Si la syphilis n’est pas traitée à la phase primaire ou secondaire, elle entre dans une phase de latence le plus souvent définitive ou précédant l’apparition des manifestations tardives, graves mais actuellement rares.

Les lésions peuvent apparaître 4 à 10 ans après le chancre, parfois plus, mais des syphilis tertiaires précoces peuvent être observées, notamment chez des sujets positifs au HIV.

La syphilis tardive est non contagieuse. 

Tous les organes peuvent être touchés, mais trois types principaux d’affections peuvent être distinguées : la forme bénigne tardive (gommeuse), la forme cardiovasculaire et la neurosyphilis.

1. Syphilis bénigne tardive :

La syphilis bénigne tardive, ou gomme, était la complication la plus fréquente de la syphilis tardive dans l’étude d’Oslo de patients non traités (1891-1951).

Dans l’ère de la pénicilline, les gommes sont rares. Elles se développent typiquement de 1 à 10 ans après l’infection initiale et peuvent toucher toutes les parties du corps. Bien qu’elles puissent être très destructrices, elles répondent rapidement au traitement et par conséquent sont relativement bénignes. 

Les gommes peuvent être solitaires ou multiples. Elles sont habituellement asymétriques et souvent regroupées. Elles peuvent commencer comme un nodule superficiel ou une lésion plus profonde qui se dégrade pour former des ulcères à l’emporte-pièce. Ils sont d’ordinaire indolents et progressent lentement. Ils sont indurés à la palpation.

Il y a souvent une guérison centrale avec une cicatrice atrophique entourée de bords hyperpigmentés.

Les gommes cutanées peuvent ressembler aux autres lésions ulcéreuses chroniques granulomateuses provoquées par la tuberculose, la sarcoïdose, la lèpre et autres infections fongiques profondes.

Le diagnostic histologique précis peut ne pas être possible. Néanmoins, la gomme syphilitique est la seule lésion de ce type à guérir complètement avec la pénicilline.

– Les gommes peuvent aussi toucher les viscères profonds, parmi lesquels les plus fréquents sont les voies respiratoires, le tractus gastro-intestinal et les os.

– Les gommes peuvent aussi toucher le larynx ou le parenchyme pulmonaire.

– La gomme de l’estomac peut se faire passer pour un carcinome gastrique ou un lymphome.

– Les gommes du foie étaient l’une des formes les plus fréquentes de syphilis viscérale, se présentant fréquemment par une hépatosplénomégalie et une anémie, avec occasionnellement de la fièvre et un ictère.

– Les gommes du squelette produisent typiquement des lésions des os longs, du crâne et de la clavicule. Un symptôme caractéristique est la douleur nocturne. Les anomalies radiologiques, lorsqu’elles sont présentes, comprennent une périostite et une ostéite destructrice soit lytique soit sclérotique.

2. Syphilis cardiovasculaire :

Les premières complications cardiovasculaires de la syphilis sont l’insuffisance aortique et l’anévrisme aortique, habituellement de l’aorte ascendante. De façon moins courante, d’autres grosses artères peuvent être touchées, et rarement l’atteinte de l’ostium coronaire provoque une insuffisance coronaire. Ces complications dans tous les cas sont dues à une endartérite oblitérante des vasa vasorum avec les lésions en résultant de l’intima et de la média des grands vaisseaux. Cela provoque une dilatation de l’aorte ascendante et éventuellement un élargissement de l’anneau de la valve aortique, source d’insuffisance aortique. Les cuspides valvulaires restent normales. L’insuffisance cardiaque congestive est potentiellement mortelle. Occasionnellement, un anévrisme se manifeste comme une masse pulsatile faisant saillie à travers la paroi antérieure du thorax. L’aortite syphilitique peut toucher l’aorte ascendante, mais est presque toujours proximale par rapport aux artères rénales, à la différence des anévrismes athérosclérotiques qui touchent typiquement l’aorte descendante au-dessous des artères rénales.

La maladie commence habituellement 5 à 10 ans après l’infection initiale et peut ne devenir cliniquement parlante que 20 à 30 ans après la contamination.

3. Neurosyphilis :

La neurosyphilis peut être divisée en quatre groupes : asymptomatique, méningo-vasculaire, le tabès et la paralysie générale. La division n’est pas absolue, et un chevauchement entre les syndromes est typique.

Les cas actuels de neurosyphilis ont plus de chance que par le passé d’être différents des syndromes classiques, probablement du fait de l’usage des antibiotiques employés pour d’autres affections.

1) Neurosyphilis asymptomatique :

La neurosyphilis asymptomatique est diagnostiquée lorsqu’il y a des anomalies du LCR (pléiocytose, élévation du taux de protéines, VDRL positif) chez un patient atteint de syphilis, en l’absence de signes et symptômes de maladie neurologique. Bien que de nombreux autres processus puissent être responsables d’une pléiocytose ou d’un taux de protéines élevés, des VDRL faussement positifs sont très rares dans le LCR si le prélèvement n’est pas traumatique. Le LCR montre habituellement un accroissement des protéines totales et une pléiocytose lymphocytaire. Si le LCR est normal 2 ans ou plus après la contamination initiale, le patient n’a pas de risque d’avoir un LCR positif par la suite. Bien que plus de 50 % des patients avec une syphilis secondaire non traitée aient un LCR anormal, la pénicillinothérapie prévient semble-t-il la progression vers la neurosyphilis symptomatique tardive. Pour cette raison, des ponctions lombaires de routine pour examen du LCR ne sont pas indiquées dans la syphilis précoce sauf si on sait que le patient est infecté par le VIH. Malheureusement, c’est devenu une pratique courante d’éviter la ponction lombaire aussi dans les phases plus tardives de syphilis. A la place, les patients sont traités avec des doses de pénicilline efficaces sur la neurosyphilis, “au cas où”. Ainsi, il y a peu de données sur la fréquence actuelle et l’évolution de la neurosyphilis asymptomatique.

2) Syphilis méningo-vasculaire :

Une méningite aseptique aiguë ou subaiguë peut survenir à tout moment après la phase primaire mais habituellement dans la première année de l’infection. Elle touche fréquemment la base du cerveau et peut provoquer une atteinte unilatérale ou bilatérale des paires crâniennes.

Dans environ 10 % des cas, le début de la méningite coïncide avec le rash de la syphilis secondaire. Le liquide céphalorachidien montre une pléiocytose lymphocytaire avec élévation des protéines et une concentration en glucose habituellement normale. Le VDRL sur LCR est presque toujours positif.

Chez d’autres patients, l’atteinte méningée peut être moins marquée, mais il y a une endartérite et une inflammation périvasculaire suffisamment importantes pour provoquer une thrombose cérébrovasculaire et un infarcissement. Cela survient habituellement 5 à 10 ans après l’infection initiale et c’est plus courant chez l’homme. 

3) Tabès dorsalis :

Le tabès est une maladie dégénérative lentement progressive touchant les cordons postérieurs et les racines postérieures de la moelle épinière, responsable d’une perte progressive des réflexes périphériques, d’une altération du sens de la position des segments de membres et des vibrations et d’une ataxie progressive.

L’incontinence urinaire et l’impotence sont courantes.

Des crises douloureuses graves et brutales de cause incertaine sont un élément caractéristique de ce syndrome. Elles touchent pour les plus typiques les extrémités inférieures mais peuvent survenir à n’importe quel endroit. Il n’est pas rare que des douleurs abdominales aiguës graves conduisent à une exploration chirurgicale. 

L’atrophie optique est vue dans 20 % des cas. Les pupilles sont anormales dans 90 % des cas, avec des deux pupilles étroites qui ne peuvent se contracter à la lumière mais qui se contractent normalement lors de l’accommodation (signe d’Argyll Robertson).

La cause du tabès n’est pas claire. Les spirochètes ne peuvent pas être mis en évidence dans les cordons postérieurs ou les racines dorsales.

Le début de la maladie est habituellement retardé, souvent 20 à 30 ans après l’infection initiale.

Les cas typiques de patients ayant des douleurs fulgurantes, une ataxie, des pupilles d’Argyll Robertson, l’absence de réflexe tendineux, et la perte de la fonction cordonale postérieure sont de diagnostic facile.

Les cas atypiques peuvent être plus gênants, en particulier parce que le résultat du VDRL dans le sérum est négatif chez jusqu’à 30 à 40 % des patients. 

Le FTA-ABS sur le sérum est presque toujours positif.

Le traitement n’est pas satisfaisant. La pénicilline arrête habituellement la progression mais ne fait pas régresser les symptômes. On a montré que la carbamazépine à la dose de 400 à 800 mg par jour traitait efficacement les douleurs fulgurantes.

4) Paralysie générale :

Cette forme de neurosyphilis est une méningo-encéphalite chronique provoquant une perte progressive de la fonction corticale. Elle survient typiquement 10 à 20 ans après l’infection initiale.

Sur le plan histopathologique, il y a une réaction inflammatoire chronique périvasculaire et méningée avec épaississement des méninges, une dégénérescence du parenchyme cortical et une abondance de spirochètes dans les tissus.

C’est sur les fonctions intellectuelles que les effets de la paralysie générale sont les plus dévastateurs.

Dans ses phases les plus précoces, la paralysie générale provoque des symptômes non spécifiques comme l’irritabilité, la fatigabilité, les céphalées, la perte de mémoire et les troubles de la personnalité. Plus tard, il y a une altération de la mémoire, des défauts du jugement, un manque de perspicacité, une confusion et souvent une dépression ou une exaltation franche. Les patients peuvent avoir des hallucinations, et des convulsions sont parfois observées. Il peut y avoir aussi une perte des autres fonctions corticales, y compris la paralysie ou l’aphasie.

Les signes physiques sont avant tout ceux de l’atteinte des fonctions supérieures. Les paralysies des paires crâniennes ne sont pas fréquentes. L’atrophie optique est rare. Le signe d’Argyll Robertson n’est pas fréquent, mais des pupilles irrégulières ou anormales ne sont pas rares.

Le LCR est presque toujours anormal, avec une pléiocytose lymphocytaire et un élévation des protéines totales.

Le VDRL est habituellement positif à la fois dans le LCR et dans le sérum.

La maladie répond bien à la pénicillinothérapie si celle-ci est administrée précocement, bien que jusqu’à un tiers des patients traités puissent présenter un déclin neurologique progressif quelques années plus tard.

Même si la paralysie générale classique n’est maintenant pas fréquente, il est raisonnable de suspecter une syphilis comme cause de maladie neurologique non diagnostiquée.

4. Diagnostic :

Il est clinique, histologique et sérologique.

La sérologie est positive, mais les taux sont plus faibles que dans la syphilis secondaire (le VDRL a même pu se négativer) et ne suffisent pas à affirmer l’origine syphilitique.

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