En matière d’analgésie, nous avons une obligation de moyens mais aussi de résultat, c’est un contrat moral qui lie le médecin anesthésiste à son patient.

En consultation préanesthésique, les deux préoccupations le plus souvent exprimées par nos patients sont la crainte du réveil ou plus exactement du non-réveil, de sa qualité mais aussi, et surtout, le désir légitime de ne pas souffrir.

Or, en ambulatoire, les douleurs sont avec les nausées et les vomissements les complications anesthésiques les plus fréquentes auxquelles nous sommes confrontés. Leur intensité et leur durée peuvent compromettre le caractère ambulatoire de l’intervention.

Sauf survenue d’événements imprévus ou imprévisibles, le maintien de l’hospitalisation pour ces motifs est un échec. En effet, les douleurs postopératoires rencontrées ne constituent pas un réel problème thérapeutique. D’une part, elles sont prévisibles en fréquence et en intensité, d’autre part, souvent de caractère modéré, nous disposons de moyens thérapeutiques amplement suffisants pour pouvoir les traiter. Seule leur gestion, soumise à d’importantes contraintes horaires, du fait de la brièveté de l’hospitalisation, pose problème.

1. Particularités de la douleur postopératoire :

La douleur, conséquence quasi inéluctable de la chirurgie, est pour partie spécifique de la nature, du siège et du retentissement de l’acte réalisé, mais aussi des techniques et des agents de l’analgésie utilisés.

En fait il n’y a pas deux douleurs, l’une peropératoire et l’autre postopératoire, mais une seule et même douleur qui évolue dans le temps sur des modes et des expressions différents :

– la première phase aiguë est responsable de son caractère intolérable avec répercussions neuro-végétatives graves,

– la seconde, moins intense, se caractérise par une forte résonance sur le confort et l’affectivité du patient.

1) Fréquence :

L’incidence du phénomène douloureux connaît un biais dans sa fréquence, dans son intensité et dans sa durée, par la sélection des actes pratiqués. 

En général, ne doivent être inclus dans cette pratique que les actes chirurgicaux ou d’investigation peu ou modérément douloureux dans les suites postopératoires immédiates et tardives. Ceci explique qu’en fonction du type de chirurgie et du type d’intervention 50 à 80 % des patients recrutés ne nécessitent aucune analgésie.

2) Intensité :

Toutes spécialités chirurgicales confondues en ambulatoire, la douleur postopératoire, lorsqu’elle existe, est estimée comme :

– tout à fait tolérable dans 50 à 60 % des cas,

– modérée dans 30 à 40 % des cas,

– intense, voire très intense mais jamais intolérable, sauf incident peropératoire, dans un très petit nombre de cas.

A la fin de l’intervention, elle décroît rapidement.

3) Durée :

Pour les actes habituellement réalisés, la durée des douleurs n’excède pas quatre heures. Mais on peut la voir se prolonger sur un mode moins aigu pendant 24 à 72 heures.

4) Signes d’accompagnement :

La douleur de la phase aiguë est rarement accompagnée des signes neurovégétatifs habituels.

Les réactions d’hypertonie vagale, souvent constatées, sont dues au stress, à la légèreté ou à l’absence de prémédication.

Ambulatoire est pratiquement synonyme de déambulation et donc de mobilisation précoce, mais aussi de réalimentation (critères requis pour la sortie). Ces étapes peuvent être à l’origine d’une réapparition de la douleur. Cette survenue tardive peut nécessiter un traitement qui sera obligatoirement limité en raison de l’imminence de la sortie.

La volonté de préserver le caractère éphémère à l’hospitalisation peut pousser certains patients à taire leur douleur et à ne pas la formuler, au moment de la sortie. Le plaisir de retrouver son environnement va prolonger cet oubli. Elle pourra resurgir la nuit, entraînant réveil, angoisse, et fixation sur l’événement douloureux. 

2. Particularités imposées au traitement de la douleur postopératoire :

1) Gestion de la douleur :

Tout acte chirurgical doit être évalué en terme de douleurs per et postopératoires. 

L’anesthésie ambulatoire doit se limiter à des indications n’entraînant au retour en unité de soin et au domicile, qu’une douleur facile à traiter par voie orale chez l’adulte et par voie rectale chez l’enfant.

En anesthésie, il n’existe pas de douleur qui ne soit accessible à un traitement.

Traiter la douleur est un impératif, en chirurgie ambulatoire c’est une obligation, sa présence et son importance sont une des conditions de sortie des patients. Le seul problème qui pèse lourdement dans cette pratique est celui de traiter efficacement toutes les douleurs sans prendre le risque de faire perdre au patient le bénéfice de la brièveté de son hospitalisation.

Pour les douleurs les plus importantes, le recours aux morphinomimétiques va présenter deux inconvénients majeurs : celui de réactiver les agents de l’anesthésie et celui d’induire des effets secondaires pouvant compromettre la sortie rapide du patient. Pour ces raisons, ils doivent être utilisés précocement. Les éviter pour ces raisons et recourir à des analgésiques mineurs, certes plus compatibles avec ces exigences, risque de conduire à une course après l’analgésie, dont les aboutissements peuvent être un recours tardif aux morphinomimétiques, à coup sûr délétère, ou une inefficacité thérapeutique. Par ailleurs, les abords veineux des patients sont souvent retirés précocement.

Les choix thérapeutiques et du mode d’administration sont donc soumis à d’autres contraintes horaires.

2) Particularités pharmacocinétiques :

La notion “d’ambulatoire” nous oriente vers un profil pharmacocinétique privilégiant les médicaments à demi-vie courte et à élimination rapide.

La douleur postopératoire étant souvent modérée et de courte durée, on peut être tenté de recourir à des médicaments de durée intermédiaire, dont l’effet analgésique se prolongerait après la fin de l’anesthésie. Cette analgésie résiduelle qui se prolonge en phase de réveil va peut-être suffire, dans un certain nombre de cas, pour assurer à elle seule le traitement de la douleur postopératoire ou pour limiter la consommation ultérieure en analgésiques.

3) Particularités pharmacodynamiques :

Il est évident que le dénominateur commun aux agents anesthésiques utilisés est leur activité analgésique, même si le mécanisme pharmacologique est différent. Les deux familles de l’analgésie restent les morphinomimétiques et les anesthésiques locaux.

L’activité analgésique des morphinomimétiques s’accompagne de façon plus ou moins importante en fonction des doses et des délais, de dépression respiratoire, de sédation, de somnolence, de nausées, de vomissements, ou de prurit, autant de manifestations secondaires totalement indésirables voire dangereuses en ambulatoire.

Les blocs moteurs, les rétentions urinaires sont avec les céphalées des effets secondaires des anesthésies locorégionales, néfastes dans ce domaine.

Morphinomimétiques et anesthésiques locaux peuvent compromettre le caractère ambulatoire à la chirurgie, surtout si leurs effets se prolongent trop longtemps.

3. Médicaments de la douleur postopératoire utilisables en ambulatoire :

La distinction classique entre analgésiques centraux et analgésiques périphériques a été mise à mal ces dernières années, tant les mécanismes de la douleur et les modes d’action des différents analgésiques se sont révélés complexes. Ceux que l’on qualifiait de centraux (les morphinomimétiques) se sont avérés avoir également des actions sur des récepteurs périphériques et les analgésiques dits périphériques (les AINS) possèdent des actions centrales maintenant bien établies.

1) Morphinomimétiques majeurs :

Habituellement utilisés seulement en période opératoire, l’analgésie résiduelle qu’ils assurent en fin d’intervention en font les premiers éléments du traitement postopératoire de la douleur. Mais les impératifs spécifiques de l’ambulatoire nous imposent des restrictions dans ce choix. Celles de préférer systématiquement les médicaments à courte durée d’action.

En raison de leurs effets secondaires, leur prescription est subordonnée à un facteur temps : environ trois heures pour l’alfentanil, quatre heures pour le sufentanil, et cinq à six heures pour le fentanyl.

L’analgésique idéal serait donc le rémifentanil en raison de son métabolisme qui explique la brièveté de sa durée d’action et élimine tout risque d’accumulation ou de recirculation. Cet avantage devient un handicap en terme d’analgésie postopératoire, notamment pour les actes même peu douloureux.

L’association systématique, en début d’intervention d’anti-inflammatoires (kétorolac, kétoprofène, proparacétamol), ou d’analgésiques centraux mineurs (morphine, nalbuphine, tramadol) en fin d’intervention pourrait être une solution très séduisante, qui permettrait d’allier efficacité per et postopératoire avec réduction maximale des manifestations secondaires indésirables au réveil. Il doit être réservé aux actes peu douloureux en postopératoire.

La puissance analgésique de l’alfentanil, sa durée d’action et sa bonne tolérance au réveil en font l’analgésique le mieux adapté à la pratique de l’anesthésie ambulatoire. Il est vraisemblable qu’il gardera encore une place privilégiée pour la réalisation des actes modérément douloureux.

Le fentanyl, en raison de sa demi-vie d’élimination de 3 à 4 heures, de ses effets secondaires, à la mesure de son efficacité, et du risque de recirculation tardive, ne doit être retenu que ponctuellement pour la réalisation de certaines interventions plus particulièrement douloureuses, à doses filées. Le niveau d’analgésie en fin d’intervention peut permettre une potentialisation des effets antalgiques d’autres molécules beaucoup moins puissantes comme les AINS, à condition d’être administrées précocement et renouvelées de façon systématique avant la réapparition de la douleur.

Le sufentanil, avec un volume de distribution plus restreint et avec une clairance plus élevée que le fentanyl, a une demi-vie d’élimination plus courte. Mais sa forte liposolubilité prolonge ses actions en phase de réveil et notamment la sédation. C’est un analgésique particulièrement intéressant dans nombre de situations, mais pas en anesthésie ambulatoire.

Leur administration par voie péridurale ou intrarachidienne doit être évitée en pratique ambulatoire en raison du risque, même faible, de dépressions respiratoires secondaires.

Le traitement de la douleur postopératoire étant soumis à des contraintes horaires spécifiques à l’ambulatoire, ces substances peuvent être proposées dans certaines circonstances exceptionnelles. Pour les douleurs les plus intenses, l’alfentanil, le fentanyl ou le sufentanil ont été proposés, à faibles doses, à condition d’être administrés très tôt dans la vacation opératoire.

2) Morphinomimétiques mineurs :

Analgésiques de référence de la douleur postopératoire, la fréquence de leurs effets secondaires et leurs demi-vies longues les rendent d’un maniement très difficile en anesthésie ambulatoire.

a) Agonistes :

Le chlorhydrate de morphine a une action analgésique d’environ quatre heures en intraveineux, (en injection sous-cutanée, sa résorption est trop aléatoire et imprévisible).

Utilisable dans la phase postopératoire immédiate, elle permet d’atteindre un niveau d’analgésie toujours suffisant pour traiter efficacement toutes les douleurs constatées en ambulatoire.

Son utilisation sera réservée à la salle de réveil.

Son gros problème, reste le risque important de survenue de vomissements. Ceux-ci peuvent être prévenus par l’administration concomitante d’anti-émétiques.

Un relais systématique et précoce par les AINS suffit ensuite à couvrir toute la période de l’hospitalisation.

Sa demi-vie d’élimination d’environ trois heures la rend compatible avec l’ambulatoire.

La péthidine ou Dolosal ® administrée par voie intraveineuse a une puissance analgésique six à huit fois moindre que la morphine. Ses effets secondaires, moins importants, restent gênants. Sa demi-vie longue et la formation de métabolites actifs qui persistent, pendant les heures voire les jours qui suivent son administration, doivent nous inciter à la prudence.

La codéine, parent pauvre des morphinomimétiques, a comme avantage sa bonne tolérance clinique mais aussi et surtout des paramètres pharmacocinétiques superposables au paracétamol, ce qui justifie leur association avec une efficacité particulièrement intéressante en anesthésie ambulatoire.

b) Agonistes-antagonistes :

– La buprénorphine ou Temgesic ®, bien que d’une puissance analgésique moindre que la morphine, paraît séduisante dans le traitement des douleurs postopératoires modérées à faiblement intenses.

Parmi les effets secondaires on retrouve fréquemment : prurit, nausées, vomissements, somnolence ou au contraire agitation, euphorie, anxiété.

En outre, la buprénorphine entraîne de façon constante une dépression respiratoire avec bradypnée et baisse de la sensibilité des centres respiratoires au CO2 et ce, quelle que soit la voie d’administration. Sa demi-vie d’élimination de six à huit heures la rend dangereuse en ambulatoire.

– La nalbuphine, Nubain ®, agoniste-antagoniste, devenue référence, procure une analgésie comparable en qualité et en durée à la morphine avec moins d’effets secondaires.

Mieux tolérée sur le plan cardiovasculaire, la dépression respiratoire est, elle aussi, moins importante et semble avoir un effet plafond. En ambulatoire son administration comme celle des morphiniques doit se faire environ quatre à cinq heures avant la sortie.

C’est un très bon analgésique, mais de la phase postopératoire immédiate.

– Le tramadol, Topalgic ®, est un mélange équimolaire de deux composés isomères qui lui confèrent une double action analgésique. Sa spécificité pour les récepteurs m1 devrait en faire un analgésique pratiquement exclusif avec peu d’effets secondaires. Cependant, dans la littérature, des observations rapportant des chocs anaphylactiques, des convulsions, des nausées et des vomissements doivent modérer cet enthousiasme initial.

De puissance analgésique huit fois moindre que la morphine, il procure une analgésie comparable à celle de la buprénorphine avec semble-t-il un risque de dépression respiratoire bien moindre. Ses formes galéniques, ampoules injectables de 100 mg et gélules à 50 mg s’adaptent parfaitement aux conditions de traitement des douleurs les plus intenses de l’ambulatoire. Sa tolérance est bonne. Une perfusion devrait suffire à couvrir toute la durée de l’hospitalisation, un relais est possible sous sa forme orale, y compris au domicile, pour les douleurs persistantes ou exacerbées par la mobilisation, chez les sujets indemnes des contre-indications aux morphinomimétiques. C’est probablement la deuxième option thérapeutique sérieuse du traitement de la douleur postopératoire en ambulatoire, après les AINS seuls ou associés à la codéine. Sa prescription doit toujours mettre en balance sa réelle efficacité pour ce type de douleur et les effets secondaires toujours mal vécus dans ces circonstances.

c) Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) :

Les douleurs, souvent modérées dans cet exercice, sont efficacement calmées, dans la très grande majorité des cas, par ces analgésiques dits mineurs, et ceci avec un minimum d’effets secondaires, à condition d’en respecter les contre-indications. Toutefois, leur action est parfois insuffisante pour les douleurs les plus importantes, ceci s’explique par leur mécanisme d’action.

– Mécanismes d’action :

La multitude des AINS connus et commercialisés ont en commun leur mode d’action ; en neutralisant la cyclo-oxygénase, ils empêchent la synthèse des prostaglandines. Ils réduisent donc l’importance du processus algogène et son amplification au niveau des récepteurs périphériques et centraux.

A cette propriété antalgique se surajoute une action anti-œdémateuse allant elle aussi dans le sens de l’analgésie.

Selon les molécules, l’effet antalgique est plus ou moins prépondérant pour devenir presque exclusif pour certaines, cette action est de type central.

Selon le type de chirurgie et l’objectif souhaité, il nous est possible de prescrire tantôt des AINS à potentiel essentiellement antalgique (paracétamol) ou anti-inflammatoire (kétoprofène, ibupofrène) ou des AINS mixtes (acide acétylsalicylique, kétorolac), cette spécificité est parfois dose-dépendante.

L’activité antalgique intrinsèque est d’origine centrale, alors que l’activité anti-œdémateuse est elle de siège périphérique.

– Effets secondaires :

Tout comme les morphiniques, les AINS possèdent, outre leur propriétés antalgiques, un certain nombre d’autres actions qui peuvent s’avérer graves et dans certains cas disproportionnées par rapport au bénéfice escompté.

Les AINS ont une action plus ou moins ciblée parfois dose-dépendante sur l’organisme entier ou de façon préférentielle sur certains organes (tractus digestif, rénal, biliaire, centre de la thermorégulation, facteurs de coagulation). Ces propriétés pharmacologiques constituent une limitation dans leur emploi.

Leur maniement doit donc être prudent chez les patients ayant des antécédents digestifs, chez les insuffisants hépatocellulaires, les insuffisants rénaux, les sujets atteints de trouble de l’hémostase et les allergiques.

Leur prescription doit se faire dans la stricte observance des contre-indications.

– AINS à activité antalgique prédominante :

Le paracétamol est un anti-oxygénasique de type central pratiquement exclusif, cet effet est favorisé par sa forte liposolubilité qui facilite sa fixation au niveau du système nerveux central. Mais il lui faut un fort gradient de concentration pour diffuser à travers la barrière hémato-encéphalique. Son activité analgésique apparaît 20 minutes après son administration, est maximum à la deuxième heure et dure environ quatre heures.

L’acétaminophène ou paracétamol passe rapidement et massivement la barrière hémo-méningée. C’est un médicament efficace, puissant, avec une excellente tolérance hépatique, rénale, et qui n’entraîne pas d’accident de type allergique. Sur 10.000 cas d’utilisation, aucun effet secondaire n’a été rapporté. D’activité anti-œdémateuse périphérique intrinsèque inexistante, il a une action centrale pratiquement exclusive comme le confirme les dosages de prostaglandines cérébrales, avant et après son administration. Il est utilisé de façon très satisfaisante dans le traitement des douleurs postopératoires.

– AINS à activité anti-inflammatoire :

A côté de leur effet antalgique, certains AINS exercent également une action anti-inflammatoire qui justifie leur utilisation dans les chirurgies à forte composante œdémateuse : ORL, stomatologie, traumatologie, chirurgie orthopédique.

La réduction de l’œdème s’accompagne presque toujours d’une diminution de la douleur et des besoins en analgésiques.

Le kétoprofène parmi tous les AINS antalgiques est celui qui a la plus grande activité anti-inflammatoire. Son action analgésique reste de type central. Il est très souvent cité comme adjuvant peropératoire des morphinomimétiques et de l’analgésie postopératoire.

– AINS mixtes :

En chirurgie, l’acide acétylsalicylique ou aspirine est délaissé dans son indication analgésique, en raison de ses effets secondaires délétères et graves sur la coagulation et le tractus digestif.

d) Autres analgésiques :

En cas de contre-indication aux AINS, le néfopam (Acupan ®), analgésique central non morphinique, non antagonisable par la naloxone et non anti-inflammatoire, en perfusion très lente (des incidents graves d’origine parasympathique ayant été rapportés lors d’injections trop rapides) est une solution souvent méconnue.

A la dose de 40 mg renouvelable au bout de 4 heures sans dépasser 120 mg par 24 heures, il peut être une alternative analgésique intéressante à condition d’en respecter les posologies.

Un surdosage par accumulation ou par défaut d’élimination peut engendrer des états convulsifs.

Il a une activité analgésique comparable à la morphine.

4. Place de la prévention de la douleur postopératoire :

En anesthésie comme dans toutes les disciplines médicales, le meilleur traitement est souvent la prévention.

Prévenir la douleur postopératoire, c’est développer une multitude d’actions souvent complémentaires, depuis la consultation préanesthésique jusqu’à la sortie du patient.

1) Prémédication :

Si elle doit être évitée en ambulatoire, pour la réalisation d’interventions chirurgicales, même faiblement douloureuses, elle est d’un réel intérêt.

L’instauration d’un climat de confiance lors des visites préanesthésiques, qui se prolonge par une ambiance de calme, évitant les bruits intempestifs et l’agitation sont des adjuvants à ne pas négliger.

La consultation préanesthésique doit être l’occasion de prévoir l’intensité de la douleur postopératoire pour nos choix thérapeutiques et pour en informer le patient. Ils doivent être avertis du caractère algique et parfois imprévisible de certaines douleurs et du risque d’hospitalisation qui peut en découler. Une telle éventualité ne doit pas être vécue comme un échec médical, mais comme un souci extrême de préserver leur confort.

Tous ces moyens loin d’être dérisoires, peuvent permettre une réduction significative de la consommation postopératoire d’antalgiques pouvant atteindre 50 % .

2) Qualité de l’analgésie peropératoire :

Elle va être le premier déterminant de la douleur postopératoire, dans sa précocité et son intensité.

La technique anesthésique va aussi jouer un rôle important. Si les anesthésies générales (AG) se prêtent le mieux à la pratique de l’ambulatoire ; les anesthésies locorégionales (ALR) semblent beaucoup plus efficaces en terme d’analgésie postopératoire.

Les morphinomimétiques de l’anesthésie utilisés dans le but d’assurer une analgésie persistante en période de réveil, sont d’un maniement toujours très délicat. Ils donnent souvent lieu à des effets secondaires indésirables en ambulatoire.

De même, vouloir bénéficier en postopératoire de l’analgésie procurée par les anesthésiques locaux va toujours s’accompagner d’une augmentation de la durée du bloc musculaire. Les anesthésies locorégionales par voie rachidienne ou épidurale demeurent des techniques encore assez mal adaptées à l’ambulatoire.

Les effets secondaires sont, dans un cas comme dans l’autre, contraires aux exigences de l’ambulatoire. L’idéal serait de pouvoir prolonger seulement l’analgésie.

3) Analgésie balancée :

a) Lors des anesthésies générales :

Les AINS, administrés avant l’intervention, entraîneraient une espèce de prémédication des voies de la douleur. L’anticipation sur le mécanisme initial périphérique, responsable de l’état d’hyperstimulation des centres de la douleur, limiterait l’intensité et la diffusion du processus algogène et réduirait les besoins en analgésiques en phases opératoire et de réveil.

L’administration, avant l’induction, de kétoprofène, associée à l’analgésie opératoire du rémifentanil ou de l’alfentanil, constituerait une prévention de la douleur postopératoire (par réduction des phénomènes locaux de nociception), un tremplin potentialisateur (par son action analgésique centrale) et une analgésie postopératoire (par sa durée d’action). Le kétoprofène, AINS mixte, nécessite pour être efficace dans cette indication une perfusion de 100 à 200 mg en 20 minutes, mais 2 heures avant l’intervention ! 

Pour être efficace leur administration doit se faire avant l’incision. Cette technique permet de retarder la première demande d’analgésique et d’en diminuer la consommation globale des 24 premières heures, mais la consommation pondérée à partir de la 4e heure est la même que dans un groupe témoin sans AINS. En ambulatoire, ce délai de quatre heures peut être suffisant dans nombre de cas, pour couvrir la douleur postopératoire.

b) Lors des anesthésies locorégionales :

Les anesthésies locorégionales (ALR) sont pour certains difficilement conciliables avec l’ambulatoire en raison de l’importance, voire de la gravité que peuvent revêtir certaines de leurs complications. La pratique systématique d’anesthésies locorégionales médullaires ou plexiques est abusive car souvent disproportionnée avec les gestes habituellement pratiqués.

Les anesthésiques locaux sont incontournables pour obtenir un bon niveau d’analgésie chirurgicale. La lidocaïne est préférée à la bupivacaïne en raison de ses particularités pharmacocinétiques, mais avec comme corollaire un bloc sensitif plus bref. Les solutions adrénalinées permettent une épargne dans les doses d’anesthésiques locaux, elles allongent la durée de toutes les actions. Elles ne constituent pas une solution pleinement satisfaisante.

Les morphinomimétiques sont les substances les plus souvent associées aux anesthésiques locaux. Le fentanyl ou le sufentanil permettent une réduction des quantités utiles, avec un allongement significatif de la période d’analgésie. Ils n’entraînent pas un réel risque de dépression respiratoire (moins de 1 % et seulement pendant les deux premières heures). Leur intérêt dans les ALR réside dans leur durée d’action qui permet de couvrir la période postopératoire immédiate et qui la rend compatible avec l’ambulatoire.

La péthidine et la morphine, administrées par ces voies assurent une analgésie dont la durée d’action beaucoup trop longue (12 à 24 heures) expose à des accidents retardés interdisant leur emploi en pratique ambulatoire.

En termes d’analgésie postopératoire et de prophylaxie de la douleur, les anesthésies locorégionales semblent plus efficaces que les anesthésies générales. Si les effets secondaires délétères sont moins fréquents avec les anesthésiques locaux, les accidents parfois graves restent toujours possibles.

4) Analgésie potentialisée :

Les anesthésies locales sur le site opératoire, au cours ou au décours de l’anesthésie générale, semblent d’une grande efficacité pour la réduction de la douleur postopératoire.

– L’anesthésie ambulatoire n’est pas incompatible avec une intubation trachéale, les douleurs et l’irritation pharyngotrachéale peuvent être prévenues par une nébulisation d’anesthésique local.

– Après herniorraphie, l’infiltration du site opératoire ou des berges de l’incision avec de la bupivacaïne assure une analgésie d’excellente qualité qui peut se prolonger plusieurs heures, voire plusieurs jours après la fin de l’intervention, de toute façon, bien au-delà de la durée d’action de la bupivacaïne, sans que l’on puisse fournir une explication. Cette technique est actuellement largement préconisée dans les cures de hernie pratiquées en ambulatoire. Elle procure une analgésie postopératoire de bien meilleure qualité que l’anesthésie générale classique ou la rachianesthésie. Ce traitement appliqué dans les appendicectomies donne également un très bon indice de satisfaction.

– Lors des extractions dentaires, l’infiltration des nerfs dentaires par le chirurgien donne une analgésie complète pendant 3 à 4 heures.

– Pour les interventions portant sur les membres inférieurs réalisables en ambulatoire l’infiltration par 20 à 40 mL de bupivacaïne à 0,25 % du nerf crural ou en injection paravasculaire inguinale du plexus lombaire donne une analgésie, sans bloc moteur, également de dix à 20 heures.

– Le pneumopéritoine des cœlioscopies est responsable d’une distension de la cavité abdominale et d’une dissection des viscères par le gaz. Le passage du gaz carbonique sous les coupoles diaphragmatiques entraîne une traction sur les ligaments suspenseurs du foie associée à un effet irritatif, direct et indirect par formation de métabolites algogènes. La présence d’un résidu de gaz après exsufflation va provoquer des douleurs scapulaires surtout droites, de caractère postural qui apparaissent à la 12ème heure postopératoire et persistent pendant trois jours. Pour les prévenir il faut assurer une exsufflation aussi complète que possible, au besoin par un drainage aspiratif, cette disposition est irréalisable en ambulatoire. En fin d’intervention, l’instillation dans la cavité abdominale de 50 à 80 mL de bupivacaïne à 0,125 % ou de lidocaïne à 0,5 % améliore très significativement l’analgésie postopératoire pendant environ 48 heures, ceci a été également retrouvé dans les cholécystectomies par cœlioscopie. L’introduction par le trocart de un à deux litres de sérum physiologique préalablement réchauffé en cours ou en fin de cœlioscopie est une mesure qui peut suffire à prévenir à elle seule les douleurs scapulaires. Le liquide est totalement dialysé en six à huit heures sans retentissement ventilatoire, cardiovasculaire ou sur l’homéostasie. Si à toutes ces mesures locales, on ajoute une analgésie par voie générale de type balancée avec des AINS en perfusion préopératoire, on améliore considérablement la qualité des suites opératoires.

A ces douleurs caractéristiques de la cœlioscopie, il en est d’autres, liées non plus au pneumopéritoine mais à l’intervention elle-même. D’origine traumatique ou ischémique, elles ne sont pas calmées par de telles mesures. La douleur des ligatures tubaires peut être prévenue par l’infiltration des trompes et des mésosalpinx avec de la bupivacaïne à 0,5 % ou par l’application d’un gel de lidocaïne sur les anneaux de Yoon

La chirurgie pelvienne s’accompagne d’un état inflammatoire et oedémateux local important. Celui-ci peut être prévenu ou au moins diminué par une perfusion de kétoprofène peropératoire à raison de 200 mg et par une instillation locale de lidocaïne.

– Pour les interventions endo-utérines, un bloc paracervical va entraîner une analgésie du col et du corps de l’utérus appréciable, car ce type d’investigation s’accompagne presque toujours de contractions utérines postopératoires douloureuses, réactionnelles, dans le but de faire l’hémostase. L’utilisation de spasmolytiques en fin d’intervention risque de contrarier cette action.

En conclusion, la pratique d’anesthésies locales ou tronculaires avec de la bupivacaïne adrénalinée est une solution très séduisante qui permet des analgésies postopératoires remarquables et de durée prolongée souvent au-delà de la seule durée d’action des anesthésiques locaux, mais aussi et surtout sans effet secondaire. Lorsqu’elles sont possibles, elles s’avèrent supérieures en qualité à celle procurée par les anesthésies locorégionales ou par une anesthésie générale suivie d’un traitement antalgique classique. 

5. Traitement de la douleur en salle post-interventionnelle :

1) Particularités :

La douleur est en principe modérée ou assez importante, mais rarement intense ou très intense. Elle est de trois niveaux : douleur modérée, exprimée épisodiquement à l’interrogatoire, avec des phases de réendormissement ; douleur intense, avec plaintes répétitives et interpellation du personnel ; douleur très intense, extériorisée vivement avec agitation extrême.

Le passage en salle postinterventionnelle est l’une des étapes essentielles de la réussite de la pratique ambulatoire par l’efficacité et la précocité des traitements possibles. L’échec pour cause de douleur peut s’observer dès le réveil.

Si un traitement antalgique est nécessaire, il doit être débuté sans délai et de la façon la plus énergique pour être rapidement efficace.

La douleur est évaluée dès l’arrivée. En phase postanesthésique immédiate, le patient n’ayant pas encore récupéré toutes ses facultés, l’appréciation par l’échelle visuelle analogique (EVA) s’avère parfois difficile. Cette première estimation s’aidera de signes peut-être plus objectifs comme les plaintes exprimées, le comportement et les signes neurovégétatifs.

Il faut également tenir compte des impératifs imposés par l’ambulatoire :

– procurer rapidement une analgésie de qualité, pour ne pas « courir derrière » et être contraint d’administrer progressivement des quantités trop importantes par fractionnement. Le timing ou facteur temps des traitements est une notion essentielle en ambulatoire ;

– éviter de prescrire des morphinomimétiques de façon trop tardive ;

– les douleurs trop intenses nécessitant un traitement trop important doivent être dépistées dès ce stade et un suivi particulier doit être assuré car elles peuvent devenir incompatibles avec un retour précoce au domicile.

La prise en charge pour être rapide doit se faire sous forme de protocoles analgésiques.

2) Protocoles antalgiques :

Trois niveaux de traitement seront retenus.

En l’absence de douleur, au décours d’actes jugés peu douloureux, aucun traitement systématique ne sera entrepris.

Pour les actes potentiellement douloureux, même si la douleur n’est pas retrouvée, un traitement antalgique systématique peut être judicieux. Le but étant de bénéficier de l’analgésie résiduelle ou prophylactique pour n’avoir recours qu’à un traitement a minima.

Pour le traitement des douleurs importantes, l’association d’un autre AINS comme le kétoprofène peut améliorer la qualité de l’analgésie. Mais le recours dans ces situations soit au tramadol ou à la nalbuphine semble plus adapté. La perfusion intraveineuse doit être unique, les effets secondaires doivent être recherchés pour être traités rapidement ; ils peuvent devenir un lourd handicap pour la suite de l’hospitalisation.

Pour les douleurs les plus intenses, une analgésie de type morphinique doit être entreprise à l’arrivée en salle de réveil grâce à l’administration lente I.V. de 50 à 75 %  mg · kg-1 de morphine, pour environ quatre heures d’analgésie, ou de 5 à 7  mg · kg-1 d’alfentanil, en injection unique, l’effet est immédiat et dure environ une heure, un relais sera pris par les AINS.

Pour les douleurs particulièrement intenses, si l’on veut préserver au maximum les chances de sortie le jour même, le recours à des morphiniques majeurs, de type fentanyl ou sufentanil même si cela paraît contraire aux règles de la pratique de l’ambulatoire, est le traitement le plus sûr et le plus efficace, leurs durées de vie étant probablement plus compatibles que la morphine avec ces hospitalisations brèves, en respectant bien entendu des normes draconiennes. De toute façon, la douleur est le problème du moment et il faut la gérer rapidement et efficacement. Dans le cadre de l’ambulatoire, cela n’est possible qu’à condition de ne délivrer que la dose minimale requise. On peut l’obtenir soit par des injections fractionnées soit par une auto-administration avec une dose plafond compatible avec une telle pratique, et une période d’interdiction déterminée par la molécule utilisée.

Cette façon de procéder va permettre une titration de la douleur et de quantifier son intensité, les besoins en analgésiques pour la période postopératoire immédiate et le caractère compatible de cette douleur avec l’ambulatoire.

Une quantité maximum d’analgésique est prédéterminée et administrée de façon fractionnée, pour tenter d’atteindre le niveau d’analgésie suffisant, sans le dépasser. L’idéal serait bien entendu de la faire auto-administrer par le patient, à l’aide d’une pompe d’analgésie contrôlée (PCA).

Le morphinique le plus utilisé est le fentanyl en lui fixant une dose cumulative plafond de 50 à 100  mg. Il sera administré de façon fractionnée de 10 à 12,5  m g toutes les cinq minutes. En respectant le délai d’action, une nouvelle évaluation sera faite, après la première injection. Si la douleur est appréciée à plus de cinq une réinjection sera autorisée et ainsi de suite jusqu’à la rendre tolérable (EVA < 3-4). Les AINS assureront la suite du traitement.

La sortie de salle de réveil ne doit être autorisée, que si l’analgésie est acquise et qu’elle ne s’accompagne d’aucun effet délétère. Pour chaque patient ayant bénéficié d’un traitement antalgique en salle de réveil, une prescription écrite d’antalgiques doit être faite.

6. Traitement de la douleur en unité de soins :

1) Particularités :

Le traitement de la douleur au retour en unité de soins va être soumis à deux impératifs : l’horaire et la voie d’administration.

Une à deux heures après le retour en salle, la voie veineuse n’existe plus. Seules les voies orale ou rectale seront disponibles.

La voie rectale est réservée aux douleurs les plus importantes, en cas de vomissements ou si la voie orale n’est pas encore disponible.

Une injection intraveineuse lente de paracétamol pourra être faite, pour certaines douleurs d’apparition tardive, qui peuvent accompagner les premières mobilisations sans que cela ait un pronostic péjoratif sur la sortie.

L’objectif est toujours d’obtenir une analgésie suffisante pour assurer le confort du patient, sans compromettre ses chances de sortie.

Le traitement antalgique instauré doit être administrable au domicile. C’est pourquoi la poursuite systématique des traitements instaurés en salle de réveil par voie intraveineuse est à éviter.

Agir de façon trop timorée sur la douleur, c’est prendre le risque de voir un surdosage progressif par répétition des doses, ou de voir persister la douleur au moment de la sortie.

2) Traitements proposés :

Le recours à des morphinomimétiques à ce stade est à proscrire.

Seul le tramadol per os pourra être poursuivi s’il a été débuté en salle de réveil.

La préférence revient là encore aux AINS sous leur forme non associée à un morphinique.

Selon la nature de l’intervention, les administrations seront systématiques ou à la demande.

7. Prise en charge de la douleur au domicile :

1) Evaluation de la douleur avant la sortie :

La visite du patient pour l’autorisation de sortie, doit donner lieu à une ultime évaluation de la douleur, c’est toujours un moment un peu délicat.

Si cette douleur est trop importante, il faut refuser la sortie au patient.

Si elle est compatible avec un retour au domicile, elle doit s’assortir d’une prescription précise et détaillée d’antalgique.

Dans la rédaction de l’ordonnance, il faut avoir le souci de prescrire au bon niveau analgésique avec des médicaments de nature à n’induire qu’un minimum d’effets secondaires au domicile. L’évaluation devra être aussi rigoureuse et précise que possible pour que la prescription soit adaptée aux besoins en analgésiques.

2) Moyens pharmacologiques :

L’OMS a proposé de classer les analgésiques en trois groupes, dans le traitement d’approche de la douleur cancéreuse.

Ils correspondent à des niveaux de douleur.

Cette classification peut s’appliquer au traitement de la douleur postopératoire au domicile :

– le niveau I est celui des antalgiques « périphériques » : aspirine, paracétamol ;

– le niveau II1 est celui des antalgiques « centraux » faibles : codéine ou dextropropoxyphène dans leur forme combinée au paracétamol ou à l’aspirine ;

– le niveau II2 est celui des antalgiques « centraux » intermédiaires comme la buprénorphine ou le tramadol ;

– le niveau III est celui des antalgiques « centraux » forts : morphine, dextromoramide, péthidine, et nalbuphine.

a) Acide acétylsalicylique :

En France, c’est le médicament habituel et presque culturel de ce type de douleur surtout en automédication. Ses autres effets nous incitent à l’éviter.

b) Paracétamol :

C’est l’antalgique le plus prescrit dans cette indication. Il est précieux et efficace, avec peu d’effets secondaires majeurs. La forme combinée à de la codéine (agoniste des récepteurs m) est potentiellement dangereuse chez l’insuffisant respiratoire et le vieillard ou à du dextropropoxyphène (antagoniste moins dépresseur respiratoire) se prête merveilleusement à l’ambulatoire. La prise systématique de 500 mg de paracétamol associé à 30 mg de codéine ou 30 mg de dextropropoxyphène 4 fois par jour permet d’assurer une analgésie de qualité pendant 24 heures. En cas d’insuffisance hépatique ou rénale, contre-indications classiques du paracétamol, la floctafénine (Idarac ® 200 mg 3 à 4 fois par jour) mieux tolérée que la glafénine, est une alternative satisfaisante.

c) Sulfate de morphine :

Administrable par voie entérale, per os (Moscontin ®, Skénan ®), a des effets secondaires qui pourraient révéler ou potentialiser certains effets résiduels des agents de l’anesthésie. Leur forme galénique n’autorise qu’une libération progressive (pic sérique en deux à quatre heures) et prolongée adaptée au traitement des douleurs chroniques mais pas à celui des douleurs aiguës.

d) Nalbuphine :

N’existe que sous forme injectable ce qui rend son emploi pratiquement impossible au domicile.

e) Tramadol (Tolpagic ®) :

Nouvel analgésique d’action centrale et de puissance équivalente à la nalbuphine, est le seul opioïde qui existe à la fois sous forme injectable et sous forme de gélules, rendant aisé un relais de la voie d’administration. Le tramadol, sous sa forme de gélules dosées à 50 mg, peut être intéressant dans les traitements à domicile à condition d’en mesurer le bénéfice avec les risques et les inconvénients d’un agent opioïde. Son effet antalgique est souvent accompagné des autres effets des morphiniques : sédation, prurit, nausées, vomissements. Dans la rédaction de l’ordonnance de sortie, il faudra toujours assortir sa prescription à celle d’antiémétiques. A côté de cela, il a un retentissement respiratoire et cardiovasculaire limité avec un effet plafond, ce qui le rend compatible avec l’exercice ambulatoire de l’anesthésie. Si sa tolérance s’avère bonne, il est probable qu’il changera de façon sensible l’éventail actuel des actes pratiqués en ambulatoire.

f) Antispasmodiques :

Sont encore réservés aux douleurs de type colitique, leur efficacité est limitée s’ils sont associés à des morphiniques.

g) Autres analgésiques comme la flactofénine (Idarac ®) :

Sont indiqués dans les cas d’intolérance au paracétamol.

h) Anti-inflammatoires anti-œdémateux :

Ils sont des adjuvants précieux à ne pas négliger dans les chirurgies à forte répercussion œdémateuse, mais à condition d’en respecter scrupuleusement les contre-indications. La prescription doit couvrir une période d’environ cinq jours, durée de vie moyenne des œdèmes.

g) Antiémétiques :

Ils doivent être envisagés si des vomissements ont eu lieu durant l’hospitalisation, ou si un état nauséeux est constaté à la sortie. Ils seront systématiquement prescrits si l’ordonnance comprend des opioïdes.

3) Rédaction de l’ordonnance de sortie :

Cette prescription doit couvrir une période moyenne de deux à cinq jours et n’y inclure que des antalgiques des classes I et II1 de l’OMS ; dans la classe II2 il faudra proscrire la buprénorphine et ne retenir que le tramadol dans les circonstances les plus algiques.

Dans la prescription d’antalgiques, trois niveaux d’analgésie sont habituellement requis :

– pour les douleurs faibles : prescription d’antalgique mineur de type I, comme le paracétamol par voie orale ou rectale, à la demande et couvrant les 24 premières heures ;

– pour les douleurs modérées, prescription d’antalgique plus puissant de type II1, en général, paracétamol dans sa forme associée à la codéine (sauf contre-indications) en prises fractionnées, systématiques pendant 72 heures ;

– pour les douleurs les plus intenses, prescription d’antalgiques majeurs II2 comme le tramadol à 50 mg, une gélule toutes les huit heures, les 48 premières heures. Dans cette prescription, la mise en balance bénéfice-effets secondaires est un impératif. Parmi les effets secondaires les plus fréquents on note les vertiges et la sédation dans 5 % des cas, les nausées et les vomissements dans 4 % des cas et la sensation de bouche sèche dans 2 % des cas. En plus de la prudence, cette prescription doit s’assortir de recommandations et de médications prophylactiques des effets secondaires (antiémétiques). Un relais de classe II1 sera assuré pour les 48 heures suivantes.

Même si la douleur est absente au moment de la sortie, une prescription systématique d’AINS ou d’antispasmodiques peut se révéler d’une grande utilité.

4) Recommandations :

La visite de sortie est également l’occasion de dispenser un certains nombre de conseils. Il faut recommander le repos, l’immobilisation et les positions antalgiques.

Même si le conseil doit surprendre, il faut inciter les patients à faire exécuter systématiquement leur ordonnance dès la sortie de l’établissement, même si le besoin en antalgique ne se fait pas sentir. Attendre la résurgence de la douleur, qui, a priori, a toutes chances de se faire en début de nuit (effet résiduel des analgésiques hospitaliers, euphorie et soulagement de retrouver son environnement et ses proches), c’est prendre le risque de se mettre dans une impasse thérapeutique, il sera trop tard pour se procurer le traitement.

Les éventuels désagréments en rapport avec l’intervention et les prescriptions doivent être explicités au patient afin d’en assurer un meilleur vécu. Un numéro de téléphone ou mieux de bip devra être donné par écrit au patient, où l’anesthésiste de permanence pourra être joint immédiatement.

En cas de prescription d’opioïde, il faut insister sur l’importance, voire le caractère impératif de ne pas consommer de tranquillisants, de somnifères ou d’alcool de façon concomitante.

5) Place du praticien de ville :

L’implication systématique du médecin de “famille” dans le processus hospitalier peut être un élément rassurant pour les patients, et source de confiance.

Le traitement de première intention est celui prescrit à la sortie, en cas d’insuffisance, une réévaluation doit être faite, de préférence par le praticien de ville. Il ne pourra être modifié de façon efficace que si la sortie du patient s’accompagne d’une “lettre-type” où seront mentionnés le jour, l’heure et la nature de l’intervention.

Le médecin généraliste a une place primordiale dans la prise en charge, l’évaluation et le traitement des douleurs mal calmées par le traitement de sortie, ou d’apparition différée.

Nous devons recommander au patient de faire appel à son médecin, devant toute recrudescence anormale de la douleur afin d’éliminer une éventuelle complication. 

8. Conclusion :

En matière d’anesthésie ambulatoire, la douleur postopératoire ne pose pas de gros problème thérapeutique à un anesthésiste aguerri à ce type d’exercice.

Une parfaite connaissance des actes pratiqués, de leur retentissement et de leur caractère algique est nécessaire.

Une bonne organisation permet de planifier correctement le traitement de la douleur. Les AINS, les opioïdes et les blocs nerveux périphériques associés à l’anesthésie générale procurent une analgésie postopératoire très nettement suffisante.

L’évolution, qui se dessine, est une anesthésie générale “passe-partout” avec des médicaments à durée de vie extrêmement brève, administrés en débit continu, adaptables en qualité et en durée à de très nombreuses situations chirurgicales. Mais le gros écueil qui restera à régler sera encore celui de l’analgésie postopératoire, d’autant plus que l’antalgique idéal n’est pas encore d’actualité. Le paracétamol sous sa forme codéinée ou le tramadol resteront encore les références de l’analgésie postopératoire en anesthésie ambulatoire.

Points clés

– La douleur ne doit jamais être le prix à payer pour bénéficier d’une anesthésie ambulatoire.

– Avant toute intervention, l’anesthésiste devrait s’assurer que la douleur postopératoire estimée et son traitement sont compatibles avec les impératifs de l’anesthésie ambulatoire.

– Si l’anesthésie générale est la technique qui se prête le mieux à la pratique ambulatoire, les locorégionales semblent plus satisfaisantes en terme d’analgésie postopératoire.

– Le traitement de la douleur y est soumis à d’importantes contraintes horaires qui limitent progressivement les choix thérapeutiques.

– L’analgésie doit être assurée dans l’établissement, mais aussi au domicile du patient.

– Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont toujours à la base du traitement antalgique.

– La douleur est une des limites à la pratique de l’anesthésie ambulatoire. La traiter de façon efficace permettra d’en étendre les indications.

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