soient en rémission confirmée. La prescription de sulphasalazine nécessite la prise périconceptionnelle de 5 mg d’acide folique.

i) Antécédents de cancer :

Un délai minimal est évidemment nécessaire après chimiothérapie ou radiothérapie chez l’un des conjoints, non seulement afin de s’assurer d’une évolution favorable de la maladie, mais encore pour éviter certaines complications gravidiquesEn fait, seules les femmes ayant reçu une radiothérapie abdominale massive ont un risque accru d’ABRTS, de prématurité, de RCIU et de morts périnatales, vraisemblablement à cause d’une atteinte de la vascularisation utérine.

Les malformations fœtales et les aberrations chromosomiques ne sont pas augmentées à condition d’attendre au moins 3 mois, ce qui consiste, chez l’homme, à laisser passer un cycle complet de la spermatogenèse et, chez la femme, à éviter l’atteinte du follicule dominant et celle des follicules exposés en phase de croissance au cours des cycles précédents.

3. Conseils à une femme ayant eu un accident obstétrical :

Lors de la consultation préconceptionnelle, le médecin doit être capable de répondre aux questions suivantes :

– Quel est le risque de récidive de la pathologie ?

– Faut-il envisager d’autres conséquences de cette pathologie initiale ?

– Quelles sont les mesures préventives à prendre ?

Pour pouvoir répondre avec compétence à ces questions, il faut évidemment disposer d’un dossier bien documenté provenant de la maternité où s’est déroulé le 1er accouchement : nature exacte de l’accident gravidique, âge gestationnel et poids de l’enfant, mode d’accouchement, état néonatal, poids du placenta, lésions macroscopiques et histologie du placenta, bilan infectieux, caryotype, radiographie et autopsie de l’enfant en cas de MIU.

Il faut aussi savoir si la pathologie était limitée à l’état de grossesse ou si elle était toujours présente au 3ème mois du post-partum : diabète gestationnel ou permanent (épreuve d’hyperglycémie provoquée), HTA gravidique ou HTA chronique (nécessité d’un bilan avec recherche d’atteinte des organes cibles : fond d’œil, ECG et échocardiographie (hypertrophie ventriculaire gauche)), insuffisance rénale éventuelle.

Le bilan postnatal peut aussi comprendre une hystérosalpingographie après un accouchement prématuré inexpliqué.

La place de l’exploration des thrombophilies héréditaires ou acquises reste controversée, parce que la signification d’une anomalie isolée est incertaine et qu’il n’existe pas de correspondance entre les anomalies biologiques et l’histologie placentaire. Selon l’agence HAS (Haute autorité de santé), ce bilan doit être effectué, en cas d’antécédent d’une ou plusieurs pertes fœtales après 12 SA, d’une ou plusieurs naissances avant 34 SA avec pré-éclampsie ou pathologie vasculaire placentaire sévère (HRP, RCIU sévère et MIU) (tableau 1).

 

Tabl 1. Indications du bilan de thrombophilie et examens à demander selon la HAS

 

Indications du bilan

Examens de 1re  intention

Examens de 2ème  intention

Selon les antécédents :

– 1 ou plusieurs pertes fœtales après 12 SA

– 1 ou plusieurs naissances avant 34 SA et pré-éclampsie

– Pathologie vasculaire placentaire sévère ou accidents multiples

 

– Recherche d’un syndrome antiphospholipides :

anticoagulant circulant de type lupique, anticorps anticardiolipine : ACL

– Antithrombine III

– Protéine C

– Protéine S (en dehors de la grossesse)

– Résistance à la protéine C activée (facteur V Leiden)

– Gène de la prothrombine 20 210 A

Si ACL négatif :

anti-β2GP1

 

 

Le tableau 2 définit les risques de récurrence des principales pathologies obstétricales, selon les données de la littérature.

Lorsqu’une cause précise de l’accident gravidique a été identifiée, il est possible d’envisager des thérapeutiques préventives.

 

Tabl 2. Risques de récidive des pathologies obstétricales

 

Pathologie

Risque relatif de récidive

Pré-éclampsie

4 (voire 19 si HTA chronique préexistante)

HRP

 

7,1-10,2 après 1 HRP

36,5 après 2 HRP

Placenta prævia

9,7

Accouchement prématuré

 

2,5 avant 37 SA

10 après 32 SA

MIU

1,9 si âge > 35 ans

1,4 si tabagisme

2,5 si IMC > 25 kg/m2

4,2 si Hb > 14,6 g % au 1er trimestre

RCIU

7,0-7,9

Diabète gestationnel

10

Cholestase gravidique

180

Hémorragie de la délivrance

2-4

(*) IMC : indice de masse corporelle ; Hb : hémoglobinémie.

 

1) Après un accident vasculaire gravidique :

L’aspirine prescrite à partir de 12 SA, à la dose de 150 à 160 mg/jour, s’avère efficace en cas d’antécédent familial ou personnel de pré-éclampsie, d’hypertension artérielle chronique, de diabète avec complications dégénératives et de néphropathies. En effet, elle réduit la mortalité périnatale : OR (Odds Ratio) = 0,79, l’incidence des pré-éclampsies : OR = 0,86, le taux de prématurité : OR = 0,86 et augmente le poids de l’enfant de 215 g, sans accroître les complications hémorragiques (HRP, hémorragies néonatales).

Les recommandations concernant le traitement des thrombophilies ont été résumées de la façon suivante par la HAS :

– un traitement préventif par l’aspirine à faible dose (150 à 160 mg/jour) prescrit entre 12 et 37 SA est recommandé chez les patientes ayant un antécédent de pathologie vasculaire placentaire (pré-éclampsie, HRP, MIU et RCIU lorsqu’une origine vasculaire placentaire est retenue après enquête étiologique). Aucun test biologique ne permet actuellement de préjuger de l’efficacité du traitement ou d’estimer un éventuel risque hémorragique ;

– un traitement par l’héparine de bas poids moléculaire peut être associé au traitement par l’aspirine si un risque de maladie thrombo-embolique est associé à la pathologie vasculaire placentaire. Au cours d’un tel traitement préventif par l’énoxaparine 4 000 UI antiXa/24 h ou la daltéparine 5 000 UI anti-Xa/24 h, en une injection, la surveillance de l’héparinémie par la mesure de l’activité anti-Xa n’est recommandée qu’en cas de poids inhabituel, d’insuffisance rénale ou d’hémorragie. La surveillance des plaquettes est préconisée 2 fois par semaine pendant le 1er mois de traitement, puis 1 fois par semaine jusqu’à l’arrêt du traitement. Dans la littérature, aucune complication maternelle ou fœtale n’a été observée dans ce groupe de traitement prophylactique ;

– l’association aspirine – héparine de bas poids moléculaire prescrite dès le début de la grossesse a montré une efficacité dans la prévention du risque de pertes fœtales précoces à répétition associées à un syndrome antiphospholipides (niveau de preuve grade B) ; la corticothérapie complémentaire n’est pas conseillée car elle accroît le risque de prématurité ;

– les données actuelles ne permettent pas de recommander un traitement préventif de la pathologie vasculaire placentaire en présence d’un facteur biologique mineur de thrombophilie isolé, sans antécédent de pathologie vasculaire placentaire ;

– en cas de facteurs biologiques mineurs de thrombophilie associés à un antécédent de pathologie vasculaire placentaire ou de facteurs biologiques majeurs isolés, le niveau de preuve de l’efficacité des thérapeutiques publiées, aspirine et/ou héparine de bas poids moléculaire, est actuellement insuffisant pour que des recommandations puissent être formulées sur ce sujet.

2) Après un accouchement très prématuré :

Certaines causes peuvent justifier un traitement en dehors de toute grossesse, comme la trachélorraphie en cas de déchirure étendue du col utérin, la résection d’une cloison utérine ou la plastie d’agrandissement d’un utérus hypoplasique. Un délai optimal doit être respecté avant une nouvelle grossesse qui se situe entre 18 et 59 mois.

Le risque de récidive de prématurité et d’hypotrophie est majeur lorsque l’intervalle est inférieur à 6 mois.

Une évaluation de l’état dentaire est fortement conseillée, car la périodontite chronique multiplie par 2 le risque de prématurité et de faible poids de naissance.

En outre, une information doit être donnée sur les possibilités thérapeutiques au début d’une nouvelle grossesse : il s’agit, d’une part, de la béance du col à traiter par un cerclage vers 14 SA en cas d’incompétence isthmique prouvée par une hystérographie ou fortement suspectée en fonction des antécédents, d’autre part, de la vaginose bactérienne qui peut être supprimée par un traitement antibiotique à la fin du 1er trimestre : clindamycine ou métronidazole.

Enfin, en l’absence d’étiologie définie, on évoquera la possibilité d’une prévention efficace par la progestérone retard, 250 mg par semaine depuis 16 à 20 SA jusqu’à 36 SA (RR = 0,58 pour les naissances avant 32 SA).

3) Après césarienne :

L’accouchement par les voies naturelles reste conseillé après une césarienne sous réserve d’une bonne sélection des patientes éliminant une disproportion fœto-pelvienne et les cicatrices utérines verticales corporéales. Concernant le risque de rupture utérine au cours de la tentative de voie basse sur utérus cicatriciel avec une incision basse transversale, dont la fréquence est de l’ordre de 0,7 à 1,0 %, plusieurs facteurs de risque ont été identifiés : le délai entre la césarienne et l’accouchement inférieur à 18 mois (OR = 3,0) ou inférieur à 24 mois (OR = 2,65), l’âge maternel supérieur à 30 ans (OR ajusté = 3,2), la suture de l’hystérotomie en un plan par rapport à la suture en deux plans (OR = 3,95), les suites fébriles de la césarienne (température > 38 °C) (OR = 4,0), le déclenchement du travail par les prostaglandines avec un relais par l’ocytocine (RR = 15,6).

A la question du nombre de césariennes que l’on peut raisonnablement subir sans risque majeur, il est difficile de répondre de façon catégorique. Cependant, à partir de la quatrième hystérotomie, les incidences des atteintes urinaires, les recours à l’hystérectomie et les séjours en réanimation sont nettement accrus. En particulier, en cas de localisation prævia du placenta, le risque d’insertion accreta atteint 67 % à partir de la quatrième césarienne.

4. Objectifs de la consultation préconceptionnelle :

1) Rechercher des facteurs de risque généraux :

a) Age maternel :

Il faut encourager les grossesses avant 30 ans et en tout cas avant 35 ans, compte tenu des risques accrus de trisomies 21, d’avortements, de pré-éclampsie, de RCIU, de diabète gestationnel, de morbidité et de mortalité maternelles.

Lors d’autopsies de jeunes femmes décédées de cause accidentelle, il a été montré que les lésions d’athérome des artères utérines concernaient 37 % des femmes entre 20 et 29 ans, 61 % entre 30 et 39 ans et 83 % après 39 ans.

b) Poids maternel :

– L’obésité est définie par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/M2.

Elle est associée à la stérilité, aux avortements spontanés, à l’HTA gravidique et à la pré-éclampsie, au diabète gestationnel, aux thromboses, aux hémorragies de la délivrance, à la dystocie des épaules, aux interventions obstétricales et aux MIU.

– A l’inverse, la maigreur définie par un IMC inférieur à 18 kg/M2 se complique de RCIU et de prématurité avec augmentation des MIU et néonatales.

Par conséquent, il faut encourager les futures gestantes à retrouver un IMC entre 19 et 25 kg/M2 avant toute grossesse.

c) Addictions :

– La dernière enquête publiée en France montre que 37 % des femmes fument avant la grossesse.

Il faut s’efforcer d’obtenir l’arrêt du tabac, responsable d’une baisse de la fertilité et d’hémorragies antépartum (placenta prævia et HRP), de RCIU, d’accouchements prématurés avec ou sans RPM et d’une augmentation des morts subites du nourrisson (× 2). L’interrogatoire doit absolument rechercher un tabagisme passif provenant du partenaire ou des collègues de travail.

– L’alcool diminue la fécondité et s’avère tératogène : RCIU, retard mental, syndrome d’alcoolisation fœtale ; or, 42 % des gestantes ont consommé de l’alcool au cours de la grossesse et 5 % ont un niveau d’intoxication élevé. La prise en charge médicale doit donc tendre vers un niveau 0 de consommation, car une nuit d’ivresse avant le diagnostic de grossesse peut définitivement compromettre la santé de l’enfant.

– Toute prise de drogue doit être interrompue : cannabis, ecstasy, amphétamines, barbituriques, opiacés, benzodiazépines.

La cocaïne favorise les décollements prématurés du placenta.

d) Carences vitaminiques et minérales :

– Deux à 4 % des femmes en âge de procréer sont anémiques avant la grossesse et 10 à 20 % ont des réserves en fer évaluées par le dosage de la ferritine inférieures à 15 μg/L. Les déficits sont encore plus grands chez les femmes qui présentent des ménorragies, en particulier avec un stérilet ou un fibrome.

– Des carences en iode sont observées dans les départements continentaux et sur le pourtour méditerranéen.

– Les déficiences en vitamine B12 concernent 22 % des femmes qui ont adopté un régime ovo-lacto-végétarien.

– Les régimes sans résidu entraînent des carences en vitamine C et B9, les régimes hypoglucidiques des déficiences en vitamines B1, B6 et B9, le rejet des produits lactés diminue les réserves en vitamine B2 et l’abandon des matières grasses celles de la vitamine E.

– Des carences en vitamine D sont fréquentes dans les régions à faible ensoleillement.

e) Risques professionnels :

Ils doivent être évoqués compte tenu de l’existence possible de facteurs tératogènes dès le début de la grossesse, avec la nécessité éventuelle d’un changement d’affectation : rayonnements ionisants, ambiances hyperbares, expositions au plomb, au mercure, à la silice, à l’arsenic, aux solvants, aux esters triphosphoriques et aux hydrocarbures.

2) Connaître les sérologies avant toute grossesse :

Les sérologies de la toxoplasmose et de la rubéole sont inconnues en début de grossesse chez près de 90 % des gestantes, d’où parfois des incertitudes lors de l’interprétation des résultats au moment de la déclaration de grossesse, créant des angoisses inutiles et nécessitant des explorations invasives dangereuses pour le fœtus.

En cas de sérologie rubéolique négative, une vaccination s’impose avec une contraception effective de 3 mois.

3) Dépister des pathologies particulières dans certaines populations :

Les anomalies de l’hémoglobine sont dépistées par l’intermédiaire d’une électrophorèse de l’hémoglobine.

– La prévalence du trait drépanocytaire est de 0,05 % en Europe du Nord en comparaison avec 4 à 11 % au sein de la population antillaise et de 20 % en population africaine.

Sa présence chez une future gestante nécessite la même investigation chez le partenaire. En effet, le risque pour l’enfant sera de 100 % si les deux parents sont homozygotes, de 50 % si l’un des parents est homozygote et l’autre hétérozygote et de 25 % si les deux parents sont hétérozygotes.

La possibilité d’un diagnostic prénatal chez l’enfant par biopsie de villosités choriales doit être évoquée.

– Le trait thalassémique atteint 16 % des Chypriotes, 3 à 8 % des Hindous, Pakistanais et Chinois, contre 0,1 % des Européens du Nord. La bêta-thalassémie est plus fréquente dans le bassin méditerranéen et l’Inde et l’alpha-thalassémie en Chine, dans l’Asie du Sud-Est et dans les Îles Pacifiques.

4) Evaluer les risques génétiques et malformatifs avant la grossesse :

Après la naissance d’un enfant malformé, il importe de connaître précisément la nature de cette anomalie, son caractère isolé ou entrant dans le cadre d’un syndrome ou d’une aberration chromosomique, afin de chiffrer le risque de récurrence et d’évoquer les moyens permettant de détecter les éventuelles récidives, que ce soit par l’échographie ou par des prélèvements ovulaires.

Une femme ayant eu trois fausses couches successives devra avoir un caryotype à la recherche de translocations chromosomiques, de même que son partenaire.

En cas d’accidents graves à répétition, on pourra évoquer la possibilité d’un diagnostic pré-implantatoire à partir de cellules d’un embryon obtenu par FIV. Cette technique est déjà opérationnelle pour plus de 100 maladies, les indications les plus fréquentes étant la mucoviscidose, les hémoglobinopathies, la myotonie de Steinert…

En cas d’antécédent familial, la biologie moléculaire sera utilisée pour le dépistage des dystrophies musculaires, du syndrome de l’X fragile et de la chorée de Huntington.

Dans certains pays, des programmes de dépistage généralisé ont été développés pour la recherche des mutations de la mucoviscidose, de l’hémophilie, de l’X fragile et de la maladie de Tay-Sachs dans la population juive Ashkenase.

5) Réduire le risque de malformation fœtale par la prise périconceptionnelle d’acide folique :

En effet, l’environnement de la grossesse doit être dès le début le plus favorable possible. Il faut par conséquent avant la conception équilibrer très rigoureusement un diabète, reprendre un régime draconien chez une patiente phénylcétonurique, supprimer les médicaments tératogènes, éviter les contaminations parasitaires, bactériennes et virales, supprimer l’alcool, surveiller l’alimentation en évitant le foie animal trop riche en vitamine A et certains poissons contaminés par le mercure comme l’espadon, le marlin, le requin, les daurades et le thon et débuter un mois avant la conception une supplémentation en acide folique.

Après la mise en évidence d’une réduction de 72 % des récurrences de défauts de fermeture du tube neural (DFTN) par 4 mg d’acide folique, cette supplémentation a également fait sa preuve en prévention primaire avec des doses inférieures (400 à 800 μg/jour).

Une prévention efficace nécessite un taux de folates érythrocytaires de 400 ng/mL en début de grossesse.

Dans deux études effectuées à Paris et dans la région lilloise, les apports en folates n’étaient respectivement que de 365 ± 142 et 255 ± 107 μg/jour respectivement. Les carences sont favorisées par le tabagisme, l’alcoolisme et la contraception orale. Il faut, bien sûr, préconiser dès le début de la grossesse un régime alimentaire riche en légumes verts, mais les folates médicamenteux sont des monoglutamates mieux absorbés par le tube digestif que les polyglutamates naturels. La prise quotidienne de folates est efficace à partir de 200 à 400 μg/jour et l’AMM a été accordée pour la prévention des DFTN.

En fait, la vitamine B9 diminue de près de 50 % le taux global des malformations ; elle s’avère également efficace sur d’autres anomalies que celles du tube neural.

La dose d’acide folique périconceptionnel proposée est habituellement de 400 μg/jour. Elle doit être augmentée à 5 mg en cas d’antécédent personnel ou familial de DFTN, de diabète patent, d’épilepsie traitée par l’acide valproïque et par la carbamazépine, de maladie inflammatoire intestinale traitée par la sulfasalazine.

Une dose de 10 mg/jour réduirait les récurrences de fentes labiopalatines.

Le rôle protecteur de l’acide folique vis-à-vis de la trisomie 21 évoqué par certains auteurs reste à confirmer.

6) Connaître les résultats du dernier frottis :

La consultation préconceptionnelle permet de le renouveler s’il date de plus de 18 mois.

5. Conclusion :

Les principaux motifs ayant bénéficié d’une consultation préconceptionnelle sont : fausse couche antérieure (45 %), malformation fœtale (20 %), maladie maternelle chronique (22 %) et motifs divers (15 %).

Les résultats concernant une grossesse ultérieure montrent principalement une amélioration de l’issue périnatale en cas de pathologie maternelle chronique mieux prise en charge.

 

Noter cette page
Facebook
Twitter
Pinterest
Whatsapp
Fb messenger
Telegram
Copy link

Laisser un commentaire