1. Importance du classement du cancer du sein :
Afin d’établir le pronostic du cancer du sein et d’adapter la prise en charge thérapeutique du cancer du sein, il est absolument nécessaire de déterminer le stade de la maladie.
En France, on utilise la classification TNM (Tumeur, Ganglions, Métastases), système international de l’UICC, qui permet une description claire, reproductible et comparable des cancers lors du diagnostic initial.
Cette classification concerne uniquement les carcinomes.
En cas de tumeurs multiples dans un même sein, on retient la lésion avec la catégorie T la plus élevée. Pour des cancers bilatéraux simultanés, chaque sein est classé séparément.
La classification TNM s’associe à d’autres données (grade histologique, type, marqueurs moléculaires, imagerie) pour établir un plan de traitement personnalisé et affiner le pronostic.
2. Classification TNM clinique :
Élément | Détails |
---|---|
T Taille de la tumeur |
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N Adénopathies régionales (détectées à l'examen clinique ou radiologique) |
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M Métastases à distance |
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Pev Poussée évolutive |
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Remarques complémentaires :
T0 : pas de tumeur détectée (ou tumeur non palpable), mais elle n’est pas forcément asymptomatique : elle peut en effet se révéler par un écoulement du mamelon par exemple.
Nb : Le cancer du sein in situ correspond au stade 0 : tumeur localisée, non infiltrante, limitée au revêtement du canal mammaire.
Nb : Si de nombreux cancers in situ restent infracliniques, de nombreux cancers de ce type se manifestent par un nodule ou un écoulement mamelonnaire.
3. Classification pTNM :
A la différence de la classification TNM qui est faite à partir des données de l’examen clinique, la classification pTNM est faite en post-opératoire, à partir des résultats des analyses histologiques de la pièce opératoire mammaire et du(es) ganglion(s) sentinelle(s) et/ou du curage axillaire.
1) Taille histologique de la tumeur (pT) :
Seule la fraction infiltrante de la tumeur est prise en compte.
– pT1 : Tumeur ≤ 2 cm dans sa plus grande dimension :
mic : microinvasion ≤ 0,1 cm,
a : Tumeur > 0,1 cm et ≤ 0,5 cm,
b : Tumeur > 0,5 cm et ≤ 1 cm,
c : Tumeur > 1 cm et ≤ 2 cm.
– pT2 : Tumeur > 2 cm et ≤ 5 cm dans sa plus grande dimension.
– pT3 : Tumeur > 5 cm dans sa plus grande dimension.
– pT4 : Tumeur de toute taille avec extension directe à la paroi thoracique (a) ou à la peau (b).
2) Statut histologique ganglionnaire (pN) :
– pNx : Appréciation impossible de l’atteinte ganglionnaire (pas de contrôle ou exérèse antérieure).
– pN0 : Absence de signe d’envahissement ganglionnaire histologique (ultrastadification non réalisée).
Nb : En cas d’ultrastadification ganglionnaire (Cf. Cadre en bas) :
pN0(i-) : Absence de signe d’envahissement ganglionnaire histologique y compris après ultrastadification (étude négative en immunohistochimie),
pN0(i+) : Présence de cellules tumorales isolées (≤ 0,2 mm),
pN1 Mi : Présence de micrométastases (> 0,2 mm mais < 2 mm).
– pN1 : Métastase ganglionnaire axillaire dans 1 à 3 ganglions axillaires.
– pN2 : Métastase ganglionnaire axillaire dans 4 à 9 ganglions.
– pN3 : Métastase ganglionnaire axillaire touchant au moins 10 ganglions, ou envahissement sous-claviculaire (niveau III de Berg).
4. Stades du cancer :
Les stades du cancer du sein suivent la classification TNM (Tumeur, Ganglions, Métastases) et sont regroupés en 5 stades principaux :
1) Stade 0 (carcinome in situ) :
Tumeur non infiltrante limitée aux canaux/lobules (Tis N0 M0).
2) Stade I (cancer du sein invasif) :
Tumeur ≤ 2 cm sans atteinte ganglionnaire (T1 N0 M0).
3) Stade II (cancer du sein invasif de stade avancé) :
On distingue le stade IIA et le stade IIB :
– stade IIA : tumeur ≤ 5 cm avec 1 à 3 ganglions atteints, sans métastases (T0/1/2, N1 M0),
– stade IIB : tumeur > 2 cm, sans atteinte ganglionnaire, sans métastases (T2/3, N0 M0).
4) Stade III (cancer du sein localement avancé, sans métastase) :
Ce stade III est souvent divisé en :
– Stade IIIA :
. tumeur de toutes tailles avec propagation à 4-9 ganglions axillaires,
. ou tumeur de plus de 5 cm avec propagation à 1-3 ganglions axillaires.
– Stade IIIB :
. tumeur, quelque soit sa taille, avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau (quel que soit le nombre de ganglions affectés),
. le cancer peut également s’être propagé à 1 à 9 ganglions axillaires ou aux ganglions mammaires internes,
. cancer inflammatoire du sein.
– Stade IIIC :
. tumeur de n’importe quelle taille, qui s’est propagée à au-moins 10 ganglions axillaires,
. ou a affecté les ganglions sus-claviculaires ou sous-claviculaires homolatéraux ou mammaires internes (même sans propagation aux ganglions axillaires).
5) Stade IV (cancer métastatique) :
Dissémination à distance : os, foie, poumons… (tout T tout N M1).
Les différentes caractéristiques des stades sont résumées dans le tableau récapitulatif ci-dessous.
STADIFICATION T.N.M.-AJCC 8ÈME ÉDITION
5. Grade :
1) Principe :
Le médecin anatomopathologiste examine au microscope (examen histologique) les tissus prélevés lors d’une biopsie ou au décours de l’intervention chirurgicale.
Selon l’aspect des cellules, il attribue un grade.
2) Grade histo-pronostique :
Le plus employé est celui de Scarff, Bloom et Richardson* (SBR), modifié par Ellis et Elston ; il est déterminé par l’évaluation d’un score allant de 1 à 3 pour 3 critères tumoraux : différenciation, anisonucléose (variation de taille des noyaux) et mitoses.
Le grade « SBR » est obtenu par l’addition de trois critères résumés dans le tableau ci-dessous.
Critère | Score 1 (léger) | Score 2 (intermédiaire) | Score 3 (élevé) |
Différenciation architecturale (formation tubulo-glandulaire) | > 75 % de la tumeur bien différenciée | 10 % à 75 % modérément différenciée | < 10 % peu différenciée |
Anisonucléose (variation de taille des noyaux) | Noyaux petits et réguliers | Noyaux modérément irréguliers | Noyaux volumineux et très irréguliers |
Index mitotique (nombre de mitoses / 10 champs à 400 x) | 0 à 6 mitoses | 7 à 12 mitoses | > 12 mitoses |
Score total (somme des 3 critères) | Grade SBR | Description | Pronostic |
3 à 5 | Grade 1 | Bien différencié | Favorable |
6 à 7 | Grade 2 | Modérément différencié | Intermédiaire |
8 à 9 | Grade 3 | Peu différencié / indifférencié | Réservé / défavorable |
Le grade aide à préciser la stratégie thérapeutique et à évaluer le pronostic de la maladie.
Les cancers dont l’aspect du tissu est très proche du tissu normal sont dits de faible grade ; ils ont tendance à évoluer et à s’étendre plus lentement que les cancers avec un grade plus élevé.
– Pronostic favorable : Grade I (score SBR 3 à 5 – bien différencié),
– pronostic intermédiaire : Grade II (score SBR 6 à 7 – modérément différencié),
– pronostic réservé : Grade III (score SBR 8 à 9 – peu différencié).
* H. J. Bloom, médecin radiothérapeute, W. W. Richardson, anatomopathologiste britanniques (1957), R. W. Scarff pathologiste britannique (1968), C. W. Elston, I. O. Ellis, anatompathologistes britanniques (1991)
6. Recherche du facteur de croissance HER2 :
Le facteur de croissance HER2 est une protéine ou un récepteur.
Son nom complet est : « récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain ».
Cette protéine est située à la surface des cellules, y compris les cellules mammaires ; sa propriété est de favoriser la croissance des cellules.
Dans le contexte des cancers du sein, certaines tumeurs sont dites HER2 positives ou surexpriment HER2, ce qui signifie que leurs cellules cancéreuses présentent une quantité très importante de cette protéine à leur surface.
Environ 15 à 20 % des tumeurs du sein sont HER2 positives.
Ces tumeurs sont très prolifératives donc spontanément de moins bon pronostic.
Le statut HER2 d’une tumeur peut être déterminé par un examen anatomopathologique ; il permet notamment de prédire l’efficacité de certains traitements, comme le Trastuzumab (Herceptin ®).
Le Trastuzumab est un anticorps monoclonal conçu pour bloquer le récepteur HER2, ce qui a pour effet de bloquer les processus de division et de développement de ces cellules cancéreuses.
Comme l’hormonothérapie, ce sont des « thérapies ciblées », car ils ont une cible biologique, en l’occurrence la protéine HER2.
7. Récepteurs hormonaux (RH) :
Les cellules normales du sein ont deux récepteurs qui reconnaissent les deux hormones sexuelles que sont les œstrogènes et la progestérone.
Ces deux types d’hormones jouent un rôle important dans le développement et la croissance du sein normal à la puberté.
Elles commandent aussi les modifications de taille des seins notées au cours du cycle menstruel et durant la grossesse.
1) En cas de cancer :
Lorsqu’une cellule devient cancéreuse, elle peut garder des récepteurs fonctionnels aux œstrogènes et à la progestérone.
Dans ce cas, les hormones naturelles de la patiente peuvent, en théorie, continuer à stimuler la croissance des cellules cancéreuses.
2) Recherche et dosage des récepteurs hormonaux :
La recherche de récepteurs hormonaux constitue une étape importante dans l’évaluation du cancer du sein.
Elle permet de prédire la réponse au traitement hormonal.
Cette recherche est effectuée sur le prélèvement effectué lors de la biopsie ou du traitement chirurgical initial.
Les dosages isotopiques utilisent directement une hormone marquée, c’est donc un résultat « fonctionnel ».
Les études immuno-histologiques utilisent des anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine des récepteurs. Les résultats obtenus sont parfois différents. Ils permettent d’étudier la variabilité des récepteurs et d’expliquer certains échappements thérapeutiques.
3) Valeur pronostique :
a) Tumeurs RE +/RP + :
Les cancers du sein dont les cellules tumorales contiennent des récepteurs d’œstrogènes (RE) et de progestérone (RP) sont souvent désignés comme des tumeurs ER + (positives) et PR + (positives). Ce sont les plus fréquents.
La co-expression des deux récepteurs hormonaux (RE et RP) est un facteur de bon pronostic et ce, d’autant plus que le niveau d’expression est élevé.
Ces cancers, en général, répondent à un traitement hormonal, utilisé pour bloquer les effets des œstrogènes et/ou de la progestérone.
b) Tumeurs RE +/RP – :
Elles sont de moins bon pronostic, car elles sont plus proliférantes, plus souvent aneuploïdes, expriment trois fois plus l’EGFR et surexpriment plus HER 2 que les tumeurs RE +/RP + .
c) Tumeurs RE -/RP + :
Elles se présentent sous la forme de tumeurs de haut grade histologique, associées à de nombreuses altérations moléculaires qui en font un sous-type beaucoup plus agressif.
8. Autres paramètres :
1) Cytométrie de flux :
La cytométrie de flux est une technique de laboratoire qui permet d’analyser rapidement, de façon quantitative et qualitative, des cellules ou particules en suspension dans un liquide.
Les cellules, colorées ou non par des marqueurs fluorescents, sont mises en suspension et passent une à une devant un faisceau laser.
La lumière diffusée et la fluorescence émise sont analysées par un ordinateur.
Cette méthode permet de compter et trier les cellules selon leur taille, complexité, et expression de marqueurs de surface ou intracellulaires (par exemple, des protéines ou des antigènes spécifiques).
Avec cette méthode, on mesure la ploïdie ; la ploïdie est la quantité d’ADN dans le noyau d’une cellule cancéreuse.
Quand une cellule a une quantité normale d’ADN : elle est appelée « diploïde ».
Quand la quantité d’ADN n’est pas normale : la cellule est dite « aneuploïde ».
On sait que les cancers du sein avec des cellules aneuploïdes sont souvent plus agressifs.
2) Index Ki-67 :
L’index Ki-67 est un marqueur de la prolifération cellulaire, utilisé surtout en cancérologie.
Il mesure le pourcentage de cellules dans un échantillon de tissu qui expriment la protéine Ki-67, laquelle est présente uniquement dans les cellules en train de se diviser, mais absente dans les cellules au repos.
Un indice Ki-67 élevé indique que beaucoup de cellules sont en division, ce qui traduit une croissance tumorale rapide et souvent une agressivité accrue du cancer (et donc d’une sensibilité importante à la chimiothérapie).
Cet index est déterminé par immunohistochimie sur une biopsie ou une pièce opératoire et aide à orienter le pronostic et les choix thérapeutiques, notamment dans le cancer du sein.
3) Tests génomiques :
Les tests génomiques analysent l’expression de certains gènes dans la tumeur (prélevée lors de la chirurgie) pour évaluer le risque de récidive et guider la décision thérapeutique, notamment l’utilité d’une chimiothérapie.
Ces tests sont surtout indiqués pour les cancers du sein localisés, hormonodépendants (RH+), HER2 négatifs, sans ou avec un faible envahissement ganglionnaire.
Leur indication est discutée en réunion pluridisciplinaire (RCP) pour personnaliser le traitement.
Parmi les tests les plus connus, Oncotype DX ® évalue l’expression de 21 gènes et fournit un score qui prédit la probabilité de récidive et le bénéfice potentiel d’une chimiothérapie. Ce test aide à éviter des chimiothérapies inutiles chez environ 80 % des patientes concernées.
D’autres tests comme Mammaprint, Prosigna (PAM50) ou EndoPredict existent aussi et sont utilisés selon les recommandations nationales et le profil de la patiente.
A SAVOIR :
INTERETS DU GANGLION SENTINELLE : concept d’ultrastadification
Le concept du ganglion sentinelle permet de ne retirer que quelques ganglions (en moyenne 2 par patiente) et d’éviter un curage axillaire et la morbidité qui en découle.
La technique du ganglion sentinelle a deux intérêts majeurs :
– diminution de la morbidité liée au curage axillaire,
– réalisation d’une ultrastadification ganglionnaire +++ : c’est une analyse histologique plus fine des ganglions qui est possible car il y a moins de ganglion à analyser.
L’examen anatomopathologique va consister d’une part à la réalisation de coupes sériées (on va « saucissonner » le ganglion en de multiples coupes) puis d’autre part à une analyse immuno-histochimique.
Ces techniques permettent de mettre en évidence un envahissement ganglionnaire axillaire de petite taille dont il a été démontré la valeur pronostique péjorative (par rapport à une absence totale d’envahissement ganglionnaire) qui peuvent ne pas être détectées par une analyse anatomopathologique standard. Cela se traduit par une modification de la classification pTNM (Cf.) qui différencie les cas où une ultrastadification a été faite (pN0(i-), pN0(i+), pN1(Mi) ou non (pN0).
Ainsi, on définit 3 types d’envahissement ganglionnaire :
– les cellules tumorales isolées : présence de cellules tumorales ≤ 0,2 mm,
– les micrométastases : métastase ganglionnaire > 0,2 mm mais < 2 mm,
– les macrométastases : métastase ganglionnaire ≥ 2 mm.