Les étiologies des anémies hémolytiques acquises sont très diverses mais des éléments simples (prise d’un médicament, exposition à un toxique, contexte infectieux…) permettent d’orienter le diagnostic étiologique.

Deux examens biologiques sont fortement contributifs : le test de Coombs direct et la recherche de schizocytes à l’examen du frottis sanguin.

On distingue les anémies hémolytiques acquises immunologiques et non immunologiques.

1. Introduction :

Les anémies hémolytiques acquises associent des signes d’hémolyse et des signes d’anémie.

Elles regroupent de multiples pathologies survenant dans des contextes très différents ayant en commun un tableau biologique.

1) Signes liés à la destruction excessive des globules rouges :

Ce sont l’anémie normocytaire ou macrocytaire, l’augmentation de la bilirubine libre, des lactates déshydrogénases (LDH) et la diminution de l’haptoglobine. Ces anomalies sont bien sûr loin d’être spécifiques et surtout elles sont plus ou moins marquées et associées. Dans les cas difficiles, l’étude de la durée de vie des hématies marquées au chrome 51 permet d’objectiver la diminution de la durée de vie des hématies ; cet examen isotopique, en fait rarement nécessaire au diagnostic, est surtout demandé pour préciser le siège de l’hémolyse.

2) Signes liés à l’accélération de l’érythropoïèse :

L’hyperréticulocytose avec réticulocytes à un taux supérieur à 120.000/mm3 explique la fréquente macrocytose ; l’érythroblastose sanguine avec myélémie et hyperleucocytose témoigne d’une régénération médullaire très active. La moelle est riche, hyperérythroblastique ; il peut exister des signes de dysmyélopoïèse ou de carence folique secondaire.

Il est important de souligner que l’anémie peut manquer quand l’hémolyse est bien compensée.

2. Diagnostic étiologique :

Les étiologies des anémies hémolytiques acquises sont très diverses, mais des éléments simples permettent d’orienter le diagnostic étiologique.

Le contexte clinique est décisif : ainsi, le diagnostic d’une maladie hémolytique du nouveau-né ou d’un accident d’alloimmunisation transfusionnelle ne pose pas de difficulté diagnostique  ; le problème aurait été de prévenir leur survenue.

De même, la prise d’un médicament, l’exposition à un toxique, la survenue de l’hémolyse en contexte infectieux…, peuvent orienter d’emblée.

Deux examens biologiques permettent aussi d’éclairer rapidement l’étiologie :

– le test de Coombs direct dont la positivité oriente vers une hémolyse immunologique,

– et la recherche de schizocytes à l’examen du frottis de sang périphérique (FSP) dont la présence est en faveur d’un syndrome de fragmentation des globules rouges.

3. Classification :

1) Anémies hémolytiques immunologiques :

Ce sont les plus fréquentes des AH acquises. Leur diagnostic repose sur l’association d’une anémie par hyperhémolyse et d’un test de Coombs positif.

a) Anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) : Cf chapitre spécial

b) Autres anémies hémolytiques immunologiques : Cf chapitre spécial

2) Anémies hémolytiques non immunologiques : 

AH secondaires à la destruction prématurée des GR par ailleurs normaux par une agression extérieure à ceux-ci.

Trois situations prédominent : origine infectieuse, toxique, ou mécanique.

On y inclut une affection rare : l’hémoglobinurie nocturne paroxystique (ou maladie de Marchiafava-Michelli) : anomalie acquise de la cellule souche myéloïde ; l’hémolyse survenant essentiellement la nuit à la faveur d’une baisse du pH. 

a) Causes infectieuses :

– Paludisme : selon les espèces : hémolyse aiguë, chronique, ou récurrente.

– Septicémie à Clostridium perfringens : suite d’infections utérines (avortements provoqués), d’infections biliaires ou digestives : tableau d’hémolyse massive intravasculaire et insuffisance rénale aiguë. Un traitement antibiotique précoce est indispensable, avant résultat des cultures bactériennes. Pronostic souvent péjoratif.

– Autres infections bactériennes : de nombreuses infections sévères (septicémies) peuvent induire une AH, soit par effet direct ou libération d’un composant hémolytique (streptococcus), soit  indirectement (AH par fragmentation de type SHU ou en association avec une CIVD).

– Infections virales : CMV : par association d’action toxique pure et d’une réaction immune avec formation d’auto-Ac.

– Pour finir, citons la babésiose (maladie parasitaire du bétail transmise par des piqûres de tiques), la bartonellose, la trypanosomiase (maladie du sommeil), la leishmaniose viscérale.

Nb : Grâce au contexte clinique, aux prélèvements infectieux (goutte épaisse, hémocultures), le diagnostic d’une hémolyse en contexte infectieux ne doit pas poser de problème : paludisme ou tableau septicémique devenu rare avec la disparition des septicémies à Clostridium perfringens post-abortum.

b) Causes toxiques chimiques et médicamenteuses :

Elles peuvent être dues à des intoxications professionnelles par des agents oxydants utilisés dans l’industrie ou l’agriculture.

– Action lipolytique : saponine, benzène, toluène.

– Agents oxydants : les sulfones, la phénacétine, le cisplatine, divers produits toxiques (phénol, naphtaline des boules à mites, chlorates, nitrates, colorants à base d’aniline) peuvent oxyder directement l’hémoglobine, ou agir indirectement (réaction avec l’oxygène du GR et formation de peroxydes en excès, dépassant les possibilités de détoxification par le système du glutathion) : l’Hb précipite en méthémoglobine.

Une AH apparaît en une à quelques semaines ; l’arrêt d’exposition au toxique provoque un retour à l’état normal en quelques semaines.

Les sels de cuivre ont une action comparable (sulfate de cuivre, sels de cuivre des bains d’hémodialyse).

Au cours de la maladie de Wilson (déficit constitutionnel en céruléoplasmine), on observe une AH.

– Intoxication par le plomb (peintures, batteries au plomb : inhalation de vapeurs, intoxication alimentaire au plomb). Toxicité aiguë ou chronique (encéphalopathie ou troubles neurologiques, douleurs abdominales). Présence d’hématies ponctuées sur le frottis sanguin.

– Inhalation d’hydrogène arsénié (industrie des métaux) : AH intravasculaire sévère, progressive en quelques heures, avec vomissements, douleurs abdominales, insuffisance rénale aiguë. Mortelle dans 20 % des cas.

– Morsure d’araignées : la lésion œdémateuse douloureuse et nécrotique localisée peut être suivie de manifestations systémiques avec AH sévère (venin induisant une CIVD).

– Venin de serpents : plusieurs serpents ont un venin à effet neurotoxique, hémolytique, et/ou activant la coagulation.

– Piqûres d’abeilles, surtout celles d’origine africaine, s’en rapprochent (mortelles si > 50 – 100 en même temps) ; risque également de choc anaphylactique.

– Champignons (amanite phalloïde).

c) Causes mécaniques :

Liées à une fragmentation des hématies par un choc sur un obstacle mécanique ou dans le régime de microturbulences induit par cet obstacle, les AH mécaniques sont intravasculaires et produisent des schizocytes (fragments d’hématies de taille variable). Elles peuvent s’accompagner d’une perte de fer urinaire par hémoglobinurie chronique, l’anémie prenant alors les caractéristiques d’une anémie par carence martiale.

– Maladies du cœur :

Toutes les situations provoquant une turbulence excessive intracardiaque : valvulopathies, déplacement de prothèses valvulaires…

. L’hémolyse sur prothèse valvulaire, souvent asymptomatique (hémolyse compensée), en est la cause la plus fréquente ; l’apparition ou l’aggravation d’une anémie doit faire rechercher un dysfonctionnement prothétique et peut constituer un argument pour décider d’une réintervention.

. Altération des gros vaisseaux : courants tourbillonnaires, rétrécissement aortique calcifié, coarctation de l’aorte.

– Microangiopathie thrombotique (MAT) :

Elle est caractérisée par l’association d’une AH mécanique, d’une thrombopénie et de lésions thrombotiques des petits vaisseaux (obstacles).

Le caractère mécanique de l’hémolyse est reconnu par l’examen du frottis sanguin montrant la présence de schizocytes.

. Purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT ou syndrome de Moschowitz) : survenant principalement chez l’adulte jeune, il est caractérisé par l’association de cinq signes : AH mécanique, thrombopénie, fièvre, atteinte du système nerveux central et atteinte rénale ; la présence de ces signes est suffisante au diagnostic.

Rare, il est le plus souvent idiopathique mais peut parfois s’associer à une infection, notamment par le virus du VIH ou à une pathologie auto-immune.

. MAT chez les patients atteints de cancer : elles peuvent être soit en rapport avec le cancer lui-même, soit avec certains produits de chimiothérapie (mitomycine C).

– Causes diverses :

. CIVD : l’hémolyse est peu sévère ; le nombre de schizocytes est faible.

. Angiomes volumineux : fragmentation des GR dans la microcirculation vasculaire anormale.

. Au cours de diverses maladies, il a parfois été rapporté une hémolyse : périartérite noueuse, LED, Syndrome de Kawasaki…

4. Conclusion :

Les anémies hémolytiques acquises recouvrent de multiples pathologies mais leur étiologie est habituellement aisément reconnue grâce à des éléments simples, cliniques (principalement le contexte) et biologiques.

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