1. Définition :
La gynécomastie est une hypertrophie du tissu glandulaire mammaire chez l’homme.
Elle doit être différencié de la pseudo-gynécomastie, qui est une augmentation de la graisse du sein, mais sans augmentation de volume du tissu glandulaire.
Elle peut être unilatérale, mais, plus habituellement, elle est bilatérale.
On l’observe sous une forme modérée et transitoire chez 70 % des garçons au moment de la puberté.
2. Physiopathologie :
L’augmentation de volume du tissu mammaire de l’homme est normale au cours de la petite enfance et de la puberté (gynécomastie physiologique). L’augmentation de volume est habituellement transitoire, bilatérale, lisse, ferme et distribuée de façon symétrique sous l’aréole ; les seins peuvent être sensibles.
Une gynécomastie physiologique qui se développe pendant la puberté se résout habituellement en 6 mois à 2 ans.
De tels changements peuvent survenir chez les personnes âgées, et peuvent être unilatéraux ou bilatéraux.
La majeure partie de l’augmentation de volume est due à la prolifération du stroma plutôt que des canaux de la glande mammaire.
Le mécanisme est habituellement une diminution de l’effet des androgènes ou une augmentation de l’effet des œstrogènes (p. ex., diminution de la production d’androgènes, augmentation de la production d’œstrogènes, blocage androgénique, déplacement des œstrogènes de la SHBG, anomalies des récepteurs aux androgènes).
Si le bilan ne révèle aucune cause de gynécomastie, elle est considérée comme idiopathique.
La cause peut ne pas être retrouvée parce que la gynécomastie est physiologique ou parce qu’il n’y a plus aucune preuve de l’événement déclencheur.
3. Etiologies :
Chez le nourrisson et les garçons, la cause la plus fréquente est la gynécomastie physiologique.
Chez l’homme, les causes les plus fréquentes sont (voir tableau ci-dessous : certaines causes de gynécomastie) :
– gynécomastie pubertaire persistante,
– gynécomastie idiopathique,
– médicaments (en particulier la spironolactone, les stéroïdes anabolisants et les anti-androgènes, voir tableau ci-dessous :
Le cancer du sein qui est rare dans le sexe masculin, peut causer des anomalies mammaires unilatérales mais est rarement confondu avec la gynécomastie.
4. Diagnostic :
1) Anamnèse :
– L’anamnèse doit s’enquérir de la durée de l’augmentation de volume du sein, si les caractères sexuels secondaires sont complètement développés, les relations entre l’apparition de la gynécomastie et la puberté et la présence de symptômes génitaux (p. ex., baisse de la libido, troubles de l’érection) et mammaires (p. ex., douleur, écoulement mamelonnaire).
– L’interrogatoire recherche les symptômes qui peuvent suggérer des causes possibles dont :
. perte de poids et fatigue (cirrhose, dénutrition, maladie rénale chronique, hyperthyroïdie),
. anomalie de coloration de la peau (maladie rénale chronique, cirrhose),
. perte de cheveux et infections fréquentes (dénutrition),
. fractures de fragilité (dénutrition, hypogonadisme),
. modifications de l’humeur et changements cognitifs (hypogonadisme),
. tremblements, intolérance à la chaleur, et diarrhée (hyperthyroïdie).
– La recherche des antécédents médicaux doit porter sur les troubles qui peuvent provoquer une gynécomastie et comprendre un historique de tous les médicaments prescrits et en vente libre.
2) Examen clinique :
Un examen complet est effectué, en notant l’aspect général, ainsi qu’un examen de la peau.
Le cou est examiné à la recherche d’un goitre.
L’abdomen est examiné à la recherche d’une ascite, d’une distension veineuse et de masses surrénaliennes suspectes.
Le développement des caractères sexuels secondaires (pénis, poils pubiens et axillaires) est évalué.
Les testicules sont examinés à la recherche de masses ou d’une atrophie.
Les seins sont examinés pendant que les patients sont couchés avec leurs mains derrière leur tête.
Tout écoulement mamelonnaire est noté.
Les grosseurs sont évaluées et caractérisées en termes de localisation, de consistance, de fixation aux tissus sous-jacents et de modifications de la peau.
Le creux axillaire est examiné à la recherche d’une adénopathie chez l’homme en présence de nodules dans le sein.
3) Signes d’alarme :
Les signes suivants doivent alerter :
– grosseur localisée du sein, en particulier avec écoulement mamelonnaire, fixation à la peau ou consistance dure,
– symptômes d’hypogonadisme (puberté retardée, atrophie testiculaire, diminution de la libido, troubles de l’érection, diminution de la proportion de la masse maigre, perte des capacités visuo-spatiales),
– symptômes d’hyperthyroïdie (tremblements, tachycardie, sueurs, intolérance à la chaleur, perte de poids),
– masse testiculaire,
– apparition récente d’une gynécomastie douloureuse chez un adulte.
4) Interprétation des signes :
En cas de pseudo-gynécomastie, l’examinateur ne ressent aucune résistance entre le pouce et l’index jusqu’à ce qu’il rencontre le mamelon.
Contrairement à la gynécomastie, une bande de tissu > 0,5 cm de diamètre entoure le mamelon symétriquement et la consistance est similaire à celle du mamelon.
Le cancer du sein est indiqué par une tuméfaction qui a l’une des caractéristiques suivantes :
– localisation excentrique unilatérale,
– consistance ferme ou dure,
– fixation à la peau ou aux fascias,
– écoulement mamelonnaire,
– capiton cutané,
– rétraction du mamelon,
– atteinte ganglionnaire axillaire.
Une gynécomastie d’apparition récente chez un adulte et qui provoque des douleurs est plus souvent d’origine hormonale (tumeur, hypogonadisme) ou médicamenteuse.
D’autres signes d’examen peuvent également être utiles (voir tableau ci-dessous : certaines causes de gynécomastie).
5) Examens complémentaires :
Si un cancer mammaire est suspecté, une mammographie doit être effectuée.
Si un autre trouble est suspecté, des tests appropriés doivent être effectués (voir tableau ci-dessous : certaines causes de gynécomastie).
Des examens complémentaires sont souvent inutiles, en particulier chez les patients chez qui la gynécomastie n’est chronique et détectée qu’à l’examen clinique.
L’hypogonadisme étant assez fréquent avec le vieillissement, certains experts recommandent de mesurer la testostérone sérique chez l’homme âgé, en particulier si d’autres signes font évoquer un hypogonadisme.
Cependant, chez l’adulte avec l’apparition récente de gynécomastie douloureuse sans médicament ou de cause pathologique évidente, une mesure des taux sériques de FSH, LH, testostérone, œstradiol sont recommandés.
Les patients qui présentent une gynécomastie physiologique ou idiopathique sont évalués à nouveau au bout de 6 mois.
5. Traitement :
Dans la plupart des cas, aucun traitement spécifique n’est nécessaire, puisqu’habituellement la gynécomastie régressera spontanément ou disparaîtra après l’arrêt du médicament mis en cause (à l’exception peut-être des stéroïdes anabolisants) ou le trouble sous-jacent est traité.
Certains essaient le tamoxifène 10 mg par voie orale 2 fois/jour si la douleur est très gênante chez l’homme ou les adolescents, mais ce traitement est inconstamment efficace.
Le tamoxifène peut également éviter la gynécomastie chez l’homme traité par des doses élevées d’anti-androgènes (p. ex., bicalutamide) dans le cancer de la prostate ; la radiothérapie mammaire est une alternative.
La guérison de la gynécomastie est improbable après 12 mois.
Ainsi, après 12 mois, si l’aspect esthétique est inacceptable, une exérèse chirurgicale de l’excès de tissu (liposuccion seule ou associée à une chirurgie esthétique) peut être effectuée.
Larges extraits du site “Le Manuel MSD”
Catégorie | Médicaments |
---|---|
Antiandrogènes (inhibent la synthèse ou l’activité des androgènes) | Cyprotérone Dutastéride et finastéride (inhibiteurs de la 5-alpha-réductase) Goséréline, histréline, leuprolide, triptoréline (agonistes de la LHRH) Flutamide, bicalutamide, enzalutamide, abiratérone, darolutamide, apalutamide et nilutamide (traitement du cancer de la prostate) |
Antimicrobiens | Éfavirenz Éthionamide Isoniazide Kétoconazole Métronidazole |
Médicaments anticancéreux | Médicaments alkylants Imatinib Agonistes et antagonistes de la LH et de la LHRH Méthotrexate Alcaloïdes de la vinca |
Antiulcéreux | Cimétidine Ranitidine Oméprazole |
Médicaments cardiovasculaires | Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) : captopril, énalapril Amiodarone Inhibiteurs calciques (nifédipine, diltiazem) Méthyldopa Réserpine Spironolactone |
Médicaments du système nerveux central | Diazépam Halopéridol Méthadone Phénothiazines Antidépresseurs tricycliques |
Hormones | Androgènes Stéroïdes anabolisants Œstrogènes Hormone de croissance humaine |
Drogues récréatives | Amphétamines Éthanol Héroïne Marijuana |
Autres médicaments | Auranofine Diéthylpropion Dompéridone Métoclopramide Phénylhydantoïne Pénicillamine Sulindac Théophylline |
Cause | Signes évocateurs | Procédure diagnostique |
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Maladie rénale chronique | Anamnèse de la maladie rénale chronique | Ionogramme, urée et créatinine sériques Analyse d’urines Éventuellement ECBU et concentration de sodium, chlore, potassium et magnésium urinaires |
Cirrhose | Souvent des antécédents de maladie hépatique et/ou de consommation d’alcool Ascite, angiomes stellaires, dilatation des veines abdominales | Examens biochimiques systématiques Parfois, biopsie hépatique |
Médicaments (voir tableau Médicaments d’utilisation courante cause de gynécomastie) | Anamnèse d’utilisation | Essai de l’arrêt du médicament |
Tumeur surrénalienne féminisante | Masse palpable, atrophie testiculaire | Imagerie (IRM ou TDM) |
Hyperthyroïdie | Tremblements, intolérance à la chaleur, diarrhée, tachycardie, perte de poids, goitre, exophtalmie | Tests des fonctions thyroïdiennes |
Hypogonadisme | Début prépubertaire : caractères sexuels secondaires sous-développés Survenue après la puberté : libido diminuée, troubles de l’érection, modifications de l’humeur, masse musculaire diminuée et augmentation de la masse grasse, ostéopénie, atrophie testiculaire, légères anomalies cognitives | Taux sériques de la FSH, de la LH et testostérone |
Production ectopique paranéoplasique de la gonadotrophine chorionique humaine (hCG) | Possibles signes de tumeur primitive ou symptomatologie d’hypogonadisme | Bilan de la tumeur primitive suspectée |
Tumeurs testiculaires | Masse testiculaire Éventuellement symptomatologie d’hypogonadisme | Échographie scrotale |
Réalimentation après sous-alimentation | Perte musculaire et de graisse, perte de cheveux, modifications de la peau, infections fréquentes, fatigue, signes de carences en vitamines (p. ex., ostéopénie) | Bilan clinique Examens complémentaires spécifiques |
Gynécomastie idiopathique | Aucun symptôme anormal autre que la gynécomastie, pas de symptômes, pas de cause apparente | Bilan clinique répété au bout de 6 mois Éventuellement taux sériques de testostérone |