1. Présentation de la pathologie :
L’hyperthyroïdie serait présente chez 1 à 3 % des femmes enceintes mais la prévalence d’une thyréotoxicose clinique est estimée à 0,1 à 0,4 % pendant la grossesse.
Les symptômes d’hyperthyroïdie peuvent être difficiles à différencier de ceux de la grossesse normale.
Deux signes seraient particulièrement évocateurs : l’absence de prise de poids voire un amaigrissement paradoxal et une tachycardie permanente.
Le diagnostic repose sur un dosage de TSH effondrée (à interpréter en relation avec la diminution liée à l’effet TSH-like de l’hCG et l’augmentation de la thyroxine binding globuline (TBG) pendant la grossesse) et surtout des hormones libres T4 et T3 élevées.
Les AR-TSH sont systématiquement dosés pour éliminer une maladie de Basedow.
La maladie de Basedow représente 85 % des cas ; elle est le plus souvent diagnostiquée avant le début de la grossesse, rarement pendant. Son diagnostic repose sur la présence d’arguments cliniques pour une pathologie thyroïdienne autoimmune, un goitre typique, une positivité du dosage des anticorps AR-TSH.
Nb : Le diagnostic différentiel est la thyrotoxicose gestationnelle transitoire (0,5 à 10 cas pour 1.000 grossesses) évoquée en cas d’hyperthyroïdie clinique et biologique et en l’absence d’auto-immunité thyroïdienne.
Elle se caractérise par des vomissements incoercibles au 1er trimestre de la grossesse responsables d’une perte de poids supérieure à 5 % du poids du corps, d’une déshydratation et parfois cétonurie associée.
Elle est liée à l’effet TSH-like de l’hCG et est donc plus fréquente en cas de grossesse gémellaire, môle hydatiforme ou choriocarcinome.
Elle évolue favorablement vers une euthyroïdie entre 16 et 20 SA avec normalisation des signes cliniques et du bilan thyroïdien de façon parallèle à la diminution du taux d’hCG.
2. Avis préconceptionnel :
Les anticorps AR-TSH traversent la barrière placentaire et peuvent, dans de rares cas (0,01 %), être responsables d’une hyperthyroïdie fœtale (anticorps AR-TSH stimulants), plus rarement d’hypothyroïdie fœtale (anticorps AR-TSH inhibants).
Ils peuvent rester présents chez une femme ayant été traitée radicalement (chirurgie ou iode radioactif (I131)) pour une maladie de Basedow avant la grossesse.
Les recommandations ne se prononcent pas sur la valeur du taux d’anticorps AR-TSH préconceptionnel chez une femme ayant été traitée radicalement pour une maladie de Basedow ou en cours de traitement permettant d’autoriser une grossesse. Mais elles signalent que le risque d’hyperthyroïdie fœtale existe quand le taux d’anticorps AR-TSH est ≥ 3 fois la valeur supérieure de la normale.
3. Suivi de grossesse :
Une surveillance spécifique devra être envisagée en raison du passage transplacentaire et du risque de stimulation thyroïdienne fœtale des anticorps AR-TSH.
– Dosage chez la mère des anticorps AR-TSH avant 22 SA en cas de :
. maladie de Basedow en cours,
. antécédent personnel de maladie de Basedow traitée par I131 ou thyroïdectomie avant la grossesse,
. antécédent de nouveau-né avec maladie de Basedow diagnostiquée à la naissance,
– Antécédent d’élévation des anticorps AR-TSH.
– En cas d’anticorps AR-TSH négatifs et en l’absence de traitement par antithyroïdiens de synthèse, le risque de dysfonction thyroïdienne fœtale ou néonatal est très faible.
– En cas d’anticorps AR-TSH > 2-3 fois la normale supérieure ou chez les femmes traitées par antithyroïdiens de synthèse, une recherche de dysfonction thyroïdienne fœtale doit être réalisée par une surveillance clinique et une échographie fœtale entre 18 et 22 SA et renouvelée toutes les 4 à 6 semaines.
Les arguments en faveur d’une hyperthyroïdie fœtale sont : une tachycardie fœtale (tardive) associée à un goitre fœtal, un RCIU, un oligoamnios ou une accélération de la maturation osseuse.
Une ponction de sang fœtal ne sera envisagée que si les données cliniques et échographiques ne permettent pas de diagnostiquer une dysfonction fœtale et qu’elle présente un intérêt dans la décision thérapeutique.
4. Risques et conséquences sur la grossesse et sur le fœtus :
La thyrotoxicose maternelle non traitée augmente le risque d’accouchement prématuré, de RCIU, de prééclampsie, d’insuffisance cardiaque congestive et de MIU.
Concernant les risques liés aux antithyroïdiens de synthèse :
– le carbimazole est associé à un risque accru d’aplasie du scalp et d’exceptionnelles atrésies des choanes et de l’œsophage, de fistules trachéo-œsophagiennes, anomalies du septum interventriculaire pendant les deux premiers mois de grossesse,
– le propylthiouracile (PTU) au cours de la grossesse peut, dans de rares cas, être responsable de troubles hépatiques parfois sévères,
– du fait de leur passage transplacentaire, un surdosage en antithyroïdiens de synthèse chez la mère peut être responsable d’une hypothyroïdie fœtale iatrogène détectable par la mesure de la thyroïde fœtale à l’échographie et inversement un sous-dosage, autrement dit une hyperthyroïdie insuffisamment contrôlée, peut entraîner une hypothyroïdie centrale congénitale par rétrocontrôle négatif,
– le principe est de traiter à la plus petite dose possible d’antithyroïdiens de synthèse permettant une euthyroïdie maternelle avec une T4L dans la zone normale haute.
* Risques liés aux anticorps AR-TSH de la maladie de Basedow :
– Les anticorps AR-TSH traversent la barrière placentaire et peuvent stimuler de façon excessive la thyroïde fœtale pendant la seconde moitié de la grossesse et être responsables de façon rare (0,01 % des grossesses) d’une hyperthyroïdie fœtale (anticorps AR-TSH stimulants). De façon anecdotique, les anticorps AR-TSH peuvent être inhibants et responsables d’une hypothyroïdie fœtale.
– Le risque d’hyperthyroïdie fœtale existe clairement quand le taux d’anticorps AR-TSH est ≥ 3 fois la valeur supérieure de la normale.
5. Risques de la grossesse sur la maladie :
La maladie de Basedow est une pathologie autoimmune liée à la présence d’anticorps AR-TSH.
Les signes de thyréotoxicose peuvent s’aggraver au 1er trimestre du fait de l’effet TSH-like de l’hCG.
On observe le plus souvent une amélioration clinique pendant la 2ème partie de la grossesse du fait d’une diminution des anticorps AR-TSH.
En revanche, la maladie de Basedow récidive fréquemment après l’accouchement.
6. Traitement :
En cas d’hyperthyroïdie liée à une maladie de Basedow ou un nodule toxique, le traitement repose sur les antithyroïdiens de synthèse avec pour objectif de maintenir la T4 libre maternelle aux valeurs supérieures de la normale :
– PTU recommandé en 1ère intention au 1er trimestre de la grossesse avec surveillance du bilan hépatique toutes les 3 à 4 semaines,
– carbimazole en 2ème intention si PTU non disponible ou mal toléré au 1er trimestre et à discuter en relai du PTU selon les recommandations internationales s’il est nécessaire de poursuivre un traitement au 2ème trimestre de grossesse (en raison des troubles hépatiques décrits sous PTU). Le bilan thyroïdien sera contrôlé 2 semaines après le relais puis toutes les 2 à 4 semaines.
Une thyroïdectomie subtotale pourra être discutée, idéalement au 2ème trimestre de la grossesse en cas de :
– intolérance majeure aux antithyroïdiens de synthèse,
– doses requises d’antithyroïdiens de synthèse très élevées : plus de 30 mg par jour de carbimazole et 450 mg par jour de PTU,
– hyperthyroïdie non contrôlée chez une patiente non observante.
L’I131 est contre-indiqué chez la femme enceinte.
Nb:
– Il n’y a pas d’indication à traiter une hyperthyroïdie infraclinique chez la femme enceinte.
– Dans la plupart des cas de thyrotoxicose gestationnelle transitoire, aucun traitement n’est nécessaire devant l’évolution spontanément favorable. Dans les situations de thyrotoxicose sévère avec élévation de la T4L et de la T3L, un traitement par β-bloquants après accord obstétrical, voire par antithyroïdiens de synthèse, pourra être discuté au cas par cas.
7. Suivi post-partum :
Une hyperthyroïdie néonatale doit être recherchée chez tout nouveau-né de mères atteintes de maladie de Basedow avec anticorps AR-TSH positifs pendant la grossesse et traitées par antithyroïdiens de synthèse pendant la grossesse.
En cas de forme sévère, un traitement sera à discuter.
La maladie de Basedow pouvant être exacerbée en post-partum, un suivi endocrinologique avec contrôle du bilan thyroïdien entre 6 et 12 semaines après l’accouchement est recommandé.