Les formes cliniques du cancer du sein sont nombreuses et très polymorphes.

Elles témoignent d’une évolutivité variable des cancers du sein, selon le statut hormonal et immunitaire de l’hôte.

Autour des formes habituelles, le cancer peut prendre un aspect particulier qui lui attribue un pronostic particulier.

1. Formes symptomatiques :

1) Forme habituelle : “Forme nodulaire banale”.

Typiquement, il s’agit d’une femme de 40 ans qui présente un nodule du sein du quadrant supéro-externe, dur, indolore, à contours irréguliers, avec 1 fois/2 des adénopathies axillaires.

Parfois ce nodule provoque une rétraction mamelonnaire ou une fossette cutanée lors des mouvements d’élévation des bras.

Devant une tumeur du sein chez une femme âgée de plus de 40 ans, le diagnostic de malignité doit être retenu jusqu’à preuve histologique du contraire.

2) Adénopathie axillaire : “Carcinome occulte”.

Ici la tumeur est infraclinique, imperceptible à la palpation, la malade se présente pour une adénopathie axillaire isolée.

La cytoponction affirme la malignité : il faut rechercher la tumeur primitive.

La mammographie découvre de plus en plus souvent le carcinome occulte.

3) Ecoulement mamelonnaire :

Il s’agit d’un écoulement unilatéral unicanalaire séro-sanglant ou sanglant.

La palpation retrouve rarement une tumeur palpable sous-jacente.

Les frottis avec examen cytologique à la recherche de cellules néoplasiques, la mammographie et la galactographie précisent la nature et la topographie des lésions.

La biopsie-exérèse de la pyramide galactophorique confirmera le diagnostic.

L’exérèse portera sur la région de la glande dont la pression fait sourdre l’écoulement par le galactophore atteint, et qui pourra être mise en évidence par l’injection de Bleu de méthylène.

Il s’agit souvent d’un papillome intracanalaire bénin ou alors d’un carcinome.

4) Maladie de Paget du sein : Cf chapitre spécial

2. Formes évolutives :

1) Cancers évolués :

La tumeur peut être très volumineuse, déformant le sein ; elle peut s’étendre vers les plans superficiels et profonds ; l’infiltration cutanée ou aréolo-mamelonnaire doit être différenciée d’une simple rétraction : la peau est solidaire de la tumeur, fixée, épaissie et indurée ; elle peut avoir une coloration violacée et un aspect luisant, témoignant d’une pré-ulcération. La tumeur est souvent fixée au plan pectoral ou à la paroi. Des nodules de perméation cutanée, mammaires ou axillaires, peuvent apparaître par envahissement néoplasique des lymphatiques dermiques.

A un stade ultérieur, l’ulcération cutanée est la traduction des cancers négligés, souvent observés chez la femme âgée ; les lésions bourgeonnantes et/ou ulcérées peuvent devenir très étendues, plus ou moins remaniées par l’infection, plus ou moins hémorragiques.

Parallèlement à cette évolution locale, il existe souvent une évolution ganglionnaire et métastatique :

– Les adénopathies sont volumineuses, parfois fixées les unes aux autres et/ou aux structures de l’aisselle, formant un conglomérat ou une coulée néoplasique. Elles peuvent s’accompagner d’adénopathies sus et sous-claviculaires, mobiles ou fixées, et d’un gros bras par compression lymphatique.

– Les métastases sont parfois cliniquement patentes : ganglions controlatéraux ou à distance, nodules de perméation cutanée, hépatomégalie dure et hétérogène, douleurs osseuses provoquées…

2) Mastite carcinomateuse aiguë (M.C.A) : (1 à 2 % des cas) :

C’est un cancer d’allure inflammatoire, qui surviendrait au cours de la grossesse et la lactation et qui a été longtemps confondu avec un abcès.

Le sein est douloureux, augmenté de volume dans son ensemble, chaud, tendu. La peau est œdématiée, rouge ou rosée,  avec une peau d’orange diffuse ; le mamelon est épaissi, souvent rétracté en méplat.

A la palpation du sein, on perçoit une volumineuse masse tumorale ou une sensation d’induration diffuse.

Les adénopathies axillaires sont fréquentes, parfois douloureuses. Elle est souvent bilatérale.

Il faut éviter de parler de mastite carcinomateuse sur des données cliniques. Le diagnostic est histologique : la biopsie cuta­née doit révéler l’envahissement des lymphatiques du derme par des cellules néoplasiques.

Le pronostic est toujours mauvais (1 % de survie à 5 ans), l’atteinte ganglionnaire est massive, et l’on observe souvent des métastases osseuses, pulmonaires, cérébrales…

3) Squirrhes :

Ils sont en général l’apanage du sujet âgé.

– Squirrhe atrophique de la femme âgée : il se traduit par une disparition lente de la glande atteinte. On constate une rétraction progressive aboutissant à un aplatissement de la glande qui devient dure, avec fixation à la paroi thoracique.

L’aréole disparaît, et ne persiste qu’une dépression étoilée avec excroissance figurant le mamelon.

Il n’existe pas d’ulcération ; quelques ganglions satellites peuvent apparaître.

L’évolution est très lente, pratiquement asymptomatique.

– Squirrhe en cuirasse : c’est une atteinte cutanée ; la peau apparaît tannée avec des plaques de taille variable, qui sont dures, rugueuses, cartonnées et épaissies, de couleur rouge-violacé.

La tumeur n’est ni douloureuse ni œdématiée, elle enserre et blinde le thorax.

– Squirrhe pustuleux disséminé : poussée néoplasique pouvant survenir après une mastectomie, témoignant d’une récidive loco-régionale et d’une évolution fatale.

Il se caractérise par des lésions ulcéreuses suintantes avec de petites pustules et nodules cutanés et sous-cutanés disséminés sur la région mammaire.

La généralisation du cancer est rapide.

4) Formes métastatiques :

Les métastases se font à partir de la diffusion lymphatique, mais également à partir des emboles tumoraux vasculaires, ce qui explique la fréquence et la précocité des métastases qui touchent par ordre de préférence : le squelette, poumon et plèvre, peau (nodules de perméation), foie, cerveau, ovaires…

Le diagnostic de métastase est évoqué dans 50 à 90 % des cas lors de l’interrogatoire et de l’examen clinique. 

Il faut donc écouter et interroger le malade pour rechercher des douleurs osseuses (rachis, bassin, os longs) persistantes, non calmées par le repos, une dyspnée, une toux, une hémoptysie, une douleur hépatique, une augmentation de volume de l’abdomen, des céphalées, des troubles neurologiques…

3. Formes topographiques :

1) Cancers bilatéraux :

Rares, mais pas exceptionnels. Certains auteurs admettent que 15 % des cancers du sein sont d’emblée bilatéraux, en ayant pratiqué des biopsies en miroir sur le 2ème sein, mais s’agit-il d’une métastase du 1er, ou est-il indépendant ?

De toute façon devant tout cancer du sein, l’examen du sein controlatéral ou du sein restant après mastectomie est systématique et régulier.

Un cancer bilatéral s’observerait surtout dans une population à risque familial.

Le pronostic est en principe défavorable.

2) Cancer de siège particulier :

Le siège de la tumeur a une valeur pronostique qui n’est pas établie de manière formelle ; 30 à 40 % des tumeurs siègent dans le quadrant supéro-externe, 15 à 30 % en région centrale ou rétromamelonnaire, 10 à 20 % dans le quadrant supéro-interne, 10 % dans le quadrant inféro-externe et 5 à 7 % dans le quadrant inféro-interne.

Le quadrant supéro-externe est donc la localisation la plus fréquente (et qui a le meilleur pronostic), mais certaines localisations sont particulières :

– Prolongement axillaire : tumeur localisée le long du bord inférieur du grand pectoral, souvent adhérente à la peau. Diagnostic différentiel : adénopathie axillaire.

– Sillon sous-mammaire : nodule d’assez petite taille adhérent à la peau et même au plan profond avec fréquemment une zone d’induration assez étendue ; les adénopathies sont fréquentes.

– Tumeur sur glande mammaire accessoire (prolongement axillaire, sillon sous-mammaire).

Nb : Les localisations centrales et internes donnent des envahissements ganglionnaires difficiles à explorer (chaîne mammaire interne), ce qui justifie une irradiation de principe.

4. Formes selon le terrain :

1) Age :

La femme jeune, surtout si elle allaite, fait volontiers un cancer aigu, et le pronostic est toujours sévère.

Le cancer du sein est rare avant 30 ans, exceptionnel avant 20 ans.

La femme ménopausée fait plutôt un squirrhe d’évolution lente.

2) Cancer du sein + grossesse/allaitement :

L’évolution est classiquement dramatique.

Il s’agit souvent de femmes jeunes présentant des cancers anaplasiques.

Le cancer du sein découvert pendant la grossesse ou l’année qui suit l’accouchement est toujours de mauvais pronostic.

* Cancer du sein pendant une grossesse (éventualité rare) :

– En tout début de grossesse : discussion en fonction du stade et de la nécessité ou non d’un traitement adjuvant : mastectomie simple ou interruption thérapeutique.

– En fin de grossesse : on peut hâter le déclenchement si le fœtus est viable (commencer au plus vite le traitement).

– En milieu de grossesse : la décision thérapeutique est extrêmement délicate (elle dépend de chaque cas particulier).

Cas particuliers : Grossesse après traitement d’un cancer du sein :

– elle est autorisée en moyenne après 2 ans de recul,

– chez les femmes dont le pronostic est supposé favorable, sans envahissement ganglionnaire.

3) Cancer du sein chez l’homme : Cf chapitre spécial

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