La menace d’accouchement prématuré (MAP) est définie par l’apparition de contractions utérines fréquentes (> 3 CU / 30 mn), régulières et douloureuses et de modifications significatives du col utérin entre 28 et 37 SA (36 et 6 jours).
Avant 28 SA, on parle de fausse couche tardive.
1. Facteurs de risque (terrain) :
Ces facteurs de risque doivent impérativement être recherchés lors de la première consultation prénatale afin d’adapter la surveillance à la sévérité du risque de prématurité.
1) Terrain maternel :
– âge < 18 ans ou > 35 ans,
– origine ethnique : surtout les femmes d’origine afro-caribéenne,
– béance cervicale connue +++,
– malformation utérine +++,
– tabagisme, alcoolisme.
2) Facteurs socio-économiques :
– bas niveau socio-économique,
– violence conjugale,
– travail pénible, longs trajets au quotidien,
– mère isolée,
– grossesse non ou mal suivie.
3) Antécédents gynéco-obstétricaux :
– antécédent de conisation,
– antécédents de MAP, de fausse couche, d’IVG, de curetage,
– grossesses rapprochées,
– accouchement prématuré +++,
– avortement tardif (i.e. du 2ème trimestre) +++.
4) Facteurs propres à la grossesse en cours :
– grossesse gémellaire (ou multiple) +++,
– hydramnios +++,
– placenta prævia,
– infection urinaire, vaginale ou générale,
– anémie, HTA, diabète.
2. Symptomatologie :
1) Interrogatoire :
Il doit :
– confirmer que les symptômes rapportés sont des contractions utérines : durcissement généralisé et intermittent de l’utérus d’une durée de 30 à 60 secondes,
– préciser leurs caractères : ancienneté, fréquence, régularité, mode évolutif,
– rechercher une notion de rupture des membranes, qui changerait les données du problème.
● Sont en faveur d’une MAP, des contractions :
– fréquentes et régulières (toutes les 5 à 10 minutes),
– totales (tout l’utérus),
– d’apparition ou d’aggravation récente (quelques heures ou quelques jours),
– rapidement évolutives, devenant douloureuses.
● L’interrogatoire permet d’éliminer :
– les douleurs ligamentaires (syndrome de Lacomme) : sensations de tiraillement et de traction vers le bas centrées sur le pubis et les arcades crurales ; elles sont désagréables et tenaces mais sans gravité.
– les CU physiologiques du 3ème trimestre : 3 à 5 par jour, surtout le soir, favorisées par les efforts et la fatigue ; elles inquiètent souvent les primipares, à tort.
– les CU anormales (> 10/jour) mais sans signe de gravité immédiate : CU irrégulières, présentes depuis plusieurs jours ou semaines sans tendance à l’aggravation.
● L’interrogatoire permet enfin de rechercher un facteur déclenchant : surmenage récent et, surtout, une infection intercurrente :
– fièvre,
– infection urinaire : douleurs lombaires, signes fonctionnels urinaires, bandelette urinaire (nitrites),
– infection vaginale : leucorrhées teintées ou malodorantes,
– infection respiratoire, ORL…
2) Examen clinique : recherche des modifications cervicales :
Le toucher vaginal est précédé d’un examen au spéculum pour éliminer une rupture prématurée des membranes.
Il évalue la longueur et la dilatation du col ; pendant la grossesse, le col est long d’au moins 2 cm, tonique, postérieur, et son orifice interne est fermé.
En cas de MAP :
– le col se modifie, devient court, centré, mou et parfois perméable au doigt (apprécier la perméabilité à l’orifice externe et/ou interne du col),
– l’utérus devient tonique, voire contractile,
– ampliation du SI, avec une présentation qui appuie sur le col.
Nb : Le toucher vaginal est, en cas de modifications cervicales modérées, peu prédictif du risque d’accouchement prématuré.
A l’inverse, dans les situations extrêmes (col parfaitement normal ou au contraire col totalement effacé et dilaté), l’examen clinique du col est suffisant pour porter un pronostic fiable.
NB : L’examen clinique permettra aussi de vérifier le bien être fœtal (mouvements fœtaux, activité cardiaque).
3. Examens complémentaires :
– Pour aider au diagnostic : quantifier précisément les CU et vérifier le bien être fœtal : enregistrement cardiotocographique (RCF).
La mesure des contractions utérines par un capteur de pression externe permet l’évaluation de la durée et de la fréquence des contractions mais également l’efficacité du traitement tocolytique. Elle ne permet pas d’apprécier l’intensité des contractions ni de formuler un pronostic fiable sur le risque réel d’accouchement prématuré.
– Pour évaluer le pronostic : mesure de la longueur du col par échographie vaginale (MAP si le col ≤ 25 mm).
En l’absence de signe d’appel clinique (anomalie de la hauteur utérine notamment, métrorragies), l’échographie obstétricale est moins urgente. Elle est néanmoins logique pour évaluer plus précisément le statut fœtal (croissance, morphologie, motricité, Doppler), rechercher un placenta prævia, une grossesse gémellaire….
– Pour rechercher un facteur déclenchant (infection) :
. NFS-plaquettes,
. CRP,
. bandelette urinaire,
. prélèvements bactériologiques : ECBU ++, prélèvement vaginal et endocol, hémocultures si fièvre.
– Bilan préthérapeutique en cas d’utilisation du salbutamol :
. ionogramme sanguin (kaliémie), glycémie,
. ECG, échocardio.
– Prom-test ® et amniocator ® en cas de doute sur une RPM (absence de liquide à l’échographie, ou patiente se plaignant de fuite).
4. Etiologies :
1) Dans 40 % des cas, aucune cause n’est retrouvée.
Cependant, il existe des facteurs favorisant la prématurité liée surtout aux conditions socio-économiques : milieu défavorisé, conditions de travail défavorables, surmenage familial.
2) Causes ovulaires :
a) Fœtales :
– grossesse gémellaire (ou multiple),
– macrosomie fœtale.
b) Annexielles :
– hydramnios,
– placenta prævia : la MAP se révèle surtout par des métrorragies,
– hématome rétroplacentaire : responsable de contractions utérines intenses ou de contracture utérine, il peut parfois prendre l’aspect clinique d’une MAP associée à des métrorragies,
– chorioamniotite aiguë : c’est une infection ovulaire, responsable de complications néonatales accrues (infection néonatale, lésions cérébrales, etc.) et d’un surcroît de séquelles neuromotrices à plus long terme. Elle est définie sur des critères essentiellement cliniques, par l’association d’au moins 2 parmi les 5 signes suivants :
. fièvre maternelle ≥ 37°8 C,
. contractions utérines,
. tachycardie maternelle,
. tachycardie fœtale,
. hyperleucocytose ≥ 15.000/mm3.
Elle survient essentiellement en cas de RPM, mais peut s’observer de manière beaucoup plus exceptionnelle à membranes intactes.
C’est une contre-indication à la tocolyse car il est préférable que le bébé soit prématuré plutôt qu’infecté),
– rupture prématurée des membranes (RPM).
3) Causes maternelles :
a) Cervico-utérines :
– Béance cervico-isthmique (BCI) : l’accouchement prématuré survient typiquement de manière rapide, avec peu de contractions utérines. La confirmation de la béance cervicale ne repose plus sur des tests tels que l’hystérographie ou le test à la bougie, maintenant reconnus comme très peu spécifiques. Le diagnostic repose essentiellement sur les antécédents, surtout s’ils sont répétés, de fausse couche tardive et/ou d’accouchement très prématuré.
– Malformations utérines congénitales : utérus cloisonnés, unicornes ou pseudo-unicornes, bicornes, l’hypoplasie utérine, fréquemment associée à la malformation.
– Volumineux fibrome déformant la cavité utérine ou synéchie corporéale étendue.
b) Causes infectieuses :
Toute infection maternelle peut être responsable de contractions utérines et d’accouchement prématuré.
– infection urinaire ++ (5 à 10 % des grossesses) qui est favorisée par la compression des voies urinaires (droites) par l’utérus gravide et la diminution du péristaltisme urétéral ⇒ cystite aiguë banale, pyélonéphrite aiguë, bactériurie asymptomatique (intérêt d’un ECBU au 6ème mois).
– infections cervico-vaginales : prélèvements vaginaux systématiques :
Les infections génitales, vaginales ou cervicales, sont les plus fréquemment en cause. L’ascension de germes, le plus souvent totalement asymptomatique, dans l’espace choriodécidual est responsable d’une réaction inflammatoire avec afflux de polynucléaires et synthèse locale de cytokines pro-inflammatoires. Ces cytokines, outre leur action chimiotactique sur les leucocytes, ont également la capacité d’activer les enzymes responsables de la synthèse des prostaglandines, principales responsables de la maturation du col et des contractions utérines. Ces cytokines pro-inflammatoires peuvent être retrouvées dans les sécrétions cervicovaginales et dans le liquide amniotique.
. vaginose bactérienne : c’est un déséquilibre de la flore bactérienne vaginale normale qui se traduit par une diminution des lactobacilles (flore de Döderlein) et par une élévation du pH vaginal du fait de la diminution de production d’acide lactique.
Ce déséquilibre favorise la prolifération de nombreux germes, principalement anaérobies (Gardnerella vaginalis, Bacteroides fragilis, Ureaplasma urealyticum, Peptostreptococcus, Mobilincus, Prevotella, etc.). Cette entité est clairement associée au risque de prématurité. Elle reste pourtant mal connue des cliniciens mais aussi des bactériologistes et il est important de préciser “recherche de vaginose bactérienne” dans la demande d’examens bactériologiques pour obtenir un résultat fiable et permettre un traitement spécifique.
. autres infections vaginales : les plus fréquentes sont celles à streptocoque du groupe B et à Escherichia coli. Elles sont moins clairement associées au risque d’accouchement prématuré. Leur recherche est néanmoins systématique, de même que leur traitement, en cas de MAP.
– D’autres infections extragénito-urinaires peuvent être en cause et doivent être évoquées en fonction des signes d’appel cliniques (appendicite, pneumopathie…).
– De même la listériose, bien que peu fréquente, doit toujours être évoquée en cas de fièvre maternelle et de syndrome pseudogrippal (hémocultures avec recherche de Listeria, sérodiagnostic, culture du placenta).
c) Causes générales :
– diabète (potentiellement responsable d’hydramnios et d’infections),
– syndromes vasculo-rénaux,
– cardiopathies,
– anémie maternelle,
– pathologie thyroïdienne,
– et toutes les maladies chroniques par leur retentissement sur les mécanismes d’adaptation de l’organisme maternel à la grossesse et surtout le système cardio-vasculaire.
5. Critères de gravité :
1) Liés au terrain :
– âge gestationnel (< 32 SA),
– contexte familial difficile,
– grossesse multiple,
– multiparité avec antécédent d’accouchement prématuré,
– absence de corticothérapie maturative.
2) Cliniques :
– modification cervicale : col effacé, centré, voire début de dilatation,
– contractions utérines douloureuses rapprochées,
– métrorragies associées,
– rupture prématurée des membranes.
3) Echographiques :
– longueur du col ≤ 25 mm,
– ouverture de l’orifice interne > 5 mm,
– protrusion de la poche des eaux > 5 mm.
Echographie du col :
Réalisée par voie endovaginale (et non endocervicale !) et vessie vide, elle permet une mesure objective des caractéristiques de la longueur du col, notamment de sa portion sus-vaginale.
Elle permet également d’apprécier l’ouverture éventuelle de l’orifice interne et l’existence d’une protrusion des membranes. La mise en évidence de cette “béance” de l’orifice interne peut nécessiter d’attendre la survenue d’une contraction utérine, ou encore de provoquer une pression sur le fond utérin pendant l’échographie.
Cette technique est plus reproductible que le toucher vaginal, avec une variabilité interobservateur de la mesure de la longueur cervicale inférieure à 10 %.
L’échographie du col se caractérise par sa très bonne valeur prédictive négative : lorsque la longueur cervicale est supérieure à 25 mm, le risque d’accouchement prématuré est inférieur à 5 % dans les 7 jours. L’utilisation de l’échographie du col permet donc d’éviter des hospitalisations inutiles et l’utilisation de traitements tocolytiques ou leur prolongation lorsque la longueur cervicale est suffisante.
A l’inverse, chez des patientes pour lesquelles le toucher vaginal ne permet pas de conclure avec certitude sur la gravité de la MAP, la mise en évidence d’un col très court permet d’entreprendre une attitude active comportant tocolyse, maturation pulmonaire fœtale et transfert in utero.
6. Traitement : Cf chapitre spécial
Points essentiels
– La prématurité fait partie des principales causes de morbidité et de mortalité périnatale.
– La fréquence de la prématurité est de 3 à 5 % des naissances dont une fréquence de 0,9 % avant 32 SA.
– Les principales conséquences sont pulmonaires (MMH, dysplasie broncho-pulmonaire), cérébrales (hémorragie, LMPV), hépatiques (ictère) et digestives (entérocolite ulcéro-nécrosante).
– La spécificité de l’échographie vaginale est supérieure à celle du toucher vaginal pour le diagnostic de MAP.
– Le bilan étiologique comporte la recherche de causes maternelles générales (infections, anémie) ou locales (béance cervico-isthmique, malformations utérines), de causes ovulaires (grossesse multiple, hydramnios, RCIU, placenta prævia) et de facteurs favorisants. Cependant près de 40 % des accouchements prématurés sont d’origine idiopathique.
– En cas de MAP, le traitement comporte une tocolyse, une corticothérapie, un repos et un transfert en maternité niveau 2 ou 3 en fonction du terme.
– Le traitement préventif nécessite l’identification de facteurs de risque et certains traitements préventifs sont parfois envisageables (cerclage, supplémentation, arrêt de travail…).
Points clés
Le diagnostic de MAP est porté devant l’association de contractions utérines et de modifications cervicales, survenant entre 28 et 37 SA.
Il n’y a pas de consensus établi sur la fréquence des contractions ou le degré de modifications cervicales nécessaires pour porter ce diagnostic.
Basé sur la clinique seule, le diagnostic de MAP reste donc très subjectif.
L’utilisation de scores de risque d’accouchement prématuré, proposés par de nombreux auteurs, n’a pas fait la preuve d’une meilleure valeur prédictive.
Ces examens complémentaires permettent de préciser la sévérité de la menace : tocographie externe et échographie du col.