1. Généralités :
Le parvovirus B19 appartient à la famille des Parvoviridae, sous-famille des Parvovirinae, genre Erythrovirus.
Il s’agit d’un virus nu, comportant une capside icosaédrique, et dont le génome est de type ADN monocaténaire linéaire.
Après pénétration par voie respiratoire, le virus atteint ses cellules cibles, les précurseurs érythroïdes.
L’infection à parvovirus est bénigne chez l’enfant, entraînant le mégalérythème épidémique ou 5ème maladie, mais potentiellement grave chez les patients atteints d’anémie constitutionnelle (anémie hémolytique, drépanocytose, thalassémie…) ou acquise (immunodépression) chez lesquels il entraîne des crises érythroblastopéniques.
Pendant la grossesse, l’infection par le parvovirus B19 peut être responsable d’avortements spontanés, d’anémies fœtales majeures avec anasarque fœtoplacentaire et de mort in utero.
Dès lors, en cas de contact avec une femme enceinte ou un patient immunodéprimé, il faudra vérifier le statut sérologique et en cas d’absence d’anticorps spécifiques, une surveillance minutieuse sera de mise.
Cinquante à 60 % des femmes en âge de procréer sont immunisées contre le parvovirus.
2. Symptomatologie :
L’infection de la femme enceinte est le plus souvent asymptomatique.
Après une incubation de 1 à 3 semaines (18 jours en moyenne), une éruption peut apparaître caractérisée par un rash maculopapuleux légèrement œdémateux débutant par les joues puis s’étendant au tronc et aux extrémités en macules roses pâles, confluentes.
Chez l’adulte, cette éruption peut être atypique morbilliforme, purpurique ou d’allure rubéoliforme.
Chez 30 % des adultes, surtout la femme jeune, s’y associe une polyarthrite bilatérale et symétrique, intense, débutant aux extrémités puis atteignant les grosses articulations.
Arthralgies et éruption cutanée sont liées à la formation de complexes immuns.
Un facteur rhumatoïde peut être détecté dans le sang.
L’évolution est bénigne.
D’autres manifestations peuvent exister et concerner différents tissus :
– hématologiques (thrombopénies, neutropénies, pancytopénies),
– neurologiques (méningites, encéphalites, neuropathies),
– cardiaque (myocardites).
3. Infection maternofœtale :
Seule la primo-infection chez les femmes enceintes séronégatives peut avoir des conséquences sur le fœtus.
L’infection maternelle peut être suspectée en cas de signes cliniques évocateurs, devant une éruption ou l’apparition de douleurs articulaires au cours de la grossesse, mais elle est le plus souvent asymptomatique. On estime qu’environ 50 % n’ont pas d’immunité.
Une femme enceinte, dont le statut sérologique n’est pas connu et qui a été en contact avec le virus, risque d’être contaminée dans 10 % des cas ; le passage du virus de la mère au fœtus se produit dans 1/3 des cas de primo-infection (33 %).
Le virus passe la barrière placentaire, dans la circulation veineuse fœtale, puis va toucher les cellules cibles, les érythroblastes circulants, puis disséminer dans tous les tissus fœtaux, avec anémie fœtale sévère, et parfois pancytopénie. Puis apparaît une insuffisance cardiaque fonctionnelle avec augmentation de la perméabilité vasculaire associée à des perturbations de la fonction hépatique et une hypoalbuminémie fœtale qui entraîne une fuite de liquide vers le secteur extravasculaire provoquant une anasarque fœtoplacentaire (ascite, épanchement pleural) ; une possible atteinte cardiaque organique type myocardite virale peut s’y associer.
Le parvovirus B19 est responsable de 10 % des anasarques non immuns.
Le risque de passage maternofœtale évolue selon l’âge gestationnel au moment de l’infection :
– au premier trimestre : il est élevé et à l’origine d’avortements spontanés dans 11 à 15 % des cas,
– au deuxième et troisième trimestre : anémie sévère pouvant mener à une anasarque pour 4 % des fœtus, voire une mort in utero.
Globalement, la mortalité pour les fœtus infectés est estimée à 10 %.
4. Diagnostic chez la femme enceinte :
C’est surtout la notion de contage chez une femme enceinte récemment exposée au virus, soit professionnellement (crèches, écoles primaires…), soit au contact de ses propres enfants, en période d’épidémie, qui doit faire penser à une éventuelle primo-infection. Il faut alors vérifier rapidement son statut immunitaire (sérologie), et ce, même en l’absence de symptômes, pour détecter la présence d’anticorps spécifiques anti-parvovirus B19 et une séroconversion.
Si les tests sont négatifs avec une notion de contage, il faut contrôler la sérologie 21 jours plus tard ; si les IgM restent négatives, il n’y aura pas de surveillance particulière.
En cas de séroconversion, il faudra entreprendre une surveillance particulière.
* Diagnostic d’infection maternelle (sérologie, PCR) : Cf chapitre spécial
5. Retentissement fœtal :
Le risque de transmission maternofœtale varie selon le terme :
– 0 % en période périconceptionnelle,
– 14 % en fin de 1er trimestre,
– 50 % à la fin du 2ème trimestre,
– et plus de 60 % en fin de grossesse.
Il existe une période de latence de quelques semaines avant l’apparition des signes échographiques.
Le risque d’anasarque est de 30-40 % en cas de passage transplacentaire lors de la première moitié de la grossesse (surtout entre 11 et 18 SA).
Le terme moyen de découverte d’une anasarque liée au parvovirus est de 22 SA (exceptionnellement au 3ème trimestre).
Les signes échographiques sont un œdème placentaire, un hydramnios, un œdème sous-cutané généralisé, une ascite importante et des épanchements des autres séreuses qui sont moins fréquents.
Nb : certains signes échographiques en dehors de l’anasarque, notamment un épanchement isolé abdominal, pleural ou péricardique, une péritonite méconiale, doivent également faire évoquer la possibilité d’une infection à parvovirus B19 et inclure sa recherche dans le bilan étiologique.
L’anasarque est le reflet d’une anémie fœtale non régénérative (c’est ce qui la distingue d’une anémie par alloimmunisation érythrocytaire) et parfois d’une défaillance myocardique associée.
D’après une série de 539 cas, l’évolution des anasarques liées au parvovirus est la mort in utero (30 %), la résolution spontanée (34 %), la résolution après transfusion sanguine (29 %), ou le décès post-transfusion (6 %).
L’atteinte cardiaque fœtale peut être la conséquence de l’anasarque fœtale (dilatation fonctionnelle des cavités cardiaques) ou le témoin d’une réelle myocardite liée à l’infection virale. Elle se manifeste par une cardiomégalie, une hypocontractilité myocardique et une hypertrophie des parois cardiaques.
Le suivi à long terme des enfants infectés in utero et nés vivants est favorable.
6. Diagnostic prénatal :
Le diagnostic prénatal de l’infection fœtale à parvovirus s’effectue par recherche du génome viral par PCR dans le liquide amniotique (amniocentèse) ou le sang du cordon (cordocentèse).
Ce diagnostic fait suite le plus souvent à la découverte fortuite d’une anasarque fœtale à l’échographie, ou bien après une notion de contage.
La cordocentèse permet aussi de rechercher des signes non spécifiques d’infection (thrombopénie fœtale, augmentation des γGT).
7. Conduite à tenir :
1) Manifestations cliniques évocatrices et/ou notion de contage chez la femme enceinte :
Une recherche sérologique doit être réalisée rapidement.
Cette sérologie doit être refaite après 3 semaines ; l’apparition d’IgM est recherchée.
2) Primo-infection confirmée (sérologiquement) :
En cas de séroconversion ou présence d’IgM, une étude échographique attentive à la recherche de signes de début d’anasarque est recommandée de façon hebdomadaire pendant 12 semaines ; l’apparition d’œdème fœtoplacentaire doit faire suspecter une infection du fœtus par le parvovirus B19 et une anasarque.
3) Découverte fortuite d’une anasarque fœtoplacentaire :
La recherche d’une infection par le parvovirus B19 doit faire partie du bilan étiologique.
Les autres causes d’anasarque doivent être éliminées par un bilan complet comprenant :
– une recherche d’alloimmunisation érythrocytaire,
– une échographie fœtale à la recherche de malformations,
– les sérologies : parvovirus B19 +++, CMV, toxoplasmose, rubéole, syphilis, herpès, varicelle,
– un caryotype fœtal (amniocentèse),
– et une recherche virale directe du parvovirus dans le liquide amniotique ou le sang du cordon (PCR).
Cependant la prise en charge d’une anasarque fœtoplacentaire est une situation d’urgence et les résultats des analyses pratiquées sur le liquide amniotique n’auront qu’un intérêt rétrospectif.
D’après la littérature, seulement 20 % des cas d’anasarque guérissent spontanément ; dans 80 % des cas, en l’absence de traitement, l’infection entraîne la mort in utero.
L’urgence consiste donc à classer l’anasarque dans le cadre nosologique adéquat des anémies fœtales qui sont accessibles à un traitement intra-utérin :
– Un Doppler visant à mesurer le pic de vitesse systolique dans l’artère cérébrale moyenne devrait être effectué après 18 SA chez tous les fœtus hydropiques afin d’évaluer le risque d’anémie fœtale ; cette évaluation indirecte du taux d’hémoglobine fœtale permet d’orienter vers une ponction de sang fœtale dite « armée » (c’est-à-dire dans des conditions permettant la réalisation d’une exsanguino-transfusion),
– la ponction du sang fœtal permet de doser l’hémoglobine et, si l’anémie fœtale est sévère (Hb < 8 g/dl), de réaliser dans le même temps une transfusion sanguine in utero. La guérison est obtenue par ce traitement dans 75 % des cas.
L’échographie permettra par la suite de surveiller la vitalité fœtale et l’évolution de l’anasarque.
Nb : Selon l’origine ethnique particulière (Asie du SE), l’alpha-thalassémie devrait être recherchée dans tous les cas d’anasarque fœtoplacentaire inexpliquée.
Toutes les patientes qui présentent une anasarque fœtoplacentaire inexpliquée devraient être dirigées vers des services de génétique médicale lorsque cela est possible.
Une évaluation postnatale exhaustive de tout nouveau-né atteint d’anasarque non immune inexpliquée devrait être réalisée par un médecin généticien.
9. Prévention :
– Il n’existe pas de vaccin.
– Un dépistage systématique des infections à parvovirus B19 par un suivi sérologique n’est pas justifié chez la femme enceinte non immunisée et non exposée.
