1. Définition :
Le dépistage consiste à identifier, à l’aide d’un ou plusieurs tests, d’application aisée, acceptables et peu coûteux, les sujets atteints d’un cancer, passé jusque-là inaperçu.
Il doit permettre de partager la population en 2 groupes : les femmes ayant un test positif qui sont probablement atteintes de la maladie et les femmes ayant un test négatif qui en sont probablement exemptes.
Le test n’a pas pour but de poser un diagnostic ; les femmes ayant un test positif seront soumises à une procédure diagnostique plus complète, plus précise et donc plus coûteuse.
2. Principes :
Pour qu’une maladie se prête au dépistage, elle doit répondre à des critères très précis.
La maladie doit être fréquente et responsable d’une substantielle mortalité pour constituer un problème de santé publique. C’est le cas du cancer du sein qui représente le premier cancer de la femme.
Chez la femme entre 50 et 65 ans, un cancer sur trois est un cancer du sein et malgré les progrès thérapeutiques, la survie à 5 ans varie selon les pays de 60 à 80 % tous âges confondus, et chute à 50 % à 10 ans.
L’histoire de la maladie doit être bien connue, notamment l’évolution de la phase de latence à la phase symptomatique.
Le cancer du sein évolue lentement et sa phase préclinique est longue en raison de son temps de doublement moyen d’environ 100 jours, ce qui entraîne une durée de 7 à 8 ans entre la première cellule maligne et un cancer de 5 mm et 2 ans de plus pour être palpable.
La mammographie qui permet de découvrir des lésions à partir d’une taille de 5 mm permet une avance au diagnostic d’environ 2 ans par rapport à l’examen clinique.
Ce gain de temps permet de diminuer le nombre de patientes susceptibles d’avoir des métastases occultes au moment du diagnostic d’environ 30 %.
Il faut disposer d’un test d’efficacité prouvée ; la mammographie présente, à l’heure actuelle, les meilleures qualités requises en terme de sensibilité et spécificité. Ce test est en outre sans danger s’il est réalisé dans des conditions de contrôle rigoureux de dose d’irradiation.
Un dépistage n’est efficace que s’il est répété à intervalles réguliers.
Le rythme en est défini en fonction de l’histoire naturelle de la maladie et du test utilisé.
Enfin, pour diminuer la mortalité de façon significative, 60 % de la population convoquée doit se soumettre réellement au test.
3. Méthodes de dépistage :
Ils se résument à deux méthodes cliniques : l’examen médical et l’auto-examen des seins, et à un seul moyen paraclinique : la mammographie.
– L’examen clinique est insuffisant : il n’est guère possible de détecter des tumeurs de moins de 1 cm, même si c’est occasionnellement possible, pour des tumeurs très superficielles chez des femmes maigres.
Il est d’une innocuité absolue et d’un rapport coût-efficacité intéressant, surtout lorsqu’il s’intègre dans le cadre d’une visite médicale annuelle (médecine du travail, contrôle gynécologique…).
– L’auto-examen est lui aussi incapable de détecter les petites tumeurs. Il est utile comme complément à la mammographie dans l’intervalle des examens.
– La mammographie est l’examen de choix.
Elle permet de détecter des tumeurs de moins de 1 cm.
Utilisée seule, son efficacité a été démontrée : une réduction de la mortalité par cancer du sein de 30 à 40 % a été obtenue grâce à la seule mammographie.
Sur le plan technique, en dépistage, l’incidence unique oblique externe suffit : elle permet de visualiser sur un seul cliché la totalité de la glande y compris le prolongement axillaire. Une réduction de dose de moitié est ainsi obtenue.
En se privant d’une seconde incidence on ne perd que 3 à 4 % de sensibilité.
Cependant certains pensent qu’au tout premier examen les deux incidences seraient utiles (oblique externe et face).
Pour beaucoup d’auteurs cependant, les deux incidences sont nécessaires.
La double lecture des clichés est recommandée.
– L’échographie ne permet pas le dépistage.
C’est un examen long qui ne dépiste pas les très petites tumeurs, surtout chez les femmes âgées aux seins adipeux (où le cancer est très fréquent !) et les petits foyers de microcalcifications isolés.
4. Sélection et périodicité des examens :
– Les résultats des expériences “randomisées” menées en Suède montrent que :
. seul le dépistage chez les femmes de 50 ans et plus réduit la mortalité,
. une périodicité optimale se situe chez elles à 2 ans. En effet, dans cette expérience le taux des cancers découvert dans le cours de la troisième année est trop important.
Dans l’intervalle des examens de dépistage radiologique, il faut encourager la pratique de l’auto-examen et l’examen clinique annuel par le médecin.
– Chez les femmes de 40 à 50 ans :
. le risque de cancer est déjà important,
. la valeur “dépistage” de la mammographie isolée est moins bonne du fait de la densité radiologique des seins à cet âge-là,
. le risque d’interventions inutiles est plus important et les faux négatifs sont plus nombreux.
⇒ coût beaucoup plus important pour un résultat moins bon.
Néanmoins des méthodes doivent être étudiées pour leur faire bénéficier dès que possible d’un dépistage efficace. Dès maintenant la pratique de l’examen clinique annuel et de l’auto-examen est susceptible de faire disparaître les cancers de plus de 3 cm et donc d’étendre la possibilité de traitement conservateur.
L’intervalle entre les mammographies se situe entre 2 et 3 ans. Un intervalle de 2 ans semble le plus efficace chez les femmes de plus de 50 ans. Avant cet âge, l’efficacité pourrait être améliorée en rapprochant les tests.
La tranche d’âge pour laquelle l’efficacité est la meilleure est 50 à 70 ans avec un taux de participation suffisant.
La plupart des experts sont d’accord pour ne pas recommander de dépistage de masse pour les femmes de moins de 50 ans.
5. Pratique de la mammographie de dépistage :
1) Matériel :
– Le mammographe doit être performant,
– machine à développer soigneusement entretenue et surveillée,
– loupes, négatoscopes dont la taille est adaptée à la grandeur des films pour éviter l’éblouissement ou utiliser un “viewer”, ainsi que des caches.
2) Technique de lecture :
– Placer les deux films droit et gauche côte à côte (en miroir),
– vérifier la qualité des films : la totalité de la glande est-elle présente sur les films, voit-on les 2/3 supérieurs du muscle pectoral, le contraste est-il bon ?
– examiner l’aspect d’ensemble,
– examiner soigneusement les contours antérieurs et postérieurs de la glande,
– terminer par l’examen attentif de la région rétro-aréolaire.
3) Classement des anomalies :
– Sont à reconvoquer les patientes qui présentent les images suivantes :
. toutes les opacités stellaires même si elles évoquent une cicatrice radiée (“radial scar”),
. toutes les opacités nodulaires,
. les “ruptures d’architectures”,
. les microcalcifications en foyer d’aspect canalaire (formes granulaires ou vermiculaires).
– Ne sont pas à reconvoquer les patientes chez lesquelles on découvre :
. des macrocalcifications,
. des microcalcifications lobulaires diffuses et bilatérales.
ATTENTION : l’interprétation des clichés de dépistage est souvent difficile, plus que pour les mammographies diagnostiques orientées sur la clinique. Un apprentissage est nécessaire.
6. Que faire devant un examen “anormal” ?
– D’abord un examen clinique soigneux,
– une mammographie de face et de profil,
– en fonction de la situation :
. une échographie ou une ponction dans les opacités nodulaires palpables,
. des clichés centrés agrandis dans les “ruptures d’architecture”, les très petites images stellaires et les foyers de microcalcifications imprécis,
. des ponctions échoguidées ou sous guidage stéréotaxique.
7. Quelles images faut-il faire opérer ?
– Toutes les images stellaires.
– Les opacités nodulaires qui ne sont pas des kystes (on est par définition chez les femmes de + de 40 ans).
– Les “ruptures d’architectures” qui persistent après des clichés centrés et qui sont visibles sur les deux incidences de face et de profil ou celles qui s’accompagnent de signes cliniques (tumeur ou placard localisé).
– Les microcalcifications certainement malignes.
Par contre, les microcalcifications lobulaires ou douteuses, isolées et sans signe clinique ne doivent pas être opérées, mais suivies. Il faut en effet rappeler que les carcinomes intra-galactophoriques qui se manifestent par des microcalcifications ont une marche lente. Dans l’intervalle entre deux examens ils n’ont que peu de risque d’évoluer de façon péjorative.
8. Critères de qualité d’un dépistage :
– Taux d’examen douteux de 5 à 10 %.
– Taux de malades opérées de 1 à 2 % des femmes examinées.
– Taux de cancer parmi les femmes opérées au moins égal à 40 %.
– Taux de cancers dans l’intervalle de deux ans inférieur à 20 % du nombre des cancers dépistés lors de l’examen initial.
De tels résultats ne peuvent être obtenus que grâce à une bonne organisation du dépistage et une prise de conscience de ses difficultés et de ses contraintes.
Toute mise en place d’un dépistage des cancers du sein impose donc une organisation chargée de mesurer les critères de qualité précités.
Le rôle des médecins généralistes ou spécialistes est considérable pour :
– motiver les femmes et les convaincre d’accepter le dépistage,
– examiner cliniquement tous les ans toutes les femmes de plus de 30 ans,
– conseiller et orienter les femmes qui ont des anomalies au dépistage.
9. Conclusion :
L’analyse des facteurs de risque du cancer du sein nous montre qu’une prévention primaire n’est pas possible. C’est ce qui explique que l’on se soit tourné vers une prévention secondaire : le dépistage, surtout lorsque l’on constate que ce cancer répond aux critères requis d’efficacité.
Le dépistage du cancer du sein est crucial pour détecter la maladie à un stade précoce, ce qui peut améliorer les chances de traitement et de survie.
Les recommandations pour la sélection et la périodicité des examens de dépistage peuvent varier en fonction des organismes de santé et des pays. Cependant, voici des lignes directrices générales basées sur les recommandations courantes :
¶ Age de début du dépistage :
– La plupart des organismes de santé recommandent que les femmes commencent le dépistage du cancer du sein entre 40 et 50 ans.
– Les femmes présentant un risque accru en raison d’antécédents familiaux ou d’autres facteurs de risque peuvent être encouragées à commencer le dépistage plus tôt, parfois dès 30 ans.
¶ Anamnèse détaillée :
Recueillir des antécédents médicaux complets, y compris les antécédents familiaux de cancer du sein et d’autres cancers.
Evaluer les facteurs de risque individuels, tels que l’âge, les antécédents de maladie ou de chirurgie du sein, les traitements hormonaux…
¶ Éducation et sensibilisation :
Informer les patientes sur l’importance du dépistage du cancer du sein et discuter des avantages et limites du dépistage.
¶ Planification du dépistage :
Recommander un plan de dépistage individualisé en fonction des antécédents et des facteurs de risque de la patiente.
– Pour les femmes de 50 à 74 ans : recommander une mammographie tous les 2 ans ;
– Pour les femmes de 40 à 49 ans : discuter des avantages et des inconvénients de la mammographie et prendre une décision partagée avec la patiente.
– Pour certaines femmes à risque élevé, comme celles ayant des antécédents familiaux de cancer du sein : des examens complémentaires tels que l’IRM mammaire ou l’échographie peuvent être recommandés en plus de la mammographie.
¶ Examen clinique des seins :
Effectuer un examen clinique des seins lors des consultations gynécologiques régulières.
Encourager les patientes à signaler tout changement dans leurs seins entre les visites.
¶ Auto-examen des seins :
Discuter des limites de l’auto-examen des seins en tant que méthode de dépistage et informer les patientes sur la manière de le réaliser correctement.
¶ Suivi et réévaluation :
Il est essentiel de personnaliser la conduite à tenir en fonction des caractéristiques individuelles de chaque patiente.
Mammographie de dépistage (mammotest) :
Dans le dépistage de masse du cancer du sein, il est réalisé 2 incidences tous les 2 ans pour toutes les femmes de 50 à 74 ans :
– l’incidence de face ou cranio-caudale,
– l’incidence oblique-externe ou axillaire ou médio-latérale : le cliché ainsi réalisé par une incidence oblique à 30°, parallèle au grand pectoral, comprend la partie supérieure du sein, les 2/3 du muscle pectoral et le sillon sous-mammaire (seule incidence permettant l’étude complète de la glande au niveau du quadrant supéro-externe).
Tableau 1 - Catégories de risque |
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Dépistage selon le niveau de risque |
- Pour toutes les femmes : examen clinique mammaire au moins annuel à partir de 25 ans, - Les femmes à risque moyen : dépistage organisé (voir tableau 2), - Les femmes avec antécédent personnel à risque : dépistage par un spécialiste (voir tableau 3), - Les femmes avec antécédents familiaux de cancer du sein : dépistage par un spécialiste (voir tableau 4). |
Tableau 2 - Dépistage organisé du cancer du sein | |
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Population | Modalités |
- Femmes entre 50 et 74 ans inclus, - Asymptomatiques, - Sans facteur de risque particulier. | - Tous les 2 ans, - Examen clinique (réalisé par le radiologue), - Mammographie bilatérale : . Au moins 2 incidences, . Double lecture des clichés, - Dans un centre de radiologie agréé, - Examen pris en charge à 100 %. |
Tableau 3 - Dépistage des femmes ayant des antécédents personnels à risque | |
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Présence d'antécédents personnels à risque (dépistage spécialisé) |
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Antécédent de cancer du sein ou de carcinome intra-canalaire in situ | - Examen clinique tous les 6 mois dans les 2 ans suivant le traitement, puis tous les ans, - Mammographie annuelle +/- échographie |
Antécédent d'hyperplasie atypique canalaire ou lobulaire | - Mammographie annuelle pendant 10 ans +/- échographie, - Puis : . < 50 ans : mammographie +/- échographie tous 2 ans, . > 50 ans : dépistage organisé (voir tableau 2). |
Antécédent d'irradiation thoracique à haute dose | - Mammographie +/- échographie tous les ans, ET - A partir de 8 ans après la fin de l'irradiation : . Examen clinique + IRM annuels, . Il n'est pas nécessaire de débuter les examens clinique annuels avant l'âge de 20 ans et les IRM avant l'âge de 30 ans. |
Tableau 4 - Dépistage des femmes ayant des antécédents familiaux à risque | |
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1ère étape : calcul du score d'Eisinger | |
Antécédents familiaux | Points |
Mutation BRCA 1/2 identifiée dans la famille | 5 |
Cancer du sein chez une femme avant 30 ans | 4 |
Cancer du sein chez une femme entre 30 et 39 ans | 3 |
Cancer du sein chez une femme entre 40 et 49 ans | 2 |
Cancer du sein chez une femme entre 50 et 70 ans | 1 |
Cancer du sein chez un homme | 4 |
Cancer de l'ovaire avant 70 ans | 4 |
- Les cotations doivent être additionnées pour chaque cas de la même branche parentale (paternelle ou maternelle), - Vous pouvez vous aider du calculateur via ce lien. |
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2ème étape : prise en charge en fonction du score calculé | |
* Score ≤ 2 : Dépistage organisé (voir tableau 2), * Score ≥ 3 : consultation d'oncogénétique, qui déterminera si la patiente est à risque élevé ou très élevé : = Risque élevé : débuter la surveillance radiologique 5 ans avant l'âge du diagnostic du cancer du sein chez l'apparentée la plus jeune (apparentée au 1er degré ou nièce par un frère) : - A partir de l’âge de 20 ans : examen clinique annuel, - Avant l’âge de 50 ans (et au plus tôt à partir de 40 ans) : . Mammographie annuelle +/- échographie mammaire, . Les situations justifiant d’un suivi radiologique plus précoce (avec IRM mammaire éventuelle) sont discutées au cas par cas, - A partir de 50 ans : dépistage organisé. = Risque très élevé : - Surveillance clinique tous les 6 mois dès l’âge de 20 ans, - Suivi annuel par IRM et mammographie ± échographie dès l’âge de 30 ans. |