Bien que l’association syphilis et grossesse soit devenue très rare, il convient d’en connaître les conséquences fœtales et la thérapeutique.
1. Diagnostic :
Rappelons simplement que la législation impose une sérologie de la syphilis systématique lors de la déclaration de grossesse, celle-ci devant associer deux réactions :
– un test antigène cardiolipidique (VDRL) ;
– un autre avec antigène tréponémique (TPHA).
2. Risques de la maladie pendant la grossesse :
1) Risques pour la mère :
La grossesse ne modifie pas le cours de la syphilis.
2) Risques pour le fœtus et le nouveau-né :
Le tréponème pâle ne traverse la barrière placentaire qu’après la 16ème semaine de grossesse (18 SA), les conséquences fœtales dépendent donc du terme de découverte.
a) Au 1er trimestre :
La syphilis n’entraîne jamais de malformations ni d’ABRT du premier trimestre.
Le traitement avant le 2ème trimestre évite donc tout risque d’atteinte fœtale.
b) A partir du 4ème mois de grossesse :
Une femme enceinte atteinte a 40 % de risque d’avorter ou d’accoucher plus ou moins prématurément d’un enfant mort-né ; et tout nouveau-né issu d’une mère atteinte a 40 à 70 % de risque de développer une syphilis congénitale.
La syphilis est donc responsable de :
– fausses couches tardives (2ème trimestre),
– accouchements prématurés (souvent dans un contexte d’hydramnios),
– mort néonatale,
– syphilis congénitale : chez le nouveau-né infecté, les manifestations de la syphilis sont classées comme congénitales précoces (c’est-à-dire, de la naissance à l’âge de 2 ans) et congénitales tardives (c’est-à-dire, après l’âge de 2 ans).
* Chez le nouveau-né, le diagnostic est affirmé si :
– sérologie avec taux supérieur à celui de la mère,
– ascension du taux.
3. Traitement :
1) Traitement curatif :
Toute femme présentant des signes cliniques et/ou biologiques de syphilis évolutive doit être traitée selon les schémas standard préconisés par l’OMS.
Par contre, toute patiente antérieurement traitée de façon correcte et documentée ne doit pas être retraitée, sauf s’il y a une indication clinique, sérologique ou épidémiologique de réinfection (lésion cutanée, multiplication par 4 du titre du VDRL, contact sexuel récent avec un partenaire contagieux).
Les objectifs du traitement sont :
– guérir la syphilis maternelle,
– éviter la transmission mère-enfant,
– traiter le fœtus in utero.
Le traitement est le même que celui préconisé en dehors de la grossesse car la pénicilline G passe bien la barrière placentaire. Il s’agit donc :
– pour la syphilis primo-secondaire : d’une injection unique de 2,4 MUI de benzathine benzylpénicilline (Extencilline ®) ;
(Il est cependant recommandé de répéter la dose 1 semaine après la 1ère injection, soit une dose totale de 4,8 MU sur 2 semaines) ;
– si la date de la contamination n’est pas connue, ou la syphilis secondaire déjà ancienne : trois injections de 2,4 MUI de benzathine benzylpénicilline, chacune à 1 semaine d’intervalle.
Prévenir systématiquement le phénomène d’Herxheimer : Prednisone de 0,5 mg/kg/j pendant les trois jours précédant la première injection de pénicilline.
– pour les stades tardifs de la syphilis ou de la neurosyphilis : les protocoles pour patients non gravides doivent être utilisés (syphilis tardive ou tertiaire). Rarement, une réaction sévère de type Jarisch-Herxheimer peut survenir après ce traitement, aboutissant à une fausse couche spontanée.
* En cas d’allergie documentée à la pénicilline :
La patiente allergique à la pénicilline sera, si possible, désensibilisée en milieu hospitalier avant d’être traitée par la pénicilline.
Si c’est impossible : il faudra opter pour un traitement par érythromycine base à la dose de 500 mg per os 4 fois/j pendant 15 à 20 jours.
Le traitement par les cyclines est bien sûr contre-indiqué.
Il n’y a aucune particularité dans la surveillance sérologique en cours de grossesse :
Après un traitement adéquat : le titre du VDRL quantitatif doit être suivi mensuellement ; s’il s’accroît de quatre fois, la patiente doit être traitée une deuxième fois.
Il doit se négativer dans les 2 ans.
A LA NAISSANCE :
– Il est recommandé de traiter systématiquement par la pénicilline les nouveaux-nés de mères traitées par l’érythromycine pendant la grossesse.
– Il faut faire un examen ANA-PATH du placenta et une sérologie dans le sang du cordon pour rechercher une atteinte fœtale.
Nb : Pour les patientes qui sont VDRL positives mais FTA-ABS négatives et qui n’ont pas de signes cliniques de syphilis : le traitement peut être refusé.
Chez de telles patientes, un test VDRL quantitatif et un autre test FTA-ABS doivent être répétés dans les 4 semaines.
Si le titre VDRL a monté de quatre fois ou plus, ou si des signes cliniques de syphilis sont apparus : la patiente doit être traitée.
2) Le véritable traitement est PREVENTIF :
Dépistage de la syphilis maternelle pendant la grossesse, permettant un traitement simultané efficace de la mère et du fœtus.
Toute femme enceinte doit subir un contrôle sérologique lors de la première visite prénatale.
Un second contrôle est souhaitable chez les femmes à haut risque durant le troisième trimestre ou, à défaut, au moment de l’accouchement.
4. Conclusion :
La rareté de la syphilis récente ne doit pas conduire à sous-estimer le risque de syphilis chez la femme enceinte et donc de syphilis néonatale.
A ce titre, la pratique d’une sérologie tréponémique systématique dans les trois premiers mois de la grossesse doit être maintenue.
Nous devons également rester vigilants chez les sujets infectés par le HIV car la possibilité d’une syphilis grave apparaît bien réelle.