1. Présentation de la pathologie :
Les hypothyroïdies vraies (HV) surviennent dans 0,3 à 0,5 % des grossesses et les hypothyroïdies infracliniques (HIC) dans 2 à 3 % des grossesses.
Les anticorps anti-TPO sont retrouvés chez 5 à 15 % des femmes en âge de procréer.
La cause la plus fréquente d’hypothyroïdie pendant la grossesse en dehors de la carence iodée est la thyroïdite auto-immune (ou thyroïdite d’Hashimoto).
Une positivité des ATPO chez la femme enceinte est retrouvée chez 80 % des HV et 50 % des HIC.
– L’HV se définit chez la femme enceinte par une TSH entre 2,5 et 10 mUI/L associée à une diminution de la T4L pour les normes du terme, ou par une TSH supérieure à 10 mUI/L.
– L’HIC se définit par une TSH entre 2,5 et 10 mUI/L avec une T4L normale pour l’âge gestationnel.
Les valeurs normales de TSH au 1er trimestre sont abaissées entre 0,1 et 2,5 mUI/L.
Ce qui signifie qu’une valeur entre 0,4 et 4 mUI/L peut être faussement interprétée comme normale.
Les valeurs normales de T4L sont difficiles à interpréter pendant la grossesse.
La T4 totale s’élève rapidement pendant le 1er trimestre de grossesse pour atteindre 150 % des valeurs normales d’une femme non enceinte (élévation de la TBG induite par les estrogènes).
Les valeurs de T4 totale aux 2ème et 3ème trimestres de grossesse correspondent aux valeurs normales hors grossesses (5–12 μg/dL, 50–150 nmol/L) multipliées d’un facteur 1,5.
L’origine auto-immune est confirmée par les titres d’ATPO et anticorps anti-TG.
2. Avis préconceptionnel :
1) En cas d’hypothyroïdie périphérique déjà connue avant la grossesse :
Il est nécessaire d’ajuster le traitement pour obtenir en préconceptionnel une TSH ≤ 2,5 mUI/L.
Il sera nécessaire en cas de grossesse de rapidement augmenter les doses de lévothyroxine.
2) En cas d’euthyroïdie préconceptionnelle et positivité des ATPO :
Il sera nécessaire de surveiller la TSH toutes les 4 à 6 semaines au cours de la grossesse afin de dépister la survenue d’une hypothyroïdie.
Cette situation est associée à un risque majoré de fausses couches et d’accouchements prématurés.
Les recommandations internationales ne se prononcent pas sur l’intérêt d’un éventuel traitement préventif en raison du manque d’études de bonne qualité.
3) Dépistage des dysthyroïdies avant (et pendant une grossesse) : Cf chapitre spécial
3. Suivi de grossesse :
1) En cas de traitement pour HV ou HIC :
Dosage de la TSH :
– 30 à 40 jours après toute modification thérapeutique,
– toutes les 4 à 6 semaines ensuite.
2) En cas d’euthyroïdie et ATPO positifs en préconceptionnel :
Dosage de la TSH toutes les 4 à 6 semaines.
4. Risques pour la mère et le fœtus :
Une hypothyroïdie méconnue ou subclinique ou mal traitée peut avoir des conséquences importantes sur la mère et sur le fœtus.
1) Risques pour la mère :
– fausses couches précoces,
– risque accru de prééclampsie,
– diabète gestationnel,
– hypertension artérielle, prééclampsie,
– anémie,
– hématome rétroplacentaire (HRP),
– hémorragies post-partum,
– dépression du post-partum.
2) Risques pour le fœtus :
– retard de croissance intra-utérin,
– faible poids de naissance,
– prématurité,
– détresse respiratoire néonatale,
– mort in utero (MIU),
– à long terme :
. anomalies du développement neuropsychologique,
. troubles neurodéveloppementaux,
. baisse du QI (quotient intellectuel),
. diminution de la capacité d’apprentissage à l’école.
5. Risques et conséquences de la grossesse sur l’hypothyroïdie :
Au cours de la grossesse, les réponses immunitaires sont modifiées afin d’empêcher un rejet fœtal, avec notamment une augmentation d’activité du système immunitaire de type Th2 et diminution du système Th1. Il s’agit donc d’une période de relative latence et amélioration des maladies auto-immunes comme la thyroïdite de Hashimoto.
On assiste à une relative diminution des anticorps antithyroïdiens.
En revanche, en fin de grossesse ou en post-partum, le rétablissement de la balance entre l’activité immunologique de type Th1 et Th2 peut entraîner une exacerbation de la thyroïdite.
6. Traitement :
Le traitement avec Lévothyroxine est nécessaire pour normaliser les niveaux de TSH et T4, soulager les symptômes et prévenir les complications.
Les besoins sont majorés pendant la grossesse, il convient donc :
– d’augmenter de 30 à 50 % la dose du traitement prégestationnel sur les 4 à 6 premières semaines de grossesse en cas d’HV connue avant la grossesse (l’augmentation sera plus importante en cas d’absence de tissu thyroïdien persistant : ablation par iode radioactif, thyroïdectomie totale),
– en cas de TSH élevée au cours de la grossesse : la dose de substitution prescrite sera la suivante :
. 5 ≤ TSH < 10 mUI/L : 25–50 μg par jour,
. 10 ≤ TSH < 20 mUI/L : 50–75 μg par jour,
. ≥ 20 mUI/L : 75–100 μg par jour.
Les objectifs sont :
. TSH ≤ 2,5 mUI/L au 1er trimestre de grossesse,
. TSH ≤ 3 mUI/L aux 2ème et 3ème trimestres.
Nb : En cas de TSH dans les normes au cours de la grossesse avec T4 basse : l’attitude est controversée. Les recommandations internationales suggèrent la mise en route d’une substitution partielle après évaluation individuelle et surveillance régulière. En cours de grossesse, le bilan biologique doit comporter le dosage de TSH et de T4L.
7. Suivi post-partum :
Dans la plupart des cas, la dose de lévothyroxine peut être diminuée à la dose requise avant la grossesse.
Il convient d’adapter le traitement en fonction de la clinique et réaliser un dosage de TSH 4 à 6 semaines après l’accouchement.

Principes généraux du traitement de l’hypothyroïdie chez la femmes enceinte :
– L’objectif du taux de TSH doit être < 2,5 mUI/L en pré-conceptionnel.
– Augmentation de la posologie de la LT4 de 25 à 30 % dès le diagnostic de grossesse.
– Surveillance mensuelle du taux de TSH.
– Objectif du taux de TSH sous traitement doit être < 2,5 mUI/L.
En post-partum, retour à la posologie habituelle d’avant la grossesse et contrôle du taux de TSH à 6 semaines.