1. Définition :

L’hypoglycémie est souvent définie par une concentration plasmatique de glucose ≤ 0,7 g/l (3,9 mmol/l) ; cependant, les signes et symptômes peuvent ne pas apparaître jusqu’à ce que les concentrations plasmatiques de glucose tombent en dessous de 0,55 g/l.

Elle constitue une urgence médicale potentielle, surtout chez les patientes diabétiques.

Elle peut survenir à tout âge et dans divers contextes, qu’ils soient pathologiques ou non.

Nb : une hypoglycémie sévère peut être mortelle ou provoquer des séquelles neurologiques irréversibles.

2. Épidémiologie :

L’hypoglycémie est fréquente dans le diabète de type 1, en particulier chez les patients recevant une insulinothérapie intensive.

Contrairement aux diabétiques de type 1 nécessitant exclusivement une insulinothérapie, les diabétiques de type 2 souffrent d’hypoglycémie relativement moins fréquemment que les diabétiques de type 1. Cela peut être dû, en partie, à des traitements qui n’induisent pas d’hypoglycémie, comme la metformine.

3. Physiopathologie :

Le glucose est la principale source d’énergie du cerveau et de nombreux tissus de l’organisme.

L’hypoglycémie résulte d’un déséquilibre entre les apports, la production endogène de glucose (hépatique et rénale) et son utilisation par les cellules.

Les mécanismes de régulation impliquent des hormones comme l’insuline, le glucagon, le cortisol et l’adrénaline.

Le glucose est le principal carburant métabolique du cerveau dans des conditions physiologiques.

Contrairement à d’autres tissus corporels, le cerveau est très limité dans l’approvisionnement en glucose.

Le cerveau a besoin d’un apport constant en glucose artériel pour une fonction métabolique adéquate.

Des complications potentielles peuvent découler d’une interruption de l’approvisionnement en glucose (hypoglycémie). 

Pendant le jeûne, les niveaux de glucose sont maintenus via la néoglucogenèse et la glycogénolyse dans le foie.

La néoglucogenèse est la voie par laquelle le glucose est généré à partir de sources non glucidiques, telles que les protéines, les lipides, le pyruvate ou le lactate.

En revanche, la glycogénolyse est la décomposition du glycogène stocké dans les produits à base de glucose.

Une grande partie de la glycogénolyse se produit dans les hépatocytes (foie) et les myocytes (muscle).

L’hypoglycémie est le plus souvent observée chez les patients diabétiques et subissant une intervention pharmacologique. Parmi ce groupe, les patients atteints de diabète de type 1 sont 3 fois plus susceptibles de souffrir d’hypoglycémie que les patients atteints de diabète de type 2 lorsqu’ils reçoivent un traitement.

4. Causes de l’hypoglycémie :

1) Hypoglycémie chez les diabétiques :

– Excès d’insuline ou de médicaments hypoglycémiants, tels que les sulfonylurées.

– Prise alimentaire insuffisante ou repas sautés.

– Exercice physique intense non compensé par une augmentation des apports glucidiques.

– Consommation d’alcool, qui inhibe la gluconéogenèse hépatique.

2) Hypoglycémie chez les non-diabétiques :

– Hypoglycémie réactionnelle : survenue après un repas riche en glucides.

– Tumeur pancréatique insulino-sécrétante (adénome bénin des cellules β-langerhans ou insulinome).

– Tumeur mésenchymateuse thoracique ou abdominale sécrétant un facteur apparenté à l’insuline (IGF2).

– Origine endocrinienne (insuffisance surrénale, hypophysaire, hypothyroïdie).

– Insuffisance rénale ou hépatique : réduction de la production endogène de glucose.

– Sepsis ou autres infections graves : augmentation de l’utilisation du glucose par les tissus.

– Alcoolisme aigu majeur.

5. Symptômes de l’hypoglycémie :

Les symptômes sont classés en deux catégories principales :

1) Symptômes neurogéniques (autonomiques) :

Ils résultent d’une atteinte sympathosurrénale (libération de noradrénaline ou d’acétylcholine) en réponse à une hypoglycémie perçue :

– palpitations,

– tremblements,

– sueurs profuses,

– faim intense,

– nausées,

– pâleur,

– anxiété.

2) Symptômes neuroglycopéniques :

Ils résultent d’une privation directe de glucose dans le système nerveux central (SNC) ; il s’agit notamment de :

– fatigue (asthénie) brutale,

– troubles de la concentration,

– troubles visuels (vision floue ou double),

– céphalées,

– confusion,

– convulsions,

– manifestations psychiatriques : hallucinations, changements de comportement (irritabilité, agitation, agressivité),

– déficit moteur (troubles de la parole), troubles sensitifs, troubles de la coordination (syndrome pyramidal),

– troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma (hypoglycémique).

La gravité des symptômes dépend de la rapidité et de l’ampleur de la baisse de la glycémie ainsi que de la capacité individuelle de compensation.

6. Diagnostic :

1) Diagnostic clinique :

Le diagnostic repose sur la triade de Whipple :

1. Glycémie basse confirmée par un dosage.

* Patient diabétique qui se traite à domicile : < 0,70 g/l (3,9 mmol/l).

* Patient non diabétique : < 0,6 g/l (3,3 mmol/l), et hypoglycémie sévère : < 0,40 g/l (2,2 mmol/l).

2. Symptômes compatibles avec l’hypoglycémie.

3. Disparition des symptômes après correction de la glycémie.

• Dans le cadre de la triade de Whipple, la glycémie est généralement mesurée par une analyse plasmatique, c’est-à-dire via un prélèvement de sang veineux analysé en laboratoire.

2) Examens complémentaires :

Ils peuvent inclure :

– Dosage de l’insuline, du peptide C et du cortisol.

– Tests de tolérance au jeûne (en milieu hospitalier).

– Imagerie (scanner ou IRM) pour rechercher une tumeur insulinémique.

7. Traitement :

L’hypoglycémie est une urgence absolue nécessitant une prise en charge rapide et adaptée.

Son traitement peut être divisé en deux grandes étapes : la gestion immédiate des symptômes et la prévention à long terme des récidives, en fonction de la cause sous-jacente.

1) Traitement immédiat :

a) Cas d’un patient conscient :

Pour les symptômes légers à modérés, l’administration de glucides rapides est recommandée :

– Adulte : apport immédiat de 15 à 20 g de glucose sous forme de morceaux de sucre (3 à 4 morceaux) ou de boisson sucrée (eau sucrée, jus de fruits, soda non light), ou 2 cuillères à café de confiture.

– Contrôle de la glycémie capillaire 15 minutes après, si la glycémie reste inférieure à 0,6 g/l, répéter l’apport glucidique.

b) Cas d’un patient (adulte) inconscient ou présentant des symptômes sévères :

– Hospitalisation et perfusion de sérum glucosé à 10 %.

– Injection en IVD lente (3 à 5 minutes) de 1 ml/kg de glucose à 50 %.

Le retour à une conscience normale est immédiat en cas de coma d’origine hypoglycémique.

– Si sérum glucosé indisponible : injection IM de glucagon.

Si la glycémie reste basse après 15 minutes, répéter l’administration de glucose ou donner du sucre par voie orale selon l’état du patient.

En cas de persistance des troubles, envisager des diagnostics alternatifs comme une infection sévère (paludisme, méningite), une intoxication alcoolique ou un trouble neurologique (épilepsie).

Une fois le patient stabilisé, il est essentiel de :

– Administrer un repas ou une collation riche en glucides d’absorption plus lente pour maintenir une glycémie stable.

– Surveiller le patient pendant quelques heures, particulièrement si l’épisode a été sévère.

* Remarque sur la préparation des solutions de glucose :

Si une solution de glucose à 10 % n’est pas disponible, elle peut être préparée en mélangeant 50 ml de glucose à 50 % dans 400 ml de glucose à 5 %, pour obtenir 450 ml de solution de glucose à 10 %.

2) Traitement étiologique et à long terme :

a) En dehors du diabète :

L’hypoglycémie peut être liée à diverses causes non diabétiques, nécessitant une prise en charge spécifique :

– Malnutrition aiguë sévère : réaliser une réhabilitation nutritionnelle.

– Paludisme sévère ou intoxication alcoolique : traiter la pathologie sous-jacente.

– Médicaments responsables : remplacer ou ajuster les traitements comme la quinine IV, la ciprofloxacine, ou les bétabloquants. Anticiper l’hypoglycémie en administrant, si nécessaire, un soluté glucosé en perfusion.

b) Chez le patient diabétique :

– Adaptation du traitement : ajuster les doses d’insuline ou des antidiabétiques oraux en fonction des glycémies et des activités physiques prévues.

– Conseils nutritionnels : éviter de sauter des repas et privilégier des repas réguliers à index glycémique modéré.

– Traitement de la cause sous-jacente : une chirurgie peut être nécessaire en cas d’insulinome, ou un traitement endocrinien pour d’autres troubles hormonaux. 

8. Prévention :

– Surveillance régulière de la glycémie, en particulier chez les diabétiques.

– Éducation thérapeutique du patient pour reconnaître les symptômes précoces de l’hypoglycémie et à se resucrer dès les premiers signes.

– Adapter le traitement antidiabétique en cas d’activité physique.

9. Conclusion :

L’hypoglycémie, bien que fréquente, peut avoir des conséquences graves si elle n’est pas identifiée et traitée rapidement.

La prise en charge de l’hypoglycémie repose sur une intervention rapide et adaptée à la gravité des symptômes. Une fois l’urgence contrôlée, l’identification et la correction des causes sous-jacentes sont essentielles pour prévenir les récidives. Une éducation appropriée des patients, notamment chez ceux atteints de diabète, joue un rôle crucial dans le maintien de l’équilibre glycémique.

Nb : L’hypoglycémie chez les patients non diabétiques est rare. Lorsqu’elle se produit, une maladie grave, une consommation excessive d’alcool, la malnutrition et des médicaments doivent être incriminés. Les tumeurs peuvent aussi être une cause d’hypoglycémie, mais elles sont rares.

Points importants :

La correction de l’hypoglycémie est une urgence absolue.

Le diagnostic d’hypoglycémie est parfois posé de manière excessive devant des manifestations neurovégétatives.

La régression spontanée des troubles après un « malaise » élimine l’hypoglycémie organique.

Une glycémie basse isolée (en dehors du diabétique traité) ne suffit pas à porter le diagnostic.

Les manifestations cliniques sont identiques chez un même patient.

Penser systématiquement à une hypoglycémie en cas de troubles de la conscience (léthargie, coma) ou de convulsions.

La réalisation d’une glycémie capillaire doit être systématique devant toute manifestation clinique inexpliquée.

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