1. Introduction :
La chimiothérapie anticancéreuse, apparue dans les années 1950, s’est vite imposée comme un traitement efficace pour le cancer du sein, car ce type de cancer est particulièrement sensible aux agents cytotoxiques.
Son principal avantage est d’être un traitement systémique : elle agit sur l’ensemble du corps pour éliminer les cellules cancéreuses non détectées ou non détruites par les traitements locaux (chirurgie, radiothérapie).
Initialement réservée aux formes avancées ou métastatiques, la chimiothérapie est désormais aussi utilisée pour les formes débutantes, en complément ou parfois avant les traitements locaux (chirurgie / radiothérapie).
2. Objectifs et indications :
– La chimiothérapie vise à :
. réduire la taille des tumeurs avant la chirurgie (chimiothérapie néoadjuvante),
. éliminer les cellules résiduelles après la chirurgie (chimiothérapie adjuvante),
. traiter les récidives ou les formes métastatiques,
. parfois, soulager les symptômes dans les formes avancées (chimiothérapie palliative).
– Elle est surtout indiquée pour les cancers du sein invasifs et chez les patientes à risque élevé de récidive.
3. Utilisation en pratique :
Généralement administrée par perfusion intraveineuse (parfois orale), en cures de 4 à 6 séances espacées de 2 à 3 semaines, sur une durée totale de 3 à 6 mois.
Peut nécessiter la pose d’une chambre implantable pour faciliter les perfusions.
La chimiothérapie peut être réalisée en ambulatoire, sans hospitalisation systématique.
4. Principaux médicaments utilisés :
– Plusieurs familles d’agents cytotoxiques sont employées, souvent en association pour une efficacité accrue :
. agents alkylants (ex : cyclophosphamide),
. anthracyclines (ex : doxorubicine, épirubicine),
. antimétabolites (ex : méthotrexate, 5-FU),
. taxanes (ex : paclitaxel, docétaxel).
– Les taxanes sont des agents majeurs, avec des taux de réponse supérieurs à 55 % dans les essais cliniques.
5. Associations chimiothérapiques :
Les protocoles associent généralement 2 à 3 médicaments pour augmenter l’efficacité.
Les médicaments de première ligne incluent : cyclophosphamide, anthracyclines, taxanes, vinorelbine (actifs dans plus de 40 % des cas).
Les médicaments de deuxième ligne sont réservés aux échecs ou contre-indications aux agents de première ligne.
6. Effets secondaires et précautions :
La chimiothérapie n’est pas sans risques : elle peut provoquer des effets indésirables importants, notamment sur la moelle osseuse (toxicité hématologique), et d’autres organes sains.
Les cycles de traitement sont suivis de périodes de repos pour permettre à l’organisme de récupérer.
Tableau récapitulatif
Aspect | Détails clés |
---|---|
Objectif | Détruire cellules cancéreuses dans tout le corps |
Indications | Avant/après chirurgie, récidives, métastases, formes avancées |
Modalités | 4 à 6 cures, espacées de 2-3 semaines, sur 3 à 6 mois |
Voies d’administration | Intraveineuse (souvent via chambre implantable), parfois orale |
Médicaments | Cyclophosphamide, anthracyclines, taxanes, antimétabolites |
Associations | 2 à 3 médicaments par protocole, plus efficaces que les agents seuls |
Effets secondaires | Toxicité hématologique, atteinte d’organes sains, effets indésirables divers |
Suivi | Cycles alternant traitement et repos, surveillance médicale régulière |
7. Modalités du traitement chimiothérapique :
Proposée aux différents stades de la maladie, la chimiothérapie peut être :
– néo-adjuvante,
– adjuvante,
– exclusive.
1) Chimiothérapie néo-adjuvante (ou d’induction) :
C’est la chimiothérapie de première intention, initiale, qui précède le traitement locorégional.
Cette thérapeutique a initialement été mise en œuvre dans les cancers inflammatoires du sein inopérables d’emblée, de pronostic très sombre (5 % de survie à 5 ans), qui étaient traités initialement par la radiothérapie première. La chimiothérapie a entraîné des régressions locales spectaculaires dans un certain nombre de cas, et a multiplié par 4 la survie à 5 ans.
L’application de cette méthode aux autres formes de cancer du sein présente plusieurs avantages ; elle :
– permet de traiter précocement d’éventuelles micrométastases,
– permet parfois à une tumeur volumineuse de devenir accessible à un traitement conservateur,
– constitue un test de chimiosensibilité in vivo.
La chimiothérapie PRE-OPERATOIRE (NEOADJUVANTE) est indiquée en cas de haut potentiel métastatique ou à haut risque de récidive :
1. Tumeurs localement avancées :
– Tumeurs T3-T4 (taille > 5 cm ou envahissement cutané/thoracique).
– Atteinte ganglionnaire massive (N2-N3).
– Cancer du sein inflammatoire (indication formelle).
2. Critères histopronostiques défavorables :
– Grade SBR III (peu différencié).
– Index Ki-67 élevé (≥ 20 %) ou prolifération rapide.
– Sous-types agressifs : triple négatif ou HER2+.
3. Objectif de conservation mammaire :
– Tumeurs T2-T3 (> 2 cm) avec rapport taille tumeur/sein défavorable.
Nb : Pour les cancers HER2+ : l’association chimiothérapie + thérapie ciblée anti-HER2 (trastuzumab ± pertuzumab) est obligatoire, même pour les petites tumeurs.
Exclusions : Les patientes âgées (> 70 ans) avec cancers RE+/HER2- opérables ne relèvent généralement pas de la chimiothérapie néoadjuvante.
Les cures doivent être les plus intensives et les plus rapprochées possibles.
Leur nombre avant le traitement local est en général de 3, 4 ou 6.
2) Chimiothérapie adjuvante :
C’est la chimiothérapie complémentaire qui succède au traitement locorégional (chirurgie radicale ou conservatrice – radiothérapie) dont elle améliore sensiblement les résultats, surtout dans les formes présumées de mauvais pronostic.
La chimiothérapie adjuvante semble très efficace et améliore nettement le pronostic car elle agit sur les cellules tumorales restantes ; quand elles existent : elles sont peu nombreuses et plus vulnérables aux antimitotiques.
Elle sera indiquée en POST-OPERATOIRE (ADJUVANTE) dans les cas suivants (risque de métastases occultes) :
1. Cancers considérés comme « agressifs » :
– envahissement ganglionnaire (N+),
– autres facteurs de risque métastatique :
. âge de la patiente < 35-40 ans,
. tumeurs ≥ pT2,
. grade SBR III,
. grade SBR II proliférante (avec un Ki67 > 20 %),
. absence de récepteurs hormonaux (RH négatifs : RE- et RP-).
2. Cancers « triple négatif » (RH-/HER2-) (environ 10 % des cas) :
Ces tumeurs, ne présentant ni récepteurs hormonaux ni surexpression de HER2, sont traitées par chimiothérapie adjuvante en raison de leur agressivité et du manque d’autres cibles thérapeutiques.
3. Cancers HER2 positifs (environ 10 % des cas) :
La chimiothérapie adjuvante est systématiquement associée à une thérapie ciblée anti-HER2 (ex: trastuzumab).
Nb : Cas spécifiques et outils d’aide à la décision :
Pour certaines tumeurs RH+ HER2- sans atteinte ganglionnaire (N0) ou avec une faible atteinte (pN1), des signatures génomiques peuvent aider à évaluer le bénéfice de la chimiothérapie en complément de l’hormonothérapie.
La décision finale est toujours personnalisée et prise en RCP.
La qualité du traitement dépend des principes suivants :
– Précocité : chimiothérapie débutée le plus précocement possible après la chirurgie (avant 3 semaines).
– Intensité : chimiothérapie aussi intensive que possible (doses réduites inefficaces).
. La polychimiothérapie est significativement plus efficace que la monochimiothérapie.
. Le bénéfice ne semble pas significativement différent qu’il y ait 1 à 3 ou plus de 4 ganglions envahis.
– Durée : le nombre de cures est limité en général à 6.
– Intervalles de repos entre 2 cures : 3 semaines.
Classiquement, on utilise une polychimiothérapie comportant :
. une anthracycline : 6 cures de FEC (5 FU, Epirubicine, Cyclophosphamide) ou FAC (Adriamycine à la place de l’Epirubicine comme anthracycline),
. ou un protocole associant des taxanes (Taxotère ®).
Ces deux premières modalités (chimiothérapie néo-adjuvante et adjuvante) associées au traitement locorégional bien conduit ont pour objectif la guérison de la patiente.
3) Chimiothérapie exclusive ± radiothérapie :
C’est généralement le seul traitement envisageable dans les stades avancés, inopérables et très évolués :
– formes polymétastatiques,
– formes inflammatoires aiguës (mastite carcinomateuse),
– formes récidivantes,
– squirrhes.
Bien sûr, à ce stade, le pronostic est toujours réservé, mais il faut tenter d’améliorer la qualité de la vie et le confort de la malade quand cela est possible.
8. Agents cytotoxiques : Cf chapitre spécial
9. Protocoles de la chimiothérapie (2017)


10. Surveillance de la chimiothérapie : Cf chapitre spécial
11. Conclusion :
La chimiothérapie du cancer du sein est un traitement systémique, administré en cures, qui utilise plusieurs familles de médicaments souvent en association pour augmenter l’efficacité.
Son apport dans le traitement des cancers du sein est incontestablement important.
Elle s’intègre à différentes étapes de la prise en charge, avant ou après la chirurgie, et s’accompagne de risques d’effets secondaires notables nécessitant une surveillance attentive.
Sa toxicité est un des éléments importants limitant son efficacité.