1. Définition :
Les anémie hémolytique auto-immune (AHAI) sont liées à la présence d’Auto-Ac dirigés contre un Ag de la surface des GR : les GR recouverts d’Ac sont “sensibilisés” et seront détruits, soit :
– par phagocytose dans les tissus (= hémolyse intratissulaire),
– soit par lyse en présence de complément dans la circulation sanguine (= hémolyse intravasculaire).
Les GR ont une durée de vie raccourcie.
Ce sont les plus fréquentes des AH acquises d’origine extracorpusculaire.
La définition de la nature auto-immune d’une AH repose sur la mise en évidence de l’autoanticorps antiérythrocytaire par le test de Coombs direct.
Les AHAI sont classées selon la température à laquelle l’autoanticorps se fixe avec le plus d’avidité sur la cible érythrocytaire.
On distingue ainsi :
– les anticorps “chauds” qui ont une avidité maximale voisine de 37 °C qui sont essentiellement des immunoglobulines G (IgG),
– des anticorps “froids” dont l’avidité augmente quand la température décroît vers 4 °C et qui sont le plus souvent des IgM.
2. Incidence, circonstances de découverte :
1) Incidence :
1 – 3 cas / 100.000 /an, avec discrète prédominance féminine.
Se rencontrent chez l’enfant et chez l’adulte.
Divers modes de présentation, allant de l’hémolyse bien compensée quasi asymptomatique à la grande hémolyse intravasculaire avec état de choc.
2) Formes pauci ou asymptomatiques :
– Situation la plus fréquente ;
– Souvent reliées à une hémolyse intratissulaire ;
– Peuvent être révélées par un subictère ou ictère, des urines colorées, éventuellement une splénomégalie (souvent modérée) ; selles foncées (claires si cholestase associée) ;
– Anémie d’importance variable, parfois absente (compensée par une régénération médullaire suffisante).
3) Formes symptomatiques :
– Souvent liées à une crise hémolytique intravasculaire ;
– Constituent souvent une urgence hématologique ;
– La déglobulisation est souvent brutale, massive : pâleur, fièvre, douleurs abdominales, hémoglobinurie (insuffisance rénale), état de choc, CIVD possible.
– On recherchera des manifestations au froid (acrocyanose, phénomène de Raynaud) ou des ulcérations cutanées, évoquant une agglutinine froide.
– Splénomégalie modérée dans 1/3 des cas ; si plus importante, rechercher d’emblée un syndrome lymphoprolifératif.
– D’autres signes sont recherchés, afin de préciser la nature primitive (idiopathique) ou secondaire de l’AHAI (voir plus loin).
3. Tableaux cliniques :
On distingue trois tableaux :
– forme chronique avec hémolyse intratissulaire,
– forme aiguë avec hémolyse intravasculaire,
– forme chronique avec poussées aiguës.
1) Forme progressive chronique avec hémolyse intratissulaire :
Elle est habituellement due à des anticorps “chauds” de la classe IgG ayant souvent une spécificité Rhésus.
C’est la forme la plus fréquente des AHAI ; elle se rencontre à tout âge avec une fréquence plus élevée au-delà de la cinquantaine.
A début progressif et insidieux, elle peut être :
– primitive (idiopathique) (environ 50 % des cas),
– ou secondaire à d’autres pathologies :
. maladies auto-immunes : systémiques (LED, polyarthrite rhumatoïde, purpura thrombopénique, sclérodermie, syndrome de Gougerot-Sjögren…,) ou d’organes (thyroïdite, hépatite auto-immune)…
. maladies infectieuses : pneumopathies à mycoplasme, CMV, MNI, hépatite virale, oreillons.
. hémopathies malignes : LLC, lymphomes malins non hodgkiniens, maladie de Hodgkin, maladie de Waldenström.
. traitement par l’alpha-méthyldopa (Aldomet ®).
Les circonstances de découverte : elles sont très variées :
– Les AHAI peuvent être asymptomatiques quand la régénération médullaire parvient à compenser l’hémolyse.
La circonstance du diagnostic peut être, par exemple, la découverte sur un hémogramme systématique d’une anémie normo- ou macrocytaire régénérative, une difficulté de groupage lors d’un bilan préopératoire due à une agglutination spontanée des hématies, la découverte d’un test de Coombs positif demandé systématiquement chez un patient traité par alpha-méthyldopa.
– Dans d’autres cas, les symptômes révélateurs, souvent trompeurs, sont liés à l’anémie et à l’hypoxie tissulaire ; il peut s’agir de symptômes mineurs (fatigue et vertiges, céphalées, pâleur) ou sévères (insuffisance respiratoire progressive, insuffisance coronarienne ou cardiaque).
L’examen clinique, en plus de l’ictère ± marqué et du syndrome anémique (pâleur, tachycardie et souffle fonctionnel), retrouve très souvent une splénomégalie, présente dans 80 % des cas.
2) Forme aiguë brutale avec hémolyse intravasculaire :
Elle est généralement liée à des anticorps “froids”, souvent de classe IgM.
Elle s’observe volontiers chez l’enfant au décours d’infections virales aiguës : rougeole, primo-infection à EBV ou à CMV, infection rhino-pharyngée, otite, et chez l’adulte après une pneumonie à mycoplasma pneumoniae, viroses.
Elle se présente comme des crises hémolytiques aiguës et brutales avec hémolyse intravasculaire.
Le tableau clinique, installé en quelques heures, associe des signes de choc aux syndromes anémique et hémolytique.
La guérison survient en quelques jours.
3) Forme chronique avec poussées aiguës :
La forme la mieux individualisée est la maladie des agglutinines “froides”.
De cause inconnue, elle survient surtout chez l’homme proche de la cinquantaine et se caractérise par une hémolyse souvent modérée, évoluant par poussées souvent déclenchées par l’exposition au froid.
Au cours de ces poussées, l’hémolyse qui semble liée au refroidissement du sang au niveau des extrémités s’accompagne souvent de signes locaux : acrocyanose, syndrome de Raynaud, nécrose ou gangrène cutanée.
Le diagnostic repose sur le titrage des agglutinines “froides” qui sont à un taux élevé.
4. Diagnostic de l’auto-immunisation :
1) Test de Coombs direct : Cf chapitre spécial
2) Recherche complémentaire au test de Coombs :
Le test de Coombs lui-même doit être complété par :
– la recherche d’anticorps sériques : elle permet notamment de détecter les anticorps non décelables par le test de Coombs direct comme les IgM ;
– l’épreuve d’élution-fixation : elle consiste à détacher l’anticorps fixé sur les hématies et permet de démontrer le caractère auto-immun de l’anticorps fixé sur les hématies et de préciser sa spécificité.
Il est important de souligner :
– qu’il existe d’authentiques AHAI à test de Coombs négatif ;
– qu’un test de Coombs positif n’est pas synonyme d’AHAI, mais indique simplement la présence d’IgG ou de complément fixé à la surface des hématies.
5. Traitement :
1) AHAI à anticorps chauds :
– Traitement de 1ère intention : la corticothérapie est le traitement principal.
La dose quotidienne initiale de prednisolone est de 1 mg/kg.
Dans les cas favorables, la réponse hématologique, appréciée sur l’évolution du taux d’hémoglobine, de la réticulocytose, de la bilirubinémie et du taux de LDH, survient en deux à trois semaines ; ailleurs, il faut savoir être patient car la réponse est plus retardée et peut nécessiter deux à trois mois.
Quand le taux de l’hémoglobine a atteint 10 g/dl ou qu’il est revenu à la normale, la dose quotidienne de corticoïde est réduite à 0,5 mg/kg en 4 à 6 semaines.
La diminution est ensuite progressive jusqu’à l’arrêt en 3 à 6 mois (l’arrêt brutal étant régulièrement suivi de rechute).
Nb : Dans près du tiers des cas, la guérison est obtenue après un traitement d’une durée totale de 12 à 24 mois ; le test de Coombs ne se négative que tardivement (il peut rester positif) ; les critères de rémission complète sont la disparition des signes biologiques d’hémolyse.
Ailleurs, la rémission ne peut être maintenue que par la poursuite de la corticothérapie à une faible dose (15 à 20 mg un jour sur deux) pendant des mois voire des années.
A la corticothérapie, on associe systématiquement une supplémentation en acide folique.
Des transfusions globulaires sont parfois nécessaires lorsque le pronostic vital est menacé mais, en général, on ne transfuse pas les patients atteints d’AHAI.
– Traitement de 2ème intention : splénectomie, envisagée chez les patients corticodépendants ou corticorésistants ou en cas d’intolérance majeure aux corticoïdes.
– Traitement de 3ème intention : immunosuppresseurs (cyclophosphamide, azathioprine, méthotrexate, ciclosporine…), proposés dans les rechutes, les échecs après splénectomie (formes résistantes) ou chez les patients trop fragiles pour en bénéficier.
2) Cas particuliers :
Au cours d’un traitement par alpha-méthyldopa : arrêt du médicament.
Au cours d’un syndrome lymphoprolifératif : traitement de l’hémopathie.
Au cours d’une pneumopathie atypique : guérison spontanée.
Maladie des agglutinines froides : absence de traitement efficace ; protection du froid.
Les formes sévères peuvent justifier corticothérapie ou traitement immunosuppresseur au long cours.