Différents facteurs accentuent l’intérêt porté aux infections gynécologiques de la femme enceinte :
– les modifications de l’efficacité du système immunitaire qui entraînent une augmentation de la prévalence et/ou de la sévérité de certaines infections et, dans certains cas, la réactivation d’infections latentes,
– la répercussion des infections gynécologiques sur le déroulement de la grossesse (avortements spontanés, RPM, accouchements prématurés),
– la fréquence et la gravité des infections fœtales (RCIU) et néonatales (septicémies, méningites, conjonctivites, pneumonies).
1. Quelle est la flore cervico-vaginale au cours de la grossesse normale ?
Avant d’aborder cette question, il convient de préciser :
– que le vagin et l’endocol constituent deux secteurs microbiologiques différents,
– et qu’il existe 3 groupes de bactéries vaginales définis par leur écosystème d’origine.
L’appareil génital de la femme est constitué de deux secteurs bien différenciés quant à leur écologie microbienne qui résultent d’une dualité anatomique, cytologique et physiologique.
La vulve, le vagin et l’exocol sont des muqueuses malpighiennes non kératinisées résistantes à la pénétration bactérienne en dépit d’une large colonisation microbienne de leur surface.
Les cavités endocervicale, utérine, tubaire et péritonéale sont des milieux normalement dépourvus de flore naturelle. A l’état physiologique, la cavité endocervicale ne possède donc pas de bactéries commensales. Elle constitue une barrière entre le vagin et l’utérus protégeant ainsi la cavité ovulaire. Tout germe au niveau de la cavité endocervicale doit être considéré comme une menace à court terme pour l’évolution de la grossesse et pour le nouveau-né.
Au niveau vaginal, 3 groupes de bactéries peuvent être définis :
GROUPE I : Espèces bactériennes dont le portage est habituel, spécifiquement adaptées à la cavité vaginale :
– Lactobacilles (bacilles ou flore de Döderlein),
– plus accessoirement des Streptocoques α-hémolytiques,
– exceptionnellement certaines Corynébactéries.
GROUPE II : Espèces bactériennes dont le portage est fréquent (provenant surtout de la flore digestive) :
– Streptocoques du groupe B et D,
– Staphylocoques coagulase (-) et plus rarement staphylocoques dorés (staphylococcus aureus),
– Entérobactéries (Escherichia Coli, proteus, klebsiella…),
– Bactéries anaérobies (peptostreptococcus, bacteroïdes et plus particulièrement B. fragilis et B. melaninogenicus, fusobacterium, clostridium, mobiluncus…),
– Gardnerella vaginalis,
– Candida,
– Mycoplasmes.
GROUPE III : Espèces bactériennes dont le portage est exceptionnel (commensales usuelles de la flore oropharyngée) :
– Streptocoques du groupe A,
– Listeria monocytogenes,
– Pneumocoques,
– Hæmophilus influenzæ et para-influenzæ,
– Perfringens, Campylobacter.
● Les bactéries du groupe I ne sont pas à risque d’infection materno-fœtale.
● Les bactéries des groupes II et III peuvent menacer la cavité ovulaire dans trois situations :
– Lorsqu’elles prolifèrent, sans entraîner de pathologie vaginale : il s’agit du portage asymptomatique. Dans cette circonstance, il existe un risque pour la grossesse car la prolifération bactérienne vaginale pourra menacer la cavité amniotique, le fœtus et le nouveau-né dès l’ouverture du col et/ou la rupture des membranes.
– Lorsqu’elles prolifèrent dans le vagin et remplacent la flore lactique, entraînant un tableau de vaginose bactérienne ou de vulvovaginite.
– Lorsqu’elles colonisent massivement la cavité endocervicale de l’utérus et/ou y infectent les cryptes glandulaires entraînant une endocervicite. Ceci peut être à l’origine de RPM, de menace et d’accouchement prématuré, de chorioamniotite et de leurs conséquences infectieuses maternelles et néo-natales.
A côté de ces bactéries d’origine vaginale, il existe un 4ème groupe de bactéries capable de coloniser et d’infecter l’endocol (souvent associées à une urétrite) ; ces bactéries sont responsables d’IST : il s’agit de Neisseria gonorrhœæ et de Chlamydia trachomatis.
Les autres bactéries responsables d’IST sont à l’origine d’ulcérations et de complications très spécifiques. Il s’agit de :
– Treponema pallidum (syphilis),
– Chlamydia lymphogranulomatosis (sérotypes L1, L2, L3) (lymphogranulomatose vénérienne (maladie de Nicolas-Favre)),
– Hæmophilus ducrey (chancre mou),
– Klebsiella granulomatis (anciennement Calymmatobacterium granulomatis) (donovanose).
Elles ne seront pas envisagées ici.
2. Infections gynécologiques basses au cours de la grossesse :
1) Candidoses vaginales :
– Prévalence :
La grossesse entraîne une augmentation considérable de la prévalence des candidoses vaginales, avec un taux moyen de 30 % ; ce taux augmente régulièrement entre le 4ème et le 7ème mois de la grossesse.
Deux facteurs interviennent dans ce phénomène : les modifications du métabolisme des hydrates de carbone durant la grossesse et les stéroïdes d’origine ovarienne ou placentaire.
– Complications :
En dépit du taux élevé de candidoses vaginales gravidiques, les infections intra-utérines à Candida sont relativement rares (0,2 à 2 %) ; elles résultent habituellement d’une ascension des levures à partir du vagin et de l’endocol, conduisant à une chorioamniotite fongique.
Les infections fœtales se traduisent le plus souvent par une candidose cutanée mais peuvent se manifester sous forme de pneumonies ou de septicémies sévères chez les nourrissons de très faible poids de naissance.
Les infections néonatales sont plus fréquentes, le contage s’effectuant au moment de l’accouchement ou peu de temps après. Le plus souvent, ces candidoses se manifestent sous forme de muguet, suivi éventuellement d’une dissémination cutanée à partir du tube digestif ; en revanche, un risque élevé d’infections systémiques graves existe chez les prématurés, la morbidité et la mortalité étant particulièrement élevées chez les nouveau-nés pesant moins de 1000 grammes à la naissance.
– Traitement :
Les candidoses vaginales gravidiques peuvent être traitées par voie locale avec les dérivés imidazolés utilisés en dehors de la grossesse.
2) Vaginites à Trichomonas vaginalis :
– Prévalence :
La prévalence des vaginites à Trichomonas ne semble pas augmenter au cours de la grossesse.
– Complications :
Les vaginites maternelles à Trichomonas ne semblent pas entraîner d’infections intra-utérines ou d’infections néonatales graves.
On peut observer des vulvovaginites néonatales à Trichomonas mais la plupart d’entre elles disparaissent spontanément vers la 6ème semaine après la naissance.
– Traitement :
Les traitements locaux, habituellement inutiles, sont utilisés :
= Toilette vaginale avec une eau vinaigrée (1 cuillère à soupe/litre) ou avec un savon acide (Cytéal ®) :
. Cytéal savon ® (pain de 100 g) : antisepsie et nettoyage vulvaire : 2 fois/jour, pendant 8 à 14 jours.
. Cytéal solution ® (pH à 5) (flacon de 250 ml) : A employer pur ou dilué au 1/10. A utiliser comme un savon liquide. Puis, rincer abondamment.
. Mercryl laurylé ® (pH à 6,7) (flacon de 1000 ml) : à utiliser pur ou dilué au 1/10 (la solution au 1/10 est préparée avec 100 ml, soit 5 bouchons-dose pour 1 litre d’eau). Préparer la solution extemporanément. Rinçage en cas d’utilisation du produit pur.
= Ovules de métronidazole (1 ovule de Flagyl 500 ® par jour pendant 5 à 10 jours).
= Traitement local antimycosique systématique au décours du traitement. Exemple : ovule unique type Gyno-pévaryl LP 150 ®.
Bien entendu, le traitement du conjoint est impératif ; les rapports sexuels seront protégés.
Nb : la présence de Trichomonas chez une femme enceinte doit alerter le praticien sur la possibilité d’existence d’autres agents sexuellement transmissibles beaucoup plus dangereux pour la mère ou le nouveau-né (gonocoque, Chlamydia).
3) Vaginoses bactériennes (vaginites non spécifiques) :
– Prévalence :
Les vaginoses bactériennes constituent les infections vaginales les plus fréquentes chez les femmes sexuellement actives.
Le double caractère essentiel des vaginoses bactériennes est la diminution sensible, voire la disparition, de la flore lactique vaginale et son remplacement par une flore comprenant le plus souvent Gardnerella vaginalis, certains germes anaérobies (Bacteroides, Mobiluncus) et Mycoplasma hominis.
Les concentrations respectives de germes anaérobies et de Gardnerella vaginalis observées au cours des vaginoses bactériennes sont respectivement 1000 et 100 fois supérieures à celles observées en l’absence de vaginose bactérienne.
La grossesse favorise la prolifération de Gardnerella vaginalis. De ce fait, les vaginoses bactériennes peuvent être observées chez 15 à 20 % de toutes les femmes enceintes. Cette prévalence tient compte du pourcentage élevé de patientes asymptomatiques chez lesquelles peut être mise en évidence une prolifération de Gardnerella vaginalis.
– Complications :
La prolifération excessive de Gardnerella vaginalis entraîne un taux relativement élevé d’infections urinaires par ce germe.
Par ailleurs, l’absence de bacille de Döderlein favorise les infections vaginales secondaires par les germes endogènes ou exogènes.
De nombreux travaux ont permis d’établir une corrélation positive certaine entre les vaginoses bactériennes et les accouchements prématurés.
Enfin, ces germes de la vaginose sont très fréquemment isolés à partir de l’endomètre de femmes présentant une endométrite précoce du post-partum (germes anaérobies, Gardnerella vaginalis et Mycoplasma hominis, en particulier) ; dans 20 % des cas, les mycoplasmes génitaux sont les seuls germes isolés à partir de l’endomètre.
4) Endocervicites gonococciques :
– Prévalence :
La prévalence des endocervicites gonococciques ne semble pas augmentée au cours de la grossesse : elle varie de 1 à 4 % selon les auteurs, mais peut atteindre 10 % chez les sujets à risque élevé (adolescentes, femmes célibataires).
– Complications :
. Les salpingites aiguës sont classiquement rares pendant la grossesse.
. Le risque maternel le plus important est celui d’une infection gonococcique disséminée, se manifestant surtout par une arthrite ou une atteinte cutanée.
. Les infections gonococciques gravidiques présentent un risque certain pour le fœtus : RPM, chorioamniotites, accouchement prématuré, RCIU, MIU, avortements septiques.
. Bien que la plupart des infections gonococciques néonatales s’effectuent lors de l’accouchement, la contamination du fœtus peut avoir lieu in utero après rupture des membranes. On a pu ainsi observer des infections gonococciques néonatales oculaires et oropharyngées chez des nouveau-nés après césarienne effectuée après rupture des membranes.
Le risque le plus important et le plus fréquent d’une infection gonococcique maternelle est celui d’une conjonctivite néonatale, observée chez 30 à 40 % des nouveau-nés de mères non traitées. Il s’agit d’une conjonctivite généralement purulente, souvent bilatérale, apparaissant entre le troisième et le septième jour de la naissance ; non traitée, cette conjonctivite peut entraîner rapidement la cécité.
Les séquelles des conjonctivites gonococciques néonatales peuvent être prévenues si les nouveau-nés sont traités avant l’âge de 2 semaines.
– Diagnostic et dépistage :
Différents auteurs préconisent le dépistage systématique d’une infection gonococcique lors du premier examen prénatal chez tous les sujets à risque élevé. Ce dépistage doit comporter la recherche de gonocoque par culture avec étude de la production éventuelle de bêtalactamase.
5) Endocervicites à Chlamydia trachomatis :
– Epidémiologie :
La prévalence des endocervicites à Chlamydia trachomatis est nettement augmentée au cours de la grossesse.
Les facteurs de risque sont ceux observés en dehors de la grossesse : rôle très net de l’âge jeune, rôle important de la race et du statut marital, rôle favorisant d’une infection gonococcique simultanée ou antérieure.
Le taux d’endocervicites asymptomatiques à Chlamydia trachomatis est encore plus élevé chez les femmes enceintes que chez les autres.
– Complications :
Très rarement, une infection génitale maternelle à Chlamydia trachomatis peut entraîner des complications : accouchements prématurés, RCIU.
Ce germe est parfois la cause d’endométrites tardives du post-partum.
Les complications les plus fréquentes des endocervicites gravidiques à Chlamydia trachomatis concernent les nouveau-nés : 20 à 75 % d’entre eux présentent une conjonctivite à Chlamydia et 10 à 25 % une pneumonie.
. Les conjonctivites à Chlamydia trachomatis apparaissent généralement 5 à 12 jours après la naissance, plus rarement avant 5 jours ou jusqu’à 12 semaines après la naissance. Non traitée, l’infection s’intensifie : écoulement purulent, œdème des deux paupières, contamination de l’autre œil.
Le risque de séquelles cornéennes justifie la prescription d’une pommade aux antibiotiques.
. Chlamydia trachomatis est également la cause la plus fréquente des pneumonies observées chez les nourrissons de moins de 3 mois. Ces pneumonies apparaissent généralement 3 à 11 semaines après la naissance ; elles sont précédées d’une conjonctivite dans la moitié des cas. Il s’agit le plus souvent de pneumonies afébriles, avec tachypnée et infiltrat interstitiel diffus. Ces pneumopathies interstitielles évoluent spontanément en quelques semaines vers la guérison.
6) Infections génitales à mycoplasmes :
Le rôle pathogène des mycoplasmes génitaux (Ureaplasma urealyticum et Mycoplasma hominis) en périnatologie est connu depuis relativement peu de temps.
C’est en 1967 que trois équipes différentes ont isolé Ureaplama à partir du placenta d’enfants mort-nés après chorioamniotite. Parmi ces auteurs, certains évoquaient également le rôle de ce germe dans les avortements spontanés et les accouchements prématurés.
Mycoplasma hominis a été isolé deux ans plus tard chez un nouveau-né ayant présenté une insuffisance respiratoire après amniotite. Depuis lors, de très nombreux travaux ont établi une corrélation entre les infections génitales maternelles à mycoplasmes et des complications pouvant affecter le fœtus, la mère ou le nouveau-né.
Cette corrélation est cependant niée par certains auteurs, en raison notamment du faible pourcentage de complications périnatales observées en regard de la prévalence élevée des infections gynécologiques à mycoplasmes.
Des facteurs encore mal connus, liés à la fois aux souches de mycoplasmes en cause (de nombreux sérovars sont connus mais le rôle spécifique de ces différents sérovars est encore indéterminé) et aux femmes infectées (on ignore encore les facteurs, peut-être immunologiques, qui permettraient d’individualiser les femmes à risque élevé de complications).
– Prévalence :
La grossesse favorise nettement la prolifération excessive des mycoplasmes génitaux.
Par ailleurs, la prévalence élevée de vaginoses bactériennes pendant la grossesse s’accompagne d’une augmentation parallèle des infections à Mycoplasma hominis.
Enfin, la colonisation génitale à mycoplasmes entraîne souvent une prolifération de ces germes dans les urines.
– Complications :
* Infections à Ureaplasma urealyticum :
Ureaplasma urealyticum peut être la cause d’avortements spontanés et de morts néonatales. Il peut intervenir isolément ou en association avec d’autres germes ; des études sérologiques et bactériologiques ont montré que certains sérovars d’Ureaplasma sont plus fréquemment retrouvés que d’autres dans ces complications.
Ureaplasma a été également retrouvé dans de nombreux cas d’accouchements prématurés. Une concentration élevée d’Ureaplasma au niveau cervicovaginal constitue un facteur de risque majeur de RPM.
* Infections à Mycoplasma hominis :
Contrairement à Ureaplasma urealyticum, qui se révèle plus pathogène en début de grossesse, Mycoplasma hominis est plus fréquemment lié aux infections intra-amniotiques en fin de grossesse, aux endométrites du post-partum et à des infection néonatales graves (poumons, système nerveux central, septicémies).
7) Infections périnatales dues au streptocoque du groupe B : Cf chapitre spécial
8) Infections néonatales dues à Escherichia coli K1 :
Parmi les germes aérobies usuels, Escherichia coli est la cause la plus fréquente des septicémies et des méningites néonatales.
La structure antigénique de Escherichia coli, particulièrement complexe, comprend plus de 150 antigènes somatiques (O) et de 100 antigènes capsulaires (K). Parmi ces derniers, l’antigène K1 est particulièrement important en raison de la virulence particulière des souches Escherichia coli K1 pour le nouveau-né : en effet, Escherichia coli K1 est isolé à partir de 50 % des cas de septicémies et de 80 % des cas de méningites néonatales dues à Escherichia coli.
– Dépistage et traitement :
Chez la femme enceinte, la recherche de l’antigène K1 est impérative pour toute souche de Escherichia coli retrouvée au niveau vaginal. La détermination de la sensibilité aux antibiotiques doit être effectuée pour toutes les souches Escherichia coli K1 isolées à partir du vagin.
Un traitement spécifique, généralement très efficace, se révèle nécessaire à titre prophylactique chez toutes les mères présentant une colonisation vaginale à Escherichia coli K1.
9) Hæmophilus influenzæ :
Ce germe est considéré actuellement comme la 3ème cause de sepsis néo-natal d’origine maternelle après SGB et E. coli.
En cas de portage génital, le taux de colonisation néonatale serait de 50 %.
Les données de la littérature ne permettent pas de préciser le taux d’enfants colonisés qui évoluent vers l’infection en l’absence de traitement : il est estimé à 50 %.
10) Infections périnatales à germes anaérobies :
– Prévalence :
Rares pour certains auteurs, ces infections représenteraient pour d’autres, 15 à 25 % des bactériémies néonatales.
Les germes en cause appartiennent à la flore cervicovaginale normale.
– Complications :
. Seuls ou associés à des germes aérobies, les anaérobies sont en cause dans 25 à 60 % des chorioamniotites, 25 à 60 % des endométrites du post-partum, 30 à 50 % des bactériémies maternelles périnatales.
Les chorioamniotites peuvent entraîner des avortements septiques et des morts in utero.
La transmission materno-fœtale des germes anaérobies fait intervenir soit une infection ascendante après rupture des membranes, soit une contamination lors du passage dans la filière génitale.
. Chez les nouveau-nés, les infections à germes anaérobies peuvent se manifester sous forme de septicémies et de méningites, d’entérocolites ulcéro-nécrosantes et d’abcès divers.
Au total :
Les relations entre une infection vaginale et les différentes complications maternelles et périnatales sont variables en fonction des bactéries impliquées, de la notion de portage ou d’infection et du stade de la grossesse.
3. Retentissement maternel dans le post-partum :
La mortalité maternelle liée aux infections cervico-vaginales est faible, mais les endométrites, complications des chorioamniotites persistent, en particulier en cas de césarienne. Ceci justifie parfaitement l’antibiothérapie per et post-opératoire. Le SGB serait responsable de 20 % des endométrites du post-partum.
Les infections maternelles périnatales à SGB sont favorisées par une forte colonisation, l’existence d’une bactériurie, d’un accouchement prématuré et surtout par la réalisation d’une césarienne.
De plus, on a constaté que la prévention de la transmission néonatale de SGB par une antibiothérapie per-partum réduit significativement les endométrites du post-partum.
4. Types et indications des prélèvements :
Deux types de prélèvements peuvent être réalisés par voie basse chez la femme enceinte : le prélèvement vaginal et le prélèvement endocervical. Chacun d’entre eux a des indications différentes :
– le prélèvement vaginal vise à étayer le diagnostic de vaginose bactérienne, à documenter l’étiologie d’une vulvovaginite, ou à rechercher un portage génital de bactéries à haut risque infectieux comme le SGB,
– le prélèvement endocervical a comme objectif d’étayer le diagnostic d’endocervicite ou d’apporter des éléments étiologiques en cas de suspicion de chorioamniotite.
A. Dans quelles situations prélever ?
a) Au niveau vaginal :
– Devant toute pathologie vulvo-vaginale possiblement en rapport avec une infection :
. leucorrhées nauséabondes, le prurit vulvaire, les brûlures vulvo-vaginales,
. anomalies inflammatoires (et éventuellement ulcérations) du vagin et de l’exocol mises en évidence à l’aide d’un examen au spéculum.
Un examen systématique sous spéculum en début de grossesse semble souhaitable notamment pour dépister une vaginose dont le traitement pourrait réduire le risque de complications gravidiques.
– Dès l’apparition d’un facteur de risque d’infection gravidique : MAP, RPM.
– A titre systématique, à 35-37 SA. Plusieurs arguments sont en faveur du dépistage systématique :
. la gravité des infections néonatales à SGB,
. la fréquence du portage (8 % des femmes au minimum).
– Au cours du travail dans les situations suivantes :
. déclenchement,
. durée de RPM > 12 heures,
. travail prolongé > 12 heures,
. fièvre pendant le travail.
b) Au niveau de l’endocol :
Les indications se résument à :
– la suspicion d’endocervicite (écoulement anormal par le col découvert à l’occasion d’un examen systématique réalisé sous spéculum en début de grossesse, existence d’une infection urogénitale ou d’une IST chez le partenaire, découverte d’une autre IST, découverte de signes fonctionnels d’infection urinaire avec un ECBU négatif ou d’une leucocyturie sans germe),
– une chorioamniotite et à ses conséquences obstétricales (RPM, MAP ou accouchement prématuré).
B. Comment prélever ?
La technique des prélèvements génitaux est simple mais nécessite une certaine rigueur.
a) Prélèvements vaginaux :
On utilise des écouvillons stériles montés au coton :
– le prélèvement doit être fait en plein centre des lésions observées à l’examen au spéculum. Il faut prélever une quantité importante de sécrétions anormales,
– pour la recherche de portage, on chargera l’écouvillon dans le cul de sac postérieur et sur les parois latérales du vagin.
Le stockage est envisageable au réfrigérateur au maximum 12 heures.
On peut adjoindre assez facilement à cette méthode le test à la potasse ; il permet d’identifier en consultation la présence d’amines volatiles produites par les agents responsables de la vaginose bactérienne.
b) Prélèvements endocervicaux :
Le matériel est celui utilisé en consultation gynécologique habituelle (écouvillons).
Cependant des écouvillons spécifiques sont nécessaires pour la recherche des mycoplasmes et de C. trachomatis. La recherche de ces 2 agents doit en outre faire l’objet d’une prescription spécifique par le clinicien.
Le type d’écouvillon utilisé pour prélever lors de ces recherches particulières dépend de la technique utilisée par le laboratoire. Il est donc indispensable de se procurer le matériel adapté auprès de son laboratoire prestataire.
Il faut, avant tout, faire un nettoyage soigneux de l’exocol (compresse imbibée d’un antiseptique suivie d’un rinçage au sérum physiologique) pour éviter de contaminer le prélèvement par les bactéries vaginales à l’origine de faux positifs.
Après avoir désinfecté l’exocol, on introduit l’écouvillon jusque dans la cavité fusiforme de l’endocol et, par un frottement léger et prolongé, on ramène des sécrétions cervicales et des cellules endocervicales. Puis, deux autres prélèvements sont réalisés de la même façon à l’aide des écouvillons spécifiques pour la recherche des mycoplasmes et des Chlamydia.
Ces prélèvements doivent être ensemencés rapidement car le gonocoque et les anaérobies ne supportent pas les transports prolongés. Si cela n’est pas possible, il faut se procurer des milieux de transport au laboratoire. Ce mode de conservation est généralement un peu moins performant que l’ensemencement immédiat mais reste tout à fait satisfaisant dans les 12 heures qui suivent le prélèvement.
5. Traitements (portage et infection cervico-vaginale) :
1) Pendant la grossesse :
a) Antibiothérapie :
● Pour les bactéries à haut risque infectieux (SGB, E. coli, Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus, Hæmophilus influenzæ, Neisseria meningitidis), le portage ne constitue pas une indication de traitement antibiotique au cours de la grossesse. En revanche, il est indiqué :
– en cas d’isolement au niveau de l’endocol,
– de l’association à des signes cliniques de vulvovaginite,
– de RPM ou de MAP.
La nature et la durée du traitement seront adaptées aux germes.
● Pour les vaginoses bactériennes :
Les infections à Gardnerella vaginalis, avec ou sans germes anaérobies associés, peuvent être traitées per os par l’ampicilline (2 g/j) ou l’amoxicilline (1 g/j), en deux prises, pendant 10 à 12 jours.
Autre possibilité :
– métronidazole per os (500 mg × 2) pendant 7 jours,
– ou bien ovules de métronidazole pendant 5 à 7 jours, suivi d’un traitement local antimycosique.
Un traitement simultané du partenaire doit être pratiqué.
● Pour les infections à mycoplasmes :
Les cyclines étant contre-indiquées pendant la grossesse, les traitements de choix des infections à mycoplasmes (endocervicite) sont les macrolides : érythromycine (active uniquement sur Ureaplasma) et la pristinamycine (active sur Ureaplasma et sur Mycoplasma hominis).
Les échecs de traitement, fréquents, ne résultent généralement pas d’une augmentation de la résistance aux antibiotiques ; mais de la présence de germes associés au niveau vaginal ou d’une réaction immunitaire déficiente de l’hôte.
A défaut d’une éradication complète, des cures successives pour diminuer les concentrations des mycoplasmes apparaissent utiles en vue de diminuer les risques de complications périnatales.
● Pour le Chlamydia trachomatis :
La cervicite de la femme enceinte doit être traitée impérativement pour éviter la contamination de l’enfant à la naissance.
Traitement de choix : macrolides : érythromycine : Erycocci ® sachets 500 mg [boite de 12] : 2 g/j pendant 7 jours ou, en cas d’intolérance, 1 g/j pendant 14 jours, immédiatement avant les repas.
. En cas d’intolérance à l’érythromycine : on pourra utiliser l’amoxicilline (1,5 g/j, en 3 prises, pendant 7 jours), en vérifiant l’efficacité de ce traitement ; en effet, l’efficacité de l’amoxicilline dans le traitement des infections à C. trachomatis n’est pas bien établie.
Une vaginose associée justifie un traitement spécifique. Ne pas oublier le traitement du partenaire.
Un prélèvement de contrôle (culture) sera pratiqué 15 jours après la fin du traitement.
L’administration de doxycycline ou d’ofloxacine est contre-indiquée au cours de la grossesse.
● Pour le gonocoque :
Les infections gonococciques gravidiques doivent être traitées :
– par une céphalosporine adéquate : la ceftriaxone (Rocéphine amp inj IM 500 mg ® [boite unitaire]) : une injection unique IM de 500 mg,
– puis par l’érythromycine (Erycocci ® sachets 500 mg [boite de 12]) : 2 g/j, pendant 7 jours, ou, en cas d’intolérance, 1 g/j pendant 14 jours, immédiatement avant les repas.
Sinon on peut utiliser l’amoxicilline pour les souches ß-lactamases négatives, voire l’association amoxicilline-acide clavulanique pour les souches ß-lactamases positives (à éviter au premier trimestre).
*** L’administration de quinolones est contre-indiquée au cours de la grossesse. ***
Le traitement des partenaires s’impose.
b) Antibioprophylaxie :
● En cas de RPM :
Elle est recommandée ; le traitement comporte ampicilline 2 g/j per os pendant 7 jours. Il sera adapté en fonction du germe mis en évidence secondairement.
Les principaux effets bénéfiques sont la réduction de la survenue de chorioamniotite, de la mortalité périnatale, la prolongation de la grossesse de plus de 7 jours.
● En cas de MAP :
L’utilisation systématique d’un traitement antibiotique à large spectre en cas de MAP n’a pas fait la preuve de son intérêt, ni pour prolonger la grossesse, ni pour éviter une infection néonatale.
Le traitement antibiotique ne se justifie qu’en cas d’identification d’une infection et doit être adapté à celle-ci.
2) Pendant le travail :
a) Antibiothérapie :
Elle se justifie en cas de chorioamniotite suspectée devant l’apparition d’une fièvre pendant le travail ou le précédant. Il existe le plus souvent des troubles de la contractilité utérine et parfois une tachycardie fœtale.
Le traitement préconisé est : ampicilline 2 g par voie intraveineuse puis 1 g toutes les 4 heures jusqu’à la naissance.
b) Antibioprophylaxie :
Elle se justifie dans les situations suivantes :
– en cas d’antécédents de pathologie périnatale à bactéries à haut risque infectieux, de bactériurie à SGB ou de portage vaginal de SGB (quelle que soit l’existence de facteurs de risque) ;
– et dès l’apparition de facteurs de risque (rupture des membranes ou monitorage interne prolongé, fièvre), si aucun prélèvement n’a encore été réalisé ou si on ne dispose pas encore des résultats des prélèvements vaginaux.
Le traitement des femmes porteuses de SGB permet de réduire par 30 la fréquence des contaminations néonatales.
Il est souhaitable que l’antibioprophylaxie soit brève (pendant le travail), intense (dose de charge et voie intraveineuse) et avec un spectre d’action étroit limité aux germes à haut risque infectieux, c’est-à-dire : pénicilline G (5 millions UI puis 2,5 millions UI toutes les 4 heures par voie intraveineuse jusqu’à l’expulsion) ou ampicilline (2 g puis 1 g toutes les 4 heures).
En cas d’allergie, on utilisera de préférence une céphalosporine aux macrolides dont l’action est moindre sur le SGB.
Si une bactérie à haut risque infectieux autre que le SGB et résistante aux ß-lactamines, a été mise en évidence dans la flore génitale, l’antibioprophylaxie sera orientée par l’antibiogramme et privilégiera l’utilisation d’une céphalosporine ou de l’association d’une ß-lactamine à un inhibiteur de ß-lactamases.
En cas de césarienne, l’antibioprophylaxie est généralement admise (amoxicilline 2 g, amoxicilline-acide clavulanique 2 g ou céfazoline 2 g) au clampage du cordon. La répétition des doses (maximum 2 fois à 8 heures d’intervalle) est plus discutée et peut se justifier en cas de facteur de risque associé.
6. Recommandations sur les infections bactériennes cervico-vaginales au cours de la grossesse :
1) En présence d’antécédents de pathologie néonatale : à bactéries à haut risque infectieux (SGB, E. coli, Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus, Hæmophilus influenzæ, Neisseria meningitidis) :
⇒ antibioprophylaxie per partum : ampicilline 2 g IV puis 1 g/4 h.
2) Examen sous spéculum au 1er trimestre :
En cas de découverte d’anomalie clinique ⇒ prélèvement vaginal (± de l’endocol) + traitement adapté aux germes.
3) Symptomatologie gynécologique ou urinaire au cours de la grossesse :
● en présence de leucorrhées nauséabondes, prurit vulvaire, IST, brûlures mictionnelles avec ECBU négatif :
⇒ prélèvement vaginal (± de l’endocol) + traitement adapté aux germes ;
● en cas de survenue au cours de la grossesse d’une bactériurie à SGB :
⇒ antibioprophylaxie per partum : ampicilline 2 g IV puis 1 g/4 h.
4) Pathologie obstétricale :
● en cas de MAP :
⇒ prélèvement vaginal et de l’endocol + traitement adapté aux germes.
● en cas de RPM (> 12 heures) :
⇒ prélèvement vaginal et de l’endocol + antibioprophylaxie par ampicilline.
● travail prolongé > 12 heures :
⇒ prélèvement vaginal + antibioprophylaxie : ampicilline 2 g IV puis 1 g/4 h.
5) Systématiquement : prélèvement vaginal sous spéculum à 35-37 SA :
En cas de mise en évidence d’un germe à haut risque infectieux (SGB, E. coli, H. influenzæ…) :
⇒ antibioprophylaxie per partum : ampicilline 2 g IV puis 1 g/4 h.
6) Circonstances obstétricales :
● en présence d’une fièvre pendant le travail :
⇒ prélèvement vaginal (+ hémocultures et NFS) + antibiothérapie : ampicilline 2 g IV puis 1 g/4 h.
● en cas de césarienne :
⇒ antibioprophylaxie : ampicilline 2 g IV ou ampicilline-Ac. clavulanique 2 g ou céfazoline 2 g au clampage du cordon.
Concernant l’antibioprophylaxie : une synthèse des recommandations faites par différents auteurs permet de définir :
● les attitudes déconseillées :
– traitement pergravidique de toutes les mères porteuses de bactéries à haut risque infectieux : traitement inutile car récidives fréquentes après l’arrêt du traitement,
● les attitudes conseillées :
– dépistage systématique chez les mères à risque (antécédent d’infection néonatale, RPM, MAP),
– traitement intraveineux par l’ampicilline au cours du travail,
– désinfection antiseptique : des lavages vaginaux par la chlorhexidine (Cytéal ® solution pour application locale) lors de l’accouchement.