1. Introduction :
Le terme de tumeur de l’ovaire englobe plusieurs pathologies allant du simple kyste fonctionnel bénin lié au fonctionnement normal des ovaires, au kyste organique potentiellement malin.
Même si le tableau clinique couplé à l’échographie pelvienne oriente souvent vers une tumeur bénigne ou maligne, le diagnostic de certitude repose sur l’examen anatomopathologique, et donc sur la chirurgie (cœlioscopie ou laparotomie).
2. Examen clinique et paraclinique :
1) Interrogatoire :
L’interrogatoire est complet, avec notamment :
– l’âge,
– les antécédents médico-chirurgicaux, gynécologiques et familiaux de cancer du sein et de l’ovaire,
– la date des dernières règles, le mode de contraception et le suivi,
– si la patiente est ménopausée : date de la ménopause, prise d’un éventuel traitement hormonal substitutif.
Il précise les circonstances de découverte :
– découverte fortuite lors d’un examen gynécologique systématique ou d’une échographie pelvienne,
– troubles gynécologiques : douleur pelvienne, masse pelvienne,
– troubles du cycle (ménométrorragies, dysménorrhée, spanioménorrhée, voire aménorrhée…),
– découverte au cours du suivi normal d’une grossesse,
– troubles digestifs ; une augmentation du volume abdominal ou une ascite sont fortement évocateurs d’une tumeur maligne ; l’existence d’une éventuelle altération de l’état général est un argument supplémentaire,
– découverte au cours d’une complication (Cf.).
2) Examen clinique :
Examen général et gynécologique complet avec :
– température, pouls, pression artérielle et poids,
– palpation abdominale et des aires ganglionnaires,
– examen vulvaire, examen au spéculum, toucher vaginal et toucher rectal : palpation d’une masse pelvienne classiquement séparée de l’utérus par un sillon,
– examen bilatéral et comparatif des seins.
L’examen permet de préciser les caractéristiques cliniques de la tumeur ovarienne : localisation, taille, sensibilité, mobilité…
3) Examens complémentaires :
– Echographie pelvienne par voie abdominale puis par voie endovaginale. C’est l’examen de référence à prescrire en première intention devant la découverte d’une masse latéro-utérine. Elle précise : l’existence d’un kyste ovarien, sa localisation exacte, sa taille, sa forme, ses limites, son échostructure, et l’existence d’un éventuel épanchement liquidien du cul-de-sac de Douglas. Couplée au doppler, elle permet de préciser la vascularisation de la tumeur.
– Cœlioscopie : Cf chapitre spécial
– Autres examens d’imagerie (scanner, IRM) ne sont pas recommandés en première intention pour la prise en charge d’une tumeur ovarienne présumée bénigne.
– Dosage du CA 125 (marqueur spécifique du cancer de l’ovaire) : son dosage n’est pas recommandé à but diagnostique chez une femme adulte non ménopausée.
3. Etiologies :
1) Kyste fonctionnel de l’ovaire : Cf chapitre spécial
2) Kyste organique de l’ovaire :
Le développement d’un kyste organique de l’ovaire est indépendant du fonctionnement ovarien et n’a donc aucun lien avec le cycle menstruel. Il persiste au fur et à mesure des cycles.
Chacun des trois tissus composant l’ovaire peut donner naissance à une prolifération tumorale bénigne ou maligne.
On distingue donc trois types anatomopathologiques, par ordre de fréquence : les tumeurs d’origine :
– épithéliale qui proviennent du mésothélium recouvrant la surface ovarienne,
– germinale dérivées des cellules germinales ovariennes,
– stromale dérivées du stroma gonadique : ces tumeurs reproduisent les structures endocrines ovariennes ; on parle parfois de “tumeur endocrine”.
Toutes ces tumeurs peuvent être de nature bénigne (le plus souvent), maligne, ou frontière (tumeur borderline).
4. Diagnostics différentiels :
Les diagnostics différentiels à évoquer devant la découverte d’une masse latéro-utérine sont :
– grossesse extra-utérine,
– pathologies tubaires : hydrosalpinx, pyosalpinx,
– fibrome utérin sous-séreux pédiculé.
5. Démarche diagnostique :
Globalement, au terme de l’examen clinique et de l’échographie pelvienne et endovaginale, 3 grandes situations se dégagent :
– tumeur ovarienne probablement bénigne,
– tumeur ovarienne suspecte,
– cancer de l’ovaire cliniquement évident.
1) Tumeur ovarienne probablement bénigne :
a) Tableau clinique et échographique :
Femme jeune en période d’activité génitale.
Aspect de kyste ovarien simple : unique, unilatéral, de contenu purement liquidien (anéchogène), avec des parois fines et régulières, souvent de diamètre < 7 cm (Cf. Tableau aspect échographique).
b) Conduite à tenir :
● Femme non enceinte :
Il faut différencier un kyste fonctionnel (bénin et disparaissant spontanément après quelques cycles) d’un kyste organique (potentiellement malin et persistant) :
– Le blocage ovarien par une pilule estroprogestative pendant 3 cycles est inutile et n’est pas recommandé.
– Il faut réaliser un contrôle échographique à 3 mois : la disparition spontanée du kyste permet d’affirmer qu’il s’agissait d’un kyste fonctionnel.
Si le kyste persiste au bout de 3 mois de surveillance, il s’agit probablement d’un kyste organique ⇒ indication d’une cœlioscopie à visée diagnostique et thérapeutique (kystectomie percœlio) .
● Femme enceinte :
Un kyste fonctionnel est normal au premier trimestre de la grossesse. C’est le corps jaune, indispensable du fait de sa sécrétion hormonale au maintien initial de la grossesse. Il doit théoriquement disparaître après 15 SA, lorsque le placenta a assuré le “relais hormonal”.
La persistance d’un kyste ovarien après 15 SA peut justifier une IRM pelvienne, voire une exploration chirurgicale.
Une intervention chirurgicale est formellement contre-indiquée avant 15 SA et ceci pour 2 raisons :
– risque important d’opérer un kyste fonctionnel et donc de soumettre la patiente et la grossesse à un risque opératoire inutile,
– l’exérèse chirurgicale d’un éventuel corps jaune avant 15 SA priverait la grossesse d’une source de progestérone qui lui est nécessaire et risquerait d’entraîner une fausse-couche.
2) Tumeur ovarienne suspecte :
a) Tableau clinique et échographique :
Une tumeur ovarienne est suspecte de malignité s’il existe au moins un des signes cliniques et/ou échographiques suivants :
– patiente ménopausée,
– kyste ovarien persistant après surveillance pendant au moins 3 mois,
– kyste hétérogène avec images de végétations endokystiques ou exokystiques,
– présence de cloisons intrakystiques,
– parois épaisses et irrégulières,
– diamètre du kyste > 6 cm,
– tumeur ovarienne bilatérale.
b) Conduite à tenir :
Exploration chirurgicale par cœlioscopie, patiente prévenue du risque de laparotomie en cas de mise en évidence d’une authentique tumeur maligne et/ou de difficultés techniques :
– cytologie péritonéale première systématique,
– ovariectomie, en prenant soin de ne pas rompre le kyste (risque de dissémination tumorale).
Examen extemporané de la pièce opératoire.
Nb : La découverte d’un cancer de l’ovaire à l’examen extemporané impose la conversion en laparotomie pour la réalisation d’une chirurgie de réduction tumorale complète.
3) Cancer de l’ovaire cliniquement évident :
C’est la situation la plus rare.
La prise en charge de ces patientes repose avant tout sur la chirurgie de réduction tumorale complète après confirmation histologique de la malignité de la tumeur ovarienne (Cf. Cancer de l’ovaire).
6. Complications :
1) Torsion d’annexe :
Le poids du kyste ovarien peut entraîner une torsion de l’ovaire autour de son pédicule vasculaire nourricier (kystes dermoïdes +++).
Le tableau clinique est bruyant et d’apparition brutale :
– douleur pelvienne violente, intolérable car d’origine ischémique et résistante aux antalgiques,
– palpation abdominale très douloureuse, défense en regard de la torsion,
– touchers pelviens très douloureux ; ils permettent parfois de palper la torsion : masse latéro-utérine douloureuse plus ou moins fixée.
Les ß-hCG plasmatiques sont négatifs éliminant une grossesse extra-utérine (principal diagnostic différentiel).
L’échographie pelvienne, très douloureuse lors du passage de la sonde, montre souvent un ovaire œdématié, augmenté de volume, comportant un kyste ovarien volumineux.
Le doppler peut montrer un arrêt de la vascularisation.
C’est une urgence chirurgicale car il existe un risque de nécrose de l’ovaire en l’absence d’intervention dans les 6 heures ⇒ cœlioscopie diagnostique et opératoire : traitement conservateur avec détorsion de l’annexe sans annexectomie et ce quel que soient la durée présumée de la torsion et l’aspect macroscopique de l’ovaire.
Nb : Avant une cœlioscopie pour suspicion de torsion d’annexe, toujours informer la patiente du risque d’annexectomie en cas de nécrose ovarienne et des risques de conversion en laparotomie en cas de difficultés techniques.
2) Hémorragie intra-tumorale (aussi appelée hémorragie intrakystique) :
Elle se manifeste par une douleur pelvienne latéralisée d’installation brutale.
L’examen clinique retrouve une douleur provoquée latéro-utérine.
Le toucher vaginal peut palper une masse latéro-utérine douloureuse.
Le diagnostic repose sur l’échographie endovaginale qui montre une image de kyste ovarien de contenu hétérogène (sang).
En cas de doute, une IRM abdomino-pelvienne peut être indiquée.
La prise en charge est symptomatique : antalgiques et repos.
La complication à craindre est la rupture hémorragique qui expose au risque d’hémopéritoine ⇒ surveillance systématique des signes cliniques et du taux d’hémoglobine.
3) Rupture d’un kyste :
La rupture d’un kyste ovarien se manifeste par une douleur pelvienne aiguë, qui dure quelques jours et de résolution spontanée.
Cette rupture peut être spontanée ou déclenchée (rapport sexuel).
L’échographie ne retrouve le plus souvent qu’une lame liquidienne au niveau du cul-de-sac de Douglas, témoin de la rupture, avec des ovaires le plus souvent normaux.
Beaucoup plus rarement, la rupture est hémorragique ⇒ tableau péritonéal d’installation brutale pouvant aller jusqu’au choc hémorragique par hémopéritoine massif.
– En l’absence de signes de gravité : prise en charge symptomatique : antalgiques et repos avec surveillance systématique et rapprochée du pouls, de la tension artérielle et du taux d’hémoglobine.
– En cas de mauvaise tolérance hémodynamique ou de persistance de l’hémorragie : prise en charge chirurgicale (cœlioscopie).
Nb : Histoire naturelle de la rupture hémorragique de kyste de l’ovaire : dans la grande majorité des cas, l’hémorragie ne sera que transitoire et s’arrêtera spontanément. La prise en charge chirurgicale est donc le plus souvent inutile et l’hémopéritoine se résorbera spontanément.
4) Compressions extrinsèques :
– Vessie ⇒ pollakiurie.
– Uretère ⇒ obstruction rénale avec urétérohydronéphrose chronique.
– Rectum ⇒ troubles du transit, ténesme, épreintes.
A RETENIR :
► KYSTE FONCTIONNEL :
Son existence est liée au fonctionnement normal de l’ovaire sain au cours du cycle menstruel.
Il prend l’aspect d’un kyste ovarien simple isolé, de petite taille (≤ 8 cm), à parois fines et à contenu anéchogène (liquidien).
Le plus souvent, il disparaît spontanément au bout de quelques cycles.
Le kyste fonctionnel est toujours bénin.
► KYSTE ORGANIQUE :
Tumeur ovarienne n’ayant pas de lien avec le cycle menstruel.
ll dérive d’une des trois structures histologiques composant l’ovaire normal :
– tumeur épithéliale : tumeur séreuse +++ (cystadénome séreux), mucineuse, endométrioïde…
– tumeur germinale : kyste dermoïde, tératome immature, choriocarcinome, dysgerminome…
– tumeur stromale.
Le kyste organique est le plus souvent bénin, mais il peut s’agir d’un cancer ⇒ indication opératoire systématique (cœlioscopie) pour tout kyste de l’ovaire d’allure organique, même s’il est asymptomatique.
Le diagnostic de certitude est histologique.