Il permet de donner une estimation qualitative permettant d’établir la formule sanguine et dépister d’éventuelles anomalies morphologiques des cellules. Le frottis est une technique manuelle. La numération des réticulocytes fait appel à des techniques de coloration spéciales.

1. Principe et technique :

Le frottis sanguin a pour but d’observer et de dénombrer les cellules sanguines d’une goutte de sang étalée sur une lame de verre d’un microscope.

Cette technique permet de faire une étude morphologique des cellules du sang, de repérer les anomalies cellulaires (présence, aspect ou nombre) et la présence de certains parasites dans le sang (exemple plasmodium falciparum du paludisme).

La goutte de sang va donc être étalée de façon uniforme afin d’obtenir une seule couche de cellules sur la lame de verre ; elle sera ensuite “fixée” à l’aide d’un produit à base d’éthanol, puis colorée pour être visibles (Giemsa et May-Grünwald Giemsa). Puis la lame sera séchée avant de pouvoir être observée au microscope.

2. Indications :

Le frottis sanguin reste l’outil de diagnostic essentiel lorsqu’une anomalie a été repérée lors d’un hémogramme.

Il va permettre l’interprétation de la formule sanguine complète ; il est utilisé pour repérer les anomalies de morphologie ou de nombre des globules rouges (anémies, polyglobulie), des globules blancs (anomalie leucocytaire), et des plaquettes (thrombopénie).

Le frottis sanguin permet également de repérer des parasites du sang et est très souvent demandé en oncologie afin de confirmer un cancer des cellules du sang et d’en déterminer le type.

3. Frottis normal : morphologie érythrocytaire normale :

Dans la zone optimale d’observation, les hématies commencent à se toucher l’une l’autre : elles ont une forme biconcave (centre clair, périphérie plus sombre), de 7-8 µm de diamètre.

Les GR normaux sont définis comme “normochromes”, c’est-à-dire qu’ils ont tous la même coloration (car même quantité d’hémoglobine).

4. Frottis pathologique :

1) Anomalies observées au faible grossissement :

* Agglutinats d’hématies :

Hématies regroupées en paquets, le plus souvent parce qu’un anticorps lie les GR entre eux.

– Principalement associés à une agglutinine froide ; l’anomalie est visible à température ordinaire et disparaît à 37°C.

– De petits agrégats sont visibles dans les AHAI à Ac chauds.

– Les réticulocytes en grand nombre ont parfois été rapportés comme pouvant former des agrégats.

2) Anomalies de taille :

a) Anisocytose :

Elle correspond à l’existence d’un ensemble de GR de tailles variables.

A l’état normal, le diamètre des GR est d’environ 7,5 µm et varie de ± 5 %.

Non spécifique d’une pathologie particulière, elle peut s’accentuer ou non avec la profondeur de l’anémie.

Peu utile pour orienter vers une étiologie précise = simple témoin d’une anomalie de l’érythropoïèse sans en préciser la nature.

Doit faire rechercher l’existence d’anomalies particulières de la morphologie des GR, comme par exemple des schizocytes, des macrocytes ou un excès de réticulocytes.

b) Anomalies possibles :

On distingue :

– Microcytose : GR moins grands que la normale (diamètre < 6 µm).

– Macrocytose : GR plus grands que la normale (diamètre entre 10 et 12 µm).

– Mégalocytose : GR géants, à forme ovale, avec répartition homogène de l’Hb (diamètre > 12 µm) :

. hématies de plus grande taille, visibles par comparaison aux autres GR.

. physiologiquement : quelques uns au cours de la grossesse et chez les personnes âgées ;

. anémie hémolytique avec nombreux réticulocytes ;

. carences en vit B12 ou folates, dysérythropoïèses majeures ou iatrogènes ; globalement = toutes les mégaloblastoses.

3) Anomalies de forme :

a) Anomalies de forme : poïkilocytose :

Elle correspond à la présence d’hématies de formes très variées.

Non spécifique d’une pathologie particulière, elle peut s’accentuer quand l’anémie est très sévère.

Sa présence impose d’analyser les anomalies morphologiques pour mettre en évidence une morphologie particulière orientant vers une étiologie plus précise : annulocytes, schizocytes (fragments de GR), sphérocytes, elliptocytes, drépanocytes (GR falciforme, en forme de faucille)…

b) Hématies en cible :

Présence de 3 trois régions concentriques : une région centrale hémoglobinisée, une région intermédiaire claire et une périphérie hémoglobinisée (aspect d’une cible).

– S’observent en cas d’:

. alpha-thalassémie,

. bêta-thalassémie,

. drépanocytose homozygote (HbSS),

. hémoglobinoses C, E, D,

. anomalies lipidiques : déficit congénital en LCAT (anémie, opacité cornéennes, néphrite, athérosclérose précoce, …), hypobêtalipoprotéinémie familiale.

. carence martiale sévère (peu fréquent ; surtout des annulocytes),

. parfois au cours de : anémies sidéroblastiques, sphérocytose héréditaire, xérocytose héréditaire, anomalies du métabolisme lipidique,

. post-splénectomie, ou asplénies (< 5 %)…

– Mécanisme de formation : ici les GR ont une surface augmentée par rapport au volume (excès de membrane) ; l’excès de membrane forme un gonflement central qui contient de l’Hb.

c) Hématies en larme, ou en poire, ou dacryocytes :

Hématies allongées avec une extrémité arrondie et l’autre (opposée) effilée mais dont la pointe reste arrondie.

On signale leur présence quand il y en a au moins une par champ au grossissement intermédiaire. Habituellement on observe également des elliptocytes.

– S’observent principalement au cours de :

. myélofibroses (splénomégalie myéloïde, infiltration de la moelle par un cancer ou autre infiltration),

. toutes les splénomégalies, quelle qu’en soit l’origine,

. toutes les anémies très sévères (anémie par carence martiale, mégaloblastose par carence B12 ou folates, thalassémies majeures, LAM 6, parfois dysérythropoïèses congénitales).

. anémies hémolytiques, parfois (à corps de Heinz).

– Mécanisme de formation :

Déformation irréversible lors de la sortie d’une moelle de fibrose, ou origine splénique (temps de passage allongé dans la rate de gros volume).

La déformation en elliptocyte est une étape intermédiaire.

d) Sphérocytes :

Hématies évoquant des sphères : diamètre inférieur à celui du discocyte mais plus épaisses et le contenu apparaît dense et hyperchromatique.

– Un grand nombre de sphérocytes s’observe au cours de :

. sphérocytose héréditaire (5 – 20 %),

. AHAI à anticorps chauds (parfois jusque 100 %),

. maladie hémolytique du nouveau-né dans le système ABO,

. accidents transfusionnels retardés,

. AH à Clostridium perfringens,

. AH induites par les médicaments,

. divers : morsure par serpents (venins)… 

– Quelques sphérocytes s’observent au cours de :

. présence d’agglutinines froides (anémie aiguë ou maladie chronique),

. maladie hémolytique du nouveau né dans le système Rh,

. AH médicamenteuse induite par la pénicilline,

. avec d’autres anomalies morphologiques des GR : hyposplénisme, drépanocytose…

* Microsphérocytes : plus petits que les sphérocytes : AH mécaniques, microangiopathies thrombotiques, elliptocytose héréditaire.

e) Elliptocytes, ovalocytes :

Hématies allongée en bâtonnet, dont les bords latéraux sont plus ou moins parallèles.

Si le grand axe est au moins 2 fois plus long que le petit axe = elliptocyte

Si le grand axe a une longueur inférieure à 2 fois celle du petit axe = ovalocyte.

L’Hb a tendance à s’accumuler aux extrémités.

Les extrémités sont arrondies et ne sont jamais pointues, à la différence du drépanocyte. 

– Un nombre élevé d’ovalocytes (25 – 100 %) est constamment associé à une elliptocytose héréditaire (la forme ovalaire est attribuée à un défaut d’interaction entre certaines protéines du cytosquelette).

– Un nombre plus faible (5 – 15 %) est souvent présent dans divers types d’anémies :

. carence martiale,

. carence en vitamine B12/folates (souvent macro-ovalocytes),

. thalassémies : tous types,

syndromes myélodysplasiques,

. splénomégalie myéloïde. 

f) Schizocytes :

Fragments d’hématies cassées contre un obstacle, pouvant présenter diverses formes : triangle, casque, virgule, arc de cercle, bâtonnet..

Nombre très faible (< 0,1 %) dans le sang normal.

Les schizocytes s’observent principalement au cours de :

– AH par fragmentation des GR : microangiopathies thrombotiques (MAT), obstacles mécaniques (valve cardiaque déplacée),

– MAT induites par les anticancéreux : gemcitabine, mitomycine, association cytarabine-daunorubicine, ciclosporine, quinine, tacrolimus,

– AH avec corps de Heinz : présence de “bite cells” ou hématies mordues : une partie du GR (celle contenant le corps de Heinz) a été phagocytée par les macrophages de la rate : β-thalassémies majeures, déficit en G6PD en présence d’un toxique oxydant (associées aux GR fantômes ou semi-fantômes.

– une partie des CIVD (pas constamment),

– divers : certaines glomérulonéphrites, hépatopathies sévères avec anémie hémolytique (syndrome de Zieve).

– On les observe en association à d’autres anomalies des GR :

. microsphérocytes et divers microfragments d’hématies,

. carences en vit B12 (en association aux macro – ovalocytes),

. elliptocytose constitutionnelle…

g) Drépanocytes :

Hématies allongées, de forme effilée, en “faucille”, aux deux extrémités pointues ou arrondies.

Ils ne s’observent qu’en association avec la présence d’une grande quantité d’HbS dans le GR : ils se forment lors de la cristallisation de l’HbS en milieu désoxygéné.

La majorité des drépanocytes retrouvent une forme normale en milieu oxygéné, mais ce retour est irréversible pour environ 10 % d’entre eux lors de crises répétées.

– Dans la drépanocytose homozygote (Hb SS) :

. il y en a constamment (3 – 10 %) (leur nombre peut atteindre 40 %),

. ils sont toujours associés à la présence d’hématies cibles,

. et après l’âge de 5 -10 ans, des GR avec un corps de Howell-Jolly apparaissent (asplénie).

– Dans la drépanocytose hétérozygote : les drépanocytes sont absents (hémogramme strictement normal).

h) Acanthocytes :

Hématies émettant quelques spicules (2 à 12) et de longueur variable, denses, qui se projettent à partir de la surface du GR.

On évoque en premier lieu l’insuffisance hépatique majeure (Syndrome de Zieve), ou une anomalie du métabolisme lipidique. Leur formation semble liée à une anomalie de répartition des lipides entre les 2 feuillets lipidiques membranaires.

2) Morphologie érythrocytaire : anomalies de la couleur, du contenu, inclusions :

a) Anomalies portant sur le contenu en hémoglobine et/ou sur la “couleur” :

– Hypochromie :

Correspond à la présence d’hématies pâles et pauvres en Hb : la partie claire centrale du GR est importante et l’Hb ne persiste qu’en un fin liseré périphérique : on appelle ces hématies des annulocytes. S’observe principalement dans les carences martiales sévères.

 

– Anisochromie :

Mélange d’hématies normochromes et hypochromes.

S’observe principalement au cours de :

. carences martiales en cours d’installation, en cours de traitement ou après transfusion (mélange de GR normalement chargés et de GR pauvres en Hb),

. anémies sidéroblastiques,

. parfois la splénomégalie myéloïde chronique. 

 

– Polychromatophilie (ou polychromasie) :

Présence d’hématies de couleur bleutée, souvent un peu plus grandes que les hématies environnantes (le plus souvent = réticulocytes).

S’observe principalement au cours de :

. toutes les anémies régénératives,

. les grandes dysérythropoïèses,

. les myélofibroses, carcinomes métastasés.

Nb : seuls quelques uns des réticulocytes sont “bleutés” (1/10 à 1/20) = les réticulocytes les plus immatures (grade 1). 

b) Présence d’inclusions dans les hématies :

– Anneaux de Cabot :

Fils fins et rouge-violet formant un anneau ou une boucle à l’intérieur d’une hématie, correspondant à des reliquats des microtubules du fuseau mitotique.

Sauf des situations exceptionnelles, leur nombre est toujours très faible (moins d’une hématie anormale pour 20 – 30 champs microscopiques).

S’observent principalement au cours de toutes les grandes dysérythropoïèses (anémies mégaloblastiques, myélodysplasies…), la splénomégalie myéloïde.

 

– Corps de Howell-Jolly :

Petite boule de chromatine (0,5 – 1 µm de diamètre) = chromosome qui s’est échappé du fuseau mitotique lors d’une mitose et est resté quiescent ensuite dans le cytoplasme de l’érythroblaste (parfois fragment nucléaire lors de l’expulsion incomplète du noyau).

Couleur violet foncé (celle de l’ADN), souvent disposé dans la région périphérique du GR mais rarement collé à la membrane. Le plus souvent unique au sein d’un GR.

. Mécanisme d’apparition dans le sang : la MO produit habituellement quelques GR contenant un corps de Howell-Jolly : les histiocytes de la rate phagocytent en quelques minutes ces GR, ce qui explique que l’on ne les observe pas chez le sujet sain.

. Dans les situations d’asplénie congénitale ou fonctionnelle, et chez le splénectomisé les GR contenant cette inclusion ne sont pas phagocytés et ont alors une durée de vie normale : leur nombre devient suffisamment élevé pour qu’on les observe sur le frottis sanguin.

Seuil de positivité = on signale leur présence quand on en observe au moins un par champ microscopique au grossissement moyen, et de manière répétée.

S’observent principalement chez :

. le splénectomisé ou l’asplénie,

. au cours des grandes dysérythropoïèses car la production de GR avec corps de Howell-Jolly est très augmentée (anémies mégaloblastiques, parfois syndromes myélodysplasiques ; parfois 2 ou 3 dans le même GR, secondaires à un caryorrhexis),

. au cours de la drépanocytose homozygote : ils sont absents dans les premières années de vie : leur observation vers 5-10 ans correspond à l’asplénie progressive secondaire aux infarctus spléniques répétés. 

 

– Hématies ponctuées, ou hématies à granulations basophiles :

Hématies contenant de nombreuses ponctuations sombres, basophiles, dispersées dans tout le GR = témoins d’une anomalie de synthèse de l’Hb et d’une dysérythropoïèse.

Ce sont des réticulocytes, et les granulations sont des agrégats de ribosomes contenant de l’ARN.

Parfois quelques granulations sont des mitochondries, mais habituellement les hématies ponctuées sont négatives pour la coloration de Perls (voir corps de Pappenheimer).

Particularité : les ponctuations sont mieux visibles sur sang EDTA ou sur sang coloré au MGG avec pH un peu alcalin (pH = 8).

 

– Ponctuations basophiles de grosse taille :

. intoxication par le plomb ou d’autres métaux lourds (Zn, As, Bi, Ag et Hg),

. thalassémies majeures et mineures (surtout ß-thalassémie),

. le déficit constitutionnel en pyrimidine-5′ nucléotidase : jusqu’à 5 % d’hématies ponctuées dans le sang.

 

– Ponctuations basophiles de petite ou de grosse taille : observées dans des circonstances très variées :

. affections hépatiques,

. anémies sidéroblastiques des myélodysplasies,

. grandes dysérythropoïèses (chimio-induites ou non),

. splénomégalie myéloïde,

. anémies mégaloblastiques,

. anémies très régénératives (surtout des hématies avec nombreuses petites ponctuations),

. chez le splénectomisé ou en cas d’asplénie. 

 

– Corps de Pappenheimer :

Il s’agit de fines granules sombres, unique ou regroupées en un petit amas (2 – 5 grains), souvent située(s) en périphérie de l’hématie (taille très inférieure à celle des corps de Howell -Jolly). Ils correspondent au moins pour partie à des mitochondries anormales, et sont riches en fer (la coloration de Perls visualise ces granulations en bleu-vert ; on les appelle sidérocytes).

On en rencontre dans :

. toutes les anémies sidéroblastiques (congénitales ou acquises (intoxication par le plomb)),

. les thalassémies majeures,

. chez les splénectomisés ou en cas d’asplénie (comme les hématies ponctuées et les corps de Howell Jolly),

. dans la cirrhose éthylique avancée, jusqu’à 50 – 100 % des GR peuvent en contenir. 

 

– Microorganismes dans les GR : Plasmodium et Babesia.

La recherche de Plasmodium nécessite l’examen d’une goutte épaisse pendant 5’ ou d’un frottis sanguin pendant 20’ au fort grossissement.

 

 

 

Extrait des publications du laboratoire

d’hématologie du CHU d’Angers

(http://www.hematocell.fr/)

Noter cette page

Laisser un commentaire