1. Dermatologues :
1) Quand évoquer une IST ?
Dans 2 circonstances. Devant un écoulement, chez l’homme urétral, chez la femme vulvo-vaginal ou devant une ulcération (ou éruption) qui siège sur les organes génitaux.
2) Faut-il faire des prélèvements bactériologiques préalables ?
La question est intéressante. Il faut réfléchir différemment selon qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme.
– Chez l’homme, on ne parlera ici que des urétrites, il n’y a que 2 agents pathogènes vraiment majeurs qui sont le gonocoque et le Chlamydia. Le Chlamydia est de recherche bactériologique difficile. On peut tout a fait accepter l’idée de traiter toute urétrite masculine, purulente ou non, par un traitement sans prélèvement bactériologique préalable dans la mesure où ce traitement est actif sur le gonocoque et sur le Chlamydia.
– Chez la femme, c’est un peu diffèrent car il y a d’autres agents pathogènes en dehors au gonocoque et du Chlamydia. Il y a peut-être des mycoplasmes, il y a sûrement des Trichomonas, des Gardnerella, etc. Donc, si on veut faire chez la femme un traitement présomptif sans examen de laboratoire, on risque un peu plus facilement de se tromper du fait de cette multiplicité des agents étiologiques. En tous cas, chez la femme, ce qui me paraît le plus important, la moindre cervicite exige un traitement anti-gonocoque, anti-Chlamydia, que l’on ait pu mettre ou non en évidence ces 2 agents infectieux par les prélèvements.
3) Peut on faire confiance à la majorité des laboratoires ?
Prenons l’exemple des mycoplasmes et du Chlamydia. Les mycoplasmes ont eu un impact médical considérable alors que les agents pathogènes ne sont pas nécessairement pathogènes.
Pourquoi ? Parce que leur recherche en laboratoire, et même en laboratoire de ville, était extrêmement facile. Faire des cultures de mycoplasmes, c’est facile. Les laboratoires ont donc rendus des résultats positifs, vraiment positifs, pour des mycoplasmes pas nécessairement pathogènes. En revanche, la recherche de Chlamydia était extrêmement difficile, nécessitant pour être fiable des cultures cellulaires. Peu de laboratoires sont aptes à faire ces cultures. Par conséquent, on a vu se déplacer la pathogénicité des Chlamydia vers le mycoplasme pour des raisons d’insuffisance de laboratoire. Cela a été dramatique pour Chlamydia trachomatis, car comme on ne savait pas le rechercher correctement, on ne le dépistait pas et on ne le traitait pas. C’est en grande partie pour cela qu’il y a un taux d’infertilité féminine due aux IST qui est considérable.
4) Avenir du diagnostic sérologique (Chlamydia) :
Pendant très longtemps, on n’a pas su mettre en évidence Chlamydia trachomatis dans les laboratoires de ville car la technique de base est la culture cellulaire, technique lourde, difficile et coûteuse. Alors on a essayé de la remplacer par la sérologie mais, dans les infections basses, la sérologie chlamydienne n’a pas d’intérêt car il n’y a pas beaucoup d’anticorps. On a essayé de remplacer cette culture par des techniques immuno-enzymatiques d’immunofluorescence qui n’avaient pas une bonne sensibilité ni une bonne spécificité. Ainsi, pendant très longtemps, on n’a pas eu d’examen anti-chlamydia fiable à notre disposition et facile à réaliser. L’avenir appartient déjà aux techniques de biologie moléculaire, de PCR car on sait aujourd’hui que PCR Chlamydia trachomatis dans les urines est probablement aussi sensible et aussi spécifique que la culture cellulaire de Chlamydia trachomatis.
5) Quand demander l’avis du dermatologue ?
Traditionnellement, les pathologies masculines sont traitées par le dermatologue et les pathologies féminines par le gynécologue. Globalement, cela n’est pas mauvais. Les dermatologues ont un défaut, c’est de ne pas très bien savoir faire un examen gynécologique avec toucher vaginal, etc. Il leur est donc difficile de faire de la pathologie sexuellement transmissible haute. Inversement, les gynécologues ont une formation en dermatologie, donc en dermatologie vulvaire et périnéale, modeste. Ces deux corps de métiers sont donc complémentaires. Devant des leucorrhées, des gynécologues très bien formés sont plus aptes encore que les dermatologues à résoudre ce problème.
6) Quand évoquer une infection génitale haute ?
– Chez l’homme, ce n’est pas très compliqué, l’épididymite est douloureuse et fébrile, la prostatite est extrêmement fébrile et extrêmement douloureuse. Les signes d’appels fonctionnels sont évidents.
– Chez la femme, c’est plus difficile. Beaucoup de salpingites évoluent à bas bruit et ne sont même diagnostiquées qu’a posteriori, au moment d’une étude étiologique d’une stérilité féminine. Donc, bien souvent, la pathologie haute passe complètement inaperçue et elle doit être systématiquement évoquée en cas de pathologie basse et faire rechercher des arguments pour une pathologie haute, c’est-à-dire la moindre fièvre, la moindre douleur abdominale, la moindre douleur pelvienne, spontanément ou à la palpation et, notamment, aux touchers vaginaux. Il faut bien vérifier que les culs-de-sac sont indolores, facilement mobilisables et il faut surtout, au spéculum, vérifier qu’il n’y a pas d’endocervicite car la présence d’une endocervicite peut faire craindre d’emblée une infection de la filière génitale haute.
7) Quand traiter le partenaire ?
Il faut bien comprendre que certaines leucorrhées ne sont pas sexuellement transmissibles. La majorité des candidoses génitales ne sont pas sexuellement transmissibles et donc toute leucorrhée n’implique pas une transmission sexuelle.
C’est important pour déculpabiliser un certain nombre de femme et ne pas créer de problèmes à l’intérieur d’un couple.
Quand on est en face d’une véritable IST, il est bien évident que le partenaire doit être conseillé, traité soit après contrôle clinique, soit après examen de laboratoire mais, en tout cas, il doit être traité de façon à rompre la chaîne de contamination. C’est souvent difficile mais c’est obligatoire et, là encore, je pense que l’on peut être amené à prescrire pour le partenaire un traitement présomptif, même sans le voir.
Il vaut mieux le traiter sans pouvoir le consulter que le laisser dans la nature et ne pas faire de traitement.
2. Gynécologues :
1) Traite-t-on différemment une mycose vaginale récidivante ?
Le problème est différent pour les mycoses vaginales récidivantes. Il y a des patientes qui ont un terrain particulier, soit parce qu’elles prennent un traitement corticoïde ou immunosuppresseur soit qu’elles sont diabétiques, ce qui favorise la survenue de mycoses et pérennise l’infection mycosique. Il faut distinguer ces jeunes filles là des jeunes femmes qui peuvent avoir des mycoses qui récidivent parce qu’elles prennent des traitements hormonaux qui modifient le terrain. Dans ces conditions, il faut d’abord traiter le terrain sur lequel survient la mycose plus que la mycose elle-même. On traitera l’épisode mycosique probablement sur plusieurs cycles, de manière à éviter les récidives et, dans la période d’intervalle entre les cycles on traitera le terrain lui-même.
2) Leucorrhées chez la femme âgée :
Deux cas possibles pour la femme âgée.
– La femme âgée qui a une vie sexuelle présente les mêmes risques potentiels que la femme en période d’activité génitale et les conditions d’examens ainsi que les recherches microbiologiques que l’on est amené à faire sont les mêmes.
– Chez la femme âgée qui n’a pas de vie sexuelle, il faut rechercher soit une atrophie vaginale qui existe après un certain temps de ménopause non traitée, soit des infections dues à des corps étrangers comme des pessaires qui sont posés souvent pour des prolapsus et qui peuvent générer des leucorrhées extrêmement abondantes et fétides.
3) Particularité des leucorrhées chez la fillette :
Chez la petite fille, il faut penser à plusieurs choses. Les petites filles n’ont pas, physiologiquement, de petites lèvres donc la vulve est très béante. On peut voir des infections dues à un manque d’hygiène simple: c’est la petite fille qui va aux toilettes, ne s’essuie pas, et s’irrite alors la vulve. Des leucorrhées peuvent alors survenir secondairement. Il peut y avoir un problème de corps étranger introduit dans le vagin. On peut être surpris de retrouver une chaussure de Barbie, un capuchon de stylo… qui génèrent des leucorrhées extrêmement abondantes chez la fillette.
4) Doit-on utiliser un spéculum à usage unique ?
Dans les centres d’IST, il est indispensable d’utiliser des spéculums à usage unique, d’une part parce que les patientes le réclament du fait du risque potentiel de contamination par les instruments, elles savent que cela existe, et, d’autre part, pour nous, il est plus simple d’avoir un matériel qui est jeté systématiquement après chaque examen. En revanche dans les cabinets de ville ou pour les consultations hospitalières qui ne sont pas spécialisées dans les IST, on peut se permettre d’utiliser des spéculums stérilisés par l’hôpital ou par le médecin à son cabinet, sachant que certaines précautions sont à prendre. On fait tremper les instruments dans un produit décontaminant, ultérieurement le matériel est lavé et enfin le matériel est stérilisé. Après toutes ces précautions, il n’y a aucun problème pour utiliser ce matériel.