Une des principales fonctions du système immunitaire est la protection de l’organisme vis-à-vis des micro-organismes ou des agents environnementaux.
Cette protection peut faire intervenir l’activation de lymphocytes T spécifiques et la production d’anticorps.
Par le biais de la sélection thymique, les lymphocytes T autoréactifs sont éliminés et les lymphocytes B potentiellement sécréteurs d’auto-anticorps sont maintenus en situation d’anergie. Toutefois, dans certaines conditions encore mal définies, il peut y avoir une défaillance dans ces mécanismes de régulation conduisant à des réactions auto-immunes où certaines molécules du soi sont reconnues comme éléments étrangers et deviennent la cible de lymphocytes T auto-réactifs et/ou d’auto-anticorps.
Ces maladies auto-immunes touchent environ 5 à 7 % de la population et sont responsables de pathologies parfois graves.
1. Stérilités auto-immunes masculines :
Les testicules sont protégés par une barrière hémato-testiculaire qui les isole des cellules immunocompétentes. De plus, le passage de molécules d’origine testiculaire potentiellement immunogènes ne se fait pas vers la circulation sanguine. Lorsque cette barrière est rompue, lors d’un traumatisme ou d’un geste chirurgical, il se produit rapidement une réponse immunitaire objectivée par une réaction inflammatoire locale suivie de la production d’anticorps anti-spermatozoïdes.
– Au niveau tissulaire local, l’infiltration de cellules inflammatoires est caractérisée par de nombreux macrophages, des polynucléaires neutrophiles et des lymphocytes T CD4+ activés ;
– Dans le sang, ce sont essentiellement des anticorps antispermatozoïdes de type IgG qui sont retrouvés ;
– En revanche, dans le sperme, ce sont des IgA qui sont détectées ; ces dernières ont initialement été décrites comme ayant un pouvoir agglutinant, toutefois, ces mêmes propriétés sont également mises en évidence pour les IgG du sang périphérique.
Ces anticorps bloquants ont la particularité d’inhiber la mobilité des spermatozoïdes et de les empêcher de se mouvoir dans la glaire cervicale. Ces mêmes anticorps peuvent avoir une activité cytotoxique dépendante du complément.
Lorsque les spermatozoïdes parviennent à franchir la glaire cervicale, les anticorps présents au niveau de l’acrosome ou de la région post acrosomiale inhibent les liaisons avec l’ovocyte.
Les tentatives de traitement, consistant dans le lavage du sperme notamment, sont restées sans succès.
La présence d’anticorps antispermatozoïdes est aujourd’hui une indication de FIV/ ICSI (sinon d’insémination artificielle avec sperme de donneur…).
2. Stérilités auto-immunes féminines :
Il existe, chez la femme, de nombreuses causes immunologiques pouvant entraîner des infertilités.
Certaines maladies auto-immunes sont directement mises en cause, soit parce qu’elles engendrent des phénomènes délétères liés au développement de l’ovocyte et à l’ovulation, soit parce qu’elles interviennent après la fécondation et empêchent le développement embryonnaire ou provoquent des avortements spontanés.
Les stérilités impliquant directement une auto-immunité spécifique d’organe concernent les ovarites auto-immunes, les hypophysites auto-immunitaires, la maladie de Basedow…
1) Ovarites auto-immunes :
Des anticorps anti-ovariens sont retrouvés dans certaines ménopauses précoces.
De tels anticorps sont également mis en évidence dans le sérum de patientes souffrant du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), ou bien encore de certaines stérilités inexpliquées…
L’ovarite auto-immune est anatomiquement caractérisée par une hypertrophie de l’ovaire au sein duquel se retrouvent de nombreux kystes.
Sur le plan histologique, les follicules pré-antraux et atrétiques sont infiltrés de cellules inflammatoires, particulièrement de lymphocytes T et de macrophages, mais aussi de plasmocytes à IgG.
Biologiquement, l’ovarite est caractérisée par l’apparition d’anticorps anti-ovaires mis en évidence dans le sang périphérique par des techniques d’immunofluorescence et par ELISA.
2) Hypophysites auto-immunes :
Les hypophysites auto-immunes isolées sont très rares. Elles sont souvent associées à des pathologies auto-immunes polyglandulaires telles que la maladie d’Addison ou sont associées au syndrome de Turner.
Des auto-anticorps dirigés contre les cellules productrices de stéroïdes ont été également décrits comme pouvant être responsables d’infertilité.
3) Thyroïdites auto-immunes (ou thyroïdite d’Hashimoto) :
L’association thyroïdite et infertilité a été rapportée dès 1938.
Dans une étude portant sur 700 patientes qui présentaient des avortements spontanés à répétition, Kutteh et al montrent que 22,5 % d’entre elles ont des taux élevés en anticorps anti-thyroglobuline et anti-thyropéroxydase. Les auteurs ne précisent toutefois pas si les patientes avaient présenté des signes cliniques de thyroïdite auto-immune.
4) Lupus érythémateux systémique :
Cette maladie grave touche une femme sur 700 et le sexe ratio est de 9 femmes pour 1 homme.
L’étiologie de cette maladie reste inconnue et son diagnostic repose sur des arguments cliniques et biologiques.
L’expression clinique du lupus est très variée : fièvre, rashs cutanés, arthrite, péricardite, pleurite, néphrite, signes neurologiques, insuffisance rénale…
Sur le plan immunologique, on retrouve des anticorps antinucléaires et des anticorps anti-ADN, le bilan hématologique est également perturbé : anémie, leucopénie, lymphopénie, thrombopénie et, souvent, sérologie syphilitique faussement positive liée à la présence d’anticorps antiphospholipides.
Vingt cinq pour cent des patientes lupiques connaissent des problèmes d’infertilité, essentiellement liés à des pertes fœtales récurrentes et des prééclampsies.
La plupart du temps, ces avortements à répétition sont associés à la présence d’anticorps antiphospholipides dans le sang périphérique de ces patientes.
5) Avortements spontanés et anticorps antiphospholipides :
C’est en 1983 qu’a été décrit le syndrome des antiphospholipides (ou syndrome de “Hugues”) associant thrombose, avortements spontanés, livedo reticularis, thrombopénie et anticorps antiphospholipides.
Les phospholipides sont des constituants naturels des membranes cellulaires contre lesquels sont dirigés les anticorps impliqués dans cette pathologie.
Il existe toutefois d’autres phospholipides pouvant être impliqués : acide phosphatidique, phosphatidyl éthanolamine, phosphatidyl sérine, phosphatidyl choline et phosphatidyl inositol.
Un second type d’antigène est régulièrement mis en cause et se trouve associé aux phospholipides avec lesquels il forme un complexe : il s’agit de la ß2-glycoprotéine I ; cette protéine a la particularité de se lier aux phospholipides chargés négativement, comme le cardiolipide par exemple, et pour certains auteurs les anticorps antiphospholipides se lieraient à la ß2-GP I uniquement formés après l’association de cette molécule aux phospholipides acides.
Les traitements mis en place actuellement chez les patientes ayant présenté des avortements itératifs et ayant des anticorps antiphospholipides permettent d’obtenir des grossesses arrivées à terme dans 80 % des cas. Il peut s’agir d’injections régulières d’immunoglobulines intraveineuses, de corticothérapie associée à de l’aspirine ou bien d’une association héparine + aspirine.