1. Introduction :

L’hirsutisme est le symptôme le plus évocateur et le plus classique d’une hyperandrogénie (HA), cependant les autres signes cliniques sont plus fréquents et ils ont la même signification sémiologique.

Les symptômes de l’hyperandrogénie peuvent être associés entre eux ou isolés ; ils sont au nombre de 4 :

1) Acné : elle est fréquente et multifactorielle, mais fortement dépendante de l’hyperandrogénie en raison du caractère androgénodépendant des glandes sébacées ;

2) Hirsutisme : il s’agit de l’apparition d’une pilosité sur des zones normalement glabres chez la femme ;

3) Hyperséborrhée et alopécie androgénique : au minimum, il peut s’agir d’une hyperséborrhée du cuir chevelu, à un stade de plus, peut apparaître l’alopécie androgénique :

– alopécie de type féminin avec persistance d’une ligne bordante frontale physiologique mais avec éclaircissement du vertex,

– alopécie de type masculin avec apparition de golfes frontaux,

4) Troubles des règles et stérilité : ces symptômes peuvent traduire un trouble ovarien cause de l’hyperandrogénie, ou en être la conséquence, comme les autres symptômes vus auparavant.

2. Biosynthèse : Cf chapitre spécial

3. Manifestations cutanées :

1) Généralités :

La peau et le système pileux sont des organes cibles des androgènes.

L’excès de production des androgènes se traduit par un hirsutisme qui est un développement excessif de la pilosité dans les territoires normalement glabres chez la femme (visage, lèvre supérieure, menton, pilosité losangique de la ligne ombilico-pubienne, périmamelonnaire et inter-mammaire) ; cette hyperpilosité peut être isolée ou s’accompagner d’autres signes de virilisation.

* l’action des androgènes au niveau de la peau s’exerce essentiellement au niveau des :

– récepteurs pilaires,

– glandes sébacées,

– glandes sudorales apocrines.

Au niveau de ces récepteurs pilo-sébacés, on retrouve tout l’appareil protéique nécessaire à l’action des androgènes : enzymes et récepteurs hormonaux.

La cause de l’hyperandrogénie est :

– soit ovarienne ou surrénalienne, par excès de production,

– soit périphérique (par excès d’utilisation) au niveau des récepteurs des androgènes produits à un taux normal.

Les androgènes actifs sont :

– La testostérone : elle pénètre dans la cellule sous forme libre ; pour devenir active, elle subit une transformation en dihydrotestostérone (DHT) sous l’effet de la 5α-réductase. La DHT peut avoir deux sorts dans la cellule :

. liaison au récepteur cytosolique et transfert dans le noyau où elle se lie à un récepteur nucléaire,

. transformation en 3-androstanediols en partie éliminés dans les urines et en partie stockés comme métabolites de réserve.

– La D4-androstènedione, sécrétée par l’ovaire et la surrénale, est le principal androgène chez la femme.

Elle pénètre librement dans la cellule où elle peut être transformée en testostérone par une enzyme : la 17ßOH déshydrogénase.

– La DHEA, sécrétée par la surrénale. Dans la cellule, elle est transformée en D4-androstènedione.

La peau apparaît donc comme un organe qui participe au catabolisme des androgènes et aussi à la formation d’hormones actives à partir de précurseurs inactifs provenant du sang circulant. Cette action n’est pas homogène et varie en fonction des différents territoires cutanés.

2) Evaluation clinique :

a) Au niveau du récepteur sébacé :

Trois types de manifestations cliniques :

 La séborrhée : elle est toujours atténuée à l’adolescence, sa persistance ou son accentuation sont en faveur d’une hyperandrogénie. Classiquement, elle est liée à une H.A périphérique par augmentation de l’activité 5α-réductase. Il est actuellement prouvé en plus, l’existence d’une anomalie de production des androgènes ; il existe en effet une augmentation de toutes les hormones androgéniques et en particulier la testostérone libre.

L’augmentation de cette dernière, même modérée, favorise l’hyperfonctionnement des récepteurs et l’augmentation par entraînement de leur activité 5α-réductase.

La séborrhée peut toucher la peau glabre et/ou le cuir chevelu, parfois de façon dissociée.

– sur le visage et le thorax, elle peut rester fluente ; elle prélude souvent à une acné.

– sur le cuir chevelu, elle est associée à l’alopécie, sans en être la cause.

 Eczématides séborrhéiques : ce sont des lésions érythémato-squameuses des zones séborrhéiques du visage (sillon naso-génien), du conduit auditif externe, du cuir chevelu, du thorax (région pré-sternale).

Leur pathogénie est complexe, et intrique plusieurs facteurs : la séborrhée, la prolifération de germes saprophytes (Staphylocoque blanc) ou fongique (pityrosporum obalae) qui provoquent ou entretiennent ces lésions.

 Acné : l’acné est dépendante de 3 facteurs physiologiques étroitement intriqués : la séborrhée, la rétention sébacée et la réaction inflammatoire.

– la rétention sébacée : elle est liée à l’hyperkératose du canal folliculaire.

Le sébum ainsi produit en excès est retenu dans le sac folliculaire qui se kystise.

Cette hyperkératose est due à l’action irritante des acides gras libres dont le taux est augmenté dans le sébum ; sur le plan clinique, cela correspond à des comédons.

– l’inflammation : elle résulte de l’explosion de ce follicule sébacé rétentionnel dans le derme, et se traduit par des pustules et des nodules.

b) Au niveau des récepteurs pilaires :  hirsutisme, alopécie.

Hirsutisme : Cf chapitre spécial

 Alopécie androgénique :

Elle est isolée ou associée à l’hirsutisme et l’acné.

Elle est le plus souvent diffuse, jamais complète et prédominant sur le vertex.

Le bilan retrouve une diminution de la SHBG, une augmentation de la testostérone libre, et donc une DHT qui agit sur le récepteur pilaire.

Pourquoi la DHT fait pousser le poil et tomber les cheveux ?

En fait, la DHT produit une accélération du cycle pilaire qui aboutit à son absence de maturation et à sa miniaturisation. Cette accélération du cycle aboutit à l’épuisement du cuir chevelu qui est génétiquement programmé pour 20 à 30 cycles pilaires de 3 à 5 ans.

c) Récepteur sudoripare : hidrosadénites.

Elles siègent au niveau des glandes sudoripares des régions axillaires ou périnéales.

Ces glandes sudoripares se déversent dans le canal folliculaire des poils de ces régions.

Diagnostic différentiel : les folliculites.

3) Evaluation biologique :

Elle permet de compléter l’examen clinique, tente de préciser l’origine éventuelle de l’hyperproduction et la part respective de l’hypersensibilité et de l’hyperproduction dans la pathogénie de l’hirsutisme.

a) Critères d’hyperproduction :

– Dosages plasmatiques :

. Testostérone : ne s’élève que dans les cas d’hyperproduction. Taux normal = 0,60 ng/ml.

D4-androstènedione : taux normal < 1,65 ng/ml.

. DHEA et SDHEA : ne sont élevés qu’en cas de tumeur de la surrénale.

. 17OH progestérone : élevée en cas d’HCS.

– Androstanediol urinaire : toujours élevé. Le taux normal est de 15 ± 6 µg/24 h.

Localisation de l’hyperproduction :

. tests dynamiques : de stimulation à l’ACTH,

                                     de suppression à la dexaméthasone.

Ces tests ne sont pas toujours concluants.

. cathétérisme veineux ovariens et surrénaliens : méthode de choix pour la localisation des tumeurs.

b) Critères d’hyperutilisation :

– DHT plasmatique : elle n’est pas un bon reflet de l’utilisation cellulaire car elle est transformée en D4-androstanediol et est ainsi éliminée.

– Androstanediols (3α, 3ß) : produits terminaux dans le foie et les tissus cibles (peau ++).

. androstanediol plasmatique : élevé,

.  ”    ”    ”    ”     ”   urinaire : le 3α est un bon index d’hyperproduction et d’hyperutilisation.

– La capacité de 5α réduction de la testostérone par la peau (à partir d’homogénats de peau pubienne ou de fibroblastes en culture) est très augmentée chez la femme hirsute.

4) Etiologies de l’hirsutisme : Cf chapitre spécial

4. Manifestations gynécologiques :

Ils regroupent les troubles du cycle et les troubles de la fertilité.

1) Troubles du cycle :

Tous les types d’irrégularité menstruelle peuvent s’observer :

– Aménorrhée : dont la caractéristique est d’être eugonadique (c’est-à-dire associée à la persistance d’une sécrétion estrogénique responsable de la présence de glaire cervicale, et de l’obtention d’un saignement de privation après administration d’un progestatif),

– Métrorragies fonctionnelles : elles sont souvent la conséquence d’une hyperplasie de l’endomètre résultant elle-même d’une hyperestrogénie induite par l’hyperandrogénie (aromatisation périphérique de l’excès d’androgènes). Cette stimulation n’est pas contre balancée par une imprégnation progestéronique périodique faute d’ovulation.

Cette hyperplasie peut évoluer vers le cancer de l’endomètre, qui est donc une complication classique des hyperandrogénies et tout particulièrement des OPK non traités.

Le risque est d’autant plus élevé qu’il existe une obésité (ces hyperandrogénies sont responsables d’1/3 des cancers de l’endomètre découverts avant 40 ans). On trouve toujours la cause de ces hyperandrogénies (hyperthécose ou tumeur virilisante) à l’occasion du diagnostic du cancer.

2) Troubles de la fertilité (dysovulation) :

Ils provoquent une stérilité ou plus rarement une infertilité (avortements à répétition).

L’infertilité s’aggrave avec le temps ; il existe en effet un cercle vicieux responsable d’un auto-entretien et d’une auto-aggravation des perturbations de la maturation folliculaire :

Sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs (défaut relatif en FSH, hyperandrogénie intra-ovarienne et autres anomalies intra-ovariennes), les multiples follicules qui débutent leur développement dans l’OPK s’atrésient, formant des microkystes.

Sous l’influence de taux excessifs de LH, les thèques internes de ces follicules atrétiques restent actives et sécrètent des androgènes.

L’accumulation de ce tissu androgéno-sécrétant explique l’augmentation progressive de la taille des ovaires.

L’accumulation de ce tissu androgéno-sécrétant explique l’augmentation progressive de la taille des ovaires.

EN DEFINITIVE, QUELLE QUE SOIT SON ORIGINE, TOUTE HYPERANDROGENIE PEUT AMORCER LE CERCLE VICIEUX DES OPK.

Elle peut induire une hyperestrogénie et par ce mécanisme une augmentation du rapport LH/FSH.

A son tour, toute anomalie des gonadotrophines induira une hyperandrogénie ovarienne qui s’ajoutera à l’hyperandrogénie surrénalienne (celle-ci est considérée comme un mode d’entrée possible dans les OPK).

Aromatisation

5. Manifestations générales :

1) Obésité :

L’hyperandrogénie favorise chez la femme l’obésité de type androïde (c’est-à-dire prédominant au niveau de l’abdomen).

Les androgènes semblent influencer la répartition de la graisse corporelle en induisant la formation d’adipocytes hypertrophiques dans la partie supérieure du corps. 

2) Problèmes métaboliques et vasculaires :

Plusieurs études ont établi que ce type d’obésité, et même le simple excès de graisse abdominale, étaient corrélés à une augmentation des risques métaboliques et vasculaires : corrélation significative avec l’évolution vers le diabète clinique, existence d’une hyperlipidémie, diminution du HDL cholestérol, augmentation des triglycérides (⇒ profil athérogène).

Il existe en plus une hyperuricémie.

L’obésité est aussi corrélée de façon significative avec l’arthérosclérose, et donc une augmentation des affections cardiovasculaires.

L’obésité induit un hyperinsulinisme ou le renforce s’il existait déjà. Or, l’hyperinsulinisme est susceptible de renforcer sinon de créer l’hyperandrogénie ovarienne.

Il existe en effet des récepteurs à insuline dans l’ovaire humain.

L’obésité favorise directement l’hyperestrogénie et donc renforce la sécrétion excessive de LH par ce biais ; en effet, au niveau des adipocytes, il y a excès d’aromatisation des androgènes en estrogènes.

6. Traitement :

Le traitement de l’hyperandrogénie chez la femme a pour but non seulement de faire disparaître le préjudice esthétique que représente l’acné ou l’hirsutisme, mais aussi de prévenir le risque potentiel de stérilité.

De plus, il apparaît actuellement que l’hyperandrogénie pourrait être un facteur de risque de maladies métaboliques, cardiovasculaires et cancéreuses chez la femme. 

1) Traitement étiologique :

– Le traitement étiologique de l’HA liée au SOPK repose sur un freinage optimal de la LH hypophysaire et sur la correction de l’hyperinsulinisme lorsqu’il accompagne (ou provoque ?) ce syndrome. Ces deux impératifs sont difficiles à concilier car les thérapeutiques stéroïdiennes freinatrices sur la LH peuvent aggraver l’hyperinsulinisme, en particulier les estroprogestatifs. Il est donc très important d’avoir dépisté les cas de SOPK avec insulinorésistance avant d’envisager le traitement et d’adapter ce dernier à la situation métabolique, au besoin.

– En théorie, l’HA des déficits enzymatiques surrénaliens virilisants de révélation tardive se traite par une corticothérapie visant à freiner la sécrétion d’ACTH. En fait, l’utilité de cette corticothérapie est débattue. Les conséquences cliniques de l’HA sont plus rapidement et plus efficacement traitées par l’acétate de cyprotérone. Il peut être néanmoins conseillé de maintenir une corticothérapie à faibles doses (0,25 mg de dexaméthasone au coucher) si la patiente présente une hyperplasie surrénalienne visible au scanner.

En cas de désir de grossesse, cette corticothérapie doit être augmentée (0,5 mg) pour éviter tout retentissement de l’HA surrénalienne sur la maturation folliculaire et ovocytaire.

– Tumeurs ovariennes et surrénaliennes : exérèse chirurgicale.

2) Traitement symptomatique :

Les anti-androgènes possèdent la propriété d’interagir avec les récepteurs cellulaires, d’occuper leurs sites de liaison sans produire d’effet biologique.

Le chef de file des anti-androgènes est l’acétate de cyprotérone (Androcur ®) : c’est un progestatif de synthèse qui possède la propriété de se fixer aux récepteurs des androgènes et d’entrer en compétition avec les androgènes endogènes. Ses propriétés progestatives lui confèrent une puissante action antigonadotrope.

Cet effet permet l’utilisation de l’acétate de cyprotérone comme contraceptif oral.

Ses effets dépresseurs de la sécrétion ovarienne font que son utilisation doit être associée à l’administration d’estrogènes pour éviter la survenue d’aménorrhée ou de signe de carence estrogénique.

L’acétate de cyprotérone bloque l’activité 5α-réductase, comme l’ont montré les travaux sur les fibroblastes cutanés de malades traitées. A forte dose, l’acétate de cyprotérone freine aussi la fonction corticosurrénalienne.

Toutes ces propriétés font de l’acétate de cyprotérone le plus utilisé des anti-androgènes.

Il existe plusieurs schémas d’utilisation. Les résultats cliniques sont évalués tous les 3 mois.

Quel que soit le schéma d’association aux estrogènes, le principal effet secondaire de l’utilisation de la cyprotérone acétate est la prise de poids qui doit être systématiquement contrôlée par la prescription d’un régime équilibré. Cet effet limite l’utilisation de l’acétate de cyprotérone chez l’obèse.

Les premiers effets se manifestent sur l’acné et la séborrhée (dès 3 mois), suivis de ceux, plus lents, sur l’hirsutisme (6 mois). Il est important de prévenir les patientes de ce délai d’action.

Le principal effet secondaire est l’atrophie endométriale due à l’effet progestatif du produit. Elle est responsable de règles réduites et/ou retardées, voire d’aménorrhée. Elle peut être minimisée par adaptation de l’apport d’estradiol.

Il n’y a pas de limite de durée de traitement. Un minimum de 1 an est nécessaire pour une bonne efficacité.

Le relais peut ensuite être pris par un estroprogestatif de nouvelle génération, dénué d’action androgénique.

NB : Chez la femme ménopausée, il est possible d’utiliser l’Androcur ®, selon le même schéma ; l’effet contraceptif n’étant plus requis, une posologie plus faible peut être envisagée (1/2 cp, soit 25 mg/j) éventuellement en continu.

3) Traitement cosmétique de l’hirsutisme : Cf chapitre spécial

7. Conclusion :

L’hyperandrogénie constitue une véritable “endocrinopathie” pouvant induire une pathologie générale, incluant obésité androïde, perturbations métaboliques et augmentation du risque cardio-vasculaire.

Il faut insister sur l’importance des signes cutanés (hirsutisme, acné, hyperséborrhée) qui permettent le diagnostic et le traitement des états d’hyperandrogénie chez la femme.

  • Hirsutisme
  • Acné
  • Exploration de la fonction androgénique
  • Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)
  • Hyperplasie congénitale des surrénales (HCS)
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