La RPM est la rupture de l’amnios et du chorion au pôle inférieur de l’œuf se produisant avant le début du travail.
Fréquence : Les chiffres très différents tiennent à la définition même de la RPM qui n’est pas encore uniformisée. Sa fréquence relative varie en fonction du terme, et plus l’accouchement est précoce, plus cette fréquence augmente.
1. ANA-PATH :
L’étude histologique permet de montrer que la rupture a souvent une origine purement mécanique : nécrose ischémique favorisée par une tension anormale des membranes (les cellules amniotiques et trophoblastiques nécrosées sont remplacées par de la fibrine).
Dans certains cas, des signes témoignant d’une infection peuvent être retrouvés à l’examen de l’amnios et du chorion : on a montré que l’infection avec ses stigmates histologiques peut précéder la rupture et même la favoriser.
2. Etiopathogénie :
La RPM à distance du terme serait le fait de facteurs mécaniques ou infectieux.
– Un amincissement et une élasticité anormales des membranes seraient à l’origine d’un certain nombre de RPM. Ces altérations sont favorisées par une pression excessive du LA (grossesse gémellaire, hydramnios) ou par une fragilisation anormale des membranes due à un placenta prævia.
– A côté des causes mécaniques, les membranes peuvent être fragilisées par une infection.
Celle-ci peut agir par « en dehors » (infection endocervicale généralement associée à une BCI) ou bien par « en dedans » lorsque l’infection amniofœtale est d’origine maternelle et qu’elle précède la rupture.
3. Diagnostic positif :
1) Diagnostic clinique :
Voici les éléments clés du diagnostic :
– La RPM se caractérise par la perte soudaine et inopinée, d’un liquide souvent clair, parfois teinté, ou mêlé à des particules de vernix et ceci en dehors de tout travail.
Cette rupture amène la patiente à consulter.
La perte liquidienne se poursuit entre le moment de la rupture et l’admission en milieu hospitalier, ainsi qu’en témoigne une garniture mouillée.
– L’examen au spéculum permet de visualiser la présence de liquide amniotique dans le cul-de-sac postérieur du vagin.
La mobilisation utérine ou la toux peuvent faciliter l’écoulement et confirmer le diagnostic.
Le spéculum permet aussi de prélever un échantillon de liquide pour analyse et évaluer la dilatation cervicale (éviter le toucher vaginal pour le risque infectieux).
– Examen clinique : évaluer les contractions utérines, la hauteur utérine et le bien-être fœtal (RCF).
Nb : Toucher vaginal avec gants stériles uniquement si la patiente est en travail ou en cas d’anomalie du RCF (pour éliminer une procidence du cordon).
∇ Dans la moitié des cas : le diagnostic de RPM est évident avec un écoulement liquidien clair, abondant et continu, accru par la mobilisation transabdominale du fœtus.
∇ Dans l’autre moitié des cas (et surtout avant 36 SA) : le diagnostic est plus difficile, et le nombre des méthodes décrites pour y parvenir en est le reflet.
2) Tests diagnostiques :
Ils peuvent être utilisés en deuxième intention si l’examen au spéculum n’est pas concluant (faible écoulement). Principaux tests actuellement utilisés :
a) Test à la nitrazine (papier pH) :
Le pH vaginal étant normalement acide, l’écoulement du LA entraîne une alcalinisation du milieu (pH > 7,1). La modification du pH peut être détectée par divers réactifs ou indicateurs colorés.
Cette méthode est inefficace si la rupture est ancienne, et en cas d’infection vaginale.
Ce test présente l’avantage de pouvoir être réalisé facilement au lit du malade, permettant ainsi l’obtention d’un résultat rapide (exemple = amnicator ®, coloration bleue si présence de liquide amniotique).
Le test Nitrazine est un outil de dépistage, mais il n’est pas fiable à 100 % en raison de nombreux faux positifs et faux négatifs.
Faux positifs possibles (pH alcalin sans RPM) en cas de présence de sperme, de sang, d’urine, d’infection vaginale (vaginose bactérienne, trichomonas).
Faux négatifs possibles si la fuite de liquide amniotique est minime ou intermittente ou en cas d’acidité vaginale importante qui masque l’alcalinité du liquide amniotique.
b) Test de cristallisation (test de la fougère ou de Fern test) :
Séchage à l’air d’un échantillon de liquide sur lame de microscope : observation d’un aspect en « fougères » au microscope si liquide amniotique.
Il est simple à réaliser, mais le taux de faux positifs est élevé (30 %), car la cristallisation peut survenir en présence de sang ou d’urine.
c) Tests immunologiques ++ :
Détection de protéines spécifiques du liquide amniotique :
– Test de la PAMG-1 (Placental Alpha Microglobulin-1) (test le plus fiable) :
La PAMG-1 est une protéine placentaire présente en grande quantité dans le liquide amniotique.
Le test immunochromatographique (bandelette réactive : AmniSure ®) permet de détecter cette protéine, confirmant la présence de liquide amniotique.
Rapidité et simplicité : résultat en 5 à 10 minutes, pas besoin d’examen au spéculum, seulement écouvillon vaginal.
– Test de l’IGF-BP1 (Insulin Growth Factor Binding Protein de type 1) :
L’IGF-BP1, produite par le foie fœtal, est présente à des taux élevés dans le liquide amniotique pendant toute la gestation.
Un test positif confirme une RPM dans la plupart des cas.
Il existe actuellement un kit individuel commercialisé (ACTIM-PROM ® test) permettant un diagnostic rapide au lit du malade.
– Très haute sensibilité et spécificité.
Pour conclure, il faut rappeler que l’examen sous spéculum porte le diagnostic de RPM dans plus de 90 % des cas.
Le test au pH, du fait de son faible coût et de sa simplicité d’utilisation, pourrait être choisi en première intention devant toute suspicion de RPM.
En cas de doute : l’IGF-BP1 pourrait être employée en deuxième intention.
3) Echographie :
Elle peut être utilisée pour évaluer la quantité de liquide amniotique, mais ne permet pas de confirmer directement le diagnostic de RPM.
4. Diagnostic différentiel :
– Rupture d’une poche amniochoriale (écoulement unique, les manœuvres de mobilisation du fœtus ne provoquent pas la reprise de l’écoulement),
– hydrorrhée déciduale (caractère intermittent et rosé de l’écoulement),
– incontinence urinaire d’effort : facilement éliminée, sinon test au bleu de méthylène,
– leucorrhées abondantes.
5. Etiologies :
1) Causes ovulaires :
– hydramnios,
– grossesse gémellaire,
– gros enfant,
– placenta prævia.
2) Causes maternelles :
a) Cervico-utérines :
– Béance cervico-isthmique (BCI) : la confirmation de la béance cervicale ne repose plus sur des tests tels que l’hystérographie ou le test à la bougie, maintenant reconnus comme très peu spécifiques. Le diagnostic repose essentiellement sur les antécédents, surtout s’ils sont répétés, de fausse couche tardive et/ou d’accouchement très prématuré.
– Malformations utérines congénitales : utérus cloisonnés, unicornes ou pseudo-unicornes, bicornes, l’hypoplasie utérine, fréquemment associée à la malformation.
– Volumineux fibrome déformant la cavité utérine ou synéchie corporéale étendue.
b) Générales :
– Infections :
. infection urinaire ++ (5 à 10 % des grossesses) qui est favorisée par la compression des voies urinaires (droites) par l’utérus gravide et la diminution du péristaltisme urétéral ⇒ cystite banale, pyélonéphrite, bactériurie asymptomatique (intérêt d’un ECBU au 6ème mois).
. infection cervico-vaginale : prélèvements vaginaux systématiques.
. maladies infectieuses (listériose ++) : hémoculture chez la mère, sérodiagnostic, culture du placenta.
– traumatisme : chute, amnioscopie, amniocentèse,
– anomalies des membranes : malnutrition, avitaminose C, maladie d’Ehler-Danloss, anomalie du collagène.
3) Dans 40 % des cas, aucune cause n’est retrouvée.
6. Conséquences de la RPM ++ :
La RPM expose l’enfant à des complications liées à la prématurité et à l’infection.
Les autres conséquences de la RPM sont sur le plan fœtal le risque accru de procidence, la fréquence élevée de présentations anormales, et les anomalies du travail.
Les complications infectieuses maternelles sont devenues beaucoup plus rares.
1) Prématurité :
Plus du 1/3 des accouchements avant 34 SA sont précédés d’une RPM, et la détresse respiratoire qui est la complication la plus fréquente de la prématurité représente la première cause de la morbidité et de la mortalité.
Cette pathologie respiratoire est la conséquence d’un déficit en surfactant et de l’hypoxie et/ou de l’acidose provoquée par une souffrance fœtale chronique ou aiguë.
La RPM semble toutefois atténuer la fréquence des détresses respiratoires ; 72 h après la RPM le taux des détresses respiratoires chez le prématuré ne serait plus que de 12 % (augmentation de la cortisolémie fœtale provoquée par le stress de la RPM). Les ß-mimétiques souvent utilisés lorsque la rupture est précoce favoriseraient également la maturité pulmonaire.
2) Risque infectieux :
L’effet bénéfique sur le plan respiratoire de la RPM est contrebalancé par le risque infectieux (chorioamniotite) qui s’accroît avec la durée de l’ouverture de l’œuf.
Il semble nécessaire d’individualiser les RPM avec contamination ovulaire secondaire où la durée de la RPM augmente certainement le risque infectieux, et les RPM secondaires à une infection amniofœtale d’origine maternelle où l’infection est déjà présente au moment de la rupture, et serait en règle de moins bon pronostic car toujours plus ancienne.
– facteurs limitant l’infection : rôle bactériostatique du LA.
De nombreux agents concourent à ce pouvoir (immunoglobulines, lysozyme, zinc, lysine, transferrine, peroxydase).
– facteurs favorisant l’infection : ce sont en 1er lieu les examens qui peuvent véhiculer les germes vaginaux vers l’œuf (amnioscopie, TV). Le cerclage jouant le rôle d’un corps étranger favorise la surinfection cervico-vaginale et à ce titre il doit être systématiquement supprimé en cas de RPM. Les corticoïdes sont un facteur de risque supplémentaire.
– germes en cause : leur origine est exogène par contiguïté ou endogène transplacentaire.
– Diagnostic de cette infection amniotique : Cf chapitre spécial
3) Autres conséquences :
a) Sur le plan fœtal :
– Le risque de procidence du cordon est doublé en présence d’une RPM ; ce sont surtout les prématurés, en présentation du siège, qui sont exposés à cette complication.
– Les présentations irrégulières sont également plus fréquentes, surtout lorsque la rupture est précoce à une période où le fœtus peut ne pas avoir encore effectué sa version,
– L’oligoamnios prolongé : il est responsable de déformations des extrémités, surtout des pieds, déformations articulaires, d’arthrogrypose, de craniosténose, voire d’un véritable syndrome de Potter. Le risque majeur est cependant l’insuffisance du développement du thorax avec hypoplasie pulmonaire, d’autant plus grave que la rupture est précoce (avant 26 SA), prolongée (plus de 5 semaines) et l’oligoamnios très sévère, sans être pour autant une complication obligatoire.
– Les dystocies dynamiques : la mauvaise réputation du « travail à sec » des auteurs classiques reste vraie.
b) Conséquences maternelles : l’infection maternelle :
Elle est consécutive à l’infection amniotique qui provoque une atteinte de la caduque.
Ce foyer septique est le point de départ possible de septicémie.
Après 24 h de rupture, 20 % des mères deviennent fébriles.
De même, les infections du post-partum sont augmentées après RPM.
Le rôle favorisant de la RPM dans la survenue des infections puerpérales graves n’est plus aussi évident qu’autrefois mais il reste réel et ces patientes doivent être particulièrement surveillées.