1. Prise en charge avant la grossesse :

1) Prise en charge préconceptionnelle : 

Elle est formellement recommandée pour :

– diminuer le risque de malformations congénitales en contrôlant le diabète le mieux possible,

– faire un bilan maternel :

. fond d’œil : la découverte d’une rétinopathie proliférante doit faire instituer un traitement par laser, et faire surseoir transitoirement à la grossesse.

. Une hypertension artérielle doit être traitée.

. La présence d’une protéinurie doit faire craindre l’existence d’une néphropathie diabétique, qui aggrave considérablement le pronostic fœtal.

. La découverte d’une coronaropathie contre-indique une grossesse +++.

2) Surveillance de la glycémie :

La glycémie doit être équilibrée depuis au moins 3 mois avant la grossesse, elle doit le rester durant toute la grossesse.

La femme enceinte (non diabétique) est déjà en relative hypoglycémie.

L’objectif en tant que future maman diabétique sera donc d’autant plus strict, ce qui impose une autosurveillance rapprochée avec 6 à 8 contrôles par jour, au minimum…

3) Objectifs glycémiques :

< 0,90 g/l à jeun et avant les repas,

< 1,20 g/l pour la glycémie postprandiale (2 h après le début du repas).

Ce contrôle doit être aussi bon que possible avant la grossesse et doit être continué tout au long de la grossesse.

2. Surveillance et traitement au cours de la grossesse :

1) Sur le plan de la glycorégulation :

Schéma d’insuline auquel elle est déjà habituée. Néanmoins, la grossesse crée des conditions métaboliques et endocriniennes susceptibles de modifier l’équilibre du diabète :

– 1er trim : risque d’hypoglycémie (favorisée par les nausées-vomissements),

– 2ème trim : présence de corps cétoniques (influence nocive sur le développement du système nerveux),

– 3ème trim : inflation des hormones hyperglycémiantes (⇒ augmentation des besoins insuliniques).

2) Sur le plan médical :

– L’appui du diabétologue, avec des rendez-vous une à deux fois par mois, sera indispensable pour l’adaptation des doses d’insuline tout au long de la grossesse.

– En plus des analyses sanguines habituelles pour toute femme enceinte, prescrire une HbA1c ou une fructosamine une fois par mois. La fructosamine renseigne sur l’équilibre glycémique, comme l’HbA1c, mais sur une période plus courte (deux à trois semaines).

– Un à trois fonds d’œil sont préconisés : un fond d’œil tous les trois mois s’il n’y a pas de rétinopathie, tous les mois ou plus souvent si elle préexiste à la grossesse. Angiographies et laser peuvent être pratiqués pendant la grossesse.  

– Les grossesses diabétiques compliquées doivent faire prendre des mesures spécifiques : l’existence ou la survenue d’une HTA ou d’une protéinurie doivent faire renforcer la surveillance : les doppler utérins et ombilicaux prennent ici de l’importance. Les RCF doivent parfois être commencés à 26 SA. On peut être amené à interrompre prématurément la grossesse pour des raisons maternelles ou fœtales ; une corticothérapie à visée de maturation pulmonaire fœtale doit être effectuée si cette interruption doit être faite avant 34 SA, avec ajustement des doses d’insuline.

3) Sur le plan obstétrical :

Le suivi obstétrical sera d’autant plus lourd que le diabète est mal équilibré car la base du traitement de la femme diabétique enceinte est le contrôle du diabète, avant et pendant la grossesse. Les résultats seront d’autant meilleurs que la prise en charge sera précoce et faite par une équipe entraînée de diabétologues, obstétriciens et pédiatres.

a) Au premier trimestre : quatre objectifs :

– Déterminer l’âge gestationnel exact (par la mesure de la LCC de l’embryon à l’échographie entre 8 et 12 SA) ; la précision de cette détermination est de + 4 jours.

Connaître l’âge gestationnel permettra de programmer l’accouchement.

– Connaître la qualité du contrôle du diabète depuis la conception, qui détermine le risque de malformation fœtale.

– Connaître l’état des lésions dégénératives qui influenceront le pronostic fœtal, notamment l’existence d’une HTA et/ou d’une néphropathie.

– Rechercher les facteurs de risque pour la grossesse (indépendants du diabète), comme pour toute autre femme non diabétique.

b) Au 2ème – 3ème trimestre :

Une consultation tous les 15 jours est souhaitable. Les objectifs sont :

* Dépistage des malformations :

Il se fera par l’échographie, dans un centre de référence, une première fois vers 20 SA, puis entre 26 et 28 SA enfin à 32 SA pour préciser la morphologie cardiaque et rénale, mais aussi pour le dépistage d’une SFC : biométries, annexes fœtales (placenta, LA), dépistage RCIU, estimation poids fœtal, (score de Manning).

Une échocardiographie (par un opérateur entraîné) est recommandée par certains. Cela ne nous paraît indispensable que si l’échographiste obstétrical a un doute, ou si le contrôle du diabète au moment de la conception était très mauvais.

La découverte d’une malformation doit conduire à confier la patiente à un centre de diagnostic anténatal qui jugera s’il est indiqué de faire un avortement thérapeutique, ou d’organiser le meilleur accueil possible à la naissance (notamment chirurgical).

* Surveillance de la croissance et le dépistage de la macrosomie :

Ils se font par l’examen clinique répété (HU, CPO) et les échographies.

La macrosomie est souvent manifeste dès le deuxième trimestre et s’accompagne d’excès de liquide amniotique.

Le meilleur élément échographique pour juger de la macrosomie est la mesure de la circonférence abdominale.

Certains font des échographies tous les mois pour juger de la croissance.

Une échographie à 20 puis 32 SA, couplée à l’examen clinique semble suffisant pour prédire la macrosomie.

Le diagnostic de macrosomie est important pour choisir la voie d’accouchement : mais l’estimation du poids fœtal in utero est sujette à de grandes erreurs, que ce soit par la clinique ou par l’échographie ; la mesure échographique du périmètre abdominal est l’élément le moins mauvais.

* Dépistage des complications pendant la grossesse :

– complications obstétricales : hydramnios, HTA, protéinurie, MAP…

– souffrance fœtale : à partir de 32 SA, elle se fait par le compte subjectif des mouvements actifs par la mère, et par les enregistrements répétés du RCF ; le doppler ombilical est normal dans les grossesses diabétiques non compliquées d’HTA et donc inutile,

– infection urinaire infraclinique (une bactériurie doit être recherchée systématiquement tous les mois et traitée).

Nb : la MAP ne doit pas être traitée par une perfusion de β‑stimulants, qui peuvent entraîner un coma acidocétosique en quelques heures, sauf perfusion d’insuline concomitante à hautes doses ; les antagonistes calciques seront préférés.

Des corticoïdes pour accélérer la maturation pulmonaire fœtale peuvent être prescrits, mais les besoins en insuline augmenteront pendant la durée d’action de ces médicaments.

* Dépistage de la souffrance fœtale :

Il doit être fait par une surveillance intensive à partir de 32 SA.

L’examen de référence est l’enregistrement répété du RCF. L’intervalle entre deux enregistrements est très discuté. Il doit être de toute façon de plus en plus court au fur et à mesure que la grossesse avance.

Dans la grossesse diabétique “normale” un enregistrement deux fois par semaine de 32 à 34 SA, puis un jour sur deux parait souhaitable. Il peut se faire en ambulatoire ou par télémonitoring avec autoenregistrement à domicile et transmission téléphonique.

L’étude de la vélocité au niveau de l’artère ombilicale n’a pas d’intérêt dans la grossesse diabétique, en l’absence d’HTA. La détermination du profil biophysique une fois par semaine est recommandée par certains. Elle consiste, en plus de l’enregistrement du RCF, en l’étude échographique de 4 paramètres : mouvements actifs, mouvements respiratoires, tonus, volume du liquide amniotique.

L’autosurveillance des mouvements fœtaux est un bon appoint à la surveillance.

Le dépistage d’une souffrance fœtale doit conduire à une extraction fœtale dans les plus brefs délais.

* Détermination de la date d’hospitalisation :

Sur le plan strictement médical, il n’y a pas d’indication à une hospitalisation de fin de grossesse en l’absence de complications.

Des considérations pratiques (éloignement du domicile) ou socio-économiques (situation sociale précaire, barrière de langue, inadéquation culturelle, absence de motivation pour la grossesse, etc.), peuvent modifier cette attitude.

* Décision du moment de l’accouchement :

Dans la grossesse diabétique non compliquée, il n’y a pas d’indication à interrompre la grossesse avant 38 semaines.

A partir de ce terme, si les conditions obstétricales sont favorables : un déclenchement peut être programmé.

Il n’y a pas de contre-indication à faire précéder ce déclenchement d’une maturation du col par des prostaglandines locales.

* Décision de la voie d’accouchement :

Elle dépend de considérations purement obstétricales.

La difficulté de l’accouchement par voie basse est liée à la macrosomie fœtale.

Les difficultés d’engagement de la tête ne posent pas de problèmes thérapeutiques, car résolues par une césarienne en cours de travail.

Mais l’accident redoutable dans l’accouchement de l’enfant de mère diabétique est la dystocie des épaules. Dans ces conditions, l’engagement des épaules peut entraîner, outre des fractures, peu graves, une élongation du plexus brachial avec paralysie transitoire ou définitive, une asphyxie avec séquelles neurologiques possibles. C’est l’échec de la prise en charge de cette grossesse.

Or, ni la clinique ni l’échographie ne sont capables de prédire le degré de la macrosomie. Qui plus est, aucun élément pré ou per-natal ne permet de prévoir la dystocie des épaules.

Ces considérations expliquent la fréquence de la césarienne dans la grossesse diabétique.

3. CAT en vue de l’accouchement :

1) Date et modalité d’accouchement :

a) Voie basse :

De nombreux auteurs souhaitent laisser évoluer la grossesse jusqu’à son terme et accoucher les patientes spontanément par voie basse.

Cette attitude ne se conçoit qu’en cas de :

– diabète pas trop ancien (< 10 ans, absence de lésions vasculaires),

– cycles glycémiques à la limite de la normale,

– Hb glyquée normale,

– pas de signes de toxémie,

– aucun obstacle n’est redouté pour l’accouchement par voie basse (multipare ayant des accouchements faciles ; primipare avec radiopelvimétrie et échographie satisfaisantes ainsi que les parties molles).

Certains auteurs préfèrent un déclenchement systématique à 38 SA sous anesthésie péridurale en fonction de la parité et du score de Bishop, arguant de l’inutilité de l’attente et de l’excellente prise en charge dans l’accouchement programmé.

b) Césarienne :

L’accouchement par césarienne de 1ère intention est réservé aux :

– antécédents de MIU,

– accouchements prématurés,

– utérus cicatriciels,

– présentation de siège,

– diabètes difficiles à équilibrer et instables,

– diabètes compliqués d’HTA, rétinopathie, fœtopathie (GE, hydramnios, SFC, RCIU).

L’accouchement par césarienne de 2ème intention découle des échecs du déclenchement, et de l’apparition de SFA au cours du travail.

2) Modalités de l’accouchement sur le plan diabétologique :

Le travail et l’accouchement supposent une adaptation de l’apport énergétique et donc des besoins en insuline.

Un strict contrôle de la glycémie maternelle permet de réduire les hypoglycémies néonatales.

La glycémie doit rester < 1,40 g/l (dextro).

L’apport énergétique peut se faire par une perfusion de SGI associée à des injections discontinues d’insuline ordinaire en SC, ou bien à l’administration continue d’insuline (pompe) avec un débit régulier d’environ 1 U/h.

Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque la pompe à insuline est installée 5 jours avant l’accouchement programmé (⇒ aucune hypoglycémie néonatale).

Paradoxalement, les besoins en insuline semblent diminuer pendant le travail (par rapport aux doses de fin de grossesse).

* Comment gérer l’insuline le jour de l’accouchement ? 

Le jour de l’accouchement, l’alimentation se fera par apport de glucose en perfusion et les glycémies seront normalisées par de l’insuline administrée en intraveineux par seringue électrique (le débit horaire d’insuline rapide est égal à la dose totale moyenne des jours précédents en additionnant toutes les insulines, divisée par 24). On contrôle les glycémies capillaires toutes les heures.

3) Sur le plan obstétrical :

La surveillance sera extrêmement étroite, l’équipe chirurgicale pouvant intervenir à tout moment. Elle s’aidera de : l’amnioscopie, RCF, pH-métrie.

L’ANALGESIE PERIDURALE EST SOUHAITABLE.

– Prise horaire du pouls, TA, température,

– forceps d’expulsion après épisiotomie : souhaitable,

– la délivrance doit être dirigée : éviter l’hémorragie de la délivrance,

– prise en charge immédiate de l’enfant (pédiatre).

4. CAT en post-partum :

1) Consignes du diabétologue : 

DID : dès l’accouchement, après la délivrance, les doses d’insuline sont divisées par 2.

Dès qu’une alimentation par la bouche sera possible, la patiente reprendra le même schéma insulinique qu’avant l’accouchement, mais en divisant toutes les doses par 2 ou au prorata de l’augmentation.

2) Surveillance de l’enfant :

L’enfant doit être surveillé de très près, le plus souvent dans un service de néonatologie.

3) Surveillance de la mère :

Elle ne diffère en rien de la grossesse normale :

– lever précoce, usage d’utérotoniques et d’ATB,

– surveillance du pouls, TA, température, globe utérin, lochies,

– surveillance de l’apparition du colostrum,

– l’allaitement est encouragé,

– régulariser les doses d’insuline.

4) Contraception en post-partum :

La contraception peut être assurée par une micropilule progestative en continu, donnée à partir du 10ème jour du post-partum.

Pour plus de détails sur la contraception : Cf chapitre spécial

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