L’alpha-thalassémie est une maladie génétique de l’hémoglobine.
Il existe différentes formes d’α-thalassémies qui ne présentent pas toutes la même sévérité.
La plupart des formes n’entraînent pas ou très peu de symptômes (α-thalassémie silencieuse ou mineure).
Les α-thalassémies intermédiaires (appelées également hémoglobinose H) se caractérisent par un manque de globules rouges et d’hémoglobine (anémie). Ceci se traduit par une pâleur, une fatigabilité, parfois des vertiges et un essoufflement. Des transfusions sanguines sont parfois nécessaires.
La forme la plus sévère, très rare (hydrops fœtalis), est incompatible avec la vie (mort in utero).
1. Physiopathologie :
On trouve sur chaque chromosome 16 deux gènes α.
Les α thal sont le plus souvent de nature délétionnelle : il existe plusieurs types de délétions qui font perdre tout ou partie du cluster α.
Remarques : parfois l’α thal est de nature mutationnelle (la mutation entraîne une inactivation totale ou partielle de l’expression du gène).
Le phénotype est celui d’une absence de synthèse de chaîne α par le chromosome correspondant.
Conséquences pour l’érythropoïèse.
Excès relatif de production des chaînes γ et β lié au défaut plus ou moins majeur de chaîne α :
Il se forme des tétramères γ4 (Hb Bart’s) et β4, relativement stables.
La dysérythropoïèse est moins intense que pour les β thal, et c’est la composante hémolytique qui prédomine. Les GR sont rigides et hyperhydratés : ils contiennent des tétramères β4 (Hb H) ce qui induit leur élimination plus rapide par la rate. Ces tétramères sont colorables avec les colorants supravitaux (bleu de crésyl brillant) : les GR apparaissent avec de nombreuses grosses ponctuations.
La chaîne α-globine est codée par un gène présent en 2 exemplaires sur chaque chromosome 16. Les gènes codant pour les chaînes α sont donc au nombre de 4.
La traduction clinique des α-thalassémies est différente selon le nombre de gènes α défectueux :
– La délétion des 4 gènes est incompatible avec la vie.
– L’altération de trois gènes sur quatre est responsable d’une maladie à hémoglobine H en Asie du Sud-Est et en Chine. L’anémie microcytaire et hypochrome est ± sévère. L’hémoglobine H est visible dans les hématies sous forme de précipités en mottes après coloration au bleu de crésyl brillant (corps de Heinz). L’hémoglobine H varie entre 3 et 30 %.
– Les thalassémies mineures ou trait α-thalassémique, très répandues en Afrique subsaharienne et en Asie, sont dues à une anomalie de deux gènes. Elles sont asymptomatiques ou, dans les cas les plus sévères, entraînent une anémie microcytaire hypersidérémique bien supportée. Le déficit des chaînes α, modéré, affecte toutes les fractions, de sorte que l’électrophorèse de l’hémoglobine est normale. La concentration de HbA2 est normale ou diminuée.
– La délétion d’un seul gène est silencieuse. L’hémogramme est normal avec un VGM normal-bas. L’électrophorèse est normale, le taux de HbA2 normal ou diminué.
2. Hydrops fœtalis (anasarque) : –/–
α° thal homozygote : aucun des 4 gènes n’est fonctionnel (incompatible avec la vie extra-utérine).
Surtout observée en Asie du SE, où le gène « — » est fréquent. Exceptionnelle en France.
Cliniquement : tableau d’anasarque fœto-placentaire avec mort in utero (MIU) ou très rapidement après la naissance (hépatosplénomégalie, œdème généralisé, insuffisance cardiaque).
Le fœtus ne peut produire ni HbF ni HbA, et l’Hb Bart’s γ4 ne fixe pas l’O2, ce qui explique l’incompatibilité avec la vie extra-utérine.
3. Alpha-thalassémie intermédiaire (ou hémoglobinose H) :
Trois gènes α sont délétés : — / -α
Fréquente en Asie du SE, un peu moins au Moyen Orient et rare en Afrique.
La synthèse de chaînes α est diminuée de 40 – 80 %.
La synthèse excessive de chaîne β entraîne la formation de complexes β4 (= Hb H) peu stables qui précipitent dans les GR.
1) Diagnostic clinique :
Tableau d’anémie dès la naissance, de type hémolytique (ictère).
Splénomégalie chez 75 % des patients, hépatomégalie plus rare.
Ictère dans 1/3 des cas.
Evolution clinique très variable : quelques patients seulement sont dépendants des transfusions ; la plupart ont un développement et une croissance normales sans transfusions. Il faut surveiller le risque infectieux et l’utilisation de médicaments oxydants qui peuvent amplifier l’anémie, et provoquer des crises hémolytiques.
La grossesse majore l’anémie.
2) Biologie :
– Hémogramme :
90 % des patients : anémie d’importance moyenne (Hb = 8 – 11 g /dl).
10 % des patients : anémie très sévère (Hb = 6 – 8 g/dl)
L’anémie est microcytaire (VGM = 55 – 65 fL) et hypochrome (CCMH = 28 – 31 g/dl)
Nb de réticulocytes : augmenté jusqu’à 200 G/L.
– Sur frottis : hypochromie, nombreuses hématies en cible, anisopoïkilocytose.
– Electrophorèse de l’Hb :
Adulte : HbA1 = 50 – 70 % HbA2 diminuée ; HbH (β4) = 5 – 30 %.
4. Alpha-thalassémie mineure ou de type 1 :
Deux gènes α sont délétés : -α / -α ou — / αα
Deux gènes α sont perdus : α0 thal hétérozygote (–/αα), ou α+ thal homozygote (-α/-α) (hémogramme identique dans les 2 cas).
Chez ces patients on estime que la synthèse de chaînes α est diminuée de 20 – 25 %.
1) Diagnostic clinique :
Cliniquement asymptomatique, souvent découverte à un hémogramme de routine.
2) Biologie :
– Hémogramme :
Hémoglobine = normale ou peu diminuée.
Microcytose VGM = 55 – 65 fL.
Souvent : aspect de pseudopolyglobulie microcytaire un peu hypochrome (idem β thal hétérozygote).
Sur frottis : quelques hématies cibles, pas ou peu d’anisopoïkilocytose.
– Electrophorèse de l’Hb :
Normale chez l’adulte (quelquefois diminution de A2 : < 2 %, et HbF normale)
Diagnostic de certitude : soit sur les antécédents familiaux, soit par biologie moléculaire.
5. Alpha-thalassémie silencieuse ou de type 2 :
Perte d’un seul gène α : -α / αα
Chez ces patients on estime que la synthèse de chaînes α est diminuée de 10 -15 %.
Il s’agit de porteurs silencieux, totalement asymptomatiques sur le plan clinique.
Biologiquement : hémogramme normal (parfois discrète microcytose).
Electrophorèse de l’hémoglobine normale chez l’adulte.




