1. Présentation de la pathologie :
Les nodules thyroïdiens sont fréquents : leur prévalence est estimée à 4 à 7 % de la population générale à la palpation, 19 à 67 % en cas de dépistage échographique.
Leur physiopathologie reste mal connue mais ils sont plus fréquents chez les sujets de sexe féminin, en situation de carence iodée, en cas d’antécédents familiaux de nodules thyroïdiens ou chez les sujets âgés.
Leur prévalence pendant la grossesse varie entre 3 et 21 % et augmente avec la parité.
Entre 5 et 15 % des nodules thyroïdiens sont des cancers thyroïdiens. Ceux-ci dérivent dans la majorité des cas des cellules folliculaires et sont représentés dans 80 à 90 % des cas par un carcinome papillaire de la thyroïde (CPT), 10 à 15 % des cas par un carcinome vésiculaire (CVT), moins de 5 % des cas par un carcinome peu différencié ou un carcinome anaplasique.
2. Avis préconceptionnel :
En cas de découverte préconceptionnelle d’un nodule thyroïdien, la conduite à tenir sera la même que pour tout sujet et il conviendra d’éliminer un cancer thyroïdien avant de démarrer une grossesse.
En cas de cancer thyroïdien diagnostiqué avant une grossesse, celui-ci devra être opéré et considéré comme en rémission avant de débuter une grossesse.
En cas de nécessité d’un traitement par I131, il est nécessaire d’attendre 12 mois afin de s’assurer que la fonction thyroïdienne est stable et de confirmer la rémission.
Le traitement par I131 n’a pas montré être responsable de troubles de la fertilité ou être associé à un risque accru de malformations congénitales, fausses couches.
Un traitement freinateur de la TSH par lévothyroxine pourra être poursuivi pendant la grossesse.
3. Suivi de grossesse :
Le diagnostic et la prise en charge d’un nodule isolé ou d’un goitre multinodulaire découvert pendant la grossesse ne diffèrent pas de celui de la femme non gravide et reposent sur l’échographie cervicale et la cytoponction à l’aiguille fine.
Un dosage de TSH et de T4L devra être prescrit devant tout nodule afin au préalable d’éliminer un nodule toxique.
Une cytoponction devra être entreprise en cas de :
– nodule solide de plus de 10 mm,
– nodule mesurant 5 à 10 mm avec critères cliniques de malignité (antécédents familiaux, antécédent d’irradiation cervicale, adénopathies cervicales associées) ou critères échographiques péjoratifs (hypoéchogénécité, irrégularité des contours, vascularisation intranodulaire, microcalcifications intranodulaires, nodule plus haut que large),
– complexe nodulaire de 1,5 à 2 cm ou plus.
La cytoponction pourra être différée en postpartum si le nodule est découvert dans les 6 dernières semaines de grossesse.
4. Risques et conséquences de la maladie sur la grossesse et sur le fœtus :
Les nodules (en dehors de nodule toxique, situation d’hyperthyroïdie) ou cancers thyroïdiens n’ont pas d’effet délétère sur le déroulement de la grossesse et le développement fœtal.
5. Risques de la grossesse sur la maladie :
La grossesse semblerait, du moins en situation de carence iodée modérée, initier la formation de nodules thyroïdiens et favoriser leur croissance. Ceci pourrait s’expliquer par l’effet TSH-like de l’HCG et les taux élevés d’estradiol.
Concernant le taux de malignité, les études disponibles, rétrospectives ou avec biais de recrutement, suggèrent que le taux de malignité de ces nodules pendant la grossesse serait similaire voire un peu plus élevé que la population générale.
Les cancers thyroïdiens découverts pendant la grossesse auraient un risque de rechute légèrement plus élevé que ceux découverts en dehors de la grossesse.
Il n’y a pas de données montrant un effet délétère de la grossesse sur la survie en cas de cancer thyroïdien différencié découvert pendant la grossesse.
En cas d’antécédent de cancer différencié de la thyroïde, la grossesse ne semble pas modifier le taux de rechute du cancer.
6. Traitement :
En cas de nodules découverts au 1er trimestre ou début du 2ème trimestre de la grossesse dont la cytologie est en faveur ou suspecte de malignité (CPT, CVT, carcinome anaplasique, carcinome médullaire de la thyroïde) ou avec critères échographiques péjoratifs, la grossesse ne doit pas être interrompue mais une chirurgie doit être proposée au 2ème trimestre, période de la grossesse ou les risques de fausse couche ou prématurité sont respectivement plus faibles qu’aux 1er et 3ème trimestres.
En cas d’hésitation de la patiente, la chirurgie du CPT peut être différée au post-partum avec une faible élévation de risque.
Aucune étude n’a étudié une éventuelle différence de survie en cas de chirurgie per partum versus post-partum immédiate.
En 2ème partie de grossesse, seulement en cas de cytologie évoquant un CPT ou un CVT sans signe de maladie avancée, la chirurgie pourra être réalisée en post-partum.
En cas de chirurgie différée, il est recommandé de prescrire un traitement freinateur de la TSH qui doit rester détectable avec taux de T4L dans les valeurs supérieures de la normale.
L’intérêt du dosage de la calcitonine chez les femmes enceintes en cas de nodules thyroïdien n’a pas été évalué. En cas de chirurgie, on peut proposer ce dosage en préopératoire, même s’il n’est pas recommandé.
En cas d’antécédent de carcinome thyroïdien traité avant la grossesse, il est recommandé de maintenir le traitement freinateur de la TSH par lévothyroxine avec pour objectif de maintenir une T4L dans les valeurs supérieures de la normale et de surveiller la thyroglobuline en cas d’antécédent de traitement par Iode131.
7. Suivi post-partum :
Le suivi des nodules et cancers de la thyroïde en post-partum sera le même que pour la population générale.
Il sera conseillé à la patiente de reprendre un suivi dans les 3 à 6 mois du post-partum.